République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 31/03/2016
***
N° de MINUTE : 16/
N° RG : 15/02278
Jugement (N° 13/01078)
rendu le 07 Avril 2015
par le Tribunal de Grande Instance d'AVESNES SUR HELPE
REF : PF/KH
APPELANTE
SARL SOVAL
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI
Assistée de Me GUILLEMIN Jacques avocat au barreau de Paris
INTIMÉS
Maître [C] [E] agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SARL RAMAJE
demeurant [Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI
Assisté de Me Jean-François TESSLER, avocat au barreau de PARIS
SARL RAMAJE
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 3]
Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI
Assistée de Me Jean-François TESSLER, avocat au barreau de PARIS
SELARL [M] ET [L] agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société RAMAJE
ayant son siège social [Adresse 4]
[Localité 4]
Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI
Assistée de Me Jean-François TESSLER, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Pascale FONTAINE, Président de chambre
Stéphanie ANDRE, Conseiller
Nadia CORDIER, Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maryse ZANDECKI
DÉBATS à l'audience publique du 28 Janvier 2016 après rapport oral de l'affaire par Pascale FONTAINE
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2016 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pascale FONTAINE, Président, et Maryse ZANDECKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 janvier 2016
***
FAITS ET PROCEDURE
Par acte notarié du 12 février 2001, la société Soval a consenti à la société Ramaje, exploitant un supermarché à [Localité 3], un bail commercial dont une clause intitulée 'destination des lieux loués' imposait au preneur d'exploiter impérativement un commerce d'alimentation générale de type supermarché, sous l'enseigne 'Shopi'.
Le 24 septembre 2010, le bail a fait l'objet d'un renouvellement pour une nouvelle durée de neuf années à compter du 12 février 2010.
Les 1er mars 2004 puis 25 février 2008, la société Ramaje a régularisé un contrat d'approvisionnement avec la société CSF France (filiale du 'groupe Carrefour') et un contrat de franchise 'Shopi Concept 2000" (lequel succédait à un précédent contrat de franchise ayant uni les parties de 2001 à 2008) avec une autre filiale, la société Prodim, devenue Carrefour proximité France, pour une durée de 7 ans.
Invoquant des pertes financières et la décision du groupe Carrefour d'abandonner le concept Shopi, ainsi que l'absence de solution alternative économiquement viable proposée par le groupe, la société Ramaje a, par lettre du 30 mai 2011, dénoncé ses contrats de franchise et d'approvisionnement, à effet au 1er janvier 2012.
Carrefour proximité France ayant contesté cette décision, le tribunal arbitral saisi a, le 21 janvier 2013, prononcé la résiliation du contrat de franchise.
Compte tenu de l'interdépendance entre les deux conventions, une seconde sentence arbitrale, du 25 juillet 2014, a considéré que le contrat d'approvisionnement était devenu caduc à la date de la résiliation du contrat de franchise, le 21 janvier 2013.
Par acte d'huissier du 27 mars 2013, la Soval a fait délivrer à la société Ramaje un commandement visant la clause résolutoire du bail, en invoquant la violation de la clause de destination des lieux loués.
Le 3 mai 2013, Ramaje a fait assigner la Soval devant le tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe pour contester la validité de ce commandement et l'application de la clause résolutoire invoquée par le bailleur.
Ayant déclaré son état de cessation des paiements le 30 avril 2013, la société Ramaje a été placée en redressement judiciaire par un jugement du 6 mai 2013.
Le 3 novembre 2014, le tribunal de commerce de Valenciennes a homologué un plan de redressement par continuation, prévoyant le remboursement des créanciers sur dix ans.
Par un jugement du 7 avril 2015, le tribunal de grande instance d' Avesnes-sur-Helpe a, notamment :
- constaté que la clause 'conditions particulières - clause résolutoire' du bail du 12 février 2001 doit être réputée non écrite, en application de l'article L. 145-15 du code de commerce ;
- prononcé pour défaut de fondement contractuel l'annulation du commandement d'avoir à exécuter la clause d'enseigne, délivré par la Soval ;
- dit que la délivrance de ce commandement constituait une faute contractuelle de la part de la Soval ;
- condamné la Soval à payer à la société Ramaje la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de cette faute ;
- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;
- condamné la Soval à payer à la Ramaje, Me [L] ès qualités et Me [E], ès qualités, la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Soval a fait appel le 15 avril 2015.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions récapitulatives signifiées par voie électronique le 18 janvier 2016, la SOVAL demande à la cour de :
' infirmer le jugement,
' statuant à nouveau,
' déclarer la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises inapplicable aux procédures en cours et donc inapplicable en l'espèce,
' déclarer prescrite l'action en contestation de la validité de la clause d'enseigne insérée au bail commercial consenti par acte notarié du 12 février 2001,
' constater que la société Ramaje a délibérément violé cette clause d'enseigne en décidant unilatéralement de descendre l'enseigne Shopi du fronton de son supermarché situé à [Adresse 3], en la remplaçant par une enseigne Coccinelle,
' valider en conséquence le commandement d'exécuter visant la clause résolutoire du 27 mars 2013,
' déclarer acquise à la Soval la clause résolutoire insérée au bail,
' ordonner l'expulsion de la société Ramaje,
' ordonner la mise sous séquestre des meubles et marchandises entreposés dans les lieux, dans le garde meubles choisi par elle, aux frais de la société Ramaje,
' condamner la société Ramaje au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle hors taxes et hors charges de 13 293 euros à compter du 6 mai 2013, jusqu'à son expulsion des lieux,
' la condamner au paiement de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par des conclusions récapitulatives signifiées par voie électronique le 7 janvier 2016, la société Ramaje, Me [E] ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure collective de la société, la SELARL [M]-[L], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société, demandent à la cour de :
' déclarer la Soval 'irrecevable et mal fondée' en son appel,
' confirmer le jugement en toutes ses dispositions, 'sauf en ce qui s'y trouve ajouté ci-après' :
' y ajoutant :
' les déclarer tous trois recevables et bien fondés en leur opposition au commandement du 27 mars 2013,
' dire et juger non écrite et de nul effet la clause du bail intitulée 'destination des lieux loués' visant l'enseigne 'Shopi',
' déclare non prescrite l'action en contestation de la clause résolutoire insérée au bail du 12 février 2001,
' constater subsidiairement la caducité de cette clause,
' de surcroît,
' dire que la Soval a de mauvaise foi mis en oeuvre la clause résolutoire,
' en conséquence,
' déclarer nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire notifié le 27 mars 2013,
' en tout état de cause,
' dire cette clause nulle sur le fondement de la liberté contractuelle et de la liberté de la concurrence,
' débouter la Soval de toutes ses demandes,
' en outre,
' condamner la Soval à payer à la société Ramaje la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts au regard du caractère abusif de son action en résolution du bail,
' ordonner l' exécution provisoire de la décision à intervenir,
' condamner la Soval à leur payer 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
-1- Le commandement du 27 mars 2013 vise la clause résolutoire du bail du 12 février 2001 et le non-respect de la clause dite de destination des lieux.
La première (page 12 du contrat) est ainsi rédigée :
'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer à son échéance ou d'exécution d'une seule des conditions du présent bail, et un mois après un simple commandement ou une sommation d'exécution faite à personne ou à domicile élu, contenant mention de la présente clause et mentionnant ce délai, resté sans effet, le présent bail sera résilié de plein droit, si bon semble au bailleur (...)'.
La seconde (page 4) est la suivante :
'les locaux devront exclusivement être consacrés par le preneur à l'exploitation de son commerce d'alimentation générale du type supermarché, sous enseigne 'Shopi', que le preneur s'engage à maintenir pendant toute la durée du bail et de ses renouvellements successifs.
Ils ne pourront être utilisés, même temporairement, à un autre usage et il ne pourra y être exercé aucun autre commerce qu celui sus-indiqué.
L'activité ci-dessus indiquée devra être exercée de manière permanente.(...)'.
Ces deux textes sont reproduits dans le commandement, tout comme celui des articles L. 145-17 et L. 145-41 du code de commerce.
L'acte a été déposé à l'étude de l'huissier, l'employée de caisse présente ayant refusé de le prendre.
- 2 - Ainsi que le rappelle la société Ramaje, les deux sentences arbitrales qu'elle invoque, auxquelles la Soval n'était pas partie, ont, certes, une autorité relative de chose jugée, mais n'en sont pas moins opposables aux tiers, donc à l'appelante.
D'ailleurs, la Soval elle-même s'y réfère, sans aucunement soulever une quelconque inopposabilité à son égard.
- 3 - Les points essentiels de la décision prise le 21 janvier 2013 par le tribunal arbitral, dans le litige opposant Carrefour proximité France (Carrefour), anciennement dénommée Prodim, à Ramaje, sont les suivants :
- la demande de Carrefour que soit déclaré irrecevable le motif de résiliation du contrat de franchise, avancé par Ramaje, consistant dans un manquement de Carrefour à son obligation d'assister Ramaje, est rejetée ;
- la demande de Carrefour d'ordonner sous astreinte la poursuite, jusqu'à son terme, de l'exécution du contrat de franchise du 25 février 2008, est rejetée ;
- le contrat de franchise conclu le 25 février 2008 entre les sociétés Carrefour et Ramaje est résilié à la date de la présente sentence ;
- la demande de Carrefour de condamnation de Ramaje à lui payer une indemnité destinée à compenser la perte de cotisations de franchise jusqu'au terme convenu du contrat est rejetée ;
- la demande de Carrefour d'ordonner sous astreinte à Ramaje de respecter jusqu'au 25 février 2015 la clause de non-réaffiliation, à défaut, d'indemniser Carrefour à hauteur de 160 000 euros minimum, est rejetée ;
- la demande de Ramaje de condamner Carrefour à l'indemniser du préjudice que lui cause la rupture du contrat et l'abandon du réseau 'Shopi' est rejetée.
Des constatations et analyses faites par le tribunal arbitral et ayant justifié cette sentence, il ressort que Carrefour a engagé un processus d'extinction du réseau de franchise établi à partir de l'enseigne 'Shopi' ; que les données chiffrées présentées par Ramaje, non contestées par Carrefour, confirmaient que 'ce processus se développait dans une dynamique qui signifiait qu'à une échéance de quelques dizaines de mois ce réseau aura disparu' ; qu'au moment où le tribunal arbitral a statué, le réseau et l'enseigne n'avaient pas disparu, seul s'observait un mouvement de réduction permettant d'augurer une disparition dont, au demeurant, 'Carrefour n'avait à aucun moment contesté l'inéluctable et relativement proche avènement' ;qu'en 'complétant d'une appréciation en équité l'appréciation en droit du processus d'extinction du réseau et de l'enseigne 'Shopi' engagé par Carrefour', le tribunal a 'considéré que cette décision plaçait Ramaje dans une situation qui lui causerait un préjudice de plus en plus excessif s'il était fait droit à la demande de Carrefour d'ordonner la poursuite du contrat de franchise jusqu'à son terme' ; que, 's'il en était ainsi, Ramaje devrait, en effet, assister à la poursuite du délitement de l'enseigne et du réseau sans pouvoir engager au plus vite une reconversion d'enseigne alors que, compte tenu des données fondamentales de l'économie de la distribution, une telle reconversion est indispensable à la survie de son fonds de commerce' ; que 'la décision d'extinction de l'enseigne et du réseau trouve une jute et équitable réponse dans la possibilité pour Ramaje d'être déliée dès à présent du contrat'.
- 4 - Par la décision prise le 25 juillet 2014, dans le litige opposant la société Ramaje à la société CSF, le tribunal arbitral a notamment :
- dit que le contrat d'approvisionnement litigieux était lié dans l'esprit des parties par une interdépendance avec le contrat de franchise conclu le même jour entre Ramaje et Carrefour ;
- constaté en conséquence que la résiliation dudit contrat de franchise à la date du 21 janvier 2013 avait entraîné la caducité à la même date du contrat d'approvisionnement litigieux.
[Cette décision serait l'objet d'un recours en annulation, pendant devant la cour d'appel de Paris, le tribunal ayant accordé des intérêts à la CSF sur une somme qui figurerait au passif déclaré et se trouverait intégrée dans le plan, sans intérêt (pièce n°19, conclusions de Ramaje dans le litige l'opposant à la société Selima et soumis au tribunal de commerce de Valenciennes)].
- 5 - C'est de manière pertinente que la Soval fait valoir que les dispositions de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014, dite loi Pinel, qui n'est pas une loi de procédure, ne sont pas applicables au présent litige, l'action ayant été introduite avant son entrée en vigueur. En conséquence, il n'y a pas lieu de rechercher si la clause est de nature à être réputée non écrite en application de cette loi.
- 6 - L'action en nullité d'une clause d'un bail commercial, fondée sur les dispositions du statut des baux commerciaux, est soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce et doit être engagée dans les deux ans de la date du contrat initial ou renouvelé.
En conséquence, la demande formée en ce sens par la société Ramaje à l'occasion de la présente procédure, introduite par une assignation du 3 mai 2013 et donc diligentée plus de deux ans après le bail renouvelé du 1er octobre 2010, est prescrite.
- 7 - Cette prescription (au demeurant non invoquée par la Soval) ne joue pas pour le moyen tiré de la caducité ou du défaut d'objet de la clause, qui ne résulte pas du statut des baux commerciaux mais de l'application du droit commun des contrats.
- 8 - La société Ramaje soutient que, par l'effet des sentences arbitrales des 21 janvier 2013 et 25 juillet 2014 et des résiliation des contrats de franchise et d'approvisionnement, la clause litigieuse est 'devenue sans objet et donc caduque' à la date de délivrance du commandement, soit le 27 mars 2013.
Toutefois, si elle était établie, l'indivisibilité des trois contrats telle qu'évoquée par la société Ramaje aurait pour effet, soit la résiliation du bail comme conséquence de celle du contrat de franchise, soit la nullité de la clause - que Ramaje n'est plus en droit de solliciter par l'effet de la prescription - mais pas la seule 'caducité' de la clause litigieuse, ce qui, à suivre l'argumentation de la société Ramaje, aurait pour effet de 'libérer' le preneur et de lui permettre d'imposer au bailleur toute destination des lieux.
En outre, force est de constater, d'une part, que l'objet de cette clause était l'exploitation du supermarché sous l'enseigne 'Shopi' - et non pas l'exploitation avec comme condition le contrat de franchise -, d'autre part, qu'à la date de délivrance du commandement cette enseigne existait toujours [la Soval verse même aux débats divers justificatifs attestant qu'elle était encore exploitée sur le territoire français en décembre 2014 et la sentence arbitrale du 21 janvier 2013 visait d'ailleurs, non pas une disparition certaine dans les semaines suivantes, mais une 'déliquescence' et une extinction programmée du réseau, à moyen terme ('quelques dizaines de mois')].
- 9 - La société intimée conclut ensuite à la 'caducité de la clause d'enseigne au regard de la disparition du réseau Shopi', en expliquant que 'la disparition de l'enseigne l'a mise dans l'impossibilité matérielle de remplir la condition posée par ce texte'.
Mais, ainsi que cela vient d'être indiqué, cette disparition et cette impossibilité matérielle sont affirmées par la société intimée mais démenties par les faits, ainsi qu'en attestent les justificatifs précités (pièces n°9 à 18 de la Soval).
La société Ramaje soutient encore que 'toute autre interprétation aboutirait à constater le caractère léonin voire potestatif de la clause, dès lors qu'il serait au pouvoir du groupe Carrefour auquel la Soval est affiliée à 100%, ou de son dirigeant, d'actionner la clause en cessant d'exploiter l'enseigne'.
Or, force est de constater que, tout au long de ses conclusions, la société Ramaje ne cesse d'invoquer cette affiliation et l'appartenance de la Soval au 'groupe Carrefour', sans jamais produire aucune pièce à l'appui de ces affirmations - comme si ce fait était de notoriété publique et que cela la dispenserait de fournir la moindre preuve.
- 10 - Ramaje soulève ensuite la nullité du commandement résultant de la mauvaise foi du bailleur dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire, invoquant à cette fin la jurisprudence, constante, rendue au visa de l'article 1134 du code civil.
Cependant :
' il est acquis qu'à la date de cet acte extra-judiciaire l'enseigne 'Shopi' avait été enlevée des locaux : un constat d'huissier, dénoncé à l'occasion de ce commandement 'd'exécuter visant la clause résolutoire' établit, au huit février 2013, l'enlèvement de la grande et de la petite enseigne (dont la présence avait été constatée les 28 et trente janvier 2013), seuls restant sur place les piquets et armatures, ainsi que le camouflage de l'enseigne (masquée par une toile verte) située sur la toiture au-dessus de l'entrée du magasin ;
' ces constatations matérielles ne sont pas contestées par le preneur ;
' la Soval n'était pas partie à la sentence arbitrale du 21 janvier 2013 ;
' l'appartenance du bailleur 'au groupe Carrefour' et la nécessaire connaissance par lui de la résiliation intervenue le 21 janvier 2013 sont affirmées et ne sont étayées ni par une démonstration rigoureuse ni par des pièces, les écritures étant rédigées de telle sorte qu'à l'évidence, pour l'intimée, la cour devait prendre pour acquises ces circonstances ;
' le fait que le premier déplacement sur le site de l'huissier ait eu lieu le 28 janvier 2013, soit juste une semaine après la première décision arbitrale ne saurait être à cet égard significatif, dès lors qu'un bailleur attentif peut légitimement être informé d'un tel événement, survenant publiquement, et aussitôt réagir ;
' il n'est pas sérieusement démontré que l'impossibilité d'exécuter l'obligation d'exploiter les lieux sous l'enseigne 'Shopi' soit due au comportement du bailleur ;
' au demeurant, il doit être souligné que le preneur n'a pas informé le bailleur de cette résiliation, dont l'impact sur le bail n'était pas négligeable, ni ne lui a demandé, par exemple, une déspécialisation partielle de la destination des lieux (ce n'est en tout cas ni allégué ni a fortiori justifié) ;
' il peut aussi être rappelé (comme le fait Ramaje elle-même en page 19 de ses écritures, à l'occasion de son exposé sur ce moyen) que celle-ci avait 'dénoncé' le contrat de franchise en mai 2011, soit moins de huit mois après le renouvellement du bail, sans en tirer aucune conséquence à l'égard de celui-ci ;
' la cour retient aussi que Ramaje a fait établir, le 21 mars 2011, un constat d'huissier, au Salon de la Franchise, à [Localité 5], pour établir l'abandon programmé de 'Shopi concept 2000" (M. [G], représentant du groupe Carrefour présent sur place, précisant aussi que le groupe ne faisait plus que la promotion de 'Shopi', que les nouveaux franchisés avaient le choix entre Carrefour contact, Carrefour city et Carrefour montagne, et que, par exception, l'acquéreur d'un magasin Shopi pouvait conserver ladite enseigne), sans non plus réfléchir au sort de son bail et agir alors en conséquence ;
' la cour s'étonne que la société Ramaje puisse considérer 'particulièrement caractérisée la mauvaise foi de la Soval à vouloir faire exécuter, et à défaut voir résilier un contrat de bail au regard d'une obligation de maintien d'une enseigne abandonnée et ce du fait de la propre stratégie de son groupe', alors que, comme cela a été précédemment indiqué, d'une part, l'enseigne n'était pas encore abandonnée (et sa disparition n'était pas acquise avec certitude à court terme), d'autre part, la seule production de l'extrait K-bis de la société bailleresse n'établit pas les liens allégués ;
' Ramaje soutient ensuite que 'la Soval fait l'aveu de sa mauvaise foi lorsqu'elle indique dans ses conclusions qu'elle n'ignore rien de la jurisprudence relative à la nullité ou la caducité de la clause d'enseigne, notamment au regard des dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux', alors, d'abord, qu'une telle explication dans des conclusions déposées devant la cour ne saurait constituer une quelconque reconnaissance de sa mauvaise foi à l'époque du commandement, ensuite, que le preneur avait lui-même la faculté de faire jouer ces mêmes principes et jurisprudence en sollicitant en temps utile cette nullité.
Cette demande sera, elle aussi, écartée.
- 11 - La société intimée excipe ensuite de 'la violation de la liberté contractuelle et de la liberté de la concurrence' pour conclure à la nullité de la clause d'enseigne - en visant un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation dont la problématique est étrangère à la question posée en l'espèce.
À cet égard, la cour considère que les affirmations formulées de manière générale, sans démonstration rigoureuse ni pièce probante à l'appui, ne suffisent pas pour la mettre en mesure d'apprécier ces prétendues violations et qu'il ne lui incombe pas, sauf à se substituer au conseil de la partie intéressée, de se contenter d'une pétition de principe pour ensuite élaborer d'elle-même un raisonnement.
- 12 - Ainsi, les différents moyens de la société Ramaje étant écartés, l'enlèvement des enseignes 'Shopi' à la date du commandement étant établi et non contesté, leur remise en place dans le mois de cet acte n'étant pas alléguée, le non-respect de l'obligation d'exploiter les lieux étant caractérisé et non démenti, le jugement sera réformé, la clause résolutoire du bail sera déclarée acquise et le départ des lieux de l'occupant sera ordonné.
- 13 - La demande tendant à la mise sous séquestre des meubles et marchandises entreposés dans les lieux - qui n'est ni expliquée par la Soval dans ses écritures ni justifiée - sera rejetée.
La société Ramaje sera condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer exigible (selon les modalités précisées dans le dispositif), à compter du 27 avril 2013 et jusqu'à la libération des lieux.
La teneur de la décision justifie le rejet de la demande de dommages et intérêts pour action abusive présentée par les intimés à l'encontre de la société appelante.
La nature du litige, les circonstances de la cause rendent équitable le rejet de la demande de la Soval fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
REFORME le jugement,
STATUANT à nouveau,
DEBOUTE la société Ramaje de ses demandes,
CONSTATE l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 27 avril 2013,
ORDONNE, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les TROIS MOIS de la signification du présent arrêt, l'expulsion de la société Ramaje et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 3], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,
FIXE l'indemnité d'occupation due par la société Ramaje, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires,
DEBOUTE la SOVAL de sa demande tendant à mettre sous séquestre les meubles et marchandises,
REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Ramaje aux dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile par Me Isabelle Carlier, avocat.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
M. ZANDECKIP. FONTAINE