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02/07/2015 | FRANCE | N°14/06081

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 02 juillet 2015, 14/06081


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 02/07/2015



***



N° de MINUTE : 15/

N° RG : 14/06081



Ordonnance (N° 2014002150)

rendue le 12 Septembre 2014

par le Président du Tribunal de Commerce de DOUAI



REF : PM/KH





APPELANTES



SARL BOWLING DU HAINAUT

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Thibaut CRASNAULT, av

ocat au barreau de VALENCIENNES



SARL BOWLING DE SAINT-AMAND-LES-EAUX

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Thibaut CRASNAULT, avocat au barreau de VALENCIENNES





INTIMÉES



SCI ET...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 02/07/2015

***

N° de MINUTE : 15/

N° RG : 14/06081

Ordonnance (N° 2014002150)

rendue le 12 Septembre 2014

par le Président du Tribunal de Commerce de DOUAI

REF : PM/KH

APPELANTES

SARL BOWLING DU HAINAUT

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Thibaut CRASNAULT, avocat au barreau de VALENCIENNES

SARL BOWLING DE SAINT-AMAND-LES-EAUX

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Thibaut CRASNAULT, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉES

SCI ETOILE 8 SAINT AMAND

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Roger CONGOS, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me BENECH, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me HENNEQUIN

SARL O'BOWLING

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Roger CONGOS, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me BENECH, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me HENNEQUIN

DÉBATS à l'audience publique du 19 Mai 2015 tenue par Pascale METTEAU magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sylvie HURBAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pascale FONTAINE, Président de chambre

Stéphanie BARBOT, Conseiller

Pascale METTEAU, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pascale FONTAINE, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 avril 2015

***

Par ordonnance rendue le 12 septembre 2014, le juge des référés du tribunal de commerce de Douai:

s'est déclaré incompétent pour connaître des prétentions formées à l'encontre de la SCI Étoile 8 Saint Amand et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant la juridiction civile,

a rejeté toutes les prétentions des sociétés Bowling du Hainaut et Bowling de Saint-Amand-les-Eaux comme étant infondées, aucun trouble manifestement illicite n'étant démontré,

a condamné in solidum la société Bowling du Hainaut et Bowling de Saint-Amand-les-Eaux à acquitter une indemnité de procédure de 1.500 euros au bénéfice conjoint de la SCI Etoile 8 Saint-Amand et de la société O'Bowling,

a condamné les demandeurs à supporter les dépens l'instance.

La SARL Bowling du Hainaut et la SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux ont interjeté appel de cette décision le 6 octobre 2014.

RAPPEL DES DONNEES UTILES DU LITIGE :

Le 1er mars 2012, la société O'Bowling a signé un contrat de bail commercial avec la SCI Etoile 8 Saint-Amand. Elle a commencé son activité d'exploitation d'un bowling, situé sur le territoire de la commune de [Localité 1], au mois de juin 2014.

La SARL Bowling du Hainaut exploite un bowling à [Localité 2] et avait eu le projet d'édifier un second bowling sur le territoire de la commune de [Localité 1].

Indiquant qu'elle avait constitué un dossier pour la création de ce bowling, dossier présenté au conseil municipal de la ville de [Localité 1] le 21 décembre 2006 ; que le projet avait recueilli l'unanimité du conseil et que la cession du terrain nécessaire à la réalisation de l'opération avait été prévue en sa faveur ; qu'elle avait été autorisée à déposer le permis de construire pour les parcelles concernées avant la signature de l'acte de transfert de propriété ; qu'elle avait déposé cette demande, à laquelle il avait été fait droit le 13 juin 2007 ; qu'elle avait cependant été amenée à procéder à des modifications de son projet en vue de l'améliorer et avait donc sollicité l'abrogation du permis de construire, ce qui a été fait le 12 mai 2009 ; que le projet s'était cependant poursuivi ; qu'elle avait tenu la mairie informée de l'état d'avancement de l'opération ; qu'elle avait ensuite déposé une nouvelle demande de permis de construire le 26 juillet 2010, laquelle a été refusée le 4 novembre 2010 ; que, par courrier recommandé avec accusé de réception du 1er décembre 2010, elle a informé le maire de la commune d'une nouvelle demande de permis de construire et a demandé, à cette occasion, une nouvelle évaluation des parcelles ; qu'une nouvelle demande de permis de construire a été déposée le 28 janvier 2011 ; que le 30 juin 2011, le conseil municipal a annulé sa délibération du 21 décembre 2006 ainsi que l'autorisation de lui céder la parcelle afin de permettre la réalisation d'un projet concurrent porté par la société CASES Investissement ; que le 8 juillet 2011, sa demande de permis de construire a été refusée au motif qu'elle n'était pas propriétaire du terrain sur lequel devait être édifiée la construction ; qu'elle a formé un recours devant le tribunal administratif de Lille le 2 septembre 2011 ; que par jugement du 19 décembre 2013, le tribunal administratif a rejeté son recours et qu'une instance est actuellement pendante devant la cour administrative d'appel de Douai ; que, cependant, en parallèle le projet concurrent s'est poursuivi ; que par acte authentique reçu par Me [Z], notaire, le 16 juillet 2012, la commune de [Localité 1] a vendu à la SCI Etoile 8 Saint-Amand les parcelles litigieuses, sans hésiter à déclarer que le bien ne faisait l'objet d'aucune restriction à sa libre disposition ni d'aucune procédure ; qu'une plainte pénale a été déposée suite à cette fausse déclaration ; que les travaux de construction du bowling ont débuté et se sont achevés ; qu'elle a appris que l'ouverture était programmée le mercredi 30 avril 2014 ; que cette ouverture constitue un trouble manifestement illicite préjudiciant gravement à ses intérêts ; la SARL Bowling du Hainaut, agissant avec la SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux, a, par acte d'huissier du 28 avril 2014, fait assigner la SCI Étoile 8 Saint-Amand et SARL O'Bowling devant le juge des référés du tribunal de commerce de Valenciennes aux fins de voir prononcer l'interdiction d'ouverture et d'exploitation de l'établissement de bowling exploité par la société O'Bowling à [Localité 1] et, pour le cas où l'établissement ouvrirait ses portes au public avant le prononcé de la décision, de prononcer la fermeture et l'interdiction d'exploitation de l'établissement de bowling dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la cour administrative d'appel de Douai ainsi que de la décision judiciaire définitive à intervenir du tribunal de grande instance de Valenciennes s'agissant de l'illégalité de l'acte du 16 juillet 2012 autorisant la cession des parcelles de terrain litigieuses à la SCI Étoile 8 Saint-Amand.

Le 30 mai 2014, le juge des référés du tribunal de commerce de Valenciennes a soulevé une cause de dépaysement de l'instance et a renvoyé le différend devant le juge des référés du tribunal de commerce de Douai.

La SCI Etoile 8 Saint Amand a soulevé l'incompétence du juge des référés en raison de son statut de société civile immobilière, l'irrecevabilité de la demande en interdiction d'exploitation, l'incompétence du juge des référés en raison de son impossibilité d'ordonner une mesure provisoire dans l'attente d'une décision relevant d'une autre juridiction ou d'un autre ordre, a demandé de dire n'y avoir lieu à référé du fait de l'existence de contestations sérieuses, de l'absence de dommage imminent ou de trouble manifestement illicite et de rejeter toutes les demandes formulées. La société O'Bowling a conclu aux mêmes fins.

La décision déférée a été rendue dans ces conditions procédurales.

Dans leurs conclusions signifiées par voie électronique le 4 décembre 2014, les SARL Bowling du Hainaut et Bowling de Saint-Amand-les-Eaux demandent à la cour de :

infirmer l'ordonnance,

prononcer la fermeture et l'interdiction d'exploitation de l'établissement de bowling exploité par la société O'Bowling à [Localité 1], dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la cour administrative d'appel de Douai ainsi que de la décision judiciaire définitive à intervenir du tribunal de grande instance de Valenciennes, constatant l'illégalité de l'acte du 16 juillet 2012 autorisant la cession des parcelles de terrain litigieuses à la SCI Etoile 8 Saint-Amand,

débouter la SCI Etoile 8 Saint-Amand et la SARL O'Bowling de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

dire et juger la décision à intervenir opposable à la SCI Etoile 8 Saint-Amand,

condamner solidairement, ou à tout le moins in solidum, la société O'Bowling et la SCI Etoile 8 Saint-Amand au paiement d'une somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner solidairement, ou à tout le moins in solidum, la société O'Bowling et la SCI Etoile 8 Saint-Amand aux entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris ceux de première instance.

Elles affirment qu'il est manifeste qu'elles ont été évincées du projet de bowling de Saint-Amand-les Eaux pour des raisons non avouées, par le biais d'un détournement de pouvoir, et que la valeur intrinsèque de l'acte de cession des parcelles du 16 juillet 2012 est remise en cause par le fait que les délibérations prises par le conseil municipal de la commune font l'objet de demandes d'annulation, demandes actuellement pendantes devant la cour administrative d'appel de Douai. Elles précisent que l'annulation de la délibération entraînera l'illégalité de l'acte de vente, ce que pourra constater le tribunal de grande instance de Valenciennes qui sera saisi à cette fin. Elles ajoutent que cet acte est, en outre, l'objet d'une plainte pour faux en écritures authentiques et usage de faux. Elles expliquent que sans cet acte, les investisseurs n'auraient jamais pu obtenir le concours de leurs partenaires financiers et qu'il existe donc incontestablement une collusion frauduleuse et, à tout le moins, une concurrence déloyale, ainsi qu'une forme grave d'atteinte au droit de propriété et au principe de liberté de commerce et d'industrie. Elles affirment également que l'ouverture de l'établissement de bowling revient à avaliser plusieurs illégalités manifestes, ce qui lui occasionne un préjudice irréparable dans la mesure où, dans l'esprit du public, elles n'ont pas entendu mener à bien leur projet. Elles invoquent donc un préjudice d'image, outre une perte de chance de réalisation de l'opération engendrant pour elle un préjudice d'exploitation conséquent.

S'agissant de la compétence du juges des référés du tribunal de commerce, elles observent que si la SCI Étoile 8 Saint-Amand est par nature civile, elle peut exercer une activité commerciale, consentir des baux commerciaux, l'opération devenant alors un acte de commerce. En tout état de cause, elles font valoir qu'aucune demande n'est formée à l'encontre de la SCI, laquelle n'a été attraite devant la juridiction des référés que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Elles sollicitent donc l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a estimé que le juge des référés était incompétent pour connaître du litige.

Elles rappellent que le juge des référés peut interdire l'exercice d'une activité au visa des articles 809 et 873 du code de procédure civile et que leurs demandes relèvent donc parfaitement de sa compétence. Elles ajoutent que ce juge peut également ordonner des mesures dans l'attente d'une décision au fond à intervenir et qu'il importe peu que la SCI Etoile 8 Saint-Amand et la SARL O'Bowling ne soient pas parties aux procédures se déroulant devant les juridictions administratives.

Elles indiquent que l'ouverture du bowling constitue un dommage imminent ou, à tout le moins, un trouble manifestement illicite, causant un préjudice considérable à leurs intérêts tant en terme d'image que sur le plan économique, ce d'autant que cette ouverture s'effectue sur la base d'actes établis dans des conditions qui sont plus que douteuses, avec des irrégularités flagrantes.

Elles ajoutent que le juge des référés s'est mépris sur plusieurs points de fait, ce qui justifie que l'ordonnance déférée soit infirmée.

Elles font valoir qu'il y a nécessairement eu collusion frauduleuse entre la commune de [Localité 1] et la SCI Étoile 8 Saint-Amand, cette fraude corrompant tout, ce que confirme la fausse déclaration faite par le maire de la commune dans le cadre de l'acte authentique de vente.

Dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 21 janvier 2015, la SARL O'Bowling demande à la cour de :

confirmer l'irrecevabilité de la demande en interdiction d'exploitation,

confirmer l'incompétence du juge des référés comme de la cour d'appel pour ordonner une mesure provisoire dans l'attente du décision relevant d'une autre juridiction et d'un autre ordre juridique et, de surcroît, lorsque la société intéressée n'est pas partie à cette procédure,

confirmer l'existence de contestations réelles et sérieuses en raison de l'absence de dommage imminent et de l'absence de trouble manifestement illicite,

constater sa bonne foi dans l'exercice de son activité commerciale,

confirmer le rejet de toutes les demandes des SARL Bowling du Hainaut et Bowling de Saint-Amand-les-Eaux,

les condamner à lui payer chacune la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Elle fait valoir que :

la demande en interdiction d'exploitation est irrecevable devant le juge des référés, ce dernier étant compétent pour prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état alors que l'interdiction d'exploitation ne rentre dans aucune de ces catégories,

le juge des référés est incompétent du fait de l'impossibilité pour lui d'ordonner une mesure provisoire dans l'attente d'une décision relevant d'une autre juridiction ; en effet, le président du tribunal de commerce ne peut agir que dans la limite des compétences du tribunal de commerce et ne peut pas statuer sur l'opportunité de mesures de référé dans des litiges qui relèvent soit du juge administratif soit du tribunal de grande instance ; en outre, elle n'est partie à aucune de ces procédures et elle ne peut subir une interdiction d'exploitation dans l'attente de décisions qui ne la concernent pas directement,

le juge des référés ne peut ordonner la mesure sollicitée puisque la demanderesse ne fait l'objet d'aucun grief de sa part, ne lui cause aucun dommage et qu'il n'existe pas de troubles manifestement illicites ; elle n'est qu'un locataire de la SCI Étoile 8 Saint-Amand, laquelle a réalisé l'opération d'investissement et elle ne saurait subir les conséquences des réussites et échecs de son bailleur ; la mesure sollicitée tend à interdire toute activité concurrentielle à celle des demanderesses et est donc une tentative de monopoliser une activité par le biais d'une décision de justice, ce qui constitue une entrave à la liberté de commerce,

le contentieux opposant son bailleur aux sociétés demanderesses ne lui est pas opposable ; aucune faute ne peut lui être reprochée dans la gestion du bowling de sorte qu'aucune interdiction d'exploiter ne peut être prononcée à son encontre.

Dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 21 janvier 2015, la SCI Étoile 8 Saint-Amand demande à la cour de :

in limine litis, confirmant la décision d'incompétence en raison de son statut de société civile immobilière, dire et juger inopposable toute décision qui sera rendue à son encontre,

à titre principal, confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit irrecevable la demande en interdiction d'exploitation,

confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit le juge des référés incompétent, dire la cour d'appel également incompétente en raison de l'impossibilité du juge des référés d'un tribunal de commerce, comme de la cour d'appel, d'ordonner une mesure provisoire dans l'attente d'une décision relevant d'une autre juridiction et un autre ordre juridique,

dire n'y avoir lieu à la procédure de référé du fait de l'existence de contestations réelles et sérieuses,

constater l'absence de dommage imminent et de trouble manifestement illicite,

à titre subsidiaire, constater sa bonne foi pour son activité licite,

rejeter en leur ensemble toutes les demandes des SARL Bowling du Hainaut et Bowling de Saint-Amand-les-Eaux,

constater l'absence de préjudice direct, réel et certain,

réformer la décision en ce qu'elle n'a pas fait droit à sa demande de constat de harcèlement procédural,

constater la multiplication des procédures,

constater le caractère fantaisiste des demandes et leur absence de fondement tant juridique que factuel,

constater la volonté de nuire,

condamner, en conséquence, les SARL Bowling du Hainaut et Bowling de Saint-Amand-les-Eaux à payer chacune une amende de 3.000 euros pour procédure abusive,

les condamner à lui payer chacune 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Elle affirme que si le conseil municipal de la commune de [Localité 1] a, par la délibération du 21 décembre 2006, autorisé la cession de la parcelle au profit de la SARL Bowling du Hainaut, c'est en raison de l'incapacité de cette société d'acquérir la parcelle visée et de mener à bien le projet envisagé qu'elle a, le 30 juin 2011 annulé cette autorisation et qu'elle a, par une deuxième délibération du même jour, autorisé la cession à son profit. Elle explique qu'elle a ainsi pu obtenir un permis de construire, acquérir la parcelle et construire un bâtiment à usage de bowling. Elle affirme que la fermeture, même temporaire, de son activité lui causerait un préjudice considérable ainsi qu'à ses locataires. Elle rappelle qu'elle n'a qu'une activité civile, qu'elle n'exploite aucun bowling mais qu'elle gère simplement des locaux. Elle ajoute que les sociétés demanderesses ne pourront jamais, le cas échéant, l'indemniser des préjudices résultant de la fermeture sollicitée. Elle constate également que toutes les décisions rendues jusqu'à ce jour (référé devant le juge administratif tendant à faire suspendre la construction en cours de réalisation, jugement rendu par le tribunal administratif relativement à la validité des délibérations du 30 juin 2011 sur le fondement d'un excès de pouvoir) ont débouté les SARL et qu'aucune procédure n'est actuellement pendante devant le tribunal de grande instance de Valenciennes.

In limine litis, elle soulève l'incompétence du juge des référés du tribunal de commerce en raison de son statut de société civile immobilière, société n'ayant pas d'activité commerciale ou de relations commerciales avec la SARL Bowling du Hainaut ou Bowling de Saint-Amand-les-Eaux. Elle précise que le fait de consentir un bail commercial et d'investir dans un projet immobilier ne fait pas d'elle une société commerciale.

Elle soutient que les sociétés appelantes ne peuvent prétendre lui rendre opposable, uniquement en appel, une quelconque décision, dans la mesure où cette situation engendrerait une violation du principe du procès équitable en lui faisant perdre le double degré de juridiction.

Elle souligne que le juge des référés ne peut prononcer une interdiction d'exploitation qui n'est ni une mesure conservatoire ni une mesure de remise en état et qu'il ne peut surseoir à statuer dans l'attente d'une décision relevant d'une autre juridiction.

Elle relève également l'absence de dommage imminent ou de trouble manifestement illicite, fait valoir qu'elle est acquéreur de bonne foi d'une parcelle, qu'elle n'a commis aucune faute ni activité délictuelle, que la fraude n'est qu'affirmée sans la moindre justification.

Elle invoque un harcèlement procédural des SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux et Bowling du Hainaut dans le but de l'empêcher de jouir paisiblement de sa propriété. Elle estime que les actions engagées ont un caractère purement fantaisiste notamment au regard des textes visés (décret d'Allard de 1791 sur la liberté de commerce, loi du 2 juillet 1963, dans lien avec le litige, article 544 du code civil). Elle demande donc, au visa de l'article 32-1 du code de procédure civile, la condamnation des sociétés appelantes au paiement d'une indemnité pour procédure abusive.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera indiqué qu'il n'y a pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que...' ou 'dire que ...', telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lorsqu'elles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.

Sur l'incompétence du juge des référés du tribunal de commerce au regard du statut civile de la SCI Etoile 8 Saint-Amand :

Selon l'article L721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux, de celles relatives aux sociétés commerciales et de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

La SCI Etoile 8 Saint-Amand est une société civile qui a pour activité de gérer un patrimoine immobilier et ce faisant, conclut des baux commerciaux.

Cependant, le seul fait qu'elle passe de tels actes ne lui confère pas le caractère d'une société commerciale ou la qualité de commerçante.

Par ailleurs, il y a lieu de constater que les demandes formulées à l'encontre de la SCI Etoile 8 Saint-Amand, tant en première instance d'en cause d'appel, ne tendent qu'à lui voir dire la décision opposable. Aucune autre prétention n'est formulée à son encontre à l'exception d'une demande d'indemnité procédurale.

Enfin, il doit être observé qu'en tout état de cause, le juge des référés du tribunal de commerce est compétent s'agissant du litige opposant les SARL Bowling du Hainaut et Bowling de Saint-Amand-les-Eaux à la SARL O'Bowling, lesquelles sont toutes des sociétés commerciales.

Dans ces conditions, la demande tendant à voir dire le juge des référés incompétent pour connaître «des prétentions formées à l'encontre de la SCI Etoile 8 Saint-Amand» est sans objet, étant en outre souligné, qu'en contravention avec les dispositions de l'article 75 du code de procédure civile, la SCI Etoile 8 Saint-Amand n'a pas fait connaître la juridiction devant laquelle l'affaire devrait être portée.

Dans la mesure où la SCI Etoile 8 Saint-Amand est partie à la présente procédure, la décision rendue lui sera nécessairement opposable, comme l'était la décision de première instance, sans qu'une violation du principe du droit à un procès équitable ne puisse être mise en avant.

La demande tendant à voir dire le présent arrêt inopposable à la SCI Etoile 8 Saint-Amand sera donc rejetée.

Sur la demande tendant à voir « confirmer la décision du juge des référés de se déclarer incompétent en raison de l'impossibilité d'ordonner un sursis à statuer (ou une mesure provisoire) dans l'attente d'une décision relevant d'une autre juridiction » :

Le juge des référés ne s'est pas déclaré « incompétent en raison de l'impossibilité d'ordonner un sursis à statuer (ou une mesure provisoire) dans l'attente d'une décision relevant d'une autre juridiction ». Il ne saurait donc être question de confirmer l'ordonnance déférée de ce chef.

En outre, les SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux et Bowling du Hainaut n'ont jamais sollicité un tel sursis à statuer de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner une éventuelle incompétence pour traiter une telle demande.

La SCI Etoile 8 Sant-Amand et la SARL O'Bowling entendent, en fait, souligner qu'il existe des difficultés sérieuses quant aux demandes présentées (qui ne le sont que jusqu'à ce que soient rendues les décisions de la cour administrative d'appel et, le cas échéant le tribunal de grande instance de Valenciennes qui serait saisi d'une demande en annulation de l'acte de vente de la parcelle), soulignant que les décisions du conseil municipal du 30 juin 2011 n'ont pas été annulées (de sorte que l'on ne peut affirmer que ces actes sont entachés d'une illégalité manifeste), que le tribunal de grande instance n'est pas encore saisi et qu'elles ne sont pas parties à ces litiges.

Cependant, le juge des référés est compétent pour faire cesser le trouble manifestement illicite résultant même d'un acte administratif si celui-ci peut être qualifié de voie de fait, s'il est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l'administration ou s'il porte atteinte à une liberté fondamentale.

Dès lors, le juge des référés, et la cour statuant en appel de l'ordonnance rendue, sont compétent pour connaître de la demande d'interdiction d'exploitation présentée, les observations des SCI Etoile 8 Saint-Amand et SARL O'Bowling devant être examinées lorsque la cour estimera, le cas échéant, si les conditions d'application de l'article 873 du code de procédure civile sont ou non réunies.

Sur la demande de « confirmation de l'irrecevabilité d'une demande en interdiction d'exploitation et l'incompétence du juge des référés » :

Sous cette appellation, la SCI Etoile 8 Saint-Amand et la SARL estiment que la demande présentée tendant à l'interdiction de l'exploitation n'entrerait pas dans les attributions du juge des référés (ce qui n'a aucun lien avec la compétence du juge des référés) et que la demande serait «irrecevable».

Indépendamment de la confusion faite s'agissant de la compétence du juge des référés, de la recevabilité des demandes, et étant observé que l'ordonnance déférée n'a pas, dans son dispositif, dit la demande en interdiction d'exploitation irrecevable ou le juge des référés incompétent pour en connaître, il y a lieu d'observer que, selon l'article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans ce cadre, le juge des référés apprécie souverainement les mesures propres à faire cesser le trouble.

A ce titre, le juge des référés du tribunal de commerce peut, si les conditions sont réunies, ordonner la fermeture d'un établissement, le litige intervenant entre deux sociétés commerciales.

La demande tendant à voir déclarer la demande d'interdiction d'exploitation irrecevable sera donc rejetée de même que celle tendant à voir dire le juge des référés du tribunal de commerce incompétent pour connaître du litige.

Sur le fond :

Il incombe aux sociétés demanderesses, pour solliciter l'application des dispositions de l'article 873 du code de procédure civile et l'interdiction d'exploitation du bowling par la SARL O'Bowling, de rapporter la preuve d'un péril imminent ou trouble manifestement illicite. L'existence de contestations sérieuses quant à la mesure sollicitée ou quant au litige opposant les parties est sans incidences pour l'application de ce texte.

Il y a lieu d'observer qu'il n'est invoqué aucun péril imminent, qu'aucun péril de ce type n'est caractérisé, ce d'autant que l'exploitation de l'établissement de bowling à [Localité 1] par la SARL O'Bowling a commencé depuis le mois d'avril 2014.

S'agissant du trouble manifestement illicite invoqué, il sera constaté que :

les SARL Bowling de Saint-Amand et Bowling du Hainaut ne rapportent aucun élément permettant de caractériser le préjudice d'image qu'elles invoquent ; il n'est pas justifié que le «public» utilisant le bowling ait eu connaissance du projet initial de ces sociétés ni qu'il ait pu constater l'échec de l'opération et ait pu savoir que c'est un autre projet qui a été finalement mené a bien ; rien ne permet donc de penser que la crédibilité des deux sociétés serait, de quelque façon que ce soit, remise en cause ; il n'est pas plus justifié d'un préjudice économique, étant observé dans un courrier du 31 janvier 2010, la SARL Bowling de Saint-Amand reconnaissait que le « bouclage financier de notre projet » n'était pas encore achevé (il devait l'être pour le 30 septembre) ;

si les SARL Bowling de Saint-Amand et Bowling du Hainaut remettent en cause la légalité des délibérations ayant annulé l'autorisation de cession, à leur profit, des terrains sur lesquels a été construit le bowling et autorisé ladite cession au profit de la SCI Etoile 8 Saint-Amand et, en conséquence, la régularité de l'acte authentique de vente du 16 juillet 2012, il ne peut être prétendu que ces actes constituent des voies de fait (la commune de [Localité 1] a autorisé la vente d'une terrain lui appartenant à une sociét, a annulé, cinq années plus tard, cette autorisation en constatant que la cession n'était toujours pas intervenue et a autorisé la cession à une autre société, laquelle a acquis les parcelles litigieuses) ni, si ces actes pouvaient être qualifiés de voie de fait, qu'ils sont insusceptibles de se rattacher à un pouvoir de l'administration ou même qu'ils portent atteinte à une liberté fondamentale (la cession au profit de la SARL Bowling du Hainaut n'étant pas intervenue, celle-ci n'est pas fondée à invoquer une violation de son droit de propriété) ; il sera par ailleurs observé que le tribunal administratif saisi sur le fondement d'un excès de pouvoir n'a pas annulé les délibérations du 30 juin 2011 soulignant l'absence d'erreur manifeste d'appréciation dans la décision (même s'il est justifié d'un recours devant la cour administrative d'appel),

les SARL Bowling de Saint-Amand et Bowling du Hainaut invoquent une fraude, des man'uvres de la SCI Etoile 8 Saint-Amand, une collusion avec la municipalité, sans justifier de ces éléments, étant observé qu'il est évident que la SCI Etoile 8 Saint-Amand a monté un projet et l'a présenté au conseil municipal pour obtenir la délibération autorisant la cession des terrains à son profit (le conseil ayant souligné de nouvelles opportunités de développement de la zone de tourisme) ; cette situation n'implique pas pour autant des man'uvres pour faire échec au projet des SARL Bowling de Saint-Amand et Bowling du Hainaut, étant observé que celles-ci avaient l'autorisation d'acquérir les terrains depuis 2006 et qu'elles n'avaient pas encore pu mener leur projet à bien ; les déclarations du maire sur l'absence de procédure en cours et de restriction à la libre cession du bien ne sauraient prouver une fraude,

les actes administratifs et de vente contestés ne font pas obstacle à la liberté du commerce (le bowling a pu être construit et est actuellement exploité) et il n'est pas expliqué en quoi, ils entraîneraient une concurrence déloyale.

Dans ces conditions, l'existence d'un trouble manifestement illicite n'est pas démontrée.

L'ordonnance déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'interdiction d'exploitation du bowling de [Localité 1].

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la SCI Etoile 8 Saint-Amand :

Les SARL Bowling de Saint-Amand et Bowling du Hainaut ont saisi le tribunal administratif d'une demande d'annulation des délibérations du 30 juin 2011. Elles ont interjeté appel de la décision rendue. Elles ont, par ailleurs, saisi le juge des référés d'une demande de fermeture de l'établissement construit sur le terrain qu'elles entendaient acquérir.

Toues les procédures engagées tendent donc à la même fin (à savoir contester les actes ayant fait échouer le projet qu'elles entendaient mener sur les terrains finalement acheté par la SCI Etoile 8 Saint-Amand). Il n'est démontré aucun abus de droit ni aucune volonté de nuire qui animerait les SARL Bowling de Saint-Amand et Bowling du Hainaut. De plus, la seule appréciation inexacte de leurs droits dans le cadre de la procédure de référé ne peut constituer une faute dégénérant un abus de procédure.

Dès lors, la demande de condamnation présentée par la SCI Etoile 8 Saint-Amand pour procédure abusive sera rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Les SARL Bowling de Saint-Amand et Bowling du Hainaut succombant en leurs prétentions, elles seront condamnées aux dépens d'appel et l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle les a condamnées aux dépens de première instance.

Il serait inéquitable de laisser à la SCI Etoile 8 Saint-Amand et à la SARL O'Bowling la charge des frais exposés et non compris dans les dépens. Les SARL Bowling de Saint-Amand et Bowling du Hainaut seront condamnées à leur payer, à chacune, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire :

INFIRME l'ordonnance en ce qu'elle a dit le juge des référés incompétent pour connaître des prétentions formées à l'encontre de la SCI Etoile 8 Saint-Amand ;

La CONFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :

CONSTATE qu'aucune demande n'est présentée à l'encontre de la SCI Etoile 8 Saint-Amand et DIT, en conséquence, n'y avoir lieu à se déclarer incompétent pour en connaître ;

DIT le juge des référés, et la cour saisie de l'appel contre l'ordonnance rendue, compétents pour connaître des demandes des SARL Bowling de Saint-Amand et Bowling du Hainaut ;

DECLARE leurs demandes recevables ;

DIT que le présent arrêt est opposable à la SCI Etoile 8 Saint-Amand ;

DEBOUTE la SCI Etoile 8 Saint-Amand de sa demande d'amende pour procédure abusive ;

CONDAMNE les SARL Bowling de Saint-Amand et Bowling du Hainaut à payer à chacune des SCI Etoile 8 Saint-Amand et SARL O'BOWLING la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les SARL Bowling de Saint-Amand et Bowling du Hainaut aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M.M. HAINAUTP. FONTAINE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 14/06081
Date de la décision : 02/07/2015

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°14/06081 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-07-02;14.06081 ?
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