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17/12/2015 | FRANCE | N°15/04083

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 17 décembre 2015, 15/04083


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 17/12/2015



***



N° de MINUTE : 15/

N° RG : 15/04083



Ordonnance (N° 15/02560)

rendue le 29 Juin 2015

par le Président du Tribunal de Commerce de BOULOGNE SUR MER



REF : CP/KH





APPELANTES



Société GROUPE EUROTUNNEL Société européenne, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qual

ité audit siège

ayant son siège social [Adresse 5]

[Adresse 5]



Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Hervé PISANI et Me Maurice LANTOURNE, avocats...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 17/12/2015

***

N° de MINUTE : 15/

N° RG : 15/04083

Ordonnance (N° 15/02560)

rendue le 29 Juin 2015

par le Président du Tribunal de Commerce de BOULOGNE SUR MER

REF : CP/KH

APPELANTES

Société GROUPE EUROTUNNEL Société européenne, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Hervé PISANI et Me Maurice LANTOURNE, avocats au barreau de PARIS

SAS MYFERRYLINK Société par actions simplifiée à associé unique, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité au dit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Hervé PISANI et Me Maurice LANTOURNE, avocats au barreau de PARIS

SAS EURO-TRANSMANCHE Société par actions simplifiée à associé unique, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Hervé PISANI et Me Maurice LANTOURNE, avocats au barreau de PARIS

SAS EURO-TRANSMANCHE 3BE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Hervé PISANI et Me Maurice LANTOURNE, avocats au barreau de PARIS

SAS EURO-TRANSMANCHE 3NPC Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Hervé PISANI et Me Maurice LANTOURNE, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉS

Maître [K] [P] ès qualités de liquidateur de la Société SCOP SEAFRANCE

INTERVENANT VOLONTAIRE

demeurant [Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Antoine DIESBECQ, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Julie MOLINIE, collaboratrice

Maître [Y] [S] ès qualités d'ancien administrateur judiciaire de la Société SCOP SEAFRANCE

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Antoine DIESBECQ, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Julie MOLINIE, collaboratrice

SCOP SCOP SEAFRANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Antoine DIESBECQ, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Julie MOLINIE, collaboratrice

SELARL FHB Prise en la personne de Maître [W] [L] ès qualités d'administrateur judiciaire de la Société SCOP SEAFRANCE

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Antoine DIESBECQ, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Julie MOLINIE, collaboratrice

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Christine PARENTY, Président de chambre

Sandrine DELATTRE, Conseiller

Philippe BRUNEL, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

DÉBATS à l'audience publique du 24 Septembre 2015 après rapport oral de l'affaire par Christine PARENTY

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2015 après prorogation du délibéré initialement prévu le 26 novembre 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu l'ordonnance de référé contradictoire du 29 juin 2015 du Tribunal de Commerce de Boulogne sur mer ayant dit n'y avoir lieu à ordonner la suspension des effets des résiliations des contrats d'affrètement coque nue conclus entre la SCOP Seafrance et les sociétés Eurotransmanche, Eurotransmanche 3BE, et Eurotransmanche 3 NPC et du contrat de sous affrètement et de commercialisation conclu entre la scop Seafrance et la société Myferrylink, ordonné aux sociétés Groupe Eurotunnel, My Ferrylink, Eurotransmanche , Eurotransmanche 3BE, Eurotransmanche 3 NPC d'avoir à communiquer aux co- administrateurs de la scop Seafrance sous astreinte de 30 000€ par jour à compter d'un délai de 24 h suivant la signification de l'ordonnance: des contrats d'affrètement, sous affrètement et /ou de prestations de services, régularisés au titre des navires Rodin et Berlioz devant prendre effet à compter du 2 juillet 2015, ainsi que de leurs éventuels avenants ou annexes; des promesses ou offres d'achat subséquentes des dits navires reçues par les entités du groupe Eurotunnel, dit n'y avoir lieu à application de 700 du code de procédure civile, condamné la Scop Seafrance à payer 500€ à DFDS Seaways sas sur la base de l'article 700 du code de procédure civile;

Vu l'appel interjeté le 7 juillet 2005 par les sociétés Groupe Eurotunnel, My Ferrylink, Eurotransmanche , Eurotransmanche 3BE, Eurotransmanche 3 NPC ;

Vu les conclusions déposées le 22 septembre 2015 pour les sociétés Groupe Eurotunnel, My Ferrylink, Eurotransmanche , Eurotransmanche 3BE, Eurotransmanche 3 NPC ;

Vu les conclusions déposées le 7 septembre 2015 pour la société la Scop Seafrance, la selarl FHB, administrateur judiciaire, Maître [Y] [S], administrateur judiciaire;

Vu les conclusions d'intervention volontaire du 20 août 2015 de Maître [P] es qualité de liquidateur judiciaire de la Scop Seafrance;

Les sociétés appelantes ont interjeté appel aux fins d'infirmation partielle de l'ordonnance sur la communication de pièces, et de voir constater que la demande formulée au visa de l'article 145 du code de procédure civile est irrecevable parce que nouvelle en appel; à titre subsidiaire, elles font valoir que les conditions de l'application de cet article ne sont pas réunies, que l'astreinte n'est pas justifiée au regard de leur comportement; à titre infiniment subsidiaire, elles demandent la réduction de l'astreinte avec rétroactivité; elles réclament 5000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés sollicitent la mise hors de cause de la selarl FHB et de Maître [S] dont les fonctions ont cessé, le rejet des demandes, la confirmation de l'ordonnance au besoin par substitution de motifs au visa de l'article 145 du code de procédure civile et réclament 10 000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 16 novembre 2011, le Tribunal de Commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Seafrance; le 11 juin 2012, le juge commissaire a autorisé la cession de gré à gré de trois navires pour un prix de 61,4 millions d'euros et de divers actifs au groupe Eurotunnel, dont l'offre portait sur les trois navires et était la mieux disante; le groupe indique qu'il avait fait choix de relancer l'activité de la scop en lui donnant les navires en location en coque nue, la Scop assurant l'exploitation maritime, les traversées étant assurées par la société Myferrylink, filiale détenue indirectement par Eurotunnel. Trois contrats d'affrètement étaient conclus le 29 juin 2012 pour trois ans renouvelables sauf dénonciation, outre un contrat de sous affrètement entre la Scop et Myferrylink et un contrat d'agent.

En juin 2014, la CMA, autorité britannique de la concurrence, a décidé que cette acquisition était anti concurrentielle et a interdit la circulation des navires au départ de [Localité 2], décision confirmée en appel. De ce fait en janvier 2015, la groupe Eurotunnel décidait de se séparer de son activité maritime et cherchait un repreneur pour Myferrylink, mandatant un cabinet pour recevoir les offres dans le respect de l'inaliénabilité provisoire décidée par le Tribunal de Commerce de Paris, devant s'achever en juin 2017.

Le 2 juillet 2015, le groupe Eurotunnel a retenu l'offre de DFDS et lui a loué les deux navires Berlioz et Le Rodin, DFDS consentant aux sociétés Eurotransmanche une option de vente. Celles-ci ont notifié à la scop Seafrance la fin des relations contractuelles, de même que la sas Myferrylink le 27 mai 2015.

Le 10 avril 2015, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la Scop Seafrance, convertie le 11 juin 2015 en redressement judiciaire, le Tribunal de Commerce ayant pris acte de l'arrivée à échéance des contrats d'affrètement au 1 juillet 2015. Deux offres de reprises ont été déposées en juin 2015, une de P&O Ferries mais soumise à la reprise des contrats d'affrètement, et une de DFDS s'engageant à reprendre 202 salariés. Le 30 juin 2015, par voie de presse, les administrateurs judiciaires ont indiqué qu'ils avaient pris la décision de demander la conversion en liquidation judiciaire, l'activité de la Scop cessant au 1 juillet 2015. Le 31 juillet 2015, est intervenue la liquidation judiciaire et un protocole de sortie de crise a été signé le 31 août 2015 comportant des engagements à la charge des parties.

Les sociétés appelantes font valoir que la sommation de communiquer à laquelle il a été fait droit ne repose sur aucun fondement juridique, que l'article 873 du code de procédure civile est inapplicable, faute d'une urgence ou d'un dommage imminent, que les juges s'étant substitués aux administrateurs lui ont trouvé un fondement en se référant à l'article 145 du code de procédure civile, les conditions d'application de cet article n'étant pas davantage remplies. Par ailleurs, elles s'opposent à la confirmation par substitution de motifs, la demande formulée par le liquidateur sur la base de l'article 145 du code de procédure civile étant une demande nouvelle en appel donc irrecevable, au regard de l'autonomie de cet article. Elles critiquent le fait que le juge a estimé que les demandeurs devaient disposer de l'ensemble des informations nécessaires à l'instruction d'une solution conforme aux dispositions du livre VI du code de commerce, la demande étant au surplus justifiée au regard du danger que représente pour la Scop le non renouvellement des contrats, des mesures sociales induites que vont devoir prendre les co-administrateurs, de l'information la plus large dont ils doivent disposer pour rechercher toutes les solutions visant à la sauvegarde des intérêts de la Scop et des emplois qui s'y trouvent attachés, que faisant fi du secret des affaires, le juge a ordonné la communication de documents confidentiels dont la publication causerait de manière disproportionnée et injustifiée préjudice à la société DFDS.

Elles estiment qu'au 1 juillet 2015, la Scop n'avait plus aucun titre sur les navires, leur sort étant lié et les contrats postérieurs sans impact pour les administrateurs judiciaires qui n'avaient plus aucun pouvoir à l'égard du sort de ces navires, que le prix et les conditions de ces contrats doivent rester secrets, leur révélation étant contraire au droit de la concurrence, qu'il n'existe aucun motif légitime, pertinent, utile, proportionné, ou un risque de dépérissement de preuves, pas plus qu'il n'existe un litige plausible et crédible, les administrateurs n'ayant pas justifié leur demande par une quelconque action future, que les motifs retenus par le juge ne justifient pas cette mesure; elle soulignent que l'absence de renouvellement des contrats relève de la décision des propriétaires de navires et pas des nouveaux contrats conclus avec DFDS, que les mesures sociales n'en dépendent pas non plus, non plus que leur communication ne favoriserait la recherche de solutions de sauvegarde des intérêts de la scop, d'autant que l'activité a cessé, que seuls les salariés auraient qualité pour demander le transfert de leurs contrats de travail et seulement à l'égard de DFDS, et pas le liquidateur, alors et surtout que le protocole de sortie de crise du 31 juillet 2015 n'évoque pas ce transfert et que les représentants des salariés se sont désistés de leur instance engagée devant le Tribunal de Commerce de Paris en annulation des contrats DFDS.

Elles ajoutent qu'elles ont communiqué des notes explicatives décrivant le principal des dispositions des contrats conclus avec DFDS, puis le 15 juillet 2015 l'intégralité des contrats à Maître [N], administrateur judiciaire de Seafrance, que l'astreinte n'est pas justifiée, et notamment pas son montant excessif, que le liquidateur ne démontre en rien un comportement fautif de la part d' Eurotunnel.

La Scop Seafrance souligne que l'offre de reprise des actifs du groupe Eurotunnel s'inscrivait dans un projet de partenariat avec la Scop à visée de reprise des salariés, présenté pour une durée de six ans, courant en conséquence jusqu'en 2017, l'ordonnance du juge commissaire du 11 juin 2012 intégrant cet aspect, en précisant que' au regard des engagements pris en matière sociale, le groupe Eurotunnel devrait rendre compte de la situation sociale, du niveau d'embauche et des conditions d'exploitation tous les six mois pendant deux années', le cessionnaire devant faire son affaire personnelle de la reprise éventuelle du personnel licencié par la liquidation judiciaire; elle ajoute qu'en raison de la clause d'inaliénabilité, la cession ne pouvait intervenir avant juin 2017, qu'un conflit est né en son sein opposant le conseil de surveillance et le directoire, dont la révocation a été évoquée de nature à remettre en question les contrats d'affrètement conclus intuitu personae et à provoquer l'arrêt d'exploitation, de sorte qu' une demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde a été déposée, que les contrats d'affrètement ont cependant été résiliés avec effet au 1 juillet 2015, qu'elle a tenté de sauver les emplois, les administrateurs engageant un processus de nature à permettre de parvenir à la cession totale ou partielle de l'entreprise avec les emplois attachés;

Elle estime que la demande était justifiée au regard du dommage imminent, que le juge l'a pris en considération au vu des conséquences du refus opposé par Eurotunnel de proroger les effets des contrats d'affrètement conclus avec elle et de l'aspect salarial, la seule solution pour préserver les emplois étant alors d'arrêter un plan de cession au profit d'Eurotunnel ou de DFDS, ou d'appliquer l'article L1224-1 du code du travail puisqu'un contrat était conclu avec DFDS pour assurer l'exploitation des navires Le Rodin et Berlioz, cette solution imposant la communication des contrats conclus aux fins de transfert des contrats de travail; elle souligne que le refus d' Eurotunnel d'associer les organes de la procédure Seafrance a eu pour effet de créer une impossibilité de présenter un plan et le licenciement de tous les salariés. Elle en conclut que la mesure s'imposait au regard de l'article 873 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le juge peut rechercher la règle de droit appropriée, que l'article 145 du code de procédure civile est également applicable puisque l'intérêt légitime existe, que plusieurs litiges sont plausibles et crédibles tant en matière de responsabilité que de transfert de contrats de travail, qu'une assignation a été délivrée, que les engagements à long terme du groupe Eurotunnel sont indivisibles de la cession des navires au prix proposé, prix dont la faiblesse a été soulignée dans l'ordonnance autorisant l'opération, que la recherche d'une solution de redressement judiciaire par voie de cession est indissociable du sort des navires, que la rupture des relations commerciales n'a eu pour but que de contourner l'interdiction qui avait été faite au groupe Eurotunnel de céder les navires dans un délai de 5 ans, que la résiliation intervenue constitue pour les salariés des modifications dans la situation juridique de l'employeur relevant de l'article L 1224-1 du code du travail, que les organes de la procédure avaient donc un intérêt légitime à la communication des contrats passés avec DFDS avec effet au 2 juillet 2015.

La Scop rappelle que le secret des affaires n'est pas un obstacle à l'application de l'article 145 du code de procédure civile, que désormais Maître [P] doit engager les responsabilités encourues dans la résolution et le non renouvellement des contrats passés avec elle, que l'article L 1224-1 s'applique ici , les licenciements ayant été effectués pour le compte de qui il appartiendra , son identification passant par la connaissance exacte des accords passés entre Eurotunnel et DFDS. Elle précise que la note qui a été communiquée par Eurotunnel aux administrateurs ne répond en rien à la demande de communication des contrats et promesses conclus qui seuls permettront de connaître de façon certaine les termes et dates des accords intervenus; elle estime le montant de l'astreinte légitime au regard de la résistance abusive des appelantes.

Par une note en délibéré du 30 septembre 2015, la Scop Seafrance fait valoir que la décision de la Court of Appeal du 15 mai 2015 a censuré la décision de première instance en autorisant le Groupe Eurotunnel à poursuivre avec elle l'exploitation des navires dans les conditions contractuelles convenues, de sorte que les relations auraient pu se poursuivre au delà du 1 juillet 2015.

Le Groupe Eurotunnel lui a répondu le 8 octobre 2015 qu'il n'était pas partie à cette procédure de recours, que la CMA a fait un recours contre cette décision, que la SCOP a reconnu devant le juge des référés que la résiliation était régulière et ne l'a pas contestée, demandant juste la suspension de ses effets, et s'inclinant sur le rejet ordonné par le premier juge, que Groupe Eurotunnel avait le droit de ne pas renouveler ces contrats et de nombreux motifs pour le faire. Elle s'oppose à l'argument qui consiste à justifier la demande par l'éventualité d'un procès pour abus de résiliation, hypothèse avancée à l'audience mais qui ne résiste pas à l'examen et souligne que la Scop n'établit toujours pas en quoi la communication des contrats avec DFDS aurait un intérêt.

Sur ce

La cour constate que le débat devant elle est sérié au problème de la communication de pièces, la résiliation des contrats au 1 juillet 2015 n'étant pas contestée, qualifiée par l'intimée de ' renvoi à une interprétation stricte des dispositions contractuelles'.

L'assignation et l'ordonnance ont été établies au visa de l'article 873 du code de procédure civile; s'il est exact que l'ordonnance déférée laisse planer une certaine confusion, au regard du fait qu'elle fait allusion à un intérêt légitime, elle justifie la décision par le danger que représenterait pour la SCOP le non renouvellement des contrats, par les mesures sociales induites que vont devoir prendre les administrateurs, par l'information la plus large dont doivent disposer les coadministrateurs, par l'illégitimité qui consiste à leur dissimuler la nature des négociations et accords propres à assurer le redéploiement de l'exploitation des navires. On croit y lire la référence au dommage imminent et au trouble manifestement illicite de l'article 873.

Or, à ces deux égards, la solution parait contestable; en effet, par la même décision, le juge des référés a consacré que les contrats d'affrètement conclus entre les parties avaient, conformément à leur terme, valablement pris fin le1 juillet 2015, qu'il n' y avait pas à cet égard de trouble illicite, que l'imminence du danger ne résultait pas d'un comportement illégitime de Groupe Eurotunnel. Par là même, il ne pouvait justifier sur ce même fondement sa décision d'ordonner communication des contrats régularisés sur les navires et de leurs avenants, de surcroît au visa d'un motif beaucoup plus large qui serait le droit à disposer de l'ensemble des informations nécessaires à l'instruction d'une solution conforme aux dispositions du livre VI du code de commerce, qui n'est certes pas un des motifs de l'article 873 visé. Le premier juge fait allusion au danger que représente le non renouvellement des contrats, qu'il reconnaît par ailleurs comme acquis, donc non susceptible de faire l'objet de mesures de prévention, et au trouble illicite, tout en consacrant la légitimité du comportement de Groupe Eurotunnel. Par ailleurs il vise les mesures sociales qui ne dépendent pas des offres et promesses d'achat des navires reçues par Eurotunnel non plus que des contrats conclus avec DFDS.

En outre, la liquidation judiciaire est intervenue qui exclut la notion de dommage imminent et la notion d'urgence.

L'intimée plaide que le refus de Groupe Eurotunnel d'associer les organes de la procédure de la SCOP au processus de transfert des navires aura eu pour effet de la mettre dans l'impossibilité de présenter un plan de redressement et le licenciement des salariés pour le compte de qui il appartiendra. Mais, il doit être souligné que les navires ne sont pas sa propriété, que la mise à disposition des contrat sollicités ne permet pas d'optimiser les solutions de sauvegarde des intérêts de la SCOP, d'autant que le 26 juin 2015, la liquidation était sinon engagée du moins envisagée.

En ce qui concerne l'invocation en appel de l'article 145 du code de procédure civile, contestée par le Groupe Eurotunnel, il doit être considéré que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent, et ce en vertu de l'article 565 du code de procédure civile; tout d'abord le texte de l'article 145 est un texte général applicable avant tout procès. Par ailleurs , s'il ne requière pas les mêmes conditions que l'article 873, il est plus large dans ses conditions d'ouverture et doit être considéré au cas d'espèce comme un moyen nouveau, conformément à l'article 563 d'obtenir la même fin, soit la communication de pièces. Il s'agit d'une mesure sollicitée en vertu d'un intérêt éventuel à agir qui ne peut que recouvrir la réalité de l'intérêt né et actuel de l'article 873. Il convient de déclarer cette demande recevable et de considérer celle-ci au regard des conditions d'application de ce texte.

En vertu de l'article 145 du code de procédure civile le juge apprécie souverainement s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige; autrement dit, le demandeur doit avoir qualité à agir dans la perspective d'un litige à naître ou éventuel avec son adversaire et préciser le lien entre la mesure sollicitée et le procès, qui doit être plausible et déterminable, afin que la mesure suggérée présente une utilité.

À cet égard, la SCOP plaide que plusieurs litiges à l'initiative de son liquidateur sont plausibles et crédibles en matière de responsabilité comme en matière de contrats de travail de salariés et que seule la connaissance précise des dates et des termes des accords passés entre Groupe Eurotunnel et DFDS permettent de contribuer à établir les faits dont pourra dépendre la solution.

Pour étayer son argumentation, elle précise que les engagements à long terme en matière sociale pris par Groupe Eurotunnel devant le juge commissaire sont indivisibles de la cession des navires au prix proposé, prix dont la faiblesse aurait été soulignée dans l'ordonnance autorisant l'opération.

Au regard des motifs adoptés par le juge des référés, la communication ordonnée n'est pas davantage justifiée sur la base de l'article 145 du code de procédure civile; quant au danger de non renouvellement des contrats, il tient aux stipulations des contrats d'affrètement eux mêmes et pas aux contrats conclus avec DFDS; les mesures sociales dépendent de la décision de non renouvellement des contrats et des termes de l'offre présentée aux administrateurs par DFDS qui précisait le nombre de salariés que DFDS entendait reprendre, la communication sollicitée n'ayant au stade actuel de la procédure collective aucun impact et Groupe Eurotunnel ayant communiqué ses intentions en ce qui concerne l'exploitation d'un navire. Quant à la sauvegarde des intérêts de la SCOP, elle n'est en rien favorisée par l'information réclamée.

La SCOP fait valoir qu'il appartient à Maître [P] d'engager les responsabilités dans la résolution ou le non renouvellement des contrats, mais les contrats ont été conclus le 29 juin 2012 pour trois ans et la légitimé contractuelle de cette résiliation n'a pas été contestée; on ne voit pas sur quel support pourrait être engagée une action en responsabilité.

Puis il est invoqué l'article L 1224-1 du code du travail en vertu duquel lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. Or cette action dont la finalité consiste à faire reconnaître à un tiers la qualité d'employeur est une action qui appartient personnellement aux salariés, que le liquidateur, qui agit dans l'intérêt collectif des créanciers ne saurait représenter; ainsi le liquidateur ne peut prétendre que sa demande de communication de pièces serait justifiée par la possibilité pour lui même de se prévaloir de ces dispositions, sachant qu'en outre l'action ne serait pas dirigée contre Groupe Eurotunnel.

En conséquence, la demande de communication de pièces n'est justifiée par aucun motif légitime et l'ordonnance doit être infirmée qui l'a ordonnée.

Déboutés de leurs demandes, Maître [P] es qualité de liquidateur et la Scop Seafrance seront condamnés in solidum à payer aux appelantes la somme de 5000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe

Met hors de cause la selarl FHB prise en la personne de Maître [L] et de Maître [S] dont les fonctions ont cessé le 31 juillet 2015;

Donne acte à Maître [P] de son intervention volontaire en sa qualité de liquidateur de la SCOP Seafrance;

Juge que la prétention formulée sur la base de l'article 145 du code de procédure civile n'est pas une prétention nouvelle et qu'elle est recevable;

Que toutefois elle est mal fondée, comme elle est mal fondée sur la base de l'article 873 du code de procédure civile;

En conséquence, infirme l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné la communication de pièces sous astreinte;

Déboute maître [P] et la SCOP Seafrance de l'ensemble de leurs demandes;

Condamne maître [P] es qualité de liquidateur de la Scop Seafrance et la SCP Seafrance in solidum à payer aux appelantes la somme de 5000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M.M. HAINAUTC. PARENTY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 15/04083
Date de la décision : 17/12/2015

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°15/04083 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-17;15.04083 ?
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