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25/06/2015 | FRANCE | N°14/02812

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 25 juin 2015, 14/02812


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 25/06/2015



***





N° MINUTE :

N° RG : 14/02812



Jugement (N° 07/04368)

rendu le 27 Mars 2014

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : VF/AMD





APPELANTE



SCI D2 FELE

représentée par son gérant en exercice

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée et assi

stée de Maître Hugues FEBVAY, membre de la CO.FE.DE. SELAS, avocat au barreau de DUNKERQUE





INTIMÉES



SARL [Z]

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée et ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 25/06/2015

***

N° MINUTE :

N° RG : 14/02812

Jugement (N° 07/04368)

rendu le 27 Mars 2014

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : VF/AMD

APPELANTE

SCI D2 FELE

représentée par son gérant en exercice

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et assistée de Maître Hugues FEBVAY, membre de la CO.FE.DE. SELAS, avocat au barreau de DUNKERQUE

INTIMÉES

SARL [Z]

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée et assistée de Maître Christophe DESURMONT, avocat au barreau de LILLE, substitué à l'audience par Maître Claire TRICOT, avocat au barreau de LILLE

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 4]

SA AXA FRANCE IARD

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentées par Maître Bernard FRANCHI, membre de la SCP DELEFORGE FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI

Assistées de Maître Alain BILLEMONT, avocat au barreau de LILLE, substitué à l'audience par Maître Séverine CUNY, avocat

DÉBATS à l'audience publique du 12 Mai 2015 tenue par Véronique FOURNEL magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Jean-Loup CARRIERE, Président de chambre

Christian PAUL-LOUBIERE, Conseiller

Véronique FOURNEL, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 Juin 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Jean-Loup CARRIERE, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 avril 2015

*****

La SCI D2 Félé est propriétaire d'un immeuble à usage industriel et commercial sis à [Adresse 5], d'une surface de 3500m², donné à bail commercial pour 4\5ème à la société Autocit, concessionnaire Citroën, et pour le reste à la société MJT Distribution, puis à partir de 1988 à SDK, qui a à son tour cédé son fonds de commerce en 2006 à Champ Libre, devenue Vertdis exerçant sous l'enseigne 'Point Vert'.

La SCI D2 Félé a fait procéder par la société Roussel à la réfection totale de l'étanchéité de la toiture. Les travaux ont débuté à l'automne 1996 pour s'achever fin avril 1997.

Des désordres mettant en cause l'étanchéité de la toiture ont été constatés par huissier les 20 février et 31 mai 2006.

Par ordonnance du 29 juin 2006 et à la demande de la SCI, en présence de la SARL Roussel, de la SAS Autocit, de la société SDK et de la société Champ Libre, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Hazebrouck a désigné M. [R] en qualité d'expert.

Par ordonnance du 27 juillet 2006, cette expertise a été étendue aux sociétés Axa Corporate Solutions et Axa France Nord Est, assureurs de la SARL Roussel, la première en garantie décennale, la seconde pour les dommages immatériels.

Par acte du 30 avril 2007, la SCI D2 Félé a fait assigner la société Axa Corporate Solutions, la société Axa France Nord Est, la société Roussel, la société Autocit et la société SDK en vue de voir reconnaître la responsabilité de la société Roussel et de ses assureurs.

Par acte du 31 mars 2008, la société Autocit et la société Sofida, cette dernière étant actionnaire de la société Autocit, ont fait assigner en intervention forcée M. [W] et la société [W], anciens propriétaires des parts sociales de la société Autocit, cédées en 2003 à la Sofida avec une garantie d'actif et de passif basée sur les comptes arrêtés au 31 décembre 2002.

Les deux instances ont été jointes.

Par ordonnance du 2 juillet 2008, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille a condamné in solidum la société Roussel et la société Axa Corporate Solutions à payer à la SCI D2 Félé la provision de 200.000 €.

L'expert a déposé son rapport le 26 août 2009.

Dans ce rapport, il est exposé que la toiture est composée de nombreux puits de lumière sous forme de lanterneaux et de supports d'étanchéité composés eux-mêmes de panneaux 'linex' de 44mm d'épaisseur; qu'ont été constatés la chute de nombreux panneaux du faux plafond, des traces d'infiltrations sur les panneaux restés en place, des effondrements par endroits de ces dalles de faux plafond du fait de l'humidité ainsi que d'autres zones avec risque d'effondrement imminent.

Le désordre était considéré comme évolutif, irréversible et d'évolution galopante, la sécurité des personnes n'étant pas assurée dans ce contexte.

Le coût de remise en état était évalué à 757.308,27 € HT pour les travaux outre 56.654,20 € HT pour les honoraires, soit 813.962,47 € HT et 973.499,11€ TTC.

Par ordonnance du 21 avril 2010, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille a condamné in solidum la société Roussel et la société Axa Corporate Solutions à payer à la SCI D2 Félé la provisions de 500.000 €.

Par ordonnance du 11 janvier 2012, le juge de la mise en état a rejeté la demande des sociétés Autocit et Sofida de voir désigner un expert judiciaire afin de permettre à la juridiction de déterminer le préjudice spécifique subi par la société Autocit, notamment matériel et immatériel en rappelant que l'expertise ordonnée le 29 juin 2006 avait déjà ordonné à l'expert de faire le compte entre les parties et d'évaluer les préjudices notamment de jouissance subi par le locataire.

Dans ses dernières conclusions, la SCI D2 Félé demandait au tribunal de :

- dire que les désordres relevaient de la garantie décennale,

- dire que les sociétés Roussel et ses assureurs, les sociétés Axa Corporate Solutions et Axa France Iard seraient condamnées à l'indemniser intégralement du préjudice subi,

- les condamner à lui payer la somme de 903 631,10€ sauf à parfaire,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapportait à justice sur les demandes des sociétés Autocit et Vertdis, ses locataires, et dire que cette indemnisation devrait être prise en charge par la société Roussel et son assureur Axa France Iard,

- ordonner l'exécution provisoire,

- condamner les mêmes à lui payer la somme de 15000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au dépens.

La société Autocit et la société Sofida demandaient au tribunal à titre principal de condamner solidairement la société Roussel et la compagnie Axa Assurances à payer à la société Autocit la somme de 262.327 € HT à titre de dommages et intérêts pour préjudice d'exploitation dont le trouble de jouissance consécutif aux infiltrations constatées dans les locaux commerciaux, et de dire et juger que la SCID2 Félé devrait garantir le paiement de ces condamnations en qualité de bailleur et au titre de son obligation de jouissance paisible des lieux.

La SAS Vertdis, venant aux droits de la SA Champ Libre, réclamait à titre principal la condamnation de la société Roussel et de son assureur Axa à lui payer la somme de 28.330 € au titre de son préjudice financier, la somme de 5.262,47 € au titre des frais de personnel supplémentaires exposés durant les travaux, la somme de 7.238,76 € au titre des dépenses matérielles supplémentaires exposées durant les travaux, et la condamnation de la SCD2 Félé en sa qualité de bailleur à garantir le paiement des condamnations.

M. [W] et la SA [W] concluaient à leur mise hors de cause.

La SARL Roussel demandait à voir :

- sur les demandes de la SCI D2 Félé :

- dire la demande de la SCI injustifiée dans son montant quant aux mesures conservatoires,

- dire la demande de la SCI infondée quant à son préjudice financier,

- condamner les sociétés Axa Corporate Solutions et Axa France Iard à la garantir de toute condamnation en principal, intérêts, frais et dépens,

- dire que le plafond de la garantie 'dommages immatériels' devra être revalorisé sur la base de l'indice BT01 au jour du jugement,

- sur les demandes de la SA Autocit :

- constater l'absence de justification,

- la débouter,

- sur les demandes de la société ChampLibre :

- dire cette réclamation justifiée à hauteur de 1.347,72 €,

- la débouter pour le surplus,

- en tout état de cause :

- condamner les sociétés Axa Corporate Solutions et Axa France Iard à la garantir de toute condamnation,

- dire que le plafond de la garantie 'dommages immatériels' devra être revalorisé sur la base de l'indice BT01 au jour du jugement.

La compagnie Axa Corporate Solutions Assurance, assureur multi-garanties entreprises de construction et Axa France Iard assureur dans le même contrat au titre des garanties complémentaires dissociables, demandaient à voir :

- dire et juger que le montant de l'indemnité d'assurance revenant à la SCI D2 Félé au titre de la réparation des désordres ayant affecté la toiture s'élève à la somme de 591.139,10 € HT,

- constater que la compagnie Axa Corporate Solutions a déjà versé sur condamnation provisionnelle du juge de la mise en état les sommes de 200.000 € en juillet 2008 et de 500.000 € en janvier 2010,

- condamner en conséquence la SCID2 Félé à lui restituer la somme trop perçue de 108.860,90 € HT,

- débouter la SCI du surplus de ses demandes,

- la condamner à payer à la société Axa Corporate Solutions la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Autocit de ses demandes,

- la condamner à payer à la société Axa Corporate Solutions la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les sociétés D2 Félé et Autocit aux dépens.

Par jugement du 27 mars 2014, le tribunal de grande instance de Lille a :

En premier ressort :

- mis hors de cause M. [W] et la SA Entreprises [W],

- condamné la société Roussel à payer à la SCI D2 Félé la somme de 865.714,96 € HT au titre des travaux de réparation des désordres de nature décennale,

- dit que la compagnie Axa Corporate Solutions Assurance, assureur décennal de la société Roussel, doit garantir son assuré à hauteur de 842.478,66 € HT,

- rappelé que ces sommes sont dues par la compagnie Axa Corporate Solutions sous réserve des paiements déjà effectués suite aux ordonnances du juge de la mise en état en date des 2 juillet 2008 et 21 avril 2010 ayant accordé à la SCI D2 Félé les provisions de 200.000 € et 500.000 €,

- sursis à statuer sur les demandes des sociétés Autocis, Sofida et Champ libre,

- condamné in solidum la SCI D2 Félé d'une part et la société Roussel d'autre part à payer à la société Autocit une provision de 150.000 €, et à la société Champ Libre une provision de 20.000 €,

- condamné la société Axa France Iard à garantir la société Roussel de la condamnation à payer à à la société Autocit une provision de 150 000€, et à la société Champ Libre une provision de 20.000 €,

- condamné in solidum la société Roussel et la compagnie Axa Corporate Solutions Assurance assureur décennal à payer à la SCI D2 Félé la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société Autocit et la société Sofida à payer à M. [W] et à la SA Entreprises [W] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société Roussel et la compagnie Axa Corporate Solutions Assurance assureur décennal aux frais de constats d'huissier, de référés et d'expertise judiciaire,

Avant-dire droit

- sursis à statuer sur les demandes des sociétés Autocit et Champ Libre,

- ordonné une expertise pour évaluer l'ensemble de leurs préjudices et désigné à cette fin M. [K],

Sur l'ensemble du dispositif

- débouté les parties de leurs autres demandes, différentes, plus amples ou contraires,

- réservé les autres demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

La SCI D2 Félé a relevé appel de ce jugement le 5 mai 2014.

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées le 19 mars 2015, elle a demandé à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a homologué le rapport d'expertise judiciaire, jugé que les travaux réalisés par la société Roussel étaient entachés de malfaçons ayant généré des désordres relevant de la garantie du constructeur sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil,

- de le réformer sur le montant de sommes accordées et , statuant à nouveau :

- de condamner in solidum la société Roussel et ses assureurs Axa Corporate Solutions et Axa France Iard au paiement de la somme globale de 869.489,03 €, sauf à parfaire, au titre des travaux de réfection de toiture et de mesures provisoires,

- de condamner in solidum la société Roussel et ses assureurs Axa Corporate Solutions et Axa France Iard au paiement de la somme de 132.048,31 €, sauf mémoire en réparation du préjudice constitué par l'obligation de faire procéder aux travaux de réparation sans que les trois intimées n'aient indemnisé la SCI, générant ainsi un préjudice financier,

- de condamner la société Roussel et son assureur Axa France Iard à garantir intégralement la SCI D2 Félé des condamnations prononcées au profit tant de la société Autocit que de Vertdis, ses locataires, dont les préjudices sont consécutifs aux désordres affectant la toiture,

- de condamner les mêmes défenderesses au paiement de la somme de 22.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Roussel, dans ses conclusions récapitulatives signifiées le 23 janvier 2015 a conclu à la confirmation du jugement entrepris à l'exception des dispositions relatives :

- aux chapiteaux provisoires et au gardiennage,

- aux frais irrépétibles et aux dépens.

Elle a demandé à la cour, statuant à nouveau :

- de condamner la société Axa France Iard à garantir la société Roussel de la condamnation à payer à la SCID2 Félé la somme de 23.236,30 € HT au titre des chapiteaux provisoires et de gardiennage,

- de condamner la société Axa Corporate Solutions Assurance à garantir la société Roussel au titre des frais irrépétibles et des dépens.

A titre subsidiaire, si la cour devait considérer que les mesures conservatoires ne relèvent pas de l'assurance responsabilité obligatoire due par la compagnie Axa Corporate Solutions Assurance, elle a demandé que la compagnie Axa France Iard soit condamnée à garantir la société Roussel de toutes condamnations prononcées à ce titre.

En tout état de cause, dans l'hypothèse où le jugement entrepris devrait être infirmé à la demande de la SCI D2 Félé et\ou des assureurs, elle a sollicité que la compagnie Axa France Iard soit condamnée à garantir la société Roussel de toutes condamnations prononcées à son encontre.

A titre reconventionnel, elle a réclamé la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Axa Corporate Solutions et Axa France Iard, dans leurs conclusions récapitulatives signifiées le 24 mars 2015, ont conclu à la confirmation du jugement entrepris sauf pour ce qui concerne les mesures conservatoires dont le paiement est réclamé par la SCI D2 Félé.

Elles ont conclu au débouté des demandes de la SCI à ce sujet.

Elles ont demandé qu'il soit jugé que la garantie de la société Axa France Iard au titre des immatériels laisse subsister à la charge de l'entreprise [Z] une franchise s'élevant à 2.519,59 €.

Elles ont réclamé la condamnation de la SCI à payer à la société Axa Corporate Solutions Assurance une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 avril 2015.

SUR CE,

La caractère décennal des désordres est établi et non contesté.

La société Roussel et ses assureurs, dans la limite de leurs contrats, sont tenus d'indemniser le maître d'ouvrage la SCI D2 Félé, ce qui n'est pas davantage contesté.

L'appel de la SCI D2 Félé porte essentiellement sur le quantum de son indemnisation.

Elle réclamait en première instance la somme totale de 903.631,10 € HT se décomposant ainsi :

- travaux : 751.297,40 €

- mesures conservatoires : 142.913,05 €

- frais financiers : 9420,65 €.

Les premiers juges ont accordé :

- au titre des travaux: 744.375,40 €

- au titre des mesures conservatoires : 121.339,56 €.

La SCI réclame en appel :

- au titre des travaux de réfection : 753.297,40 €

- au titre des mesures conservatoires :116.191,63 €,

- au titre du préjudice financier : 132.048,31 €.

Sur les mesures conservatoires

La réparation des dommages matériels doit comprendre l'intégralité des sommes nécessaires à la réfection des ouvrages.

Il ne ressort de la lecture du contrat d'assurance RCD aucune mention excluant expressément la garantie des mesures conservatoires qui seraient prises dans l'attente de la réparation définitive.

Les mesures conservatoires qui constituent des mesures de prévention et de mise en sécurité destinées à faire cesser les dommages, empêcher ses aggravations et permettre la mise en oeuvre des réparations et remises en état dans de bonnes conditions, forment un tout avec les travaux de reprise.

Ils font partie de la réparation des dommages de nature décennale, au regard des articles 1792 et suivants du code civil, qui s'imposent, dès lors qu'ils ont été été exposés pour parvenir à la réparation des dits dommages.

L'expert a détaillé les mesures conservatoires considérées comme indispensables pour assurer la sécurité des personnes, réaliser les investigations nécessaires et garantir l'exécution correcte des travaux, au fil des opérations d'expertise.

Ces mesures conservatoires correspondent à des prestations qui s'imposent pour la réalisation des travaux de réfection.

L'expert a chiffré à 101.115,56 € HT le montant des frais engagés par la SCI à la date du rapport final, se décomposant comme suit :

- mesures conservatoires et investigations entreprise Genty : 91.579, 90 HT,

- pose de filets : 2.613,66 € HT,

- fouille reconnaissance des fondations entreprise Dubrulle: 2.372,00 € HT,

- Bureau d'Etudes Satec : 4.550,00 € HT.

Les premiers juges ont alloué au titre des factures finalement émises par la société Genty la somme de 111.803,90 €, et ont retenu les trois autres postes de dépense pour leur montant.

La SCI produit effectivement, contrairement à ce que soutient Axa, les factures de la société Genty pour un total de 111.803,90 €.

A cette somme il est légitime d'ajouter la facture de Duyme électricité du 22 septembre 2009 pour un montant de 1.261,79 € HT, l'entreprise ayant dû intervenir sur des projecteurs mis hors d'usage par les coulées d'eau, outre les postes :

- pose de filets : 2.613,66 €

- Dubrulle : 2.372 €

- BE Satec : 4.550 €,

soit un total de 122.601,35 €.

Les frais de sondage de l'entreprise Dubrulle, contestés par Axa au motif qu'ils ne correspondraient pas à la réparation des désordres affectant la toiture, doivent bien être intégrés dans les mesures conservatoires, dans la mesure où ces sondages constituent des mesures préparatoires indispensables à la réparation de la toiture.

L'expert a en effet voulu vérifier que les plots de fondation sous les piliers soutenant la charpente étaient bien dimensionnés pour pouvoir supporter le sur-poids de la charpente métallique et de la nouvelle toiture plus lourde.

sur les travaux de réfection

Les postes de travaux non contestés sont les suivants :

- mission de contrôle Socotec : 4.117,60 €

- recours au coordonnateur de sécurité Provost : 4.194,20 €

- maîtrise d'oeuvre [Y]: 45.200 € (et non 43.200 € , ce qui explique probablement la différence de 2.000 € entre la somme demandée en première instance et la somme réclamée en appel, bien que la SCI ne s'explique pas sur ce point et que le jugement de première instance, qui ne ventile pas les sommes accordées, ne permette pas de vérifier la somme retenue par les premiers juges),

cette somme est justifiée par le contrat de maîtrise d'oeuvre produit,

- travaux de couverture confiés à la société Genty : 472.777,30 €,

- travaux d'électricité confiés à la société H Elec : 26.000 €,

- travaux de plomberie confiés à la société Effet d'O : 17.000 €,

- réfection des deux plafonds confiée à la société Franvime : 23.850 €.

L'entreprise Genty a facturé les travaux de couverture 472.777,30 € HT alors que l'expert avait chiffré (p. 24 de son rapport) ces travaux à 650.785,02 € HT.

Le contreventement (lot métallerie) a été effectué par la société France Métal Structures pour la somme de 130.000 €.

Le marché de travaux est justifié pour ce montant.

Il ne peut être argué de ce que ce poste aurait été initialement prévu dans le devis [I] à hauteur de 55.075,72 € HT dès lors que ce poste ne figure pas dans la facture finale, moins élevée que prévue, les travaux ayant été effectués par une entreprise spécialisée dans les supports en métal.

Il convient de retenir ce poste.

La somme totale s'élève donc à 723.139,10 €.

Les postes étude de charpente et sondages Dubrulle ont été pris en compte dans les mesures conservatoires.

C'est à juste titre que les premiers juges les ont déduits de la somme réclamée au titre des travaux de reprise.

Sur les chapiteaux

Le coût d'implantation des deux chapiteaux, destinés à permettre la poursuite d'exploitation des locataires, pour un montant de 10.057,50 €HT, et du gardiennage du site, pour un total de 13.178,80 €, soit un total de 23.236,30 € HT, constituent des dommages immatériels.

Le tribunal a, à juste titre, écarté la garantie de l'assureur décennal pour laisser à la charge de la société Roussel cette somme de 23.236,30 €.

Il sera confirmé sur ce point.

Le jugement entrepris sera en conséquence réformé :

- en ce qu'il condamné la société Roussel à payer à la SCI D2 Félé la somme de 865.714,96 € HT(721 139,10 € HT au titre des travaux de réfection et 121.339,56 € HT pour les mesures conservatoires) au titre des travaux de réparation des désordres de nature décennale, la somme à laquelle la société Roussel doit être condamnée s'élevant à 845.640,45 € (122.601,35 € + 723.139,10 € HT) + 23 236,30 €, soit un total de 868.976,75 € HT,

- et en ce qu'il a dit que la compagnie Axa Corporate Solutions Assurance, assureur décennal de la société Roussel, doit garantir son assuré à hauteur de 842.478,66 € HT, cette somme s'élevant à 845.740,45 €.

Dans les motifs de la décision entreprise , il est indiqué que 'la garantie de l'assureur sur ce poste devra être examinée au regard de l'intervention de la compagnie Axa France Iard ès qualités d'assureur de dommages immatériels'.

La société Roussel avait demandé en première instance, en tout état de cause, la condamnation de la société Axa France Iard à la garantir de toutes condamnations.

Les premiers juges n'ont pas statué sur ce point.

La garantie souscrite par la société Roussel auprès de la société Axa France Iard (article 4\4-2-2 des conventions spéciales) prévoit que l'assureur prend en charge les conséquences pécuniaires de la responsabilité incombant à l'assuré en raison des dommages immatériels consécutifs, à l'exclusion de tout dommage corporel ou de nature mobilière subis par le propriétaire ou l'occupant de la construction.

Les frais de mise en place des chapiteaux provisoires et de gardiennage sont consécutifs aux désordres matériels relevant de la garantie décennale.

L'assureur doit en conséquence sa garantie et peut opposer les plafonds et la franchise contractuelle.

Le plafond garanti pour les dommages immatériels est de 304.898,03 € , supérieur au montant réclamé.

La franchise contractuelle est de 10.000 F soit 1.524,49 €, à indexer en fonction de la variation calculée à partir de l'indice de la souscription mentionné à l'article 4 des conditions particulières.

Le calcul de Axa France Iard du montant de la franchise à la charge de la société Roussel à partir de ces éléments n'a pas été contesté par la société concernée.

Il sera jugé qu'une somme de 2.519,59 € restera à la charge de la société Roussel.

Le jugement entrepris sera complété en ce sens et la société Axa France Iard sera condamnée à garantir la société Roussel de la condamnation à payer à la SCI D2 Félé la somme de 23.236,30 € HT au titre des chapiteaux provisoires et du gardiennage, sous réserve de la franchise d'un montant de 2.519,59 €, soit un solde de 20.716,71 € HT.

Sur le préjudice financier

La SCI D2 Félé soutient qu'elle a dû pré-financer une part importante des travaux et recourir à un emprunt de 600.000 € en principal.

Elle réclame à ce titre le coût des frais bancaires, d'actes, et le montant des intérêts et primes d'assurance connexes à l'emprunt, soit à Axa Corporate Solutions, soit à Axa France Iard.

La demande de préjudice financier consécutif à des emprunts destinés à financer la réparation est un dommage indirect qui n'entre pas dans le domaine des préjudices réparés par la garantie décennale.

En outre la maître d'ouvrage ne peut demander réparation d'un préjudice consécutif au fait qu'il n'a pas satisfait à l'obligation légale de souscrire l'assurance prévue, étant rappelé en outre que la SCI a reçu une provision de 200.000 € en avril 2008, avant le début des travaux, et une provision complémentaire de 500.000 € en avril 2010.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI de sa demande de ce chef.

Sur la demande de la SCI tendant à la voir garantie des indemnisations accordées à Autocit et Vertdis, ses locataires

La SCI fait valoir que la juridiction de premier degré n'a pas statué sur cette demande.

Les désordres très importants affectant l'immeuble ont perturbé l'activité des commerçants locataires de façon durable.

Les dommages qui en sont résultés sont à la charge in solidum, du bailleur d'une part, et de la société Roussel garantie par l'assureur Axa d'autre part, mais chacun sur un fondement différent.

Les premiers juges ont statué sur ce point en déboutant la SCI de sa demande de garantie puisqu'ils ont débouté les parties, la SCI notamment, 'de leurs autres demandes'.

Il n'y a pas lieu de réformer le jugement sur ce point, étant observé que la société Axa France Iard a été condamnée à garantir la société Roussel au titre des provisions allouées aux deux locataires.

Sur la demande de la SCI de condamnation in solidum des assureurs Axa corporate Solutions et Axa France Iard

La société Axa Corporate Solutions et la société Axa France Iard garantissent la société Roussel, la première en responsabilité décennale, la seconde sur les dommages immatériels.

Ces champs d'intervention sont distincts.

La demande de la SCI D2 Félé de condamnation solidaire de ces deux sociétés à la garantir de l'ensemble des préjudices qu'elle réclame n'est pas fondée.

La réparation des désordres de nature décennale revient à Axa Corporate Solutions et la garantie des dommages immatériels à Axa France Iard.

Le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté la SCI 'de ses autres demandes', dont la demande de condamnation solidaire, sera confirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

- sur la demande de la SCI

La SCI sollicite que le jugement de première instance soit réformé en ce qu'il lui a accordé la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle réclame que la cour, statuant à nouveau, lui accorde une somme de 15.000 € à ce titre, et sollicite en outre la somme de 7.500 € au titre des frais irrrépétibles d'appel.

C'est par une juste appréciation des faits et du dossier que les premiers juges ont fixé à 7.000 € le montant de la somme accordée à la SCI au titre de ses frais irrépétibles. Il n'y a pas lieu de réformer la décision sur ce point.

En outre, succombant majoritairement en ses prétentions, dans la mesure où le jugement est confirmé dans son principe et dans ses principales dispositions, la SCI ne peut prétendre à une quelconque indemnité au titre de l'article 700.

- sur la demande de la société [Z]

La société Roussel réclame la garantie de la société Axa Corporate Solutions Assurance à la garantir de ses frais irrépétibles et des dépens.

Il résulte du titre IV- Sinistres des conventions spéciales du contrat qui lie la société Roussel à son assureur que les frais d'instance civile sont couverts par l'assurance en sus du capital garanti.

Axa n'oppose aucune contestation à cette réclamation, et n'y fait pas référence dans ses conclusions.

Il convient en application du contrat susvisé de faire droit à la demande de garantie de la société Roussel.

Succombant majoritairement en ses prétentions, ainsi qu'il a été rappelé, la SCI D2 Félé sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel ainsi qu'à payer une somme de 2.000 € à Axa Corporate Solutions, et une somme de 2.000 € à la société Roussel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Roussel à payer à la SCI D2 Félé la somme de 865.714,96 € HT au titre des travaux de réparation des désordres de nature décennale et en ce qu'il a dit que la compagnie Axa Corporate Solutions Assurance, assureur décennal de la société Roussel, doit garantir son assuré à hauteur de 842.478,66 € HT,

Statuant à nouveau sur ces dispositions

Dit que la société Roussel doit payer à la SCI D2 Félé la somme totale de 868.976,75 € HT,

Dit que la compagnie Axa Corporate Solutions Assurance, assureur décennal de la société Roussel, doit garantir son assuré à hauteur de 845.740,45 € HT

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions

Y ajoutant

Dit que la société Axa France Iard est condamnée à garantir la société Roussel de la condamnation à payer à la SCI D2 Félé la somme de 23.236,30 € HT au titre des chapiteaux provisoires et du gardiennage, sous réserve de la franchise d'un montant de 2519,59 €, soit un solde de 20.716,71 € HT

Dit que la société Axa Corporate Solutions doit garantir la société Roussel des frais irrépétibles et des dépens

Condamne la SCI D2 Félé à payer une somme de 2.000 € à Axa Corporate Solutions, et une somme de 2.000 € à la société Roussel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SCI D2 Félé aux dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit de Maître Desurmont et de la SCP Deleforge-Franchi.

Le Greffier,Le Président,

Claudine POPEK.Jean-Loup CARRIERE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 14/02812
Date de la décision : 25/06/2015

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°14/02812 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-25;14.02812 ?
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