ARRÊT DU
27 Novembre 2015
N° 310/15SS
RG 15/03640
ABA/AC
Jugement rendu par le
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ARRAS
en date du
28 Septembre 2015
NOTIFICATION
à parties
le 27/11/15
Copies avocats
le 27/11/15
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Sécurité Sociale-
APPELANTE :
S.A.R.L. SGC
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Maître Jean-Luc TIGROUDJA, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
URSSAF NORD PAS DE CALAIS
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Maître Anne MEDIONI, avocat au barreau de BÉTHUNE
DÉBATS :à l'audience publique du 10 Novembre 2015
Tenue par Annie BASSET
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Marie-Agnès PÉRUS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Annie BASSET
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2015,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Annie BASSET, Président et par Cécile PIQUARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
A l'issue d'un contrôle de l'application de la législation de la sécurité sociale, une lettre d'observations a été notifiée par l'URSSAF à la S.A.R.L. SGC (la société) emportant rappel de cotisations notamment pour infraction de travail dissimulé, à hauteur de 211.597 €.
Les 28 août et 8 septembre 2015, l'URSSAF a refusé à la société la délivrance d'une attestation de vigilance.
Le 29 septembre 2015, une mise en demeure de régler la somme totale de 757.426 € en cotisations et majorations de retard a été délivrée.
Saisi par assignation en date du 15 septembre 2015, le Président du Tribunal des affaires de Sécurité Sociale d'Arras statuant en référé, a débouté la société de sa contestation de ce refus et de sa demande de délivrance de l'attestation.
Ayant interjeté appel, la société par conclusions déposées le 30 octobre 2015 reprises à l'audience, forme les demandes suivantes :
- Suspendre les décisions de refus de délivrance de l'attestation de vigilance,
- Enjoindre à l'URSSAF de délivrer l'attestation de vigilance, au besoin sous astreinte,
- Condamner l'URSSAF à renouveler ladite attestation jusqu'à ce que la contestation au fond soit tranchée,
- Condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'URSSAF conclut aux termes des écritures déposées et soutenues à l'audience, à l'existence d'une difficulté sérieuse, à l'absence de trouble illicite et par conséquent à la confirmation de la décision entreprise.
Vu les conclusions déposées et reprises par les parties qui ont été entendues en leurs plaidoiries,
Vu l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le juge des référés peut dans tous les cas d'urgence, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Il peut également toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Selon l'article L243-15 du Code de la sécurité sociale, toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat, dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimal en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de service et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son co-contractant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.
Cette attestation est délivrée dès lors que la personne acquitte les cotisations et contributions dues à leur date d'exigibilité et, le cas échéant, qu'elle a souscrit et respecte un plan d'apurement des cotisations et contributions restant dues ou conteste leur montant par recours contentieux, à l'exception des recours faisant suite à une verbalisation pour travail dissimulé.
Dans ce cadre, l'article D243-15 du même code précise que « la contestation des cotisations et contributions dues devant les juridictions de l'ordre judiciaire ne fait pas obstacle à la délivrance de l'attestation. Toutefois, l'attestation ne peut pas être délivrée quand la contestation fait suite à une verbalisation pour travail dissimulé. ».
La société indique que le rappel litigieux est consécutif à des opérations de contrôle effectuées le 24 février 2015 sur un chantier de construction de 10 logements à [Localité 3] (62), au cours desquelles quatre salariés ont déclaré être « employés pour la société SGC » tandis que le responsable de la société SAD CONSTRUCTION déclarait être leur employeur.
Rappelant qu'en application des dispositions ci-dessus rappelées de l'article L243-15 du Code de la sécurité sociale, l'attestation de vigilance est délivrée si la personne acquitte les cotisations et contributions à leur date normale d'exigibilité, ce qui est son cas pour les charges normalement appelées, soulignant son caractère dissuasif au regard des sanctions encourues par le co-contractant, elle fait valoir que le refus de délivrance empêche la société de poursuivre son exploitation alors même qu'elle a entrepris de contester l'infraction de travail dissimulé, de sorte que les dispositions législatives litigieuses, de surcroît telles qu'interprétées par la circulaire interministérielle du 16 novembre 2012, portent atteinte à la liberté d'entreprendre et au principe de la présomption d'innocence. Seule la possibilité de recourir à justice a justifié, ajoute t-elle, le refus de la Cour de cassation de transmettre au Conseil constitutionnel, la question prioritaire de constitutionnalité dont elle avait été saisie, relative aux dispositions législatives précitées.
Aussi, devant le Juge des référés, elle soutient que le refus de l'organisme de recouvrement est de nature à provoquer un dommage imminent à raison d'une décision prise au visa d'un texte illégal.
Mais les dispositions litigieuses n'ayant pas été déclarées contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution, le juge des référés n'est pas fondé à constater un dommage imminent ou bien un trouble manifestement illicite du seul fait de leur mise en 'uvre.
C'est seulement si l'URSSAF avait commis une erreur manifeste d'appréciation qu'un tel trouble serait susceptible de devoir faire l'objet d'une mesure de cessation ordonnée en référé.
Il résulte de la lettre d'observations que l'Inspecteur du recouvrement, dans le cadre des opérations de contrôle sur le chantier de construction à [Localité 3], a réuni plusieurs éléments (déclarations spontanées des salariés au moment du contrôle, examen des déclarations annuelles des données sociales, absence de demande d'attestation de vigilance pour l'activité d'un sous-traitant SAD CONSTRUCTION, absence d'information du maître d'ouvrage du recours à la sous-traitance, absence de trace d'autre activité de la part de SAD CONSTRUCTIONS que celle de fourniture de main d''uvre à la société, société ayant elle-même largement éludé l'obligation de déclaration et de paiement aux organismes sociaux, analyse des mouvements bancaires, des relations effectives entre les sociétés, dirigeants et salariés transitant d'une société à l'autre) propres à démontrer la commission de l'infraction de travail dissimulé. Au regard des usages en vigueur dans le domaine du BTP, l'Inspecteur du recouvrement a évalué à 836.920 € le montant de l'assiette de cotisations dissimulée.
La Cour constate par ailleurs que la société ne soulève aucun moyen tendant à contester l'existence même de l'infraction.
Or, la seule impossibilité de contracter en raison du refus, en vertu des dispositions de l'article L243-15 du Code de la sécurité sociale et de l'article D243-15 du même code, de délivrance de l'attestation de vigilance faute de paiement des sommes appelées au titre du travail dissimulé, infraction contestée devant la commission de recours amiable, ne suffit pas à caractériser le dommage imminent ou le trouble illicite au sens des articles 808 et 809 du Code de procédure civile.
Il convient dans ces conditions de confirmer l'ordonnance entreprise.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise,
Y ajoutant,
Dit la société SGC mal fondée en sa demande de suspension des mesures de refus de délivrance de l'attestation de vigilance, et d'injonction de délivrance de cette attestation,
L'en déboute.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C.PIQUARD A.BASSET