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02/07/2015 | FRANCE | N°14/04213

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 7 section 2, 02 juillet 2015, 14/04213


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 7 SECTION 2



ARRÊT DU 02/07/2015



***



N° MINUTE : 15/633

N° RG : 14/04213 (JONCTION avec n° 14/04554)



Jugement (N° 13/04756)

rendu le 06 Juin 2014

par le Juge aux affaires familiales de BETHUNE



REF : IC/LW





APPELANTE



Madame [N] [F] [D]

née le [Date naissance 5] 1949 à [Localité 4] (POLOGNE)

[Adresse 1]

[Localité 2]
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Représentée par Me Thomas DEMESSINES, avocat au barreau de DOUAI

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 59178/002/2014/007228 du 22/07/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 7 SECTION 2

ARRÊT DU 02/07/2015

***

N° MINUTE : 15/633

N° RG : 14/04213 (JONCTION avec n° 14/04554)

Jugement (N° 13/04756)

rendu le 06 Juin 2014

par le Juge aux affaires familiales de BETHUNE

REF : IC/LW

APPELANTE

Madame [N] [F] [D]

née le [Date naissance 5] 1949 à [Localité 4] (POLOGNE)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Thomas DEMESSINES, avocat au barreau de DOUAI

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 59178/002/2014/007228 du 22/07/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉ

Monsieur [P] [X]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Xavier BRUNET, avocat au barreau de BETHUNE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Isabelle CHASSARD Président

Agnès FALLENOT, Conseiller

Agnès MARQUANT, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs DELAIRE

DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 20 Février 2015,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2015 après prorogation en date du 16 Avril 2015 (date indiquée à l'issue des débats), 28 Mai et 25 Juin 2015 et signé par Isabelle CHASSARD, Président, et Aurore CAUCHETEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC :

Cf réquisitions du 21 Novembre 2014

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 Février 2015

*****

Suivant exploit d'huissier en date du 13 août 2004, [O] [D] a fait assigner [P] [X] devant le Tribunal de Grande Instance de BETHUNE dans le cadre d'une action en recherche de paternité.

Par jugement avant dire droit en date du 08 décembre 2006, le Tribunal de Grande Instance de BETHUNE a ordonné une expertise aux fins d'identification génétique.

Par conclusions signifiées le 19 avril 2007, [N] [D], mère du demandeur, est intervenue volontairement à la procédure aux côtés de son fils.

Suivant jugement en date du 11 janvier 2008, le Tribunal de Grande Instance de BETHUNE, au vu des résultats de l'expertise et après avis du ministère public, a :

- dit que [O] [D], né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 5] est le fils de [P] [X] et ordonné la mention de cette filiation en marge de l'acte de naissance de l'intéressé

- rejeté la demande aux fins d'adjonction de nom

- condamné [P] [X] à verser à [O] [D] :

- une pension alimentaire mensuelle de 500 € pour la période comprise entre le 13 septembre 2002 et le 31 août 2005,

- une pension alimentaire mensuelle de 1 200 € à compter du 1er septembre 2005 jusqu'à la fin des études de l'intéressé à charge pour lui d'en justifier chaque année avant le 15 novembre par la production d'un certificat de scolarité,

- condamné [P] [X] à verser à [O] [D] la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et celle de 1 500 € en réparation du préjudice né de l'attitude dilatoire du défendeur,

- condamné [P] [X] à verser à [O] [D] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

[P] [X] a interjeté appel de cette décision.

Suivant arrêt en date du 13 novembre 2008, la Cour d'Appel de DOUAI a :

- confirmé le jugement rendu le 11 janvier 2008 par le Tribunal de Grande Instance de BETHUNE sauf dans sa disposition relative aux dommages et intérêts pour attitude dilatoire,

- infirmé pour le surplus et statuant à nouveau,

- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour attitude dilatoire,

- condamné [P] [X] à payer à [O] [D], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 4 789,69 € pour ses frais irrépétibles exposés en première instance et d'appel.

Par requête déposée au greffe le 14 novembre 2013, [N] [D] a saisi le juge aux affaires familiales de ce siège aux fins de voir condamner [P] [X] à la somme de 1 200 € mensuels pour la période du 13 septembre 1984 au 13 septembre 2002 ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.

Par jugement en date du 06 Juin 2014, le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de BETHUNE a statué comme suit :

'REJETTE les fins de non recevoir tirées de l'autorité de la chose jugée et du défaut d'intérêt et de qualité à agir,

DECLARE irrecevables les demandes de [N] [D], l'action étant prescrite,

DIT que chaque partie conserve la charge de ses dépens

DIT que la présente décision est notifiée par les soins du greffe par lettre recommandée avec accusé réception. '

Le premier juge a notamment retenu que :

- Sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée :

- [N] [D] a diligenté la présente procédure à l'encontre de [P] [X] aux fins de voir fixer une contribution alimentaire pour la période afférente à la minorité de [O] [D]. Cette procédure se distingue de la première procédure dès lors que [P] [X] et [N] [D] n'ont pas la même qualité et que la chose demandée à la juridiction est différente.

- Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir :

- L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

- Nonobstant le fait que [N] [D] n'ait pas diligenté pendant la minorité de l'enfant une action en recherche de paternité et qu'elle n'avait plus qualité à le faire lors de la précédente procédure, il n'en demeure pas mois que cette action a été diligentée par [O] [D] et qu'elle a prospéré.

- Or, les effets d'une paternité légalement établie remontent à la naissance de l'enfant. - Dès lors, [N] [D] a intérêt et qualité à agir.

- Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription :

- Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

- M [X] avait reconnu sa paternité dans ses conclusions signifiées le 19 décembre 2007.

- Le jugement du Tribunal de Grande Instance de BETHUNE a été signifié par [N] [D] et [O] [D] par acte en date du 07 février 2008.

- cette signification constitue le jour à compter duquel [N] [D] a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

- Mme [D] a saisi le juge aux affaires familiales de ce siège par requête déposée au greffe le 14 novembre 2013, l'action est prescrite.

LA COUR

Vu l'appel général en date du 04 Juillet 2014 interjeté par Madame [D] ;

Vu l'article 954 du code de procédure civile ;

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 03 Octobre 2014, Madame [D] a présenté les demandes suivantes :

'Vu les pièces versées au débat.

Il est sollicité de la Cour d'Appel de Douai :

De confirmer partiellement le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Béthune le 6106/2014 en ce qu'il a rejeté les exceptions de fin de non recevoir tirées de l'autorité de la chose jugée et du défaut de qualité et d'intérêt à agir à l'égard de Madame [N] [D]

De réformer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Béthune le 06/06/2014 en ce qu'il a considéré Madame [N] [D] comme irrecevable dans son action et ce sur le fondement de la prescription de l'article 2224 du Code civil ;

Par voie de conséquence, de dire bien appelé et mal jugé sur ce point et de déclarer recevable et bien fondée Madame [N] [D] en son action considérée comme n'étant pas prescrite ;

De condamner Monsieur [P] [X] à verser à Madame [N] [D] une part contributive à l'entretien et l'éducation de [O] [D] d'un montant de 1200,00 € mensuel et ce à compter du 13/09/1984, date de sa naissance, jusqu'au 13/09/2002, date de sa majorité ;

De condamner Monsieur [P] [X] à verser à Madame [N] [D] la somme de 1.228,50 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et directement à Maître Thomas DEMESSINES, Avocat de Madame [D], la somme de 2.400,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la Loi du 10/07/1991 sous la réserve expresse que Madame [D] renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

De débouter Monsieur [P] [X] de toutes demandes, fins, prétentions et conclusions en cause d'appel ;

De le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Thomas DEMESSINES, Avocat aux offres de droit'.

Mme [D] soutient principalement que son action n'est pas prescrite dans la mesure où le point de départ doit être fixé à l'expiration du délai de pourvoi de l'arrêt rendu sur l'appel du jugement déclarant M. [X], père de [O] [D] et maintient que les fins de non recevoir tirées de l'autorité de la chose jugée et de son défaut de qualité à agir ne peuvent être retenues.

Elle explique en outre ses ressources pour toute la période concernée ainsi que les difficultés financières qu'elle a pu rencontrer et les frais exposés pour l'entretien et l'éducation de [O].

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 05 Février 2015, Monsieur [X] a présenté les demandes suivantes :

'DIRE mal appelé.

Par substitution de de motifs,

Vu les articles :

' 31,122 du Code de Procédure civile

' 1351 du Code Civil,

' 340-2, 340-4 anciens du Code Civil

' 2224 du Code Civil

DIRE l'appelante irrecevable en ses demandes à raison de l'autorité de chose jugée

Subsidiairement,

DIRE l'appelante irrecevable en ses demandes à raison du défaut de droit d'agir (défaut de qualité).

Plus subsidiairement encore,

DIRE l'action prescrite, en conséquence confirmer la décision déférée.

En toute hypothèse, CONDAMNER l'appelante au paiement d'une somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

A titre infiniment subsidiaire, sur le quantum de la pension alimentaire,

FIXER le montant de la pension alimentaire à :

- 75€ mensuels sur la période allant du 13 Septembre 1984 à 31 Août 1987

- 120€ mensuels sur la période allant du V Septembre 1987 au 31 Août 1990

- 150€ mensuels sur la période allant du 1er Septembre 1990 au 31 Août 1994

- 250€ mensuels sur la période allant du 1er Septembre 1994 au 31 Août 1998

- 400€ mensuels sur la période allant du 1er Septembre 1998 au 31 Août 2002

CONDAMNER l'appelante en tous les frais et dépens'.

M. [X] soutient principalement les fins de non recevoir soulevées et fait à titre subsidiaire une offre de règlement de contributions en fonction des années concernées.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 20 Février 2015.

SUR CE

Toutes les dispositions du premier juge sont contestées par les parties dans le cadre du présent appel général.

Il sera préalablement rappelé que :

- [O] [D] est né le [Date naissance 4] 1984. Il a donc atteint la majorité le 13 Septembre 2002 et que la procédure de 2008 a statué sur ses demandes de pensions alimentaires à compter de sa majorité.

- la présente procédure concerne les demandes d'aliments présentées par Mme [D] pour le temps de la minorité de [O].

- le jugement du 11 Janvier 2008 rendu par le Tribunal de Grande Instance de BETHUNE précise que Mme [N] [D] est intervenue volontairement à l'instance par conclusions signifiées le 19 Avril 2007, l'action ayant été engagée par l'enfant majeur et non par Mme [D] pendant la minorité de l'enfant, M. [O] [D] ayant indiqué en page 5 desdites conclusions que 'en application de l'article 2277 du code civil, la prescription en matière d'aliments est quinquennale. L'action n'appartenait cependant pas à M [O] [D], avant sa majorité'.

- en première instance, Mme [D] n'a présenté aucune demande.

- M. [X] n'a soulevé aucune contestation à l'occasion de la procédure engagée par [O] [D] quant à l'intervention volontaire accessoire de sa mère.

- M. [O] [D] et Mme [N] [D] ont fait tous deux signifier le jugement le 07 Février 2008.

- elle n'a pas constitué avoué en cause d'appel dans l'instance ayant abouti à l'arrêt du 13 Novembre 2008.

- l'action objet du présent litige a été engagée le 14 Novembre 2013 (date de dépôt de la requête au greffe).

- dans le cadre de l'instance d'appel, M. [O] [D] n'a formulé des demandes qu'à compter de sa majorité.

1) sur la nature de l'action de Mme [D]

Les aliments sont des prestations ayant généralement pour objet une somme d'argent, destinée à assurer la satisfaction des besoins vitaux d'une personne qui ne peut plus assurer elle-même sa propre subsistance.

Le code civil prévoit un régime de droit commun des obligations alimentaires incluant notamment :

- une prescription de 5 ans (ancien article 2277 issu de la loi du 16 juillet 1971 alors dérogatoire au régime de droit commun prévoyant des durées plus longues puis l'article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 qui a ramené la prescription de droit commun général à 5 ans) ;

- cette prescription de 5 ans n'éteint pas le droit mais interdit au créancier d'exiger l'exécution de son obligation (Cass 09 Juillet 2009) ;

- l'application de la règle 'aliments n'arréragent pas' qui influe en particulier sur la faculté ou non de solliciter une rétroactivité.

Deux types de créances alimentaires obéissent à un régime dérogatoire :

- les actions au titre des obligations d'entretien fondées sur le devoir légal pour tout parent de subvenir à tous les besoins de son enfant en assumant toutes les dépenses de nourriture, de vêtement, de logement, d'éducation etc... ;

- les actions aux fins de subsides.

Pour la première, les dérogations sont notamment les suivantes :

- l'action ne se prescrit pas par le délai de droit commun des obligations alimentaires (5 ans) en considération du besoin alimentaire qu'elle est censé permettre de compenser ;

- non application de la règle 'aliments n'arréragent pas'.

Pour l'obligation d'entretien, il en résulte, notamment lorsqu'elle est rattachée à une recherche de paternité dont la décision a une valeur déclarative et non constitutive, que l'obligation d'entretien peut remonter jusqu'à la date de naissance de l'enfant.( Civ 1ère 14 Février 2006). Par contre, s'agissant de l'action à fins de subsides, le jugement ayant un effet constitutif, les subsides ne sont dus qu'à compter de l'assignation (Cass 19 Mars 1985).

Il importe en conséquence de déterminer la nature de l'action engagée par Mme [D].

Mme [D] a saisi le juge aux affaires familiales d'une action relative à l'obligation d'entretien du père à l'égard de son fils [O]. Elle relève dès lors du régime dérogatoire.

2) sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée

M. [X] s'oppose à la décision du premier juge sur ce point en arguant du principe de concentration des moyens et en indiquant que Mme [D] devait présenter l'ensemble de ses prétentions dans le cadre de la procédure de 2008 et en indiquant que la demande de pension alimentaire a été présentée de concert par M. [O] [D] et sa mère.

Cette dernière affirmation est inexacte puisque les conclusions récapitulatives (pièce 4) montrent que l'objet du litige concerne uniquement le paiement d'une pension alimentaire à M. [O] [D].

Le fait que Mme [N] [D] soit intervenante volontaire dans une instance engagée par son fils en recherche de paternité et aux fins d'obligation alimentaire du père à l'égard du fils, au titre de l'entretien d'un enfant majeur ne saurait à cet égard modifier l'objet du litige qui est distinct de celui objet de la demande de Mme [N] [D].

En effet, il y a lieu de rappeler que les interventions volontaires peuvent être de deux natures différentes :

- principale lorsqu'une prétention est émise par l'intervenant volontaire (article 329 du code de procédure civile),

- accessoire lorsqu'elle appuie simplement les prétentions d'une partie , celle-ci n'étant recevable que si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie (article 330 du code de procédure civile).

M. [X] n'a nullement soulevé dans le cadre de la première procédure de 2008 l'irrecevabilité de l'intervention volontaire accessoire de Mme [N] [D], laquelle est en tout état de cause manifestement recevable, précisément pour pouvoir présenter, le cas échéant et ultérieurement en son nom personnel une action au titre de l'obligation d'entretien pour son propre compte, étant la mère de M. [O] [D].

Si Mme [D] avait la possibilité de faire une intervention volontaire principale en présentant, pour son compte, une demande de pension alimentaire, elle n'en avait nullement l'obligation. En tout état de cause, ce moyen est inopérant pour prétendre qu'il y aurait identité d'objet alors que précisément l'objet de la demande de Mme [D] n'a pas été soumis au juge en 2008.

En conséquence, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée eu égard à l'absence d'identité d'objet.

3) sur la fin de non recevoir pour défaut de qualité à agir

M. [X] prétend que l'action initiée devant le Tribunal de Grande Instance de BETHUNE par Monsieur [O] [D]-[X] relevait des articles 340-2, 340-4 anciens du Code Civil (abrogés au 1er juillet 2006) et qu'elle n'appartenait qu'à l'enfant en application de l'ancien article 340-2 du Code Civil et que Mme [D] ne pouvait l'engager qu'au nom de l'enfant.

Il considère que M. [O] [D] était donc le seul à pouvoir présenter la demande d'aliments depuis sa naissance.

Ce moyen ne peut être retenu dès lors que l'action de Mme [D] est une action relative à l'obligation d'entretien et non l'action en recherche de paternité qu'elle n'a effectivement pas exercée au nom de l'enfant pendant la minorité de ce dernier.

Elle a qualité et intérêt à agir pour solliciter une pension alimentaire relative à l'entretien de l'enfant pendant la minorité de celui-ci sous réserve des règles de prescription et ce d'autant que compte tenu de l'effet déclaratif du jugement de 2008, elle peut solliciter une pension alimentaire au titre de l'obligation d'entretien depuis la naissance de l'enfant.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tiré du défaut de qualité et d'intérêt à agir.

4) sur la fin de non recevoir tiré de la prescription.

Le premier juge après avoir rappelé que 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer', a fixé le point de délai de départ du délai de prescription à la date de signification du jugement de première instance ( 07/02/2008) pour considérer que l'action engagée par Mme [D] était prescrite.

Il relevait également que M. [X] avait reconnu sa paternité dans ses conclusions signifiées le 19 décembre 2007.

Mme [D] argue principalement de ce que le point de départ de la prescription retenu par le premier juge (signification du jugement) doit être reporté à la date à laquelle l'arrêt rendu est définitif.

Il résulte des principes préalablement posés que dès lors que l'action au titre de l'obligation légale d'entretien n'a pas été formée par Mme [D] par voie d'intervention principale dans l'instance en recherche de paternité engagée par son fils, sa recevabilité restait dépendante du caractère définitif de la décision déclarant M. [X] père de M. [O] [D].

La proximité de ce statut de filiation avec l'obligation d'entretien explique pourquoi cette action obéit à un régime dérogatoire par rapport aux dispositions de l'article 2224 du code civil qui prévoit au contraire que le point de départ résulte du jour où 'le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

Le caractère dérogatoire du régime de prescription ne peut cependant entraîner une imprescriptibilité de l'action de sorte que Mme [D] devait engager son action dans les 5 ans suivant le caractère définitif de la décision déclarant M. [X] père de [O] [D]. À défaut, l' irrecevabilité de sa demande peut lui être opposée.

En l'espèce, l'arrêt confirmant la filiation paternelle est daté du 13 Novembre 2008 et a été signifié à M. [X] le 16 Janvier 2009. Aucun pourvoi n'a été fait. Mme [D] a engagé son action le 14 Novembre 2013.

En conséquence, Mme [D] est bien fondée à soutenir que le point de départ n'est pas celui prévu par l'article 2224 du code civil et qu'ayant engagé son action dans les 5 années du caractère définitif de la déclaration judiciaire de paternité de M. [X], elle n'est pas prescrite.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu que l'action de Mme [D] était prescrite.

5) sur le fond

Les effets attachés à la paternité judiciairement déclarée remontent à la naissance de l'enfant soit le 13 Septembre 1984. Mme [D] ne formule aucune demande pour la période postérieure à la majorité de [O] puisque qu'en vertu de la procédure de 2008 la contribution alimentaire à l'entretien de l'enfant majeur a été déterminée sur demande de [O] [D].

Mme [D] réclame 1 200 euros par mois pour toute la période de la minorité et produit ses avis d'imposition depuis 1984. Elle rappelle la souffrance morale qui a été la sienne ainsi que celle de son fils. Elle présente ses périodes d'emploi et de chômage comme en attestent ses certificats de travail jusque 2003.

Elle indique avoir ensuite perçu jusque 2007 l'allocation de retour à l'emploi et qu'ensuite ses droits à la retraite ont été liquidés. Elle précise qu'en 1999 elle a dû saisir la commission de surendettement. Elle a perdu un bien immobilier (bureau acquis en indivision en 1988) suite à des dettes et a fait l'objet courant 2003 d'une procédure de saisie immobilière et s'est vu notifier un procès verbal d'expulsion. Elle a alors dû trouver un nouvel hébergement à la SONACOTRA.

Elle ajoute qu'elle a pendant toute cette période financé les études de [O] qui, enfant à haut potentiel, s'est engagé dans des études supérieures de haut niveau (Paris I Sorbonne) et a présenté le diplôme supérieur de comptabilité et de gestion (DSCG).

Elle invoque pour la période 1984-1989 des dépenses, incluant les dépenses courantes de 46000 euros, pour la période de 1990-1995 un montant équivalent, pour la période 1995-2002 une dépense globale de 56 000 euros soit un budget mensuel moyen de 1 060 euros/mois.

M. [X] relève que la demande formulée correspond à un capital de 259 200 euros. Il précise qu'il exerce la fonction de Radiologue depuis le 20 Février 1989, s'est marié le [Date mariage 1] 1991 et qu'un enfant prénommé [Q] né le [Date naissance 1] 1994 de cette union.

Il considère qu'il est inconcevable d'envisager de fixer de manière linéaire, durant la période de minorité, la pension alimentaire. Il rappelle simplement qu'il n'a jamais été informé de sa paternité avant que l'assignation aux fins de recherche de paternité ne lui soit délivrée.

Relevant que la contribution à l'entretien et de l'éducation de [O], majeur a été fixée à 500 euros par mois, il propose de verser les sommes suivantes :

sur la période allant du 13 Septembre 1984 au 31 Août 1987 75 € mensuels

sur la période allant du 1er Septembre 1987 au 31 Août 1990 120 € mensuels

sur la période allant du 1er Septembre 1990 au 31 Août 1994 150 € mensuels

sur la période allant du 1er Septembre 1994 au 31 Août 1998 250 € mensuels

enfin, sur la période du 1er Septembre 1998 au 31 Août 2002 400 € mensuels

Dans le cadre de la procédure de 2008, la Cour d'appel n'a fixé la contribution à l'entretien et de l'éducation de [O] à 500 euros que pour la période du 13 Septembre 2002 au 31 Août 2005 puis l'a portée à 1 200 euros par mois à compter du 1er Septembre 2005.

Mme [D] justifie par les pièces correspondantes de ses affirmations s'agissant de la faiblesse de ses ressources pendant toute la période de la minorité de l'enfant. Il est incontestable et d'ailleurs non contesté par M [X] qu'il a été extrêmement difficile pour elle de financer les études et l'entretien de [O].

Les frais engagés postérieurement à 2002 ne seront pas pris en considération puisqu'ils concernent une période postérieure à la date limite de ses demandes.

Les critères d'appréciation de la contribution à l'entretien et de l'éducation de [O] n'intègrent pas le fait que M. [X] ait ou non connu l'existence de l'enfant depuis sa naissance.

Les revenus de Mme [D] sont les suivants :

Francs

Euros

soit par mois

1984

102093

15563,98

1297,00

1985

84841

12933,93

1077,83

1986

116392

17743,85

1478,65

1987

104539

15936,87

1328,07

1988

113778

17345,34

1445,45

1989

130116

19836,06

1653,00

1990

140778

21461,47

1788,46

1991

172674

26323,98

2193,67

1992

162822

24822,05

2068,50

1993

159826

24365,32

2030,44

1994

161479

24617,31

2051,44

1995

104409

15917,05

1326,42

1996

70927

10812,75

901,06

1997

68748

10480,57

873,38

1998

50414

7685,56

640,46

1999

48238

7353,84

612,82

2000

68989

10517,31

876,44

2001

116232

17719,45

1476,62

2002

17146

1428,83

M. [X] ne formule aucune contestation sur éléments de revenus produits par Mme [D].

M. [X] ne produit aucune justification de ressources pour la période concernée à l'exception de son avis d'imposition 1988.

Il justifie cependant par une attestation de l'ordre national des médecins qu'il est inscrit au tableau de l'Ordre des médecins depuis le 04 Décembre 1988 et exerce en qualité de spécialiste en radio-diagnostic depuis le 13 Février 1985 outre sa qualification de médecine générale. Son installation comme radiologue date du 20 Février 1989.

Il a eu un enfant [Q] née le [Date naissance 1] 1994.

En 1988, il a perçu 91 157 francs de salaires outre 172 811 francs de revenus non commerciaux soit au total 40 241 euros correspondant à un revenu mensuel moyen de 3 353 euros. Son imposition a été de 66 421 francs (5 535 euros) soit mensuellement 461 euros.

Ses charges se sont alourdies en 1994 du fait de la naissance de [Q].

Si la Cour doit prendre en considération les besoins de l'enfant qui évoluent bien évidemment en fonction de l'âge et aussi en considération des revenus et charges de chacun des parents, la situation peut être analysée sur la base d'une moyenne dès lors que cette moyenne tient de l'évolution des besoins de l'enfant et de l'évolution de revenus et charges.

Par ailleurs, M. [X] est mal venu à critiquer une telle méthodologie alors qu'il ne justifie pas de ses revenus pour toute la période concernée.

Il résulte des pièces produites et des éléments qui précèdent qu'il convient de tenir compte :

- la moyenne des revenus de Mme [D] est de 1 397 euros sur les 18 années.

- elle a rencontré à l'évidence une baisse de revenus entre 1996 et 2000 alors qu'elle venait de souscrire un prêt immobilier le 28 Juin 1996 ( pièce 45). Elle a alors saisi la commission de surendettement et a bénéficié d'une suspension des poursuites de saisies immobilières. En l'absence d'acceptation du plan d'avril 1999, la procédure a repris et l'immeuble de MAISON ALFORT a été vendu sur adjudication.

- les charges de M. [X] se sont alourdies à compter de la naissance de [Q] en 1994.

- cependant, M. [X] est défaillant dans la justification de l'évolution de ses ressources, et ce en particulier lors les besoins de l'enfant se sont accrus notamment sur le plan scolaire, les voyages d'études et autres dépenses courantes pour un adolescent

- le niveau de ressources de M. [X] de 1988 ne peut qu'être considérée que minimales dans la mesure où il s'est postérieurement installé comme radiologue même s'il a pu exercer une activité professionnelle sous un autre statut étant spécialiste en radio diagnostic depuis 1985.

- ses revenus seront donc considérés comme ayant été notablement en croissance depuis 1989 dans une spécialiste rémunératrice compte tenu du niveau de qualification et de la spécialité exercée.

En tenant compte de l'ensemble des éléments et des variations des besoins, ressources et charges des deux parents sur la période de 18 ans, il convient de fixer la contribution moyenne à l'entretien et de l'éducation de [O] à 700 euros par mois soit depuis le 13 Septembre 1984 au 13 Septembre 2002.

Sur les dépens

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que 'La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Les conditions dans lesquelles il peut être mis à la charge d'une partie qui bénéficie de l'aide juridictionnelle tout ou partie des dépens de l'instance sont fixées par les dispositions de la loi n°91-647 du 10/07/1991 et du décret n°91-1266 du 19/12/1991".

M. [X] ayant échoué en ses prétentions en appel sera condamné aux dépens d'appel ainsi que ceux de première instance.

Sur l'application de l'article 699 du code de procédure civile

Il résulte de l'article 699 du code de procédure civile que ' Les avocats peuvent dans les matières où leur ministère est obligatoire, demande que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans en avoir reçu provision. (...)'.

Il sera fait droit à cette demande présentée par le Conseil de Mme [D].

Sur la demande de frais irrépétibles présentée par Mme [D] et sur la demande de Me [J] présentée sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 Juillet 1991

Il résulte de l'article 700 du code de procédure civile que :

'Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat.'

Mme [D] est bénéficiaire d'une aide juridictionnelle partielle à 25%.

Il est équitable de laisser à la charge de Mme [D] les frais irrépétibles exposés.

Il sera fait droit à la demande de son conseil en application de l'article 37 de la loi de 1991 susvisée à hauteur de la somme de 2400 euros, étant rappelé que le recouvrement de cette somme obéit à des dispositions spécifiques alternatives à l'avance par l'Etat des frais pouvant être sollicités au titre de l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté les fins de non recevoir tirées de l'autorité de la chose jugée et du défaut de qualité et d'intérêt à agir de Mme [D] ;

Statuant de nouveau sur les points infirmés :

- Rejette la fin de non recevoir fondée sur la prescription,

- Condamne M. [X] à payer à Mme [D] la somme de 700 euros par mois à compter du 13 Septembre 1984 et jusqu'au 13 Septembre 2002, et ce au prorata du mois pour les mois partiels, sans qu'il y ait lieu de prévoir d'indexation, au titre de la contribution à l'entretien et de l'éducation de [O] [D] et avec intérêts légaux à compter de la signification du présent arrêt,

- Condamne M. [X] à payer au conseil de Mme [D] la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi de 1991,

Y ajoutant :

Déboute Mme [D] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [X] aux dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice du conseil de Mme [D].

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

A. CAUCHETEUXI. CHASSARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 7 section 2
Numéro d'arrêt : 14/04213
Date de la décision : 02/07/2015

Références :

Cour d'appel de Douai 72, arrêt n°14/04213 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-07-02;14.04213 ?
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