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10/12/2015 | FRANCE | N°14/06222

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 10 décembre 2015, 14/06222


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 10/12/2015



***





N° MINUTE :

N° RG : 14/06222



Jugement (N° 12/00916)

rendu le 01 Octobre 2014

par le Tribunal de Grande Instance de DUNKERQUE

REF : SL/VC



APPELANTE

AG2R PRÉVOYANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse

2]



Représentée par Me Philippe JANNEAU, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Jacques BARTHELEMY, avocat au barreau de LILLE, substitué à l'audience par Me Clotilde SOUFFRIN, avocat au barreau de L...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 10/12/2015

***

N° MINUTE :

N° RG : 14/06222

Jugement (N° 12/00916)

rendu le 01 Octobre 2014

par le Tribunal de Grande Instance de DUNKERQUE

REF : SL/VC

APPELANTE

AG2R PRÉVOYANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Philippe JANNEAU, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Jacques BARTHELEMY, avocat au barreau de LILLE, substitué à l'audience par Me Clotilde SOUFFRIN, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

SARL MARESCAUX prise en la personne de son représentant légal

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Frédéric UROZ avocat au barreau de LYON

DÉBATS à l'audience publique du 26 Octobre 2015, tenue par Sara LAMOTTE magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Jean-Loup CARRIERE, Président de chambre

Myriam CHAPEAUX, Conseiller

Sara LAMOTTE, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur Jean-Loup CARRIERE, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 octobre 2015

***

FAITS ET PROCÉDURE

Les professions de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie sont régies par la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976.

Le 24 avril 2006 a été signé un avenant n° 83 à cette convention collective, mettant en place un régime de remboursement complémentaire des frais de santé obligatoire pour toutes les entreprises de cette branche, y compris pour celles déjà affiliées par ailleurs et désignant l'institut de prévoyance AG2R Prévoyance en qualité d'organisme assureur.

Cet avenant a fait l'objet d'un arrêté d'extension par le Ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement en date du 6 octobre 2006 et est entré en vigueur le ler janvier 2007.

Le 27 mai 2011 a été signé un avenant n°100 relatif à la désignation des organismes assureurs, AG2R Prévoyance étant à nouveau désigné comme organisme assureur du régime "remboursement complémentaire des frais de soins de santé" pour une durée de 5 ans, soit jusqu'en 2016.

Par acte d'huissier de justice du 9 mars 2012, l'institut de prévoyance AG2R Prévoyance a assigné la SARL Marescaux devant le tribunal de grande instance de Dunkerque au visa de l'avenant susvisé, de la décision du Conseil d'Etat du 19 mai 2008, de la décision de la CJUE du 3 mars 2011 et des articles L. 911-1 et L. 912-1 du Code de la Sécurité sociale fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et d'une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

- dire que son adhésion au régime de prévoyance d'AG2R est obligatoire,

- lui ordonner de régulariser son adhésion en retournant dûment complété et signé l'état nominatif du personnel ainsi que les bulletins individuels d'affiliation de tous les salariés accompagnés de tous les justificatifs permettant d'enregistrer les affiliations et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard a compter de la décision à intervenir,

- réserver au tribunal le droit de liquider l'astreinte, ordonner au défendeur de lui payer dans un délai de 15 jours à compter de la réception de l'appel de cotisations, les cotisations de l'ensemble de ses salariés prévues à 1'avenant à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie 11° 83 du 24 avril 2006 et dues depuis le ler janvier 2007 ;

- le paiement d'une somme de 12.716,10 € à titre de provision à valoir sur le montant total des cotisations.

La SARL Marescaux s'est opposée à l'ensemble de ces demandes, contestant la licéité des clauses de désignation et de migration prévues aux termes de l'avenant au regard du droit positif interne et du droit de l'Union européenne.

Il a demandé au tribunal au visa articles 2, 3, 81, 82, 86 et 234 du Traité de la Communauté européenne des articles 9, 18, 101, 102 et 106 du Traité de fonctionnement sur l'Union européenne, de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale avant sa déclaration d'inconstitutionnalité et l'article L. 932-13 du même code, de l'article L. 2253-2 du code du travail, de l'avis du Conseil de la Concurrence du 29 mars 2013, des décisions du Conseil constitutionnel des 13 juin, 18 octobre et 19 décembre 2013, de l'arrêt du Conseil de la Cour de justice de l'Union européenne, de :

- dire que l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale n'avait pas vocation à s'appliquer et à emporter migration dans la mesure où, en 2007, le niveau de garantie offert par société AG2R Prévoyance était inférieur à celui souscrit auprès d'autres organismes,

- tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel,

- dire et juger illégales et non conformes à la constitution la clause de migration et la clause de désignation visées dans l'avenant en cause au principal,

- prendre acte de l'exception d'illégalité des arrêtés d'extension du 16 octobre 2006 et du 23 décembre 2011 du ministre du travail et saisir à titre préjudiciel le Conseil d'Etat de la validité de ces arrêtés en application des dispositions de l'article 49 du code de procédure civile ;

- surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat ;

En conséquence,

- dire que la créance d'AG2R Prévoyance n'est ni liquide, ni exigible,

- rejeter les demandes en paiement des cotisations et de rappel de cotisations,

- rejeter la demande d'astreinte,

- déclarer irrecevables les demandes d'AG2R Prévoyance pour prescription et manque de base légale,

- constater que les dispositions de l'avenant n° 83 du 24 avril 2006 à la collective nationale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie sont soumises au Traité sur l'Union européenne,

- déclarer la clause de désignation contenue dans l'avenant n° 83 contraire aux dispositions du Traité de fonctionnement sur l'Union européenne notamment ses articles 9, 102 et 106 combinés en ce qu'aucune ouverture à concurrence n'a été faite dans le choix de l'organisme gestionnaire du régime en cause,

- déclarer qu'AG2R Prévoyance a été choisie sans possibilité offerte à d'autres sociétés de se positionner sur le marché, malgré l'arrêt Beaudout,

-constater la violation de 1'obligation de transparence imposée par le droit de l'Union européenne,

- dire que le choix d'AG2R Prévoyance est illégal et que celle-ci exploite abusivement sa position dominante sur le marché national des frais de santé des salariés de la boulangerie-pâtisserie,

- dire que le contrôle de l'État dans la gestion du régime en cause est inexistant alors même qu'une contestation est élevée depuis plusieurs années à l'égard d'AG2R Prévoyance,

A titre subsidiaire,

- ordonner un nouveau renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne sur la question de la validité de la clause de désignation au regard des règles de la concurrence suivante : « l'absence d'ouverture à concurrence dans le choix de l'organisme gestionnaire du régime en cause dans le cadre du monopole conféré est-il conforme au droit communautaire ' »,

- surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne,

En conséquence,

- rejeter les demandes d'adhésion et de paiement faites par la société AG2R,

- condamner AG2R à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 1er octobre 2014, le tribunal de grande instance de Dunkerque a :

- constaté que le Conseil Constitutionnel a déclaré inconstitutionnel l'article L 9l2-1 du code de la sécurité sociale et a reporté les effets de cette déclaration d'inconstitutionnalité à la date de la publication de sa décision soit au 16 juin 2013,

- dit que les clauses de désignation et de migration contenues dans l'avenant n° 83 susvisé sont conformes au droit interne jusqu'à la date du 16 juin 2013,

- dit n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice de l'Union Européenne,

- dit que la désignation d'AG2R Prévoyance dans l'avenant n° 83 du 24 avril 2006, pour la période antérieure au 16 juin 2013, ne répond pas à l'obligation de transparence telle qu'elle résulte de la jurisprudence de la CJUE,

En conséquence,

- dit que l'adhésion au régime de prévoyance d'AG2R n'est pas obligatoire pour la SARL Marescaux,

- débouté AG2R Prévoyance de toutes ses demandes,

- dit qu'AG2R Prévoyance devra payer à la SARL Marescaux la somme de 1.500 € au titre des frais de procédure,

- dit qu'AG2R Prévoyance devra supporter les dépens, auxquels il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au pro't de Maître Nathalie Pelletier, avocat.

L'institut de prévoyance AG2R Prévoyance a relevé appel de ce jugement le 13 octobre 2014.

La procédure devant la cour a été clôturée le 16 octobre 2015.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions en date du 24 septembre 2015 par lesquelles l'institut de prévoyance AG2R Prévoyance, appelante, invite la cour, au visa de l'avenant n° 83 du 24 avril 2006, de l'arrêté d'extension du 16 octobre 2006, de l'avenant n°100 du 27 mai 2011, de l'arrêté d'extension du 23 décembre 2011, des articles L.911-1 et L.912-1 du code de la sécurité sociale, de la décision du Conseil d'Etat du 19 mai 2008, de l'arrêt de la CJUE du 3 mars 2011, des arrêts de la Cour de cassation rendus en 2012, 2013, 2014 et 2015 et des articles 6 et 11 de la CEDH, à :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- dire que l'adhésion de la SARL Marescaux à AG2R Prévoyance est obligatoire depuis le 1er janvier 2007 ;

En conséquence :

- condamner la SARL Marescaux à régulariser son adhésion en retournant dûment complété et signé l'état nominatif du personnel ainsi que les bulletins individuels d'affiliation de tous les salariés accompagnés de tous les justificatifs permettant d'enregistrer les affiliations et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

- se réserver le droit de liquider ladite astreinte ;

Subsidiairement :

- condamner la SARL Marescaux à lui verser une provision de 12.716,10 € à valoir sur le montant total des cotisations ;

En tout état de cause,

- condamner la SARL Marescaux au paiement d'une somme de 2.000 € à titre d'indemnité pour résistance abusive outre celle de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens qui seront distraits au profit de Maître Janneau.

Vu les conclusions en date du 25 septembre 2015 par lesquelles la SARL Marescaux demande à la cour, au visa de l'article L. 932-13 du code de la sécurité sociale, de l'avis du Conseil de la concurrence du 29 mars 2013, des décisions du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013, du 18 octobre 2013, et du 19 décembre 2013, de l'arrêt de la CJUE du 3 mars 2011, de l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 décembre 2013, de l'obligation de transparence dans le choix de l'organisme imposée par la CJUE, des conclusions de la Commission européenne et celles de l'Avocat général devant la CJUE et l'arrêt à intervenir de la même Cour, de:

- déclarer l'appel de l'organisme AG2R non fondé ;

Sur le plan du droit interne et ensuite de l'arrêt de la CJUE du 3 mars 2011, et de la décision DC du 13 juin 2013,

- faire application de la jurisprudence civile interne consacrant un principe de liberté d'adhésion aux entreprises entrant dans le champ d'application de la convention collective en cause ;

- dire que l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale n'avait pas vocation à s'appliquer et à emporter migration dès lors qu'en 2007 le niveau de garantie offert par AG2R était inférieur à celui souscrit auprès des autres organismes ;

- tirer les conséquences de la décision du Conseil Constitutionnel qui confirme la position des concluants depuis de nombreuses années ;

- juger illégale et non conforme à la Constitution la clause de migration et la clause de désignation visées dans l'avenant en cause au principal ;

- prendre acte de l'exception d'illégalité des arrêtés d'extension du 16 octobre 2006 et du 23 décembre 2011 du Ministre du travail et saisir à titre préjudiciel le Conseil d'Etat de la validité de ces arrêtés en application des dispositions de l'article 49 du code de procédure civile ;

- surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat ;

En conséquence,

- juger que la créance de l'organisme AG2R n'est ni liquide ni exigible ;

- rejeter les demandes en paiement des cotisations et de rappel de cotisations ;

- rejeter la demande d'astreinte y afférente ;

A tout le moins,

- déclarer irrecevables les demandes de paiement d'AG2R pour prescription et absence de base légale ;

- dire que le contrat conclu avec le Cabinet ABELA a vocation à s'appliquer ;

Sur le plan du droit communautaire et ensuite de l'arrêt de la CJUE du 3 mars 2011,

- constater que les dispositions de l'avenant n° 83 à la convention collective des entreprises artisanales de boulangerie et boulangerie-pâtisserie sont soumises au Traité de fonctionnement sur l'Union européenne ;

- déclarer la clause de désignation contenue dans l'avenant N° 83 à la convention collective des entreprises artisanales de boulangerie et boulangerie-pâtisserie contraire aux dispositions du Traité et notamment aux articles 9, 56 et suivants du TFUE, 102 et 106 combinés du même traité en ce qu'aucune ouverture à concurrence n'a été faite dans le choix de l'organisme gestionnaire du régime en cause ;

- déclarer de même que l'organisme AG2R a été choisi sans possibilité offerte à d'autres organismes de se positionner sur le marché et ce malgré l'Arrêt Beaudout précité et la jurisprudence constante de la C.J.U.E. sur ce point ;

- constater de manière générale la violation de l'obligation de transparence imposée par le droit de l'Union européenne ;

Subsidiairement,

- ordonner un nouveau renvoi préjudiciel à la CJUE dès lors qu'il éclaire toujours les juges du fond sur la solution à retenir, et concernant la validité de la clause de désignation ; que la question à poser doit être : « l'absence d'ouverture à concurrence dans le choix de l'organisme gestionnaire du régime en cause dans le cadre du monopole conféré est il conforme au droit communautaire ' » ;

- surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la CJUE ;

En conséquence,

- rejeter les demandes d'adhésion et de paiements formulées par AG2R à l'encontre de la SARL Marescaux ;

En tout état de cause,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- condamner la société AG2R à payer à la SARL Marescaux la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la présente instance et de celle de première instance dont distraction pour ceux d'appel au profit de Maître Isabelle Carlier.

SUR CE,

E n application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

A titre liminaire, il y a lieu de constater que la SARL Marescaux ne conteste pas qu'un régime de protection sociale complémentaire a été mis en place par convention collective en 2006 au profit des salariés des métiers de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie, régime devant s'appliquer à ses salariés, pour lesquels des cotisations doivent être versées.

La SARL Marescaux conteste la légalité de ce système de protection sociale complémentaire en ce qui concerne l'absence de choix de l'organisme de protection sociale, quant à l'affiliation obligatoire à l'institution AG2R Prévoyance, contestant cette désignation et cette obligation de transfert des adhésions à d'autres organismes vers AG2R Prévoyance.

I. Sur la demande de saisine à titre préjudiciel le Conseil d'Etat et de la Cour de Justice de l`Union européenne (CJUE)

La SARL Marescaux demande d'une part le renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) afin qu'il soit répondu à la question de savoir si le choix d'un seul organisme gestionnaire sans ouverture à concurrence est conforme aux règles communautaires précitées, et d'autre part devant le Conseil d'Etat sur la validité des arrêts ministériels d'extension des avenants n°83 et 100.

1) Sur le Conseil d'Etat

Il résulte de l'article 49 du code de procédure civile que, lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle.

La SARL Marescaux ne démontre pas en l'espèce que les pouvoirs publics n'ont pas exercé un contrôle a priori et a posteriori des arrêts ministériels d'extension des avenants n° 83 et 100.

Celle-ci est dès lors mal fondée à solliciter un renvoi préjudiciel devant le Conseil d'Etat.

2) Sur la CJCE

Il résulte de l'article 267 du Traité F.U.E. que la Cour de justice est compétente pour statuer, à titre préjudiciel:

a) sur l'interprétation du présent traité ;

b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté et par la BCE ;

c) sur l'interprétation des statuts des organismes créés par un acte du Conseil, lorsque ces statuts le prévoient.

Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de justice de statuer sur cette question.

Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour de justice.

Il convient de constater que la CJUE a d'ores et déjà statué sur cette question par décision du 3 mars 2011 aux termes de laquelle elle a considéré que la question qui lui était soumise, dans le même cas d'espèce opposant AG2R à un boulanger et concernant les mêmes questions sur la légalité des clauses de désignation et de migration, portait sur l'interprétation des articles 101 et 102 du Traité de fonctionnement sur l'Union européenne, 4 § 3 du Traité sur l'Union européenne et 106 du Traité de fonctionnement sur l'Union européenne ; cet arrêt s'impose donc obligatoirement non seulement à la juridiction qui a posé la question préjudicielle, mais aussi à toutes les juridictions saisies du même problème d'interprétation des textes et par conséquent à toutes les juridictions saisies des demandes d'AG2R puisque l'objet du litige et les moyens principaux sont identiques.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu au renvoi préjudiciel devant la CJCE.

II. Sur l'adhésion à AG2R Prévoyance

L'article 13 de l'avenant n°83 du 24 avril 2006 à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976, avenant relatif à la mise en place d'un régime de remboursement complémentaire des frais de soins de santé dispose : « AG2R Prévoyance, institution de prévoyance régie par le code de la sécurité sociale et relevant de l'autorité de contrôle des assurances et des mutuelles sise [Adresse 3], membre du GIE AG2R [Adresse 2], est désigné comme organisme assureur du présent régime 'remboursement complémentaire de frais de soins de santé'.

Les modalités d'organisation de la mutualisation du régime seront réexaminées par la commission nationale paritaire de la branche au cours d'une réunion et ce, dans un délai de 5 ans à compter de la date d'effet du présent avenant.

Les partenaires sociaux de la branche demandent à AG2R Prévoyance, en sa qualité d'organisme assureur désigné, de contracter un partenariat financier avec deux organismes reconnus par la branche, à savoir ISICA Prévoyance et la mutuelle 'Les risques civils de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie française dans le cadre de conventions de réassurance.

Cette demande repose sur une volonté des partenaires sociaux de créer une solidarité financière forte dans la gestion du régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé grâce à des partenaires financiers le permettant. »

La SARL Marescaux estime que cette clause dite de désignation est contraire à l'ordre juridique résultant du droit national français et à l'ordre juridique résultant du droit européen et s'imposant en France.

1) Sur la conformité de la clause d'adhésion au droit national

Cette désignation de l'institut AG2R Prévoyance a été faite par les organismes représentatifs de la profession de boulangerie et boulangerie pâtisserie. S'agissant d'un choix fait par les organismes représentant la profession, il n'a pas été fait au niveau de chaque entreprise de boulangerie mais au niveau de l'ensemble de la profession.

Cette désignation résulte du droit interne, en l'occurrence de cet avenant n°83 de la convention collective.

L'arrêté du Ministre du travail du 16 octobre 2006 portant extension de cet avenant a été examiné par le Conseil d'Etat qui, par arrêt du 19 mai 2008 a rejeté la requête en annulation de cet arrêté.

Cet avenant se fondait sur l'application de l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale disposant que : à moins qu'elles ne soient instituées par des dispositions législatives ou réglementaires, les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale sont déterminées soit par voie de conventions ou d'accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par une décision unilatérale du chef d'entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé.

La SARL Marescaux oppose que, par décision du 13 juin 2013, le Conseil constitutionnel a énoncé que les dispositions de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale doivent être déclarées contraires à la Constitution, pour atteinte à la liberté contractuelle et la liberté d'entreprendre disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi de mutualisation des risques.

Cependant, force est de constater que le Conseil constitutionnel énonce dans son considérant 14 que  la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale prend effet à compter de la publication de la présente décision ; elle n'est donc pas applicable aux contrats pris sur ce fondement, en cours lors de cette publication, et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des assurances, aux institutions relevant du titre III du code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité.

Dès lors, la décision du Conseil constitutionnel ne rétroagissant pas à la date du contrat collectif de 2006 avec AG2R Prévoyance résultant de l'avenant à la convention collective du 24 avril 2006, la désignation d'AG2R Prévoyance par la profession en 2006, et en tout cas avant la publication de l'arrêt du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013, est parfaitement conforme au droit interne français.

2) Sur la conformité de la clause d'adhésion au droit de l'Union européenne

Il résulte de l'article 55 de la Constitution de 1958 que les traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois.

En suite de l'arrêt du Conseil constitutionnel du 15 janvier 1975 aux termes duquel le Conseil s'est refusé à contrôler la légalité des lois aux traités internationaux et de l'arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation du mai 1975, il appartient au juge judiciaire de se prononcer sur la conventionnalité du droit interne aux normes internationales ce, quand bien même la loi interne est entrée en vigueur postérieurement à l'introduction de la norme internationale dans l'ordre juridique normatif national.

- sur la liberté contractuelle et l'abus de position dominante

Par arrêt du 19 mai 2008, le Conseil d'Etat a énoncé que les dispositions des directives CEE des 18 juin et 10 novembre 1992 ne s'opposent pas à ce qu'un tel accord désigne un organisme assureur unique chargé d'organiser les risques énoncés à l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale et qu'il n'était pas besoin de saisir la Cour de Justice des Communautés européennes.

Par arrêt du 3 mars 2011 la Cour de Justice de l'Union Européenne, dans une affaire AG2R Prévoyance / SARL Beaudout Père & fils, saisie d'une question préjudicielle sur la compatibilité de cet avenant n°83 à la convention collective de la boulangerie à propos de la compatibilité avec les articles 81 et 82 CE devenus 101 et 102 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne TFUE, a décidé que l'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins pour l'ensemble des entreprises du secteur concerné à un seul opérateur, sans possibilité de dispense, était conforme à l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; elle a jugé, par le même arrêt, pour autant que l'activité consistant dans la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé tel que celui en cause devait être qualifiée d'économique, que les articles 102 et 106 du TFUE ne s'opposaient pas, dans des circonstances telles que celles de l'affaire, à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; enfin, il résulte des dispositions des articles 102 et 106 du traité qu'elles n'imposent pas aux partenaires sociaux de modalités particulières de désignation du gestionnaire d'un régime de prévoyance obligatoire.

Elle précise en outre les éléments suivants :

- que l'avenant n°83 de par sa nature, avenant à une convention collective, résultant d'une négociation collective et son objet, la mise en place, dans un secteur déterminé, d'un régime de remboursement de frais de soins de santé qui contribue à l'amélioration des conditions de travail des salariés, ne relève pas de la notion d'accord entre entreprises, de décisions d'associations d'entreprises ou de pratiques concertées tels que prohibés à l'article 101 du Traité de fonctionnement sur l'Union européenne ;

- sur la notion de solidarité, les juges communautaires, au regard des divers éléments analysés concernant le salarié assuré et les prestations servies, ont considéré que le régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé prévu par l'avenant n° 83 est caractérisé par un degré élevé de solidarité du fait de l'absence de proportionnalité entre l'étendue de la couverture accordée et le montant des cotisations versées et (points 47 à 52) ;

- que le simple fait de créer une position dominante par l'octroi de droits exclusifs au sens de l'article 106, § 1 du TFUE n'est pas incompatible avec l'article 102 TFUE ; qu'il n'en est ainsi que lorsque l'entreprise est amenée, par le simple exercice des droits exclusifs qui lui ont été conférés, à exploiter sa position dominante de façon abusive ou lorsque ces droits sont susceptibles de créer une situation dans laquelle cette entreprise est amenée à commettre de tels abus (point 68).

La CJUE estime en outre que la suppression de la clause de migration et par la même du droit exclusif d'AG2R, alors que cet organisme est soumis à certaines obligations par l'avenant 83 (caractère forfaitaire des cotisations et obligations d'accepter tous les risques), pourrait aboutir à une impossibilité pour lui d'accomp1ir les missions d'intérêt économique général qui lui ont été confiées dans des conditions économiquement acceptables.

La CJUE conclut que les articles 102 et 106 du TFUE doivent être interprétés comme ne s'opposant pas à ce que l'Etat investisse un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime.

Par conséquent, l'application des traités européens ne s'oppose pas à ce que l'État confère à une entreprise chargée de la gestion d'un service d'intérêt économique général, un monopole dans la gestion d'un régime complémentaire des soins de santé sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime, sous la condition qu'elle ne commette pas d'abus dans l'exploitation de la position dominante qui lui a été ainsi attribuée.

Or, il n'est ni allégué ni démontré que les prestations fournies par AG2R ne correspondent pas aux besoins des entreprises concernées du secteur de boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, ni qu'AG2R ne soit pas en mesure d'assurer la gestion du régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé.

Il n'est donc démontré aucun abus dans l'exploitation de la position dominante qui a été conférée par les pouvoirs publics à AG2R.

- sur les règles de mise concurrence

Il y a lieu de rappeler que les premiers juges ont énoncé qu'il n'est pas justifié par AG2R que les règles de mise en concurrence aient été respectées dans le choix fait par les partenaires sociaux du secteur de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie et que le mode de désignation d'AG2R n'apparaît donc pas conforme aux règles de concurrence telles que résultant des textes communautaires.

Or, la procédure de l'appel d'offre n'est pas un mécanisme obligatoire dans le domaine particulier de la prévoyance et ne peut aller à l'encontre des partenaires sociaux qui sont libres d'y avoir recours ou non.

Dès lors, le contrôle exercé par les partenaires sociaux sur l'institution choisie et celui de l'Etat dans le cadre de l'extension de l'avenant n°83 désignant AG2R par arrêté ministériel du 16 octobre 2006 est en l'espèce suffisant.

Aucun élément ne permet dès lors d'établir que la clause de désignation de l'institut AG2R Prévoyance par l'instance professionnelle représentative de la profession de la boulangerie comme organisme chargé de gérer le système de protection sociale complémentaire des employés de cette profession serait contraire aux règles de l'Union européenne.

III. Sur la clause de migration

L'article 14 de l'avenant n°83 litigieux, instaurant une clause dite de migration dispose :

« L'adhésion de toutes les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie au régime remboursement complémentaire des frais de santé' et l'affiliation des salariés de ces entreprises auprès de l'organisme assureur désigné ont un caractère obligatoire à compter de la date d'effet précisée à l'article 16 du présent avenant. A cette fin, les entreprises concernées recevront un contrat d'adhésion et des bulletins d'affiliation. Ces dispositions s'appliquent y compris pour les entreprises ayant un contrat de complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par le présent avenant. »

Il en résulte qu'une entreprise de boulangerie, même déjà adhérente à un autre organisme de prévoyance qu'AG2R Prévoyance voit son régime glisser vers l'institut AG2R Prévoyance, avec « migration » de son adhésion vers AG2R Prévoyance.

La SARL Marescaux se prévaut d'un accord collectif faisant état d'un accord de groupe conclu avec la société AGEP (cabinet Abela) sans intervention des syndicats représentatifs en invoquant sa liberté d'adhésion à l'organisme de son choix.

1) Sur la conformité de cette clause au droit national

L'article L. 2253-2 du code du travail dispose que lorsqu'une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel vient à s'appliquer dans l'entreprise postérieurement à la conclusion de conventions ou d'accords d'entreprise ou d'établissement négociés conformément au présent livre, les stipulations de ces derniers sont adaptées en conséquence.

Dès lors, les dispositions de l'avenant n°83 à la convention collective des entreprises de boulangerie doivent se substituer aux assurances prises individuellement.

Surabondamment, la SARL Marescaux ne démontre pas l'existence d'un accord d'entreprise antérieur à l'avenant n° 83 de la convention collective du 24 avril 2006, accord qui selon lui aurait déjà mis en place un régime de protection sociale complémentaire, puisque l'adhésion à un contrat de groupe assurance complémentaire de santé dont il fait état résulte de son adhésion auprès de l'organisme Abela Assurances en date du 12 juillet 2006. Il est donc établi que l'assurance est effective mais à une date postérieure à l'avenant n° 83 qui a été étendu le 16 octobre 2006 par arrêté et qui a pris effet le ler janvier 2007.

Cette clause dite de migration est dès lors conforme aux règles applicables en matière de convention collective.

2) Sur la conformité de cette clause au droit de l'Union européenne

Il résulte de l'arrêt du 3 mars 2011 de la Cour de Justice de l'Union Européenne énoncé ci-dessus applicable à la clause de migration, qu'aucune disposition résultant des traités de l'Union européenne, ni d'aucun texte européen n'empêche une instance représentative d'une profession de négocier une modification des conventions applicables en matière de garantie applicable dans le domaine de prévoyance sociale.

La défense des intérêts de la profession au niveau de ces instances représentatives doit permettre d'adapter les accords dans le souci d'assurer une protection sociale équivalente à tous les membres de la profession, quelle que soit l'entreprise au sein de laquelle ils travaillent.

*********

Il résulte de ce qui précède que les clauses de désignation et de migration prévues respectivement aux articles 13 et 14 de l'avenant n° 83 de la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976, relatif à la mise en place d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé, sont conformes au droit interne et au droit de l'Union européenne.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a constaté que le Conseil Constitutionnel a déclaré inconstitutionnel l'article L. 9l2-1 du code de la sécurité sociale et a reporté les effets de cette déclaration d'inconstitutionnalité à la date de la publication de sa décision soit au 16 juin 2013 et dit que les clauses de désignation et de migration contenues dans l'avenant n° 83 susvisé sont conformes au droit interne jusqu'à la date du 16 juin 2013.

Le jugement sera en revanche infirmé en ce qu'il a dit que la désignation de la société AG2R Prévoyance dans l'avenant n° 83 du 24 avril 2006, ne répond pas à l'obligation de transparence telle qu'elle résulte de la jurisprudence de la CJUE, les clauses de désignation et de migration étant conformes au droit de l'Union européenne.

IV. Sur les conséquences de l'adhésion de la SARL Marescaux à la société AG2R

- Sur l'adhésion à la société AG2R

La société AG2R est par conséquent fondée à demander l'adhésion forcée de la SARL Marescaux à compter du 1er janvier 2007, date d'entrée en vigueur de l'arrêté d'extension en date du 6 octobre 2006.

Il convient dès lors d'ordonner à la SARL Marescaux de régulariser son adhésion en retournant dûment complété et signé 1'état nominatif du personnel ainsi que les bulletins individuels d'affiliation de tous les salariés accompagnés de tous les justificatifs permettant d'enregistrer les affiliations, depuis le 1er janvier 2007, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard.

Il n'y a en revanche pas lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte.

- Sur le paiement des cotisations

La SARL Marescaux s'oppose à la demande en paiement des cotisations et rappel des cotisations ; toutefois, cette demande n'est pas formulée dans le dispositif des conclusions de l'institut AG2R ; il n'y a donc pas lieu de répondre aux moyens soulevés par la SARL Marescaux ;

- Sur la demande de provision

La cour ayant fait droit à la demande principale de régularisation de l'adhésion de la SARL Marescaux à la société AG2R, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de provision, celle-ci étant formulée à titre subsidiaire.

Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure et résistance abusive

En application de l'article 1383 du code civil, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ou de faute, même non grossière ou dolosive, lorsqu'un préjudice en résulte.

La mauvaise appréciation de ses droits par M. la SARL Marescaux ne peut suffire en l'espèce à qualifier son action en justice d'abusive au sens de l'article précité.

La société AG2R sera dès lors déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Marescaux, partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à l'institut de prévoyance AG2R la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- dit n'y avoir lieu au renvoi préjudiciel devant la CJCE ;

- constaté que le Conseil Constitutionnel a déclaré inconstitutionnel l'article L. 9l2-1 du code de la sécurité sociale et a reporté les effets de cette déclaration d'inconstitutionnalité à la date de la publication de sa décision soit au 16 juin 2013 ;

- dit que les clauses de désignation et de migration contenues dans l'avenant n° 83 susvisé sont conformes au droit interne jusqu'à la date du 16 juin 2013 ;

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Dit que les clauses de désignation et de migration contenues dans l'avenant n° 83 susvisé sont conformes au droit de l'Union européenne ;

Dit que l'adhésion de la SARL Marescaux à la société AG2R Prévoyance est obligatoire depuis le 1er janvier 2007 ;

Condamne la SARL Marescaux à régulariser son adhésion en retournant dûment complété et signé l'état nominatif du personnel ainsi que les bulletins individuels d'affiliation de tous les salariés accompagnés de tous les justificatifs permettant d'enregistrer les affiliations, depuis le 1er janvier 2007, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

Dit n'y avoir lieu à se réserver le droit de liquider ladite astreinte ;

Y ajoutant :

Déboute la SARL Marescaux de sa demande de renvoi préjudiciel devant le Conseil d'Etat et de sa demande subséquente de sursis à statuer ;

Déboute la société AG2R Prévoyance de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la SARL Marescaux aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société AG2R Prévoyance la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du même code.

Le GreffierLe Président,

C. POPEKJ.L. CARRIERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 14/06222
Date de la décision : 10/12/2015

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°14/06222 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-10;14.06222 ?
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