République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 05/11/2015
***
N° de MINUTE : 15/
N° RG : 14/06491
Jugement (N° 13/11808)
rendu le 14 Octobre 2014
par le Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE
REF : PB/KH
APPELANTE
SAS FINANCIERE HEVD
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI
Assistée de Me DUMAS L'HOIR Anne, avocat au Barreau de PARIS, substitué par Me
[M] [X], collaborateur
INTIMÉ
Monsieur [N] [Q]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Me Dominique LEVASSEUR, constitué aux lieu et place de Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI
Assisté de Me Carlos DE CAMPOS, avocat au barreau de REIMS
DÉBATS à l'audience publique du 09 Septembre 2015 tenue par Philippe BRUNEL magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Christine PARENTY, Président de chambre
Philippe BRUNEL, Conseiller
Sandrine DELATTRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Philippe BRUNEL, Conseiller en remplacement de Christine PARENTY, Président empêché en vertu de l'article 456 du code de procédure civile et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 juin 2015
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Vu le jugement du tribunal de commerce de Lille-Métropole en date du 14 octobre 2014 rejetant les demandes de la société financière HEVD visant à la condamnation de M. [N] [Q] à lui payer la somme de 274 807 € en principal en exécution d'une convention de garantie d'actif et de passif signée le 29 octobre 2012 dans le cadre de l'acquisition par la société financière HEVD de l'intégralité des actions de la société Alpem pour un prix global de 1 978 700,73 € ; le tribunal, conformément à l'argumentation développée par M. [Q], a considéré que la garantie n'avait pas été mise en 'uvre conformément aux dispositions contractuelles dès lors que la réclamation n'avait pas été notifiée par le représentant de la société financière HEVD conventionnellement désigné ; le tribunal a ordonné la restitution par la société financière HEVD de la somme de 197 870 € versée par la banque Kolb au titre d'une garantie à première demande ;
Vu la déclaration d'appel de la société financière HEVD en date du 27 octobre 2014 ;
Vu les dernières conclusions de la société financière HEVD en date du 21 mai 2015 demandant l'infirmation du jugement et qu'il soit fait droit à ses demandes initiales ; elle considère que l'argumentation de M. [Q], reprise à son compte par le tribunal, est contraire aux dispositions des articles 1134 et 1135 du Code civil relatifs à l'interprétation -notamment de bonne foi- des contrats ainsi que des dispositions de l'article L227-6 alinéa premier du code de commerce relatif aux règles de représentation dans les SAS ; elle explique que, si la convention de garantie a effectivement indiqué qu'elle serait représentée par Monsieur [O] [A] qui était alors président de la société, celui-ci a été remplacé le 31 janvier 2013 par délibération du comité de surveillance par M. [R] [W], signataire de la réclamation adressée au garant, de telle sorte que la société financière HEVD ne pouvait plus être juridiquement représentée par Monsieur [A] ; elle considère qu'il ne s'agit pas là, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, d'une modification unilatérale du contrat ; elle fait également valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la réclamation présentée au garant présentait pour partie un caractère conservatoire et que à ce titre, en vertu des stipulations du contrat, elle pouvait être présentée par le bénéficiaire lui-même et non pas par le représentant contractuellement désigné ; elle estime en conséquence que, M. [Q] n'ayant pas contesté la réclamation dans le délai de 15 jours contractuellement prévu, il devait être considéré qu'il l'avait acceptée et qu'il devait en conséquence être condamné à lui payer la somme de 274 807 € assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 12 avril 2013 ; s'agissant de la demande de M. [Q] visant au remboursement de la somme payée par la banque Kolb, elle estime qu'il appartient à celui-ci d'agir contre la banque et qu'il n'est pas prouvé qu'il se soit acquitté de ladite somme auprès de la banque ;
Vu les dernières conclusions de M. [Q] en date du 23 mars 2015 demandant la confirmation du jugement ; il fait valoir que, en notifiant sa réclamation sous la signature d'une personne autre que celles régulièrement désignée dans la convention de garantie pourtant rédigée par son propre conseil, la société HEVD n'a pas mis en 'uvre la garantie dans les conditions prévues et a manqué à son obligation de bonne foi, la réclamation présentée n'étant en conséquence pas régulière ; il souligne que la convention prévoit que toute modification nécessite un accord écrit signé de toutes les parties ; il conteste que la société puisse revendiquer l'application des dispositions propres à la réclamation à titre conservatoire, la réclamation présentée par elle ne présentant pas un tel caractère dès lors qu'elle contenait toutes les précisions exigées pour la présentation d'une réclamation de droit commun ; il soutient enfin que sa demande reconventionnelle est recevable et fondée, la somme payée par la banque en exécution de la garantie à première demande attachée à la convention de garantie de passif ayant pour contrepartie le blocage de fonds appartenant au donneur d'ordre, en l'espèce lui-même, que la banque est en mesure de débiter de son compte ;
Vu l'ordonnance de clôture du 25 juin 2015 ;
MOTIFS
Attendu que les éléments de fait ont été complètement et exactement énoncés dans le jugement déféré auquel la cour entend en conséquence renvoyer à ce titre ; qu'il sera seulement rappelé que la société financière HEVD a acquis des consorts [Q] le 29 octobre 2012 la totalité du capital de la société Alpem, société ayant pour objet la transformation, distribution de tous emballages en papier plastique aluminium ou tout autre matière et notamment l'exploitation d'un fonds de commerce de transformation et de distribution de papiers d'emballage exploité à [Localité 3] ; que le même jour, M. [N] [Q] s'est porté garant à titre de garantie d'actif et de passif au profit de la société acquéreur ; que la banque Kolb s'est portée garante autonome au profit de cette même société quant à l'engagement de payer contracté par M. [Q] et ceci dans la limite de 197 870 € ; que par lettre recommandée avec avis de réception du 12 avril 2013, la société financière HEVD a notifié à M. [Q] une réclamation au titre de la convention de garantie pour une somme globale de 472 677 € ; que des éléments complémentaires ont été notifiés par la société au garant par lettre recommandée avec avis de réception du 29 avril 2013 ; que M. [Q] a contesté la réclamation par lettre recommandée du 17 mai 2013 ; que, se prévalant de l'absence de réponse du garant dans le délai de 15 jours ouvrés contractuellement prévu à cet effet, la société financière HEVD a demandé à la banque Kolb le paiement de la somme de 197 870 € en exécution de la garantie à première demande ; que par lettre recommandée avec avis de réception du 6 juin 2013, elle a informé M. [Q] de la mise en jeu de cette garantie et l'a mis en demeure de payer le solde du montant réclamé par elle soit 274 807 € ; que M. [Q], par son conseil, a contesté tant auprès de la banque que de la société financière HEVD la régularité de la mise en 'uvre de la garantie au regard de la computation des délais; qu'en définitive, la société financière HEVD l'a assigné le 1er août 2013 devant le tribunal de commerce de Lille Métropole qui a rendu le jugement déféré ;
Attendu que la notification de réclamation opérée pour le compte de la société HEVD le 12 avril 2013 a été signée de M. [R] [W], devenu président de cette société par délibération du comité de surveillance du 31 janvier 2013 ; que cette même délibération mettait fin aux fonctions de président anciennement dévolues à M. [A], celui-ci étant révoqué au regard de la dégradation des résultats de la société et des défaillances relevées par le comité à son égard; que la lettre du 12 avril 2013 indique : « A titre préliminaire, je vous prie de bien vouloir noter qu'en raison de la cessation des fonctions de M. [O] [A], le Représentant du Bénéficiaire est désormais M. [R] [W] et toute notification devra lui être adressée à l'adresse suivante », suit alors l'adresse de la société bénéficiaire et l'adresse e-mail de M. [W] ;
Attendu que l'article 5.3.1 de la convention de garantie prévoit que la réclamation doit être notifiée au garant par le représentant du bénéficiaire ; que l'article 5.10 de cette même convention prévoit sous le titre « représentation du bénéficiaire » que : « dans le cadre de la mise en jeu de la Convention et des différentes correspondances y afférentes, le Bénéficiaire sera représenté par Monsieur [O] [A] et toute notification devra être faite à l'adresse suivante : »' suit l'adresse de la société financière HEVD assortie de l'adresse e-mail de M. [A] ;
Attendu que la désignation ainsi faite par la société HEVD de son représentant conventionnel ne constitue pas une stipulation résultant d'un accord des parties ; qu'il s'agit au contraire d'une disposition déclarative, la société contractante HEVD, bénéficiaire de la garantie, s'y limitant à déclarer quel était le nom de son représentant ; qu'en conséquence, il ne pouvait être attendu, de bonne foi, par le garant, que la société bénéficiaire s'engage à ne pas modifier l'identité de son représentant, une telle modification n'étant en toute hypothèse pas subordonnée à un accord quelconque du garant ; que les stipulations de l'article 9.2 de la convention de garantie en vertu desquelles « toute modification des présentes nécessitera un accord écrit signé de toutes les Parties ... » ne sont donc pas applicables à une telle désignation qui ne présente pas la nature d'un engagement contractuel ; que, par ailleurs, la convention ne prévoit aucune disposition particulière imposant à la société bénéficiaire de notifier le changement d'identité de son représentant dans un délai particulier ; qu'en l'espèce, il y a lieu de constater que le fait que le changement de représentant ait été porté à la connaissance du garant dans la lettre même de réclamation et non pas dans les temps qui ont suivi la modification statutaire n'a généré aucun préjudice au détriment de M. [Q] ;
Que la cour note que M. [A] ne pouvait plus d'une quelconque façon être maintenu dans ses fonctions de représentant conventionnel compte tenu notamment des conditions dans lesquelles sa révocation était intervenue ; que la cour note également que M. [Q], dans sa lettre du 17 mai 2013 en réponse à la réclamation, n'a à aucun moment contesté la régularité de celle-ci au regard de l'identité de son signataire, la lettre de M. [Q] étant clairement adressée à l'attention de M. [R] [W] et s'attachant exclusivement à contester sur le fond chacun des chefs de réclamation ; qu'enfin, à la date de signature du courrier de réclamation, M. [W] avait la qualité effective de représentant légal de la société bénéficiaire ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la régularité de la réclamation ne peut être contestée au regard de l'identité de son signataire ;
Attendu pour le surplus que, en application de l'article 5.3.4 de la convention de garantie, l'absence de réponse du garant dans le délai de 15 jours ouvrés vaut acceptation par celui-ci de la réclamation et renonciation définitive au droit de la contester, emportant ainsi obligation de paiement à l'égard du bénéficiaire ; que la convention précise que par jours ouvrés, il y a lieu d'entendre « tous les jours où les banques sont ouvertes pour des opérations courantes à [Localité 4], ceci excluant le samedi, le dimanche et les jours fériés » ; que la convention précise encore (article 6.2) que toute notification sera considérée comme valablement effectuée à sa date de remise en main propre ou à sa date de première présentation en cas de lettre recommandée avec accusé de réception ; qu'en l'espèce, la lettre recommandée avec accusé de réception du 12 avril 2013 portant réclamation par le bénéficiaire a fait l'objet d'une première présentation le 16 avril 2013 ; que la lettre de réponse de M. [Q] en date du 17 mai 2013 est postérieure à l'expiration du délai de 15 jours ouvrés prévu par la convention ; que les modalités de computation des délais n'ont d'ailleurs pas été contestées devant le premier juge pas plus qu'elles ne le sont devant la cour ; qu'il en résulte qu'en application des stipulations conventionnelles ci-dessus rappelées, M. [N] [Q] est tenu d'une obligation à paiement au titre des réclamations portées dans la lettre de la société HEVD du 12 avril 2013 ;
Attendu en conséquence que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions et que M. [Q] sera condamné à payer à la société financière HEVD la somme de 274 807 € ; que les intérêts seront dus sur cette somme suivant les modalités prévues par l'article 5.5 de la convention de garantie et non pas, comme le demande la société HEVD, par application de l'intérêt au taux légal à compter du 12 avril 2013 outre capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil ;
Attendu que la société HEVD n'établit pas que le refus de paiement opposé par M. [Q] revête le caractère d'un abus du droit de se défendre et d'ester en justice; que la demande de dommages intérêts présentée par elle à ce titre doit être rejetée;
Attendu qu'il serait inéquitable que la société HEVD conserve à sa charge le montant des frais irrépétibles engagés pour les besoins de la présente instance ; que M. [Q] sera condamné à lui payer la somme de 8000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
la cour, statuant publiquement et contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne M. [N] [Q] à payer à la société financière HEVD la somme de 274 807 € en principal assortie de l'intérêt dans les conditions définies à l'article 5.5 de la convention de garantie,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne M. [Q] à payer à la société financière HEVD la somme de 8000 € euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [Q] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE CONSEILLER
POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ
M.M. HAINAUTP. BRUNEL