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19/11/2015 | FRANCE | N°15/00208

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 3, 19 novembre 2015, 15/00208


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 3

ARRÊT DU 19/11/2015

***

N° MINUTE :

N° RG : 15/00208

Jugement (N° 12/00062)

rendu le 11 Décembre 2014

par le Juge de l'exécution de BÉTHUNE

REF : CC/VC

APPELANTS



Monsieur [T], [U] [N]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 6] (62) - de nationalité Française

demeurant : [Adresse 2]

Représenté par Me Jean-François PAMBO, avocat au barreau de BÉTHUNE

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Madame [H] [F] ÉPOUSE [N]

née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 7] (62) - de nationalité Française

demeurant : [Adresse 2]

Représentée par Me Jean-François PAMBO, avocat au ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 3

ARRÊT DU 19/11/2015

***

N° MINUTE :

N° RG : 15/00208

Jugement (N° 12/00062)

rendu le 11 Décembre 2014

par le Juge de l'exécution de BÉTHUNE

REF : CC/VC

APPELANTS

Monsieur [T], [U] [N]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 6] (62) - de nationalité Française

demeurant : [Adresse 2]

Représenté par Me Jean-François PAMBO, avocat au barreau de BÉTHUNE

Madame [H] [F] ÉPOUSE [N]

née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 7] (62) - de nationalité Française

demeurant : [Adresse 2]

Représentée par Me Jean-François PAMBO, avocat au barreau de BÉTHUNE

INTIMÉE

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE

ayant son siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Jean-Louis CAPELLE, avocat au barreau de BÉTHUNE

DÉBATS à l'audience publique du 24 Septembre 2015 tenue par Catherine CONVAIN magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Patricia PAUCHET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre CHARBONNIER, Président de chambre

Catherine CONVAIN, Conseiller

Benoît PETY, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2015 après prorogation du délibéré du 5 novembre 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Patricia PAUCHET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

Vu le jugement contradictoire prononcé par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Béthune le 11 décembre 2014 ;

Vu l'appel formé le 12 janvier 2015 ;

Vu la requête aux fins d'être autorisés à assigner à jour fixe formée le 19 janvier 2015 pour M. et Mme [N] [F], appelants ;

Vu l'ordonnance de Madame le Premier président de la cour d'appel de Douai en date du 20 janvier 2015 autorisant M. et Mme [N] [F] à assigner à jour fixe la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE devant cette chambre pour l'audience du 23 avril 2015 ;

Vu l'assignation à comparaître à jour fixe délivrée le 10 mars 2015 à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE, intimée et appelante incidente ;

Vu l'arrêt avant dire droit rendu le 18 juin 2015 ;

Vu les conclusions après réouverture des débats transmises par voie électronique le 23 septembre 2015 pour M. et Mme [N] [F], appelants ;

Vu les conclusions après réouverture des débats transmises par voie électronique le 21 septembre 2015 pour la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE, intimée et appelante incidente ;

***

Par acte d'huissier en date du 5 mars 2012, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE a fait signifier à Monsieur et Madame [N] [F] un commandement aux fins de saisie de l'immeuble sis à [Adresse 3], pour avoir paiement de la somme de 152 749,51 euros.

Ce commandement demeuré infructueux a été publié le 27 avril 2012 au premier bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 1], volume 2012 S numéro 21.

Par acte d'huissier en date du 21 juin 2012, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE a fait assigner M. et Mme [N] [F] à comparaître à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Béthune du 13 septembre 2012. Cette instance a été enrôlée sous le numéro 12/62 RG Ventes.

Le cahier des conditions de la vente a été déposé au greffe du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Béthune le 22 juin 2012.

Parallèlement, par acte d'huissier en date du 29 mars 2012, M. et Mme [N] [F] ont fait assigner la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE devant le juge de l'exécution à l'audience du 5 avril 2012 aux fins de voir, au visa des articles R 211-4 et L 213-6 du code de l'organisation judiciaire et 15 du décret du 27 juillet 2006 suspendre la procédure de saisie immobilière et les effets du commandement aux fins de saisie immobilière délivré le « 5 janvier 2012 » (sic), à défaut leur accorder les délais de paiement les plus larges jusqu'à la vente de leurs biens immobiliers à [Localité 3], et condamner la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE aux dépens.

Par jugement en date du 20 décembre 2012, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Béthune a ordonné la jonction de cette instance enrôlée sous le numéro 12/1380 avec celle enrôlée sous le numéro 12/62 RG Ventes.

Par jugement en date du 24 janvier 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Béthune a ordonné le report du paiement des sommes dues par M. et Mme [N] [F] à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE pour une durée de 12 mois à compter de la décision, dit que l'affaire sera examinée à nouveau à l'audience du jeudi 23 janvier 2014 dans la perspective de la poursuite éventuelle de la procédure de saisie immobilière et réservé les dépens.

Par jugement en date du 13 février 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Béthune a ordonné la prorogation des effets du commandement de saisie immobilière en date du 5 mars 2012, dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe et ordonné le réexamen de l'affaire à l'audience du jeudi 13 mars 2014.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 21 mai 2014, M. et Mme [N] [F] ont demandé au juge de l'exécution, au visa des articles 1907 du Code civil, L 312-7, L 312-8, L 312-33 et L 313-1 du code de la consommation de :

dire et juger que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE est déchue en totalité du droit aux intérêts et que la totalité des paiements effectués par les époux [N] [F] devra s'imputer sur le capital et en conséquence enjoindre la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE de produire le décompte détaillé correspondant

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où d'une part, il ne serait pas considéré devoir être fait application d'une déchéance en totalité du droit aux intérêts et où d'autre part, après production du décompte détaillé, il devait apparaître un montant positif au titre du capital restant dû, dire et juger que les époux [N] [F] ne seront tenus des intérêts au taux légal qu'au titre du remboursement du solde du capital restant dû

à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait considéré devoir être fait application du taux d'intérêt légal au prêt immobilier litigieux en substitution du taux conventionnel, dire et juger que le montant restant dû s'élève à 74 688,66 euros

dans cette hypothèse, vu les dispositions des articles R 322-15 et R 322-17 du code des procédures civiles d'exécution,

accorder aux époux [N] [F] un délai de paiement pour une période de 12 mois de report du paiement des sommes dues

autoriser les époux [N] [F] à vendre amiablement leur immeuble sis à [Adresse 3] pour le prix 'maximal' que le juge de l'exécution voudra bien fixer.

Au soutien de leurs demandes, M. et Mme [N] [F] ont fait valoir que :

l'acte de prêt ne rendait pas compte du taux effectif global réellement appliqué à l'opération en ce qu'il ne prenait pas en compte les frais de garantie de 2010 €, les frais de dossier de

762 €, les frais de parts sociales de 200 €, la prime annuelle d'assurance incendie obligatoire de 33,99 euros par mois et les frais d'intermédiaire d'un montant de 12 800 € correspondant à l'intervention du notaire désigné par la banque

l'expert analyste financier dont les époux [N] [F] s'étaient rapprochés, avait déterminé que le taux effectif global s'appliquant réellement à l'opération s'élevait à 7,775 % et non à 6,45 % comme annoncé par la banque

leur action n'était pas prescrite dès lors que, n'ayant pas la qualité de professionnels, seule la procédure de saisie immobilière engagée par la banque les avait placés en situation de s'interroger sur l'exactitude du taux effectif global annoncé ; rien dans l'acte de prêt ne pouvant les alerter sur l'inexactitude de ce taux, le point de départ du délai de cinq ans de prescription de l'action n'était pas la date du contrat.

En réponse, par conclusions signifiées le 10 juin 2014, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE a demandé au juge de l'exécution de débouter M. et Mme [N] [F] de leurs demandes, de fixer sa créance à la somme de 167 734,51 € outre les intérêts au taux contractuel de 5,30 % à compter du 25 février 2014 et d'ordonner la vente forcée de l'immeuble, aux motifs que :

les époux [N] [F] avaient mis à profit le délai de 12 mois qui leur avait été accordé par le jugement du 24 janvier 2013 pour vendre deux immeubles mais qu'ils ne l'avaient pas désintéressée pour autant ce qui démontrait leur mauvaise foi

leur action en déchéance du droit aux intérêts était prescrite pour n'avoir pas été introduite dans le délai de cinq ans à compter de la date de la signature de l'offre et ce d'autant que les époux [N] [F], respectivement garagiste et conjoint collaborateur, ne pouvaient être considérés comme profanes et qu'en l'espèce, l'examen de la teneur de la convention permettait de constater que le taux effectif global n'incluait pas les éléments que les époux [N] [F] reprochaient à la banque de ne pas avoir inclus dans le calcul du taux effectif global

la souscription des parts sociales et la souscription d'une assurance incendie n'avaient pas à être intégrées dans le calcul du taux effectif global dans la mesure où elles n'étaient pas imposées par la banque comme conditions d'octroi du prêt

les frais de notaire évalués à 12 800 € par les époux [N] [F] qui ne justifiaient pas ce montant ne devaient pas davantage être intégrés dans le calcul du taux effectif global dans la mesure où le notaire n'était pas intervenu à titre d'intermédiaire dans l'octroi du crédit.

Par jugement d'orientation en date du 11 décembre 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Béthune :

constate la validité du titre exécutoire

rejette la fin de non recevoir de l'action en déchéance du droit aux intérêts tirée de la prescription

prononce une déchéance partielle du droit aux intérêts dans la proportion de la différence entre le taux d'intérêt conventionnel de 5,30 % et le taux de l'intérêt légal depuis l'origine du contrat

retient pour montant de la créance de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE, après application de cette déchéance partielle, la somme de 79 916,86 euros à la date du 31 décembre 2013 en principal, intérêts et indemnité conventionnelle outre les intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2014

ordonne la vente forcée de l'immeuble désigné au commandement signifié le 5 mars 2012 publié au premier bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 1] le 27 avril 2012 volume 2012 S numéro 21 sur la mise à prix de 99 000 € à l'audience du jeudi 12 mars 2015 à 11 heures

dit que la visite du bien sera organisée par l'un des associés de la Société Civile Professionnelle Gabriel BARBRY Patrick NANIN Arnaud BARBET Maxime BUE huissiers de justice associés à [Localité 5] (Pas-de-Calais) avec le concours de la force publique et d'un serrurier si besoin est, aux dates fixées par l'huissier instrumentaire

dit que les dépens seront compris dans les frais de la vente soumis à taxe.

Monsieur et Madame [N] [F] ont relevé appel de ce jugement le 12 janvier 2015.

Par arrêt avant dire droit en date du 18 juin 2015, la cour de céans a ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de faire valoir leurs observations sur le moyen soulevé d'office par la cour tiré de l'irrecevabilité de la demande de fixation du prix de mise en vente de l'immeuble saisi à 180 000 €, renvoyé l'affaire à l'audience du 24 septembre 2015 et réservé les dépens.

Dans leurs écritures après arrêt avant dire droit, M. et Mme [N] [F] demandent à la cour, au visa des dispositions de l'article 1244-1 du code civil et des dispositions des articles R 322-15 et R 322-17 du code des procédures civiles d'exécution, de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE détenue à leur encontre, à la somme de 74 688,66 euros

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a appliqué à ce montant une indemnité de 7 % en application de l'article 15 des conditions générales annexées à l'acte authentique

dire que cette somme de 74 688,66 euros portera intérêt au taux légal à compter du 11 décembre 2014

autoriser M. et Mme [N] [F] à vendre amiablement leur immeuble sis [Adresse 2], pour le prix minimal que la cour d'appel voudra bien fixer

dans l'hypothèse où il devrait être envisagé la vente forcée de leur maison d'habitation, dire et juger que la mise à prix d'une telle vente ne pourrait être inférieure à un montant de 180 000 €.

Dans ses écritures après arrêt avant dire droit, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE demande à la cour de :

confirmer la décision entreprise sauf en ce qu'elle a prononcé la déchéance partielle du droit aux intérêts de la Caisse d'Epargne et fixé à 79 916,86 euros le montant de sa créance avec intérêt au taux légal à compter du 1er janvier 2014

statuant à nouveau sur ce point,

constater la prescription de la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par les époux [N] [F]

débouter les époux [N] [F] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions

fixer la créance de la Caisse d'Epargne Nord France Europe à la somme de 167 734,51 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 5,30 % à compter du 25 mai 2014

à titre subsidiaire,

limiter la réduction du taux d'intérêt en le fixant à 5,17 %

à titre infiniment subsidiaire,

fixer la créance de la Caisse d'Epargne Nord France Europe à la somme de 115 486,67 euros

condamner solidairement les époux [N] [F] à payer à la Caisse d'Epargne Nord France Europe la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente.

Selon ce qu'autorise l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé du surplus de leurs moyens.

Sur ce,

Sur la créance

Attendu qu'aux termes de l'article R 322-18 du code des procédures civiles d'exécution, 'le jugement d'orientation mentionne le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessoires' ;

Attendu que la procédure de saisie immobilière en cause est mise en oeuvre sur le fondement d'un titre exécutoire constitué par l'acte authentique reçu le 25 février 2003 par Maître [V] [I], notaire à [Localité 4], contenant vente et prêt immobilier consenti par la Caisse d'épargne à M. et Mme [N] [F] d'un montant de 198 343 €, au taux d'intérêt fixe de 5,30 % l'an et au taux effectif global de 6,45 % l'an, remboursable par 240 mensualités d'un montant de 1467,69 euros chacune, assurance incluse, prêt destiné à financer l'acquisition par les emprunteurs de l'immeuble objet de la vente contenue dans le même acte notarié ;

Attendu de la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE produit un décompte de sa créance arrêtée à la date du 25 février 2014 à la somme de 167 654,51 euros en principal, intérêts et pénalités (hors frais de dossier contentieux d'un montant de 80 euros) ;

1) Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription

Attendu qu'en vertu de l'article 1907 du Code civil, la mention dans un contrat de prêt d'un taux effectif global erroné est sanctionnée par la nullité de la stipulation contractuelle relative aux intérêts conventionnels auxquels est substitué l'intérêt au taux légal depuis l'origine du prêt ;

Que selon l'article L 313-1 du code de la consommation, pour la détermination du taux effectif global du prêt sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ;

Qu'en application de l'article L 312-33 du code de la consommation, la mention dans une offre de prêt d'un taux effectif global irrégulier est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge ;

Attendu que pour solliciter la déchéance du droit aux intérêts et à titre subsidiaire la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels, M. et Mme [N] [F] font valoir que l'acte de prêt immobilier dont se prévaut la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE ne rend pas compte du taux effectif global réellement appliqué à l'opération en ce qu'il ne prend pas en compte les frais de garantie de 2010 €, les frais de dossier de 762 €, les frais de parts sociales retenues de 200 €, la prime d'assurance incendie obligatoire de 33,99 € par mois et les frais d'intermédiaire d'un montant de 12 800 € correspondant à l'intervention du notaire désigné par la banque ;

**

Attendu que le point de départ de la prescription de la demande en déchéance du droit aux intérêts du prêteur présentée sur le fondement de l'article L 312-33 du code de la consommation, par voie d'action ou de défense au fond, de même que celui de la prescription de l'action en nullité ou de l'exception de nullité de la stipulation relative à l'intérêt conventionnel contenue dans un acte de prêt ayant reçu un commencement d'exécution, en raison d'une erreur affectant le taux effectif global, court, s'agissant d'un emprunteur profane, à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; qu'ainsi, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l'examen de la teneur de cette convention permet de constater l'erreur ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur ;

Attendu qu'en l'espèce, l'acte notarié du 25 février 2003 qui sert de fondement aux poursuites comporte en page 10 un Article 6 « TAUX EFFECTIF GLOBAL » rédigé comme suit :

« Conformément à la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966, le taux effectif global du prêt est de 6,45 % (proportionnel). »

Que l'offre de prêt immobilier acceptée et signée par M. et Mme [N] [F] le 13 février 2003, annexée à la minute de l'acte notarié, mentionne :

une échéance mensuelle de 1467,69 € incluant une prime d'assurance de 125,62 €

des frais de dossier pour 762 €

des frais de garantie (évaluation) pour 2010 €

un taux de période de 0,54 %

un coût total sans assurance et accessoires de 123 753,80 €

un coût total avec assurance et accessoires de 154 664,60 €

un Taux Effectif Global - TEG de 6,45 %

Que le tableau d'amortissement prévisionnel édité le 10 janvier 2003 dont M. et Mme [N] [F] ont paraphé chaque page, annexé à l'acte notarié à la suite de l'offre de prêt immobilier, mentionne dans un encadré en fin de tableau :

-Montant des frais de dossier : 762,00 €

-Montant des frais de garantie : 0,00 €

-Coût total du crédit : 154 664,60 €

-Taux Effectif Global : 6,45 %

Que sont également annexées à l'acte notarié les conditions générales des prêts immobiliers qui contiennent un Article 10 ' Taux Effectif Global (TEG)' énonçant que : « Le TEG est déterminé, conformément aux termes de l'article L 313-1 du code de la consommation, en tenant compte, notamment, des frais pour la prise de garantie et des primes d'assurance collective. » ;

Qu'à la lecture de ces documents contractuels dont M. et Mme [N] [F] ont paraphé chaque page, ces derniers pouvaient se rendre compte dès la signature de l'offre de prêt que les frais de garantie n'étaient pas pris en compte dans le taux effectif global et que celui-ci était donc erroné puisque tant dans l'offre de prêt que dans le tableau d'amortissement le coût total du crédit était fixé à 154 664,60 € et le taux effectif global à 6,45 % alors que le tableau d'amortissement, édité le 10 janvier 2003, mentionnait clairement : « Montant des frais de garantie : 0,00 € », tandis que l'offre de prêt, émise par la banque le 1er février 2003 et acceptée par M. et Mme [N] [F] le 13 février 2003, indiquait clairement : ' Frais de garantie (évaluation) : 2010,00 € » ;

Qu'en outre, les libellés des conditions particulières de l'offre de prêt du 13 février 2003 comme de l'acte authentique du 25 février 2003 faisaient apparaître, par leur seule lecture, que la souscription des parts sociales n'était pas intégrée dans l'assiette de calcul du taux effectif global, ni les autres éléments du taux effectif global invoqués par les emprunteurs ;

Que l'examen de la teneur de la convention permettait donc à M. et Mme [N] [F], emprunteurs profanes, de constater l'erreur affectant le taux effectif global ; qu'il en résulte que le point de départ de la prescription des deux actions (la demande de déchéance du droit aux intérêts et la demande subsidiaire de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel) est la date de signature du contrat de prêt, soit le 13 février 2003 ;

**

Attendu que la demande en déchéance du droit aux intérêts d'un prêt immobilier en application de l'article L 312-33 du code de la consommation est soumise à la prescription de l'article L 110-4 du code de commerce ;

Que la prescription de dix ans prévue à l'article L 110-4 du code de commerce tel qu'applicable en la cause dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, est réduite à cinq ans par cette loi ;

Que l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, précise que « les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. » ;

Qu'en l'espèce, la prescription de la demande en déchéance du droit aux intérêts qui courait à compter du 13 février 2003, date de signature du contrat de prêt par M. et Mme [N] [F], se trouvait acquise le 13 février 2013 ;

Que la demande en déchéance du droit aux intérêts de la banque, introduite par M. et Mme [N] [F] par leurs conclusions du 28 mars 2014, se trouve donc prescrite, de même que la demande subsidiaire de nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels soumise à la prescription quinquennale de l'article 1304 du Code civil qui se trouvait acquise le 13 février 2008, soit bien antérieurement à leurs conclusions du 28 mars 2014 introduisant leur demande subsidiaire ;

Attendu qu'il convient dès lors, par infirmation du jugement déféré, de déclarer irrecevables comme prescrites la demande tendant à la déchéance du droit aux intérêts et la demande subsidiaire tendant à la nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel ;

2) Sur l'indemnité de résiliation

Attendu que l'article 15 des conditions générale des prêts immobiliers annexées à l'acte authentique du 25 février 2003 prévoit en cas d'exigibilité du prêt consécutif à la résiliation du contrat de prêt en raison de la défaillance des emprunteurs, une indemnité égale à 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû, des intérêts échus et non versés ;

Attendu que l'indemnité de 7 % dont la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE réclame le paiement est, au sens de l'article 1226 du Code civil, une clause pénale ; qu'outre sa fonction incitative de l'exécution d'une obligation, elle a une fonction réparatrice en cas d'inexécution ; qu'elle se cumule donc en principe avec les dispositions relatives à l'exigibilité du capital et des intérêts échus et impayés mais n'exclut pas que les dispositions des articles 1152 et 1231 du Code civil puissent trouver à s'appliquer ;

Attendu que la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE a fixé le montant de l'indemnité d'exigibilité par anticipation à la somme de 9902,90 € ;

Qu'il ne saurait être fait droit à la demande de M. et Mme [N] [F], qui sont défaillants dans leur obligation de remboursement et qui ne peuvent se prévaloir d'aucune faute commise par la banque, de rejet de l'indemnité de résiliation réclamée par la banque, l'indemnité de 7 % ayant été acceptée contractuellement et étant conforme aux dispositions de l'article R 312-3 du code de la consommation qui énonce que "l'indemnité prévue en cas de résiliation du contrat de prêt ne peut dépasser 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non versés" ;

Que l'indemnité de 7 % expressément prévue au contrat de prêt immobilier et réclamée par la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE ne présente aucun caractère manifestement excessif au sens de l'article 1152 du Code civil, au regard du montant des sommes restant dues et compte tenu de la perte des intérêts que le prêteur subit du fait de la résiliation du contrat de prêt, l'excès s'appréciant en comparant le montant de la peine fixée et celui du préjudice effectivement subi sans égard à la bonne ou à la mauvaise foi du débiteur ou à sa situation matérielle ;

Que M. et Mme [N] [F] seront donc déboutés de leur demande au titre de l'indemnité de 7 % ;

***

Attendu qu'il résulte de ce qui précède et au vu du décompte de la créance arrêtée au 25 février 2014 dont le montant peut être retenu au regard des dispositions contractuelles du titre notarié qui la font (hormis en ce qui concerne les frais de dossier contentieux pour 80 € qui ne sont pas justifiés), le montant de la créance retenu sera fixé, par réformation partielle du jugement, à la somme de 167 654,51 euros à la date du 25 février 2014 en principal, intérêts et indemnité conventionnelle, outre les intérêts au taux contractuel de 5,30 % l'an à compter du 26 février 2014 ;

Sur la demande tendant à voir autoriser la vente amiable de l'immeuble saisi

Attendu que selon l'article R 322-15 du code des procédures civiles d'exécution, pour autoriser la vente amiable, « le juge s'assure qu'elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte-tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur » ;

Que si l'article R 322-15 du code des procédures civiles d'exécution qui n'envisage que des diligences « éventuelles », n'impose pas au débiteur de justifier au moment de sa demande de l'existence ou de la signature prochaine d'un engagement écrit, en revanche, il appartient au débiteur de démontrer que son bien peut se vendre rapidement ;

Que par ailleurs, il résulte de l'article R 322-21 du code des procédures civiles d'exécution que le délai pouvant être accordé au débiteur pour procéder à la vente amiable ne peut dépasser quatre mois et que le juge ne peut accorder un délai supplémentaire qui ne peut excéder trois mois que si le demandeur justifie d'un engagement écrit d'acquisition et qu'afin de permettre la rédaction et la conclusion de l'acte authentique de vente ;

Attendu qu'en l'espèce, à l'appui de leur demande d'autorisation de vente amiable de leur bien immobilier situé [Adresse 2]), Monsieur et Madame [N] [F] ne produisent qu'un mandat de vente sans exclusivité donné le 22 avril 2015 à l'agence immobilière ABRIMMO à [Localité 2], l'immeuble litigieux étant mis en vente pour un prix net vendeur de 250 000 euros avec mise à la charge du vendeur des honoraires du mandataire pour un montant 7 500 euros ;

Que, outre que M. et Mme [N] [F] ne démontrent pas que le prix de mise en vente de 250 000 € correspond aux conditions économiques du marché immobilier, compte tenu de la situation du bien, ils ne justifient d'aucune proposition sérieuse d'acquisition de l'immeuble permettant d'espérer une vente prochaine ;

Que dès lors, M. et Mme [N] [F] ne démontrant pas plus en cause d'appel qu'en première instance que la vente amiable de l'immeuble litigieux puisse être réalisée dans des conditions satisfaisantes dans le délai de quatre mois prévu à l'article R 322-21 du code des procédures civiles d'exécution, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté leur demande tendant à voir autoriser la vente amiable de l'immeuble ;

Sur la recevabilité de la contestation de la mise à prix de l'immeuble

Attendu qu'aux termes de l'article R 311-5 du code des procédures civiles d'exécution dont les dispositions sont d'ordre public, « à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'acte » ;

Qu'il résulte de ce texte qui est d'interprétation stricte que l'effet dévolutif de l'appel du jugement d'orientation est limité aux contestations et demandes incidentes formées au plus tard le jour de l'audience d'orientation dès lors qu'elles ne portent pas sur des actes de procédure postérieurs à celle-ci, et que la cour ne peut donc réexaminer que les contestations et demandes formées et débattues devant le premier juge ;

Attendu qu'à l'audience d'orientation qui s'est tenue le 9 octobre 2014, M. et Mme [N] [F] n'ont formé aucune contestation relative au montant de la mise à prix de leur immeuble, fixé par le créancier poursuivant dans le cahier des conditions de la vente à la somme de

99 000 € ;

Que leur demande de modification de la mise à prix de l'immeuble saisi, étant formée pour la première fois en cause d'appel et ne portant pas sur des actes de procédure postérieurs à l'audience d'orientation, doit être déclarée irrecevable, aucune contestation ni demande incidente ne pouvant, sauf disposition contraire, être formée après l'audience d'orientation à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ;

Sur l'orientation de la procédure de saisie immobilière

Attendu qu'en vertu de l'article R 322-15 du code des procédures civiles d'exécution, à l'audience d'orientation, le juge de l'exécution détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée ;

Qu'aucune vente amiable n'étant autorisée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la vente forcée de l'immeuble désigné au commandement signifié le 5 mars 2012 publié au premier bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 1] le 27 avril 2012 volume 2012 S numéro 21 sur la mise à prix de 99 000 € ;

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe ;

Qu'en cause d'appel, M. et Mme [N] [F], partie succombante, seront condamnés aux dépens lesquels seront employés en frais privilégiés de vente ; qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser au créancier poursuivant la charge de ses frais irrépétibles exposés devant la cour ; que la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE sera donc déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS ;

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Vu l'arrêt avant dire droit en date du 18 juin 2015 ;

Déclare irrecevable la demande de fixation du prix de mise en vente de l'immeuble saisi à un montant qui ne saurait être inférieur à

180 000 € ;

Confirme le jugement déféré sauf des chefs de la fin de non recevoir tirée de la prescription et du montant de la créance ;

Statuant à nouveau de ces chefs ;

Déclare irrecevables comme prescrites la demande tendant à la déchéance du droit aux intérêts et la demande subsidiaire tendant à la nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel ;

Retient pour montant de la créance de la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE la somme de 167 654,51 euros à la date du 25 février 2014 en principal, intérêts et indemnité conventionnelle, outre les intérêts au taux contractuel de 5,30 % l'an à compter du 26 février 2014 ;

Déboute la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes ou conclusions plus amples ou contraires ;

Condamne M. et Mme [N] [F] aux dépens d'appel lesquels seront employés en frais privilégiés de vente ;

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

P. PAUCHETP. CHARBONNIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 3
Numéro d'arrêt : 15/00208
Date de la décision : 19/11/2015

Références :

Cour d'appel de Douai 83, arrêt n°15/00208 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-19;15.00208 ?
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