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02/07/2015 | FRANCE | N°15/02762

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 02 juillet 2015, 15/02762


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 02/07/2015



***



N° de MINUTE :15/

N° RG : 15/02762



Jugement (N° 13/1283)

rendu le 22 Avril 2015

par le Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE



REF : PF/KH





APPELANTES



Madame [D] [K] en sa qualité de gérante de la SARL [Adresse 16]

demeurant [Adresse 19]

[Localité 12]I BELGIQUE



Représentée

par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Cindy DUBRULLE, avocat au barreau de LILLE



SARL [Adresse 16]

ayant son siège social [Adresse 15]

[Localité 15]



Représentée par Me Eric LAFORCE, avoca...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 02/07/2015

***

N° de MINUTE :15/

N° RG : 15/02762

Jugement (N° 13/1283)

rendu le 22 Avril 2015

par le Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE

REF : PF/KH

APPELANTES

Madame [D] [K] en sa qualité de gérante de la SARL [Adresse 16]

demeurant [Adresse 19]

[Localité 12]I BELGIQUE

Représentée par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Cindy DUBRULLE, avocat au barreau de LILLE

SARL [Adresse 16]

ayant son siège social [Adresse 15]

[Localité 15]

Représentée par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Cindy DUBRULLE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS

SAS BECI

ayant son siège social [Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Dominique LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Karl VANDAMME, avocat au barreau de LILLE

SA GORRIAS

ayant son siège social [Adresse 20]

[Localité 9]

Représentée par Me Dominique LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Karl VANDAMME, avocat au barreau de LILLE

Société HARAS DES CAMELIAS société civile d'exploitation agricole

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Dominique LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Karl VANDAMME, avocat au barreau de LILLE

SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Eric DELFLY, avocat au barreau de LILLE

Maître [O] [B] agissant en qualité d'administrateur provisoire de la SARL [Adresse 16]

demeurant [Adresse 8]

[Localité 7]

Représenté par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Bruno LEMISTRE, avocat au barreau de LILLE

Maître [A] [V] agissant en qualité de liquidateur de la SARL [Adresse 16]

demeurant [Adresse 10]

[Localité 7]

Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI, substitué par Me Catherine CAMUS

Assistée de Me Christian LEQUINT, avocat au barreau de LILLE

SELARL AJJIS représentée par Maître Vincent LABIS, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la SARL [Adresse 16]

ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Jean-François CORMONT, avocat au barreau de LILLE

Madame LA PROCUREURE GÉNÉRALE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Substituée à l'audience par Madame Chantal BERGER, avocat général

SARL SOCIETE DE RESTAURATION ET DE LOISIRS

ayant son siège social [Adresse 11]

[Localité 15]

Représentée par Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE

SELAS [G] agissant en la personne de [I] [G] et agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société de Restauration et de Loisirs

ayant son siège social [Adresse 13]

[Localité 14]

Représentée par Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE

SELARL AJJIS agissant en la personne de Maître [N] [Z] en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société de Restauration et de Loisirs

ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE

Monsieur [R] [J] en sa qualité de représentant des salariés

demeurant [Adresse 12]

[Localité 4]

En personne

SARL FINAPAR

Assigné à JOUR FIXE le 18 mai 2015 à l'étude

(ordonnance de Monsieur le premier président (ou son délégué )

en date du : 25 août 2014)

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 11]

N'ayant pas constitué avocat

SA PROMEO

Assigné à JOUR FIXE le 18 mai 2015 à personne habilitée

(ordonnance de Monsieur le premier président (ou son délégué )

en date du : 25 août 2014)

ayant son siège social [Adresse 9]

[Localité 1]

N'ayant pas constitué avocat

Monsieur LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

Assigné à JOUR FIXE le 22 mai 2015

(ordonnance de Monsieur le premier président (ou son délégué )

en date du : 25 août 2014)-

Tribunal de Grande instance Avenue du Peuple Belge

[Localité 14]

SAS ANTENOR GROUPE

Assigné à JOUR FIXE le 18 mai 2015 à personne habilitée

(ordonnance de Monsieur le premier président (ou son délégué )

en date du : 25 août 2014)

ayant son siège social [Adresse 14]

[Localité 10]

N'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Pascale FONTAINE, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Stéphanie BARBOT, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

DÉBATS à l'audience publique du 15 Juin 2015 après rapport oral de l'affaire par Pascale FONTAINE

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pascale FONTAINE, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC :

Cf réquisitions du 9 juin 2015, communiquées aux parties

***

FAITS ET PROCEDURE

En février 2000, [W] [K] et son épouse, Mme [K], ont créé la SCI du Domaine de l'étang, dans le but d'acquérir aux enchères les deux premières parcelles de ce qui est devenu par la suite le site principal de 'Horseland Prémesques'.

Ces terrains étaient totalement en friche et ne comportaient que 3 petits bâtiments en ruine.

En 2011, ils ont eu l'occasion d'acquérir, par l'intermédiaire de la 'SCI du Domaine de l'étang I', les murs et terrains de l'actuel restaurant « Les Terrasses de Prémesques ».

Se sont ajoutées successivement plusieurs autres parcelles mitoyennes, qui ont permis d'agrandir le site.

A l'occasion du dépôt des premiers permis de construire, a été constituée la SARL [Adresse 16] (la société), société destinée à construire les bâtiments qui seraient ensuite loués et exploités par des sociétés s'urs, créées spécialement pour chaque activité exercée sur le site.

La société (dont la SARL Holding OP Defrance est l'associée unique) est ainsi devenue propriétaire de diverses parcelles ainsi que de la ferme de la Buterne, située à [Localité 13], de celle de l'Eperonnerie, située à [Localité 15], et des terrains agricoles en dépendant.

La société 'exploite' donc 3 sites principaux :

- Le site principal composé des Zone 1 (partie hôtelière et équestre) et 2 (zone équestre et agricole), et de la maison située [Adresse 18], le tout représentant plus de 10ha ;

- La ferme de la Buterne, représentant 12 ha 54, dont 98% de terres agricoles ;

- La ferme de l'Eperonnerie, représentant 11ha 54a dont 98% de terres agricoles.

L'objectif des époux [K] était d'édifier un 'vaste complexe haut de gamme' pour les loisirs, baptisé 'Horse land resort & spa', associant le monde équestre de haut niveau, l'hôtellerie 'premium', un centre d'affaire multi-fonctions, un espace bien-être et de nombreuses activités pour les (ou non) cavaliers.

Par un acte du 29 juillet 2013, les époux [K] ont cédé l'ensemble des parts sociales qu'ils détenaient dans les diverses sociétés civiles immobilières et sociétés commerciales qui composaient le 'groupe Defrance' - dont ils étaient tous deux co-gérants.

[W] [K] est décédé en août 2013.

Par jugement du 23 décembre 2013, le tribunal de commerce de Lille Métropole a prononcé le redressement judiciaire de la SARL [Adresse 16] (RCS n°1 450 467 238) (la société), ayant son siège social [Adresse 15]).

Par ce même jugement, le tribunal a désigné M. [T] en qualité de juge- commissaire et Me [V] en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 5 février 2014, le tribunal a désigné la SELARL AJJIS, représentée par Me [Z] en qualité d'administrateur judiciaire.

Par jugements successifs, le tribunal a autorisé une poursuite de l'activité jusqu'au 15 octobre 2014.

Aux termes d'un jugement rendu le 30 juillet 2014 par le tribunal de commerce de Lille Métropole, les cessions de parts sociales ont été annulées, les consorts [K] étant autorisés à procéder aux formalités, publicités et modifications statutaires consécutives à cette décision.

Sur requête du procureur de la République de Lille en date du 8 août 2014, arguant de 'l'absence totale de gouvernance du groupe Defrance et de l'absence de gérance de droit de la SARL [Adresse 16], le président du tribunal de commerce de Lille Métropole, par une ordonnance du 18 août 2014, a désigné Me [B] en qualité d'administrateur provisoire de la société, avec mission d'en 'assurer la gestion'.

Tentant d'exécuter le jugement du 30 juillet 2014 et confrontée à diverses difficultés, Mme [K] a saisi le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés par une requête du 23 octobre 2014, lui demandant de dire 'n'y avoir lieu à P-V de nomination (d'elle-même) en qualité de gérante de la Holding OP Defrance et d'ordonner au greffier du tribunal de régulariser les formalités relatives à la mise à jour des statuts de la société Holding OP Defrance', en faisant notamment valoir que, la nullité prononcée par ce jugement ayant un effet rétroactif, tous les actes faits en exécution de la cession l'étaient aussi, y compris le P-V du 29 juillet 2013 ayant désigné M. [Y] en qualité de gérant de la Holding, et qu'il n'y avait pas lieu à une nouvelle désignation, Mme [K] redevenant ipso facto gérante statutaire.

Une ordonnance du 7 novembre 2014 a fait droit à cette requête et une réunion a été organisée le 19 novembre 2014, entre le président du tribunal de commerce, le juge au registre du commerce et des sociétés, le greffier du tribunal de commerce, Me [Z] ('administrateur judiciaire'), Me [B] ('administrateur provisoire') et le conseil de Mme [K], en vue de 'terminer rapidement les formalités de l'ensemble des sociétés du groupe'.

Entre-temps, par jugement du 15 octobre 2014, le tribunal avait converti en liquidation judiciaire la procédure de redressement judiciaire ouverte au bénéfice de la société, avec poursuite de l'activité jusqu'au 15 janvier 2015 afin d'examiner les solutions de cession.

Par jugement du 15 janvier 2015, le tribunal a autorisé une poursuite complémentaire de l'activité jusqu'au 25 mars 2015.

A cette date, le tribunal a entendu deux candidats repreneurs (le 'groupe Beci/Gorrias/Haras des camélias' ainsi que le 'groupe' Anténor / Promeo) et a autorisé une nouvelle poursuite de l'activité jusqu'au 15 avril 2015 afin de leur laisser un temps complémentaire pour modifier ou améliorer leurs projets.

Par ce même jugement, il a fixé la date limite de dépôt des offres de reprise au 6 avril 2015.

Après des débats à l'audience du 15 avril 2015 et par jugement du 22 avril 2015, le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession de la société, et - notamment - a :

' ordonné avec effet au 22 avril 2015 à 0 heure la cession du fonds de commerce de la société au profit des sociétés BECI / Gorrias / Haras des Camélias (ou toutes personnes morales telle que stipulées dans leur offre qu'elles se substitueraient),

' dit que l'activité sera exercée sous leur seule responsabilité à compter de cette date, conformément aux dispositions de l'article L 642 -8 du code de commerce,

' dit que la cession s'organisera en tous points dans les conditions de leur offre initiale et de ses compléments,

' dit que la cession s'organisera moyennant un prix de 1 600 000 euros ('hors 642-12 et congés payés') se composant de la façon suivante :

$gt; fonds de commerce, actifs corporels et immobiliers : 1 600 000 euros,

$gt; reprise des échéances du prêt CIC (L 642-12-4), : pour mémoire, estimé à 22 647,74 euros,

' fixé en application de 1'article L 642 -12 alinéa 1 du code de commerce, la quote-part du prix affectée à l'actif immobilier sis à [Adresse 17], au sein duquel est exploité le restaurant Les terrasses de Prémesques, à la somme de 78 769 euros,

' ordonné aux sociétés BECI / Gorrias / Haras des camélias ou à la (ou aux) personne(s) morale(s) qu'elles se substitueraient de rendre compte au mandataire judiciaire désigné par le tribunal des engagements pris, conformément aux dispositions de 1'article L 642 -11 du code de commerce,

' mis fin à la mission de la SELARL AJJIS représentée par Me [Z] en qualité d'administrateur judiciaire en lui conférant la mission de passer les actes de cession,

' dit que les actes de cession devront être signés par les parties au plus tard dans les 3 mois suivant l'arrêté de la présente cession et que le rédacteur de l'acte sera désigné par l'administrateur judiciaire.

Par une même déclaration d'appel, Mme [K], en qualité de gérante de la société [Adresse 16] , ainsi que cette société, 'prise en la personne de sa gérante', ont formé appel le 4 mai 2015.

Sur requête déposée le 12 mai 2015 et par ordonnance du même jour, elle a été autorisée (en application de l'article R. 661-6 du code de commerce) à assigner les intimés, à jour fixe, pour l'audience du 15 juin 2015.

Les assignations ont été délivrées les 15 mai 2015 (la S.A Gorrias), 18 mai (la SAS Antenor groupe, la SAS BECI, la SA PROMEO et la SARL FINAPAR) 22 mai (Me [B], ès qualités, Me [V] ès qualités, la SELARL AJJIS ès qualités d'administrateur de la société SRL et de la SARL [Adresse 16], la Caisse d'épargne, la SRL, au procureur de la République du tribunal de grande instance de Lille), 26 mai (M. [J], la SCEA Haras des camélias, la SELAS Soinne ès qualités de mandataire judiciaire de la SRL).

L'arrêt sera rendu par défaut, la société FINAPAR ayant été assignée à l'étude de l'huissier et n'ayant pas constitué avocat.

Le dossier, le plumitif et les notes d'audience réclamés par courrier du 18 juin 2015 ont été transmis par le greffe du tribunal de commerce, le 30 juin 2015.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans leur requête, Mme [K], 'en qualité de gérante de la SARL [Adresse 16], et cette société, 'représentée par Mme [K], sa gérante' (les appelantes) demandent à la cour de :

Vu l'article 6-1 de la CEDH

Vu les articles L 642-1 et suivants du code de commerce,

A titre principal :

- Dire nul le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole,

A titre subsidiaire :

- Dire et juger que la société [Adresse 16] n'avait aucune activité ;

- Dire et juger que l'offre du groupe Beci / Gorrias / Haras des camélias ne permet pas de désintéresser les créanciers ;

- En conséquence, dire n'y avoir lieu à application des dispositions des articles L642-1 et suivants du code de commerce,

A titre infiniment subsidiaire :

- Dire que l'offre du groupe Beci / Gorrias / Haras des camélias n'est pas sérieuse tant du point de vue des repreneurs, du partenaire que de l'urbanisme.

En conséquence et en toutes hypothèses :

- Ordonner la cession des actifs de la société [Adresse 16] par Me [V], en qualité de mandataire judiciaire.

- Accorder à la société et à Mme [K] la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles développent divers moyens et arguments sur la nullité du jugement pour 'suspicion légitime d'impartialité' (lire : partialité), puis, à titre subsidiaire, sur la non-application des dispositions des articles L. 642-1 et suivants du code de commerce (l'absence d'activité, l'absence d'apurement du passif, la faible incidence de la cession en matière d'emploi), et, ensuite, à titre infiniment subsidiaire, sur l'absence de sérieux de l'offre (l'absence de sérieux des repreneurs, leurs doutes sur le 'sérieux' du partenaire pour la partie 'Hôtellerie', l'existence de contraintes administratives), et le caractère non fondé d'une cession d'activité.

Dans leurs conclusions signifiées par voie électronique le 12 juin 2015, les appelantes présentent les demandes suivantes :

Vu l'article 6-1 de la CEDH

Vu les articles L 642-1 et suivants du code de commerce,

- Dire recevable l'appel de Mme [K], tant au titre de l'appel nullité que de l'appel réformation,

A titre principal :

- Dire nul le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole, pour défaut d'impartialité et excès de pouvoir,

A titre subsidiaire :

- Dire et juger que la société [Adresse 16] n'avait aucune activité ;

- Dire et juger que l'offre du groupe Beci / Gorrias / Haras des camélias ne permet pas de désintéresser les créanciers ;

- En conséquence, dire n'y avoir lieu à application des dispositions des articles L. 642-1 et suivants du code de commerce,

A titre infiniment subsidiaire :

- Dire que l'offre du groupe Beci / Gorrias / Haras des camélias n'est pas sérieuse tant du point de vue des repreneurs, du partenaire que de l'urbanisme.

En conséquence et en toutes hypothèses :

- Ordonner la cession des actifs de la société [Adresse 16] par Me [V], en qualité de mandataire judiciaire.

- Accorder à la société et à Mme [K] la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 'groupe des repreneurs' (les SAS BECI / SA Gorrias / SCEA Haras des Camélias) demande à la cour de :

A titre liminaire,

Vu la désignation le 18 août 2014 par le président du tribunal de commerce de Lille de Me [B] en qualité d'administrateur provisoire des sociétés [Adresse 16] et Holding op Defrance,

Dire et juger que l'appel de Mme [K] et de la SARL [Adresse 16] est irrecevable pour défaut de qualité d'ester en justice

A titre subsidiaire,

Déclarer Mme [K] et la SARL [Adresse 16] mal fondées en leurs demandes,

En toutes hypothèses,

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 22 avril 2015,

Débouter les appelantes de leurs demandes, fins et conclusions,

Condamner Mme [K] à payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme [K] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Levasseur qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ces sociétés soulèvent d'abord l'irrecevabilité de l'appel pour défaut de 'qualité d'ester en justice', avant de présenter divers moyens et arguments portant, à titre subsidiaire, sur le caractère non fondé 'des demandes' et réfutant ceux des appelantes (la demande de nullité du jugement pour suspicion légitime 'd'impartialité', l'application des dispositions des articles L. 642-1 et suivants du code de commerce (la prétendue absence d'activité, la prétendue absence d'apurement du passif, la prétendue faible incidence de la cession en matière d'emploi), sur le sérieux de l'offre,(la prétendue absence de sérieux des repreneurs, le sérieux du partenaire pour la partie 'hôtellerie'), sur l'existence de contraintes administratives, sur le bien fondé d'une cession d'activité au profit de ce 'groupe' de repreneurs.

La Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe (La Caisse d'épargne) demande à la cour de :

- dire la procédure d'appel du débiteur recevable, que ce soit au titre du recours nullité ou du recours réformation,

- dire et juger, en conséquence, que l'appel nullité incident de la Caisse d'épargne est également recevable.

Vu l'article 6, paragraphe 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme,

- constater la présence de M. [Q] dans la formation du jugement ayant reçu les offres de cession, due à un défaut d'impartialité objective/subjective,

- en conséquence, annuler purement et simplement le jugement en toutes ses dispositions.

Pour le surplus,

Vu l'article L 642-1 du Code de Commerce,

- constater, dire et juger qu'en l'absence d'activité économique préexistant à l'ouverture de la procédure collective, le tribunal n'a pu valablement autoriser la cession partielle ou totale d'une entreprise, au sens des textes susvisés,

- en conséquence, constater, dire et juger que la cession des éléments d'actifs aurait dû être ordonnée au visa de l'article 642-19 du code de commerce par le juge commissaire, à charge d'appel.

- constater, dire et juger en conséquence, qu'en se saisissant sur le fondement de dispositions manifestement inappropriées, le tribunal a violé la loi et entaché sa décision d'excès de pouvoir.

- en conséquence, annuler pour ce second motif, la décision querellée.

Et enfin, vu l'article 642-19 du Code de Commerce,

- constater que s'agissant de la cession d'éléments d'actifs, sans lien avec une cession d'entreprise, le tribunal devait rechercher à optimiser le remboursement des créances déclarées.

- constater, dire et juger à cet égard que le prix offert par le Groupe BECI est à ce point éloigné des évaluations à dire d'expert et des travaux d'investissement constatés dans les comptes sociaux de la société débitrice, que le prix ne peut être considéré conforme au prix du marché ou à la valeur qui aurait été proposée dans le cadre d'une vente du bien aux enchères publiques.

- constater, dire et juger pour le surplus, que l'offre du Groupe BECI ne constitue pas un projet économique viable, de sorte qu'il existe des risques pour que l'actif d'HORSELAND soit vendu par lots, ce que peut très bien faire la procédure collective qui n'a pas à laisser le bénéfice de cette opération à un tiers.

- constater, dire et juger en conséquence qu'indépendamment des éléments d'annulation ci-avant développés, la vileté du prix retenu était de toute façon un élément de réformation.

- laisser les frais et dépens à la charge de la procédure collective.

- dire que ceux-ci seront payés au titre des frais privilégiés (frais de justice).

Après avoir conclu sur la recevabilité de l'appel principal et celle de son appel incident, sur l'annulation du jugement pour défaut d'impartialité et pour excès de pouvoir, elle présente divers arguments en faveur d'une réformation du jugement (pour cause de 'cession d'actifs à vil prix' : la vente doit être autorisée en considération des intérêts du créancier, l'actif du débiteur a été cédé à vil prix, le projet du cessionnaire conduit inévitablement à la cession importante d'éléments d'actifs immédiatement après l'acquisition).

La SELARL AJJIS, représentée par Me [Z], en qualité d'administrateur judiciaire de la société débitrice, demande à la cour de :

Vu les articles 117 et suivants du code de procédure civile,

Vu la désignation en date du 18 août 2014 par le président du tribunal de commerce de Me [B], en qualité d'administrateur provisoire de la société [Adresse 16],

- dire et juger Mme [K] dépourvue de capacité d'ester en justice au nom de la SARL [Adresse 16],

- en conséquence déclarer l'appel irrecevable,

Vu les articles 550 et 547 du code de procédure civile,

- dire irrecevable la Caisse d'épargne en son appel nullité à titre incident.

Me [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Adresse 16], demande à la cour de :

Vu les articles 117 et 546 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 223-18, L. 642-5, L. 661-6, III, du code de commerce,

- déclarer irrecevable l'appel interjeté par Mme [K] 'en qualité de gérante de la SARL' et par la SARL, 'prise en la personne de sa gérante',

- déclarer de même irrecevable l'appel nullité à titre incident de la Caisse d'épargne,

Subsidiairement,

vu les articles 356 et 342 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevable la demande de nullité du jugement 'pour suspicion légitime d'impartialité subjective',

- pour le surplus, lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à la sagesse de la cour.

La SELARL AJJIS, en la personne de Me [Z], administrateur judiciaire de la SARL Société de restauration et de loisirs (SRL), ladite société et la SELAS Soinne, mandataire judiciaire de la SRL (la SRL) s'en 'rapportent à Justice'.

Le représentant des salariés n'a pas souhaité faire d'observations.

Madame l'Avocat Général a conclu à l'irrecevabilité de l'appel.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel principal

1 - Les appelantes font valoir, d'une part, que la nomination de Mme [K] n'est pas intervenue dans des conditions douteuses, d'autre part, que les pouvoirs de Me [B], administrateur provisoire, étaient limités à la gestion de la société, ajoutant 'qu'en outre il est fait appel nullité de la décision rendue'.

Sur les conditions de nomination de Mme [K] en qualité de gérante, après avoir rappelé que la SARL Holding OP Defrance est l'actionnaire unique de la SARL [Adresse 16], et que, pour chaque structure, [W] [K] et son épouse étaient co-gérants, elles indiquent que, le 29 juillet 2013, ils ont cédé l'ensemble des parts sociales qu'ils détenaient dans les diverses SCI. et sociétés commerciales qui composaient le 'groupe Defrance', qu'un jugement du tribunal de commerce du 30 juillet 2014 a annulé les cessions de parts sociales, remettant ainsi les parties dans la situation qui était la leur avant les cessions du 29 juillet 2013 ; que le jugement accordait aux parties un délai de deux mois pour procéder aux formalités de changement de gérant consécutives à cette annulation ; que, pourtant, le Parquet a saisi dès le 8 août 2014 le président du tribunal de commerce d'une requête en nomination d'un administrateur provisoire, arguant de l'absence totale de gouvernance dès lors que l'ancien gérant, [W] [K], était décédé le [Date décès 1] 2013 ; que l'ordonnance du 18 août 2014 a clairement nommé Me [B] pour assurer la gestion de la SARL [Adresse 16] ; que les formalités de changement de gérant (imposées par le jugement annulant les cessions de parts) se sont avérées complexes, nécessitant la saisine du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ; qu'une réunion a même été organisée par le président du tribunal de commerce de Lille Métropole, avec Mme [K], le juge du RCS, Me [B] et Me [Z] ; que c'est ainsi qu'ont été déposées 60 requêtes (pour chacune des sociétés) et que par ordonnance du 7 novembre 2014 il a été ordonné au greffier d'accepter la formalité de la remise en l'état antérieur à la date du 31 juillet 2013 de l'extrait d'immatriculation de la SARL, en constatant le départ de M. [Y], en qualité de gérant, puis la co-gérance des époux [K] et, suite au décès de [W] [K], celle de Mme [K] seule ; que la SARL Holding OP Defrance, associée unique de la SARL [Adresse 16], compte tenu de l'ordonnance du juge commis en date du 7 novembre 2014, a nommé, par P-V en date du 17 novembre 2014, Mme [K] en qualité de gérante de la société débitrice ; que les formalités de publicité n'ont pas été faites immédiatement, en raison de leur coût, et qu'il n'y avait pas urgence pour une société déjà en liquidation judiciaire ; qu'en tout état de cause les formalités de greffe n'ont vocation qu'à rendre opposables aux tiers le changement de gérant et que la présence de Mme [K] n'avait jamais été remise en cause par les organes de la procédure.

Sur les pouvoirs de Me [B], elles soutiennent que ni la requête du ministère public ni l'ordonnance du 18 août 2014 ne font mention de la mission de représentation et d'administration de la société ; qu'au demeurant, la vacance de la gérance n'existait pas puisque les époux étaient co-gérants de la SARL ; qu'en réalité, la mission de Me [B] était celle d'un mandataire ad hoc - ce qui ne dessaisissait pas les dirigeants sociaux -, et que la mission d'un tel administrateur prend fin le jour où les circonstances qui ont justifié sa nomination ont cessé d'exister ; que Mme [K] avait donc qualité pour représenter la société et régulariser l'appel ; qu'il y a lieu de relever que Me [B], informé des formalités en cours auprès du registre du commerce et des sociétés, avait lui-même rédigé une requête pour qu'il soit mis fin à ses fonctions.

2 - La Caisse d'épargne soutient que :

- cette recevabilité doit être examinée en tenant compte des règles attachées à l'appel réformation et de celles plus larges de l'appel nullité,

- s'agissant d'un appel réformation, l'appel formé par le représentant légal du débiteur, sans l'administrateur provisoire, pourrait être un obstacle à la recevabilité de l'appel (en effet la Cour de cassation affirme depuis longtemps que 'l'administrateur provisoire est investi des pouvoirs conférés par la loi à un dirigeant social', 'de sorte que sa nomination entraîne le dessaisissement des organes sociaux jusque là en place',

' mais encore faut-il, pour que ce dessaisissement soit total, que la mission confiée à l'administrateur 'provisoire' le soit aussi, faute de quoi il s'agit d'un mandataire ad hoc et plus d'un administrateur provisoire,

- tel est le cas du mandat confié à Me [B], sa mission étant cantonnée (par une requête sibylline et une ordonnance peu motivée) à la 'gestion', sans que soit clairement évoquée la représentation de la société,

- le représentant légal du débiteur n'est évidemment pas révoqué par la désignation du mandataire qui n'a aucun pouvoir sur les actes de disposition,

- donc se pose la question de savoir si la contestation d'une décision sur la cession des actifs s'inscrit dans la catégorie des actes de disposition - et dans ce cas si elle relève du représentant légal qui contrôle la société - ou s'il s'agit d'un simple acte de gestion, (...),

- à l'examen des règles sur l' appel nullité, la cour d'appel est alors saisie au visa de 542 du code de procédure civile, et la voie de l'appel ouverte à condition que soit établie la violation d'un droit fondamental,

- à cet égard, le représentant légal du débiteur, comme l'ensemble des autres parties, disposent d'un d'un droit autonome et distinct de celui de l'administrateur provisoire de faire appel de la décision (...).

3 - Dans son avis, dûment communiqué aux parties, Mme la Procureure générale, après avoir rappelé qu'en application de l'article L. 661-6, III, du code de commerce seuls le débiteur, le ministère public, le cessionnaire ou le cocontractant mentionné à l'article L. 642-7 du même code peuvent interjeter appel des jugements qui arrêtent ou rejettent le plan de cession d'une entreprise, relève que Mme [K] se présente comme la gérante de la société alors que par décision du 18 août 2014 du président du tribunal de commerce de Lille Métropole, sur requête du parquet, Me [B] a été désigné en qualité d'administrateur provisoire de la société.

Elle explique que cette décision a été en effet prise suite à un jugement du 30 juillet 2014 du tribunal de commerce de Lille Métropole prononçant la nullité des cessions de parts du patrimoine des consorts [K], à titre personnel et via leur Holding OP Defrance, en ce compris la SARL [Adresse 16] ; que, suite à cette décision, les parties devaient être remises dans la situation qui était la leur avant que les cessions de droit sociaux ne soient régularisées le 29 juillet 2013; que le gérant en était alors [W] [K], décédé le [Date décès 1] 2013 ; qu'ainsi la décision du 30 juillet 2014 a entraîné une absence totale de gouvernance du groupe OP Defrance et, au niveau de l'infra groupe, l'absence de gérance de la SARL [Adresse 16].

Elle indique que, le 30 avril 2015, Mme [K] s'est fait inscrire au registre du commerce comme gérante de ladite SARL sur présentation d'un procès-verbal d'assemblée générale du 19 novembre 2014, selon lequel l'associé unique de la SARL Holding OP Defrance, liquidée le 1er décembre 2014, représentée par elle-même, lui avait confié la gérance ; que Mme [K] a sollicité en urgence le président du tribunal de commerce de Lille Métropole pour voir constater la fin de la vacance de la gérance et mettre fin à la mission de l'administrateur judiciaire ; que le président du tribunal a rejeté cette requête par décision du 4 mai 2015, constatant que Mme [K] ne pouvait valablement représenter la SARL Holding OP Defrance à la date de l'assemblée générale, la gestion de la société ayant également été confiée à Maître [O] [B] par ordonnance du 30 juillet 2014.

Elle en conclut que Mme [K] n'a aucune qualité pour représenter la SARL [Adresse 16] et qu'il y a lieu de déclarer irrecevable l'appel pour défaut de qualité d'agir en justice.

4 - Le 'groupe des repreneurs' soutient que l'appel a été interjeté par Mme [K] 'en sa qualité de gérante de la SARL [Adresse 16] et par cette société, 'prise en la personne de sa gérante', alors que le patrimoine des consorts [K] (à titre personnel et via leur Holding OP Defrance) a été cédé à plusieurs entités représentées par M. [Y] ; que, par un jugement du 30 juillet 2014, le tribunal a prononcé la nullité des cessions de parts ; qu'en parallèle, sur requête du ministère public, le président du tribunal de commerce a désigné Me [B], le 18 août 2014, en qualité d'administrateur provisoire des sociétés [Adresse 16] et Holding OP Defrance ; que, depuis cette date, 'la gérance' est dessaisie de toute possibilité d'ester en justice ; que la nomination d'un administrateur provisoire entraîne en effet le dessaisissement des organes sociaux jusque là en place, lesquels n'ont plus qualité pour engager la société ni exercer de voie de recours ; que la jurisprudence est constante sur ce point ( Cour de cassation, chambre commerciale, 15 mai 1990 (pourvoi n°88-19.232) ; 3ème Chambre civile, 25 octobre 2006 (n°05-15.393) ; Chambre sociale, 22 juin 2011 (pourvois n°09-70.517 à 520).

5 - Me [B], en qualité d'administrateur provisoire de la SARL [Adresse 16], au visa des articles L. 223-18 du code de commerce et 122 du code de procédure civile, demande à la cour de déclarer l'appel irrecevable.

Il expose que la première question posée à la Cour est relative à la recevabilité de la déclaration d'appel ; qu'à cet égard, en sa qualité d'administrateur provisoire de la SARL [Adresse 16], il se doit de communiquer à la Cour les observations suivantes :

- il a été désigné en qualité d'administrateur provisoire de la SARL [Adresse 16], déjà en redressement judiciaire depuis le 23 septembre 2013, par ordonnance du président du tribunal de commerce de Lille Métropole du 18 août 2014 rendue à la requête du procureur de la République de Lille (pièce 1),

- sa mission d'administrateur provisoire est toujours en cours, ainsi qu'il résulte d'un extrait K-bis à jour au 4 juin 2015 (pièce 2),

- la jurisprudence est constante en ce sens que « la nomination d'un administrateur provisoire (') entraîne le dessaisissement des organes sociaux» (Civ. 3, 25 octobre 2006, Bull civ III n°210),

- ce dessaisissement s'applique tant aux dirigeants sociaux en place au jour de la désignation de l'administrateur provisoire qu'à ceux qui seraient ultérieurement nommés, tant qu'il n'est pas mis fin au mandat de l'administrateur judiciaire,

- une jurisprudence tout aussi constante déduit du dessaisissement que le dirigeant dessaisi ne peut plus conduire un procès au nom de la société ni exercer les voies de recours (Civ. 3, 25 octobre 2006 précité ; Com. 15 mai 1990, bull IV n°148 ; Civ 2, 17 juillet 1976, Bull II n°251).

Il en conclut que Mme [D] [K], qui n'a pas qualité pour interjeter appel du jugement arrêtant le plan de cession de la société [Adresse 16] en son nom personnel, et qui n'a pas qualité pour représenter la société, n'a pu valablement interjeter appel du jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 22 avril 2015, la sanction du défaut de qualité étant l'irrecevabilité de l'appel (Soc. 22 juin 2011, pourvois 09-70517 à 09-70520).

6 - la SELARL AJJIS, en qualité d'administrateur judiciaire de la société [Adresse 16], expose que, si le débiteur est, aux termes de l'article L. 661-6, III, du code de commerce titulaire d'un droit d'appel à l'encontre du jugement arrêtant ou rejetant le plan de cession, encore faut-il que cet appel soit diligenté, s'agissant d'une personne morale, par l'organe qui la représente valablement et qui dispose du pouvoir d'introduire ce recours ; qu'il est constant que l'ordonnance du 18 août 2014 du président du tribunal de commerce a confié à Me [B] la mission d'administrateur provisoire de la société et que cette mission est toujours en cours ; qu'en conséquence, Mme [K], agissant en qualité de gérante, est dépourvue de tout pouvoir de représenter valablement la société en justice ; que le dessaisissement des organes sociaux en cas de désignation d'un administrateur provisoire est clairement établie par la jurisprudence, laquelle en déduit l'incapacité dans laquelle se trouve le dirigeant d'une personne morale d'agir en justice ou d'exercer un recours au nom de cette personne morale ; que le débat instauré sur l'étendue de la mission confiée à Me [B] est inopérant ; qu'il n'y a pas lieu de substituer la terminologie de 'mandataire ad hoc' à celle d'administrateur provisoire qui figure dans l'ordonnance et sur l'extrait Kbis ; que le mandat de 'gestion' n'est pas réducteur ; que Mme [K] elle-même a reconnu son défaut de qualité pour interjeter appel, puisqu'elle avait présenté une requête tendant à ce qu'il soit mis fin à la mission de Me [B], requête rejetée par ordonnance du 4 mai 2015 ; qu'il résulte de la requête de Mme [K] qu'elle souhaitait être désignée en qualité de mandataire ad hoc 'avec pour mission d'interjeter appel du jugement du 22 avril 2015", 'Me [B] demeurant l'administrateur provisoire et par conséquent le seul à avoir capacité à interjeter appel' ; qu'il y a là un aveu judiciaire au sens de l'article 1356 du code civil.

Elle ajoute qu'en application de l'article 117 du code de procédure civile l'appel doit être déclaré irrecevable et l'assignation 'délivrée dans le prolongement' déclarée nulle et de nul effet.

7 - Me [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Adresse 16], soutient que la nomination d'un administrateur provisoire entraîne corrélativement le dessaisissement des organes sociaux, dont l'administrateur recueille, par autorité judiciaire, les pouvoirs légaux ; que les organes sociaux n'ont alors plus qualité pour engager la société ou exercer des voies de recours ; qu'un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation, le 22 juin 2011 (n°09-70517 ), a dit que, 'dès lors qu'à la date de l'appel l'administrateur provisoire était investi du pouvoir d'administration, de direction et de représentation de la société, le cogérant désigné par les associés, postérieurement à la nomination de l'administrateur, ne pouvait valablement faire appel au nom de la société'; qu'à ce jour aucune ordonnance n'a mis fin aux fonctions d'administrateur provisoire de Me [B].

* * * * * * *

Le pouvoir d'agir au nom et pour le compte d'une société est une prérogative attribuée légalement au représentant de cette société.

En application de l'article L. 223-18 du code de commerce, une SARL est légalement dirigée par son gérant (ou ses co-gérants), qui a seul qualité et pouvoir pour la représenter et pour agir en justice en son nom, notamment pour interjeter appel d'un jugement. Ce gérant n'a pas besoin de justifier à l'égard des tiers de son pouvoir d'agir en justice, la publicité régulière de sa nomination suffisant à rendre celle-ci opposable, étant rappelé que cette formalité ne conditionne pas l'exercice du pouvoir de représenter la société en justice.

Cependant, tout en conservant sa qualité de dirigeant de la société, un gérant peut voir limiter judiciairement ses pouvoirs.

Ainsi en est-il en cas de désignation d'un administrateur provisoire ou à l'occasion de l'ouverture d'une procédure collective.

Mesure exceptionnelle, la désignation d'un administrateur provisoire intervient par principe dans des situations de 'blocage' - c'est-à-dire lorsque le fonctionnement normal de la société est impossible - et lorsque l'intérêt social l'exige. Elle est ordonnée soit par le juge du fond soit en référé, mais peut l'être également par le biais d'une ordonnance sur requête, lorsque la situation exige de ne pas respecter le principe de la contradiction.

L'administrateur provisoire - dont la nomination ne met pas un terme aux fonctions des organes de direction - les remplace durant le temps de la mission qui lui est confiée par le juge et ses pouvoirs dépendent de l'ordonnance le désignant : si elle lui confie la totalité du pouvoir de direction, le représentant légal se trouve par là même dépourvu de tout pouvoir, tandis qu'au contraire, si les prérogatives de cet administrateur provisoire sont limitées, les organes sociaux en fonction au moment de sa nomination conservent leurs pouvoirs, y compris, le cas échéant, celui de représenter la société en justice.

Par ailleurs, en cas de liquidation judiciaire, l'article L. 641-9 du code de commerce dispose que le jugement l'ouvrant ou la prononçant emporte de plein droit dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens (...) et que les droits et actions à caractère patrimonial sont exercés pendant toute la durée de la procédure par le liquidateur, mais précise ensuite que le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.

Ainsi, la société débitrice n'étant pas dessaisie des droits et actions qui lui sont propres, ses dirigeants peuvent, en application de l'article L. 624-3, contester les décisions en matière d'admission des créances, ou encore, en application de l'article L 661-6, faire appel du jugement arrêtant - ou rejetant - le plan de cession.

1 - Sur la qualité de gérante de Mme [K]

En l'espèce, il résulte des pièces et explications fournies par les parties (et notamment du titre IV des statuts du 24 octobre 2008 et de l'extrait Kbis de la société débitrice en date du 9 avril 2012), que, jusqu'à la cession des parts sociales intervenue le 30 juillet 2013, la SARL était représentée par [W] [K] et Mme [K], co-gérants.

Force est de constater que, la cession d'actions ayant été annulée par le jugement du 30 juillet 2014, les parties ont alors été remises en l'état antérieur comme si la cession n'avait pas eu lieu, et, en conséquence, Mme [K] est réputée avoir toujours été dirigeante de la société (et devenue seule gérante en raison du décès du co-gérant survenu entre-temps).

Dirigeante de droit à la date du 30 juillet 2014, elle l'est restée ensuite, aucune décision en sens contraire de l'associée unique (la SARL Holding OP Defrance) n'étant intervenue, et aucune partie ne justifiant ni n'invoquant de disposition des statuts modifiés ou de décision de l'associée unique de la société ayant mis fin à ses fonctions (étant observé en outre, d'une part, que les effets de cette annulation étaient identiques pour la société holding, d'autre part, qu'il résulte du document produit par les appelantes, intitulé 'statuts mis à jour suite au changement de gérance, procès-verbal des décisions de l'associée unique en date du 19 novembre 2014", que 'suivant décision de l'associée unique (la Holding OP Defrance), Mme [K] a été nommé gérante de la SARL '[Adresse 16], ce qui ne faisait que 'maintenir' la situation déjà existante).

En conséquence, Mme [K] avait la qualité de gérante lorsque la liquidation judiciaire de la société est intervenue, le 15 octobre 2014, mais aussi lorsqu'elle a procédé à la déclaration d'appel (les péripéties touchant aux difficultés de régularisation et d'inscription au registre du commerce et des sociétés sont à cet égard totalement sans effet, puisque, ainsi que cela a été rappelé précédemment, il s'agit là de formalités constatant le droit, en vue de leur opposabilité aux tiers, et non de formalités constitutives de droit).

Il peut à cet égard être relevé que les jugements des 15 octobre 2014 (conversion du redressement judiciaire et liquidation judiciaire ), 7 janvier 2015 ('maintien de l'activité dans le cadre de la liquidation judiciaire '), et 22 avril 2015 (arrêté du plan de cession) font état de la présence de Mme [K] et de son conseil aux audiences du tribunal de commerce des 15 octobre 2014, 7 janvier et 15 avril 2015, en présence des organes de la procédure et du ministère public, ainsi que de ses déclarations et observations, attestant ainsi qu'elle était bien considérée par tous comme la gérante de la société débitrice.

3 - Sur le pouvoir de représentation de Mme [K]

Aux termes de l'article L. 641-9, I, du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.

Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.

Dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014, applicable à la présente procédure, le paragraphe II du même article ajoute que, lorsque le débiteur est une personne morale, les dirigeants sociaux en fonction lors du prononcé du jugement de liquidation judiciaire le demeurent, sauf disposition contraire des statuts ou décision de l'assemblée générale. En cas de nécessité, un mandataire peut être désigné en leurs lieu et place par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public.

* * *

¿ Il importe d'écarter au préalable le moyen soulevé par la SELARL AJJIS (administrateur judiciaire de la société débitrice), fondé sur l'article 1356 du code civil et excipant d'un aveu judiciaire de la part de Mme [K], dès lors qu'une déclaration d'une partie ne peut constituer un aveu au sens de ce texte que si elle porte sur des éléments de fait et non sur des points de droit, et qu'en l'espèce le prétendu aveu aurait consisté à reconnaître que seul Me [B] avait 'capacité à interjeter appel' au nom de la société, ce qui porte donc sur un point de droit.

¿ Il convient également de relever que la SELARL AJJIS, représentée par Me [Z], a été désignée par le tribunal de commerce en qualité d'administrateur judiciaire (avec mission d'assistance) par un jugement du 5 février 2014, mission 'modifiée' par le jugement du 14 mai 2014 'en celle de représentation', et que le jugement du 22 avril 2015 a expressément mis fin à la mission d'administrateur judiciaire de la SELARL AJJIS, en (ne) lui confiant (plus que) celle de passer les actes de cession.

¿ Il y a lieu, ensuite, d'observer qu'aucun mandataire n'a été désigné, postérieurement à cette liquidation, par une ordonnance du président du tribunal de commerce rendue au visa de l'article L. 641-9, II, du code de commerce.

¿ Enfin, est invoquée, par les intimés concluant à l'irrecevabilité de l'appel, la désignation (suivant une ordonnance du président du tribunal de commerce en date du 18 août 2014) de Me [B] comme administrateur de la société, avec une mission qui, selon eux, lui attribuerait seul le pouvoir de représenter et d'agir en justice au nom de la SARL [Adresse 16].

' Il y a lieu de rappeler ce qui a été précédemment énoncé, à savoir que l'administrateur provisoire, dont la nomination ne met pas un terme aux fonctions des dirigeants, les 'remplace' durant le temps de la mission qui lui est confiée par le juge et que ses pouvoirs dépendent du libellé de l'ordonnance.

' La mission d'un administrateur provisoire a souvent une portée très générale, concernant l'ensemble des fonctions d'administration et de gestion, et emportant usuellement dessaisissement des organes sociaux. Mais il est également fréquent que la nature essentiellement conservatoire de l'administration provisoire ait pour effet de limiter les pouvoirs de l'administrateur provisoire aux seuls actes d'administration courante, auquel cas il doit préserver la conservation de l'entreprise, en assurant sa marche habituelle et en accomplissant les actes courants et banals de gestion et seulement ceux-là.

Sauf décision précise du juge, l'administrateur provisoire doit s'acquitter des obligations légales ou contractuelles courantes d'un chef d'entreprise et doit normalement s'abstenir de tout acte qui engagerait l'avenir de façon irréversible ou supposerait un choix politique qu'il ne lui appartiendrait pas de prendre.

Enfin, le juge peut ajouter à la mission générale de l'administration des missions plus précises.

' En l'espèce, cette nomination s'est faite, au visa des articles 423 et 493 du code de procédure civile, sur requête du ministère public. Peu important les motifs invoqués par le requérant (sauf à observer qu'il évoque une absence de gérance de droit de la SARL à la suite du jugement annulant les cessions de parts sociales et du décès de [W] [K], en méconnaissance de la co-gérance antérieure et de l'effet rétroactif de cette annulation), car est primordiale la définition de la mission figurant dans le dispositif de cette décision.

Or, au visa de ces textes, le vice-président du tribunal de commerce s'est borné à désigner Me [B] 'en qualité d'administrateur provisoire pour assurer la gestion de la SARL', sans autre précision, nécessitant ainsi l' interprétation de cette formulation pour déterminer s'il s'agissait de la seule 'gestion courante' ou d'une mission complète et générale.

Les parties s'opposant sur le contenu de cette mission et la portée de cette terminologie, il convient d'abord de souligner que, s'agissant d'une ordonnance rendue sur requête, sans respect du principe de la contradiction, elle doit s'analyser restrictivement.

Ensuite, il y a lieu de relever que, ainsi que cela été rappelé précédemment, le tribunal de commerce avait, le 14 mai 2014, (déjà) confié à la SELARL AJJIS, administrateur judiciaire, la mission de représentation de la société [Adresse 16], par 'modification' de la mission antérieure - qui était celle définie par le jugement du 5 février 2014, celle 'd'assistance pour les actes de gestion et de disposition'.

Dès lors, eu égard aux précisions données par ailleurs par le même tribunal de commerce quant aux missions confiées à l'administrateur judiciaire, la cour ne saurait considérer que celle qui a été attribuée par l'ordonnance d'août 2014, et qui était expressément limitée à la gestion, englobait aussi celle de représentation de la SARL.

* * *

En conséquence, la cour constate que, au jour de la déclaration d'appel du 4 mai 2015, Mme [K] avait bien la qualité de gérante de la SARL [Adresse 16] et le pouvoir de la représenter en justice.

Selon l'article L. 661-6, III, du code de commerce, le débiteur peut faire appel du plan arrêtant le plan de cession.

La déclaration d'appel étant intervenue dans le délai légal de 10 jours à compter du prononcé prévu par l'article R. 661-3 du code de commerce (les 2 et 3 mai 2015 étant des samedi et dimanche), l'appel formé par Mme [K] est recevable.

Il importe de souligner qu'il s'agit -là de l'appel 'annulation - réformation', ouvert au débiteur par l'article L. 661-6 du code de commerce, ce qui exclut l'appel-nullité de sa part.

Sur la recevabilité de l'appel incident formé par la Caisse d'épargne

1 - La Caisse d'épargne, après avoir indiqué en préliminaire qu'elle a 'bien conscience que la recevabilité de son appel incident, même fondé sur la nullité, est conditionnée à la recevabilité de l'appel principal du débiteur', développe ses moyens et argumentations sur la recevabilité de l'appel principal, puis sur l'annulation du jugement et ensuite sur la cession telle qu'ordonnée.

Sur la demande de la cour, elle a communiqué la notification du jugement qui lui a été faite par les soins du greffe, sans présenter d'observations particulières complémentaires.

2 - La SELARL AJJIS, Administrateur judiciaire de la société [Adresse 16], soulignant que la Caisse d'épargne n'a pas, en tant que contrôleur, la faculté de faire appel d'un tel jugement et qu'elle reconnaît que son appel nullité incident ne serait recevable que pour autant que l'appel principal le soit, fait valoir que, pour interjeter appel nullité, il faut justifier de la qualité de partie à la décision ; que le contrôleur n'est pas partie à un jugement de cession ; qu'elle n'a émis aucune prétention dans le cadre de la procédure ayant abouti au plan de cession ; que l'appel nullité incident est également irrecevable en applicaition des articles 550 et 547 du code de procédure civile.

3 - Me [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Adresse 16], fait valoir que l'appel principal, tout à fait contestable, ne sera pas de nature à ouvrir une quelconque voie d'appel au créancier contrôleur, soumis aux restrictions de l'article L. 661-6, III, du code de commerce ; que la loi ne confère qu'un rôle consultatif au créancier contrôleur, en matière de plan de cession et qu'en conséquence la Caisse d'épargne, ne pouvant se prévaloir de la qualité de partie, ne peut prétendre interjeter un appel nullité.

* * *

Un créancier, qu'il soit ou non contrôleur, n'est pas une partie au sens des textes régissant le droit des procédures collectives, et ne se voit pas conférer cette qualité du seul fait de sa convocation et de sa comparution devant le tribunal de commerce à l'occasion de l'examen du projet de cession.

Or, un appel-nullité ne peut être formé que par une partie au procès.

En conséquence, l'appel-nullité de la Caisse d'épargne - même formé à titre incident - doit être déclaré irrecevable.

Sur la demande d'annulation du jugement pour cause d'excès de pouvoir

Un excès de pouvoir, positif ou négatif, est commis lorsqu'un juge prend une décision ne relevant pas de ses pouvoirs ou, au contraire, refuse d'user d'un des pouvoirs relevant légalement de ses attributions.

Ainsi, un tribunal de commerce commet un excès de pouvoir s'il décide de procéder à la vente d'immeubles conformément aux articles 2206 et 2211 du code civil, alors que ce pouvoir relève des attributions du juge commissaire en application de l'article L. 642-18 du code de commerce, de même que le juge commissaire commet un excès de pouvoir s'il arrête un plan de cession, ce que seul le tribunal de commerce peut faire en application de l'article L. 642-5 du code de commerce.

En l'espèce, le tribunal a arrêté un plan de cession, ce qui relève de ses attributions légales, et les critiques formulées par la société débitrice et la Caisse d'épargne portent en réalité, eu égard à la consistance des biens à céder, sur le choix de cette procédure de la cession d'entreprise plutôt que sur celui de la cession d'actifs.

Mme [K] ne peut donc qu'être déboutée de sa demande d'annulation à ce titre.

Sur la demande d'annulation du jugement au visa de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour 'suspicion' de partialité

1 - Les appelantes soutiennent que toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par un tribunal indépendant et impartial ; que le juge doit faire preuve d'impartialité et s'abstenir de tout acte qui pourrait générer une suspicion légitime de partialité ; que selon la Cour de justice de l'Union européenne l'impartialité est la pierre angulaire du droit au procès équitable ; qu'il faut éviter que le juge ne soit 'habité en raison de sa connaissance préalable de l'affaire d'un quelconque préjugé', mais aussi 'qu'il ne puisse être influencé par des considérations personnelles' ; que, pour se prononcer sur l'impartialité d'un tribunal, il faut rechercher si ce juge offrait des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime à cet égard ; que la CEDH pose une présomption simple d'impartialité qu'il appartient au requérant de renverser, par l'apport d'éléments extérieurs de partialité, au besoin en s'appuyant sur 'l'apparence'.

Elles font valoir qu'en l'espèce, bien que non mentionné dans le jugement comme faisant partie de la composition du tribunal lors des débats, mais uniquement comme faisant partie de celle ayant prononcé la décision, M. [L] [Q] faisait partie des 5 magistrats ayant siégé aux audiences des 25 mars et 15 avril 2015, alors qu'il s'est intéressé à l'actif immobilier des consorts [K] ; qu'en effet, par un courrier du 28 octobre 2014, soit moins de deux semaines après la liquidation judiciaire de la société, en sa qualité de dirigeant de la société TMC Finance, spécialisée dans l'investissement immobilier, il a sollicité la communication complète du 'dossier de la foncière de Mme [K]' ; qu'en s'intéressant à cette 'foncière [K]', dont de nombreuses SCI. font l'objet de procédures de redressement judiciaire en raison des engagements bancaires souscrits pour financer le projet Horse land de la société, il a ainsi perdu toute impartialité dans la présente affaire ; qu'il n'est pas déraisonnable de penser qu'il avait intérêt à ce que Horse land soit cédé pour seulement 1,6 millions d'euros, une telle somme ne pouvant suffire pour désintéresser les créanciers - envers lesquels Mme [K] s'est portée caution et a donné un grand nombre d'immeubles en garantie, ce qui l'obligerait à céder, dans une urgence relative, l'ensemble de son actif pour une somme inférieure à sa valeur réelle.

Elles remarquent qu'elles ont (encore) tout lieu de suspecter un défaut d'impartialité du tribunal dans la mesure où, en outre, dans son jugement, il indique s'être fait communiquer en cours de délibéré une attestation de la SCP [B], commissaires-priseurs, 'dégageant M. [M], un de ses salariés (par ailleurs dirigeant du Haras des camélias, un des repreneurs), de toute responsabilité dans l'inventaire réalisé par ses services', document qui n'est pas annexé au jugement et qui n'a pas été communiqué aux parties pour leur permettre d'en débattre.

En réponse à l'argumentation de Me [B] et du groupe des repreneurs, s'étonnant qu'elle ne se soit pas 'émue' de cette situation lors des audiences en chambre du conseil, Mme [K] explique que, si elle savait - par l'intermédiaire de Me [Z] - que le groupe TMC était dirigé par un magistrat consulaire, elle-même et son conseil en 'ignoraient l'apparence' et pensaient sereinement qu'il aurait la 'délicatesse' de ne pas siéger à une audience concernant le groupe Defrance ; que les magistrats ne se présentent pas en début d'audience et qu'elles ne connaissaient que le nom du président ; que ce n'est qu'à la lecture du jugement qu'elle a vu le nom de M. [Q], qui, étonnamment, n'y apparaît que dans la composition lors du prononcé, alors qu'il était présent lors des débats du 15 avril.

2 - La Caisse d'épargne, intimée, expose que, bien que son nom ne soit pas inscrit en tête des jugements des 25 mars et 15 avril 2015, il ne peut être utilement contesté que M. [L] [Q], par ailleurs marchand de biens, faisait partie des cinq magistrats ayant reçu les offres des candidats à la reprise de Horse land ; que c'est en vain qu'il pourrait être éventuellement soutenu qu'il n'était présent que comme auditeur, puisqu'il portait la robe d'audience et siégeait au même niveau que l'ensemble des autres magistrats consulaires et non en retrait ou sur le côté comme il est d'usage ; que, le débiteur soutenant que via une société TMC M. [Q] s'était intéressé aux autres actifs immobiliers du groupe, il s'agit d'un défaut d'impartialité objective, suffisante pour entraîner l'annulation du jugement.

3 - Me [V] fait valoir que la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime est assujettie aux mêmes conditions de recevabilité et de forme que la demande de récusation (article 356 du code de procédure civile) ; qu'une demande en annulation n'est pas recevable lorsque son auteur connaissait la cause de récusation avant la clôture des débats, c'est-à-dire à un moment où il pouvait encore proposer la récusation ; que la pièce versée aux débats par Mme [K], le courrier du 28 octobre 2014 de M. [Q], a été transféré par elle à son conseil, par mail du 3 avril 2015 ; qu'en conséquence l'appelante avait connaissance avant l'audience du 15 avril 2015 - à laquelle siégeait M. [Q] - de la prétendue cause de 'suspicion légitime d'impartialité subjective' ; qu'il n'est pas interdit de penser que ce nouveau 'rebondissement' n'a été initié que pour tenter de retarder la procédure de cession des actifs de la société.

4 - Me [B] observe, 'surabondamment', que Mme [K] met en cause l'impartialité d'un juge au tribunal de commerce de Lille Métropole mais que les faits évoqués n'ont jamais été portés à sa connaissance à l'occasion des différentes comparutions en chambre du conseil.

5 - La SELARL AJJIS (Me [Z]), administrateur judiciaire de la société, indique, 'à titre tout à fait superfétatoire', que le moyen du défaut d'impartialité n'est présenté pour la première fois que devant la Cour et dès lors est irrecevable, l'article 342 du code de procédure civile édictant que la partie qui veut récuser un juge doit, à peine d'irrecevabilité, le faire dès qu'elle a connaissance de la cause de récusation et ne peut présenter cette demande après la clôture des débats ; que l'invocation des dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention est soumise à la même condition de recevabilité de l'article 342 du code de procédure civile ; qu'il est étonnant que Mme [K] n'évoque cette prétendue difficulté que devant la cour alors que les pièces qu'elle produit révèlent qu'elle en avait connaissance dès le 27 janvier 2015, de même pour son conseil, qui dès le 3 avril, c'est-à-dire avant l'audience ayant abouti au jugement querellé, avait identifié le magistrat consulaire aujourd'hui taxé de défaut d'impartialité.

6 - Le groupe des 'repreneurs' observe que la société TMC de M. [Q] ne s'est pas intéressée au dossier 'Horseland' mais à la foncière des consorts [K] (immeubles avec rapport locatif) puis s'étonne que ce grief soit évoqué devant la cour, alors que Mme [K] a assisté aux audiences et avait ainsi connaissance de la présence de M. [Q], sans pourtant formuler de remarques, ne sollicitant pas sa récusation ni ne déposant de requête en suspicion légitime ; qu'en tout état de cause, même avec une offre substantiellement supérieure, les créanciers de la société n'auraient pas été désintéressés et les engagements de caution de Mme [K] restaient susceptibles d'être recherchés.

* * * * * * * * *

Aux termes de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial.

L'exigence d'impartialité a ainsi pour objet d'éviter que le juge ne puisse être influencé par des considérations personnelles sur la contestation à trancher.

Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, l'impartialité du juge civil, qui se présente sous deux acceptions complémentaires, l'une, fonctionnelle, et l'autre, personnelle, se définit d'ordinaire par l'absence de préjugé ou de parti pris et doit s'apprécier, selon une démarche subjective, en tenant compte de la conviction personnelle et du comportement de tel juge, c'est-à-dire du point de savoir si celui-ci a fait preuve de parti pris ou préjugé personnel dans tel cas, et aussi selon une démarche objective, consistant à déterminer si le tribunal offrait, notamment à travers sa composition, des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à son impartialité.

L'impartialité du juge fait l'objet d'une présomption réfragable. Aussi, il appartient à celui qui entend se prévaloir de sa partialité de rapporter, par tout moyen, la preuve de celle-ci, laquelle pourra notamment consister dans l'apparence de partialité que présente la juridiction, ce principe étant consacré par la Cour européenne par le biais de la "théorie des apparences'.

* * *

¿ La cour observe au préalable que le nom de M. [Q] ne figure pas dans la première page du jugement comme ayant assisté aux débats ni sur le rôle d'audience communiqué à la cour, mais que les intimés ne démentent pas sa présence - en robe, aux côtés d'autres juges consulaires - à l'audience du 15 avril, Me [V], liquidateur judiciaire, reconnaissant lui-même que celui-là 'y siégeait' (page 6 de ses conclusions), au point qu'ils en excipent, pour faire grief à Mme [K] (et à son conseil) de ne pas avoir sollicité sa récusation en temps utile, c'est-à-dire avant la fin des débats devant le tribunal de commerce. Au surplus, la cour constate que la copie de la note d'audience communiquée par le tribunal mentionne le nom de cinq juges 'composant le tribunal' dont celui de 'M. [Q]'.

¿ Cependant, il ne ressort pas des éléments soumis à la cour d'appel que Mme [K] (et son conseil) aient pu avoir connaissance, lors des débats du 15 avril 2015 - notamment par le rôle d'audience - , du nom des juges consulaires présents, en robe, face à eux dans la salle d'audience, et composant apparemment la formation amenée à statuer dans l'affaire.

Par ailleurs, il n'est pas prouvé - ni même allégué - que Mme [K] (et son conseil) aient déjà rencontré M. [Q] ou aient été en mesure de l'identifier physiquement à l'occasion de cette audience.

Quant à l'argument présenté par Me [Z], tiré de la communication par Mme [K] à son conseil, Me [F] (par courriel du 3 avril 2015), du courrier du 27 janvier faisant apparaître le nom de M. [Q], il ne peut qu'être écarté, cette pièce étant insuffisante à établir qu'à cette date toutes deux savaient que celui-ci allait siéger le 15 avril 2015, dès lors que ce courriel faisait manifestement partie des nombreux échanges entre les intéressées sur les dossiers concernant l'ensemble des sociétés du 'groupe' et de la 'foncière Defrance'.

Il n'est donc pas établi que Mme [K] fût en mesure de présenter en temps utile une requête en récusation.

* * *

¿ Il importe ensuite de souligner que le jugement, s'il cite trois juges consulaires comme constituant le tribunal lors des débats, et le nom de trois juges présents lors du prononcé (qui ne sont pas tous les mêmes), dont celui de M. [L] [Q], ne précise toutefois pas celui des juges ayant participé au délibéré, et ne met donc ni les parties ni la cour en mesure de connaître avec certitude la composition du tribunal ayant pris la décision.

La 'difficulté' apparente dépasse la simple erreur ou omission matérielle éventuelle car, non seulement la cour n'est pas en mesure de déterminer la composition réelle du tribunal lors du délibéré, mais en outre les éléments fournis sont de nature à créer un doute raisonnable sur l'impartialité de la juridiction.

En effet, il y a lieu de retenir, d'abord, que le nom de M. [Q] est inscrit comme ayant été présent lors du prononcé, ensuite, que les intimés ne démentent pas sa présence - en robe, aux côtés de quatre autres juges consulaires - à l'audience du 15 avril, Me [V], liquidateur judiciaire, reconnaissant lui-même que celui-là 'y siégeait' (page 6 de ses conclusions) - ce dont il pourrait être déduit qu'il a participé au délibéré.

Or, Mme [K] produit un courrier adressé le 28 octobre 2014 par une société 'TMC Finance' aux 'Cabinets Harmony et Maxihome' (pièce n°1), courrier transmis - par mail du 27 janvier 2015 - par une société Genomi SAS à Mme [K], aux termes desquels M. [L] [Q], ayant eu connaissance, par l'intermédiaire de M. [X], de la société Maxihome, 'de la vente d'une foncière sur la ville de [Localité 14], comprenant environ 30 000 m2 de surface et des loyers annuels de 4 747 000 euros' et 'ayant eu connaissance du prix (55 000 000 euros =3% HT d'honoraires d'agence)', sollicitait communication du dossier en 'assurant (son interlocuteur) de toute confidentialité'.

Il en ressort que M. [L] [Q] a ainsi manifesté de l'intérêt pour les actifs immobiliers du 'groupe Defrance', moins de deux semaines après la liquidation judiciaire de la SARL [Adresse 16], et six mois avant le jugement aujourd'hui attaqué, étant observé qu'aucun des intimés n'a prétendu - et justifié - qu'il s'agissait d'une simple homonymie entre ce dirigeant de TMC Finance et le juge consulaire en question.

En outre, les appelantes soutiennent, à juste titre, que la cession à vil prix, telle qu'elle résulterait du plan de cession critiqué, ne pourrait que contraindre Mme [K] - par ailleurs caution de nombreux engagements des sociétés du groupe - à procéder en urgence à la vente de biens dépendants de cette 'foncière', à un prix attractif et inférieur à leur valeur, ce dont ne pourraient que profiter les acquéreurs potentiels - dont M. [Q].

Cela seul suffit pour créer un doute raisonnable, objectivement justifié, sur l'impartialité de l'intéressé - et en conséquence sur celle de la composition susceptible d'avoir délibéré.

En conséquence le jugement sera annulé, en application de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision arrêtant le plan de cession

1 - Mme [K] expose que, par jugement du 15 octobre 2014, le tribunal de commerce a converti le redressement judiciaire de la société en liquidation judiciaire, au motif notamment qu'elle n'avait pas d'activité ; que le redressement judiciaire n'avait été maintenu jusque là qu'en raison de 'l'abondement de l'associé' ; que les quelques locations de boxes ont toujours été insuffisantes pour financer les charges courantes et les sept emplois de la société ; qu'en effet Me [Z] indiquait avoir procédé à la résiliation du contrat avec le propriétaire de l'un des chevaux en pension et ne pas être payé des autres locations ; qu'il ne pouvait y avoir d'activité puisque les travaux sur le site principal, celui d'Horse land, n'étaient pas terminés ; que le tribunal a maintenu artificiellement une présence sur place, et non une activité jusqu'en janvier 2015, pour permettre la cession des actifs tout en assurant le gardiennage du site et l'entretien des espaces verts ; que dans une note adressée au tribunal Me [V] (pièce n°7) a confirmé l'absence d'activité économique ; qu'en outre, à supposer qu'une activité ait été cédée, il ne s'agirait pas de celle de la société [Adresse 16], tournée uniquement 'vers l'équestre', mais de celles des SARL Horseland resort et Horseland Spa, autres sociétés d'exploitation ayant fait l'objet de liquidation judiciaire ; que les cours d'équitation et les stages 'poneys' étaient dispensés par l'EARL La Buterne Haras des saules', dont [W] [K] était également gérant, à laquelle la SARL [Adresse 16] mettait gratuitement à disposition le site de La Buterne ; qu'à la suite des cessions de parts sociales il avait été mis fin à ces activités d'enseignement ; qu'ainsi, il s'agissait en réalité de procéder à une cession des actifs, relevant de la compétence du juge commissaire en application de l'article L. 642-19 du code de commerce.

2 - Le 'groupe des repreneurs', sur la prétendue absence d'activité, fait valoir qu'il en existait bien une, même si elle était ralentie du fait de la procédure collective ; que le fait que certains propriétaires de chevaux en pension n'aient pas réglé le montant dû relevait d'une difficulté de recouvrement et que le maintien de salariés sur le site (trois lors de la cession) témoigne là encore de l'existence d'une activité, même fortement réduite ; que le restaurant - certes exploité par une société sous contrat - est également en activité ; que leur but est de la poursuivre et non de découper la surface foncière pour la revendre par lots.

3 - La Caisse, d'épargne, intimée, soutient qu'il est admis que l'ouverture de la procédure collective est intervenue alors qu'Horseland n'était pas achevée ; qu'il suffit pour s'en convaincre de faire l'inventaire des cocontractants cédés, à savoir un seul, le restaurateur dont l'établissement est implanté dans un immeuble acheté par la société [Adresse 16], qui l'a donné à bail ; que la location des boxes pour chevaux a été interrompue ; que pendant la période d'observation il a été admis que la mise en exploitation nécessitait des travaux d'achèvement et de consolidation des ouvrages existants pour un montant d'environ 5 M€ ; que les trois emplois - prétendument sauvés par le plan du cessionnaire - n'ont pas vocation à disparaître en cas de cession d'actifs, puisqu'ils sont consubstantiels à l'entretien de l'ouvrage ; que la cession d'unité de production a été supprimée par la loi de sauvegarde, au profit d'un régime de cession qualifié de 'global', présentant plus de garanties (articles L. 621-83, alinéa 2, et L. 642-1 du code de commerce) ; qu'il convient de s'intéresser à la notion de cession 'd'une activité économique autonome organisée par des moyens nécessaires à l'activité', donc 'un ensemble homogène de biens, de connaissances et de techniques et de moyens de le faire fonctionner de manière autonome sans recourir à des éléments extérieurs' ; qu'ainsi une offre ne peut avoir pour seul objet des immeubles appartenant à un marchand de biens ou être essentiellement relative à un droit au bail ou un droit au bail du fonds de commerce.

Elle ajoute qu'un futur projet économique ne s'apparente pas à une branche autonome d'activité; qu'en se saisissant sur le fondement des dispositions de l'article L. 642-1 du code de commerce, tout en autorisant la cession isolée d'éléments d'actifs qui relevait en application de l'article L. 642-19 de la seule compétence du juge commissaire, le tribunal a violé la loi et commis un excès de pouvoir ; que, depuis la loi de sauvegarde, le tribunal est dessaisi du droit d'apprécier l'opportunité de céder des actifs de gré à gré, prérogative confiée au juge commissaire avec la voie de l'appel pour les parties.

* * * * * *

¿ L'article L. 642-1 du code de commerce dispose que la cession de l'entreprise a pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif ; qu'elle peut être partielle ou totale ; que, dans ce dernier cas, elle porte sur un ensemble d'éléments d'exploitation qui forment une ou plusieurs branches et autonomes d'activités.

En application de ce texte, un plan de cession ne peut porter que sur une 'entreprise', c'est-à-dire sur une activité économique, autonome, organisée.

¿ Selon les articles L. 642-18 et 19 de ce code, les ventes d'immeubles ont lieu conformément aux articles 2204 à 2212 du code civil (à l'exception des articles 2206 et 2211), sous réserve que ces dispositions ne soient pas contraires à celles du présent code. Le juge commissaire fixe la mise à prix et les conditions essentielles de la vente. (...) Le juge commissaire peut, si la consistance des biens, leur emplacement ou les offres reçues sont de nature à permettre une cession amiable dans de meilleures conditions, ordonner la vente par adjudication amiable sur la mise à prix qu'il fixe ou autoriser la vente de gré à gré aux prix et conditions qu'il détermine. En cas d'adjudication amiable, les articles 2205, 2207 à 2209 et 2212 du code civil sont applicables, sous la réserve prévue au premier alinéa, et il peut toujours être fait surenchère.

* * *

Par le jugement critiqué, le tribunal de commerce a :

' arrêté, avec effet au 22 avril 2015 à 0 heure, la cession du fonds de commerce de la société au profit des sociétés BECI / Gorrias / Haras des Camélias (ou toutes personnes morales telle que stipulées dans leur offre qu'elle se substitueraient),

' dit que l'activité serait exercée sous leur seule responsabilité à compter de cette date, conformément aux dispositions de l'article L 642 -8 du code de commerce,

' dit que la cession s'organiserait en tous points dans les conditions de leur offre initiale et de ses compléments,

' constaté que conformément aux dispositions de l'article R. 642-19 du code de commerce les conditions de l'article L. 642-12 du code de commerce relatives au transfert des échéances de prêt avaient été remplies pour la banque CIC pour l'immeuble situé à [Adresse 17],

' dit que la cession s'organiserait moyennant un prix de 1 600 000 euros ('hors 642-12 et congés payés') se composant de la façon suivante :

$gt; fonds de commerce, actifs corporels et immobiliers : 1 600 000 euros,

$gt; reprise des échéances du prêt CIC (L 642-12-4), : pour mémoire, estimé à 22 647,74 euros,

' fixé en application de 1'article L 642 -12 alinéa 1 du code de commerce, la quote-part du prix affectée à l'actif immobilier sis à [Adresse 17], au sein duquel est exploité le restaurant Les terrasses de Prémesques, à la somme de 78 769 euros,

' dit que le plan comporte la poursuite des 3 contrats de travail inscrits à l'effectif de l'entreprise au profit du cessionnaire : 1 responsable technique, 2 hommes d'entretien,

' ordonné en application de l'article L. 642-7 du code de commerce la poursuite des contrats EDF et Eau liés aux actifs immobiliers repris au profit des sociétés Beci / Gorrias / Haras des camélias (ou des personnes substituées).

* * *

Aux termes des statuts et des extraits du registre du commerce et des sociétés (des 9 avril 2012 et 11 juin 2015) l'activité déclarée de la société débitrice - créée le 15 janvier 2004 - est la suivante : 'toutes activités commerciales liées aux loisirs et/ou aux sports et en particulier la création, l'aménagement et l'exploitation d'un centre équestre et débit de boissons avec licence IV', sous le nom commercial 'Horseland'.

Ces deux mêmes documents du registre du commerce et des sociétés mentionnent, au titre des 'autres établissements dans le ressort du greffe', une 'pension pour équidés en boxes et prairies - mise à disposition d'installations équestres', exploitée depuis le 12 juillet 2011 à Houplines.

Il résulte des éléments du dossier que, depuis plus d'un an, et en tout cas depuis (au moins) le jugement de liquidation judiciaire du 15 octobre 2014, la société [Adresse 16] ne peut être considérée comme ayant une 'activité' susceptible d'être cédée en application et conformément à l'article L. 642-1 du code de commerce.

En effet :

' selon le rapport d'expertise établi en novembre 2013 par le 'Crédit foncier expertise'(mandaté par AXA Banque), 'rares étaient (alors) les équipements et constructions achevés', 'les biens étaient (alors) inexploités car inachevés', 'six mois de travaux environ seront nécessaires pour une ouverture au public' ;

' le rapport établi le 16 décembre 2013 par M. [V], expert, mandaté par la Caisse d'épargne en vue d'un 'pronostic de valeur vénale', ainsi que les photographies jointes, témoignent de l'absence d'activité économique lors de ses constatations ('plusieurs indices laissent penser que l'ensemble n'est pas totalement abandonné', 'aucun des bâtiments ne paraît achevé, certains sont à l'abandon, des traces de malfaçons (fissures) sont à confirmer') ;

' l'offre (datée du 11 mars 2015) du 'groupe des repreneurs' elle-même mentionnait expressément que le prix de 1,6 M€ tenait compte de 'l'état d'abandon du site et notamment des parties construites, du non-achèvement des chantiers', mais aussi, dans sa 'partie prévisionnelle', 'qu'il est prévu un démarrage d'activité dès le 1er septembre 2015, qui consistera essentiellement à héberger des chevaux de sport et à enseigner les sports équestres dans les disciplines de dressage, saut d'obstacles', ce qui établit là encore l'absence d'activité en cours, au sens du texte précité ;

' selon le jugement attaqué, lors de l'audience du 25 mars 2015, Me [Z] (administrateur judiciaire de la société débitrice) a précisé que 'le périmètre de reprise ne concerne que le site principal Horseland, et que les autres actifs immobiliers (la ferme de La Buterne, la ferme de la Huchette, la maison située [Adresse 18]) seraient réalisés dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire' , que 'le projet de reprise des sociétés Beci / Gorrias / Haras des camélias' repose sur deux étapes, l'aménagement de la partie hôtellerie et le lancement immédiat d'une activité liée au 'secteur équestre', ces notions 'd'aménagement' et de 'lancement' confirmant - si besoin était - l'absence jusqu'alors de telles activités ;

' il résulte du rapport établi par Me [V], liquidateur judiciaire, en vue de l'audience du 15 avril 2015, que 'la société n'a jamais eu de réelle activité au cours de la période d'observation';

' le 'relevé d'informations' fourni par le groupe des repreneurs (pièce n°1) fait apparaître que la société, ni à son siège social de [Localité 15] ni à son établissement secondaire d'[Localité 13], ne possède plus aujourd'hui de téléphone.

Ainsi, il est établi qu'aucune activité de nature économique n'a jamais été exploitée sur ce site, qu'il n'a été justifié d'aucun client de la société [Adresse 16], que les contrats en cours et visés par le plan ne portent que sur l'alimentation en eau et électricité, que les (3) seuls emplois concernés par l'opération relèvent non d'une activité de production mais du seul entretien courant minimum de l'ensemble immobilier, qu'il n'est justifié d'aucune source de revenus - à tel point qu'il est acquis que c'est Mme [K] qui verse régulièrement des fonds pour assurer le coût du 'gardiennage du site' et qu'elle s'est engagée lors de l'audience du 15 avril 2015 à supporter cette charge financière 'jusqu'à une (éventuelle) vente aux enchères'.

En outre, il importe de retenir que, dans son rapport du 14 avril 2015, Me [V], le liquidateur judiciaire de la société débitrice, indiquait que le montant des créances dont l'admission est proposée s'élève à 48 321 281, 92 euros, dont 18 041 775, 38 euros à titre échu (incluant des créances privilégiées pour 5 451 302, 32 euros) et 30 237 564, 07 euros à titre provisionnel (et privilégié) ; que la Caisse d'épargne avait mis en oeuvre la procédure de saisie immobilière avant l'ouverture de la procédure collective sur une mise à prix d'environ six millions d'euros ; que cet ensemble avait été évalué à environ neuf millions (par un expert mandaté par elle), soit un chiffre beaucoup plus élevé que la meilleure proposition reçue dans le cadre des offres de cession.

En conséquence, faute 'd'activités susceptibles d'exploitation autonome à maintenir', c'est-à-dire d'outil de production à préserver, et eu égard aux critères posés par l'article sus visé, la cour rejette le projet de plan de cession.

Sur les demandes accessoires

¿ Les demandes présentées à titre subsidiaire par les appelantes sont désormais sans objet, la cour ayant fait droit à leur demande d'annulation du jugement et leur demande tendant à dire n'y avoir lieu à application des dispositions des articles L. 642-1 et suivants du code de commerce.

¿ Les appelantes demandent aussi à la cour, 'en toute hypothèse', 'd'ordonner la cession des actifs de la société par Me [V], en qualité de mandataire judiciaire', ce que la cour, statuant sur appel d'un jugement du tribunal de commerce en matière de plan de cession, ne saurait faire, étant observé qu'en tout état de cause la procédure de liquidation judiciaire reprend son cours.

¿ Il est équitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

DECLARE l'appel principal recevable,

DECLARE irrecevable l'appel - nullité formé par la Caisse d'épargne,

ANNULE le jugement,

REJETTE le projet de plan de cession,

DIT n'y avoir lieu d'ordonner la cession des actifs par Me [V],

REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de procédure collective.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M.M. HAINAUTP. FONTAINE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 15/02762
Date de la décision : 02/07/2015
Sens de l'arrêt : Annulation

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°15/02762 : Annule la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-07-02;15.02762 ?
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