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18/06/2015 | FRANCE | N°14/06721

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 18 juin 2015, 14/06721


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 18/06/2015

***

N° MINUTE :

N° RG : 14/06721

Jugement (N° 10/09125)

rendu le 28 Octobre 2014

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : BP/VC

APPELANTS



Monsieur [R] [L]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1] - de nationalité Française

demeurant : [Adresse 1]

Représenté par Me Bernard FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Arna

ud NINIVE, avocat au barreau de LILLE



Madame [F] [Y] épouse [L]

née le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 2] - de nationalité Française

demeurant : [Adresse 1]

Représent...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 18/06/2015

***

N° MINUTE :

N° RG : 14/06721

Jugement (N° 10/09125)

rendu le 28 Octobre 2014

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : BP/VC

APPELANTS

Monsieur [R] [L]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1] - de nationalité Française

demeurant : [Adresse 1]

Représenté par Me Bernard FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Arnaud NINIVE, avocat au barreau de LILLE

Madame [F] [Y] épouse [L]

née le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 2] - de nationalité Française

demeurant : [Adresse 1]

Représentée par Me Bernard FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Arnaud NINIVE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

Société BANQUE POPULAIRE DU NORD (SA COOPERATIVE DE BANQUE)

ayant son siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Philippe CHAILLET, avocat au barreau de LILLE

Assistée de Me HEYTE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 12 Mai 2015 tenue par Benoît PETY magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre CHARBONNIER, Président de chambre

Benoît PETY, Conseiller

Hélène BILLIERES, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties 

Monsieur et Madame [R] [L]-[Y] ont conclu le 14 septembre 2007 avec la SNC GEOXIA NORD OUEST un contrat de construction d'une maison individuelle avec fourniture de plans pour le prix de 149.952 euros TTC.

Les maîtres de l'ouvrage ont accepté le 13 décembre 2007 une offre de prêt immobilier présentée par la S.A. Banque Populaire du Nord et articulée en :

un prêt LOGIFIX MODULABLE d'un montant de 134.319 euros au taux de 4,50% l'an remboursable en 300 mensualités successives, soit 12 mensualités de 67,16 euros puis 288 mensualités de 892,17 euros chacune,

un prêt relais de 63.500 euros remboursable sur deux ans en 23 mensualités de 31,76 euros et une dernière échéance de 69.852,61 euros, et ce dans l'attente de la vente effective de leur résidence principale sise à [Adresse 3] et estimée à 250.000 euros. Cet immeuble a été effectivement vendu et le prêt relais entièrement remboursé.

La Banque Populaire du Nord a aussi consenti aux époux [L]-[Y], suivant acte de Maître [Z], notaire à [Localité 2], en date du 17 septembre 2008, un prêt de 30.000 euros garanti par une hypothèque conventionnelle sur l'immeuble des intéressés sis à [Adresse 4].

Suite à divers incidents de paiement non régularisés et ayant justifié un courrier recommandé le 19 mai 2010, la banque a prononcé le 9 juin 2010 la déchéance du terme du prêt LOGIFIX MODULABLE, les époux emprunteurs ayant laissé impayées les échéances de mars, avril et mai 2010.

Par ordonnance du juge de l'exécution au tribunal de grande instance de LILLE en date du 26 août 2010, la banque a obtenu l'autorisation de prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur l'immeuble des époux [L]-[Y], sûreté dûment dénoncée aux intéressés.

Par exploits du 29 septembre 2010, la S.A. Banque Populaire du Nord a fait assigner Monsieur et Madame [L]-[Y] devant le tribunal de grande instance de LILLE aux fins de voir cette juridiction condamner solidairement les assignés à lui payer la somme de 164.145,82 euros avec intérêts au taux de 4,50 % l'an sur la somme de 140.188,05 euros à compter du 15 mai 2013, outre 2.000 euros d'indemnité de procédure.

Par jugement du 28 octobre 2014, le tribunal de grande instance de LILLE a notamment condamné solidairement Monsieur et Madame [L]-[Y] à payer à la Banque Populaire du Nord la somme de 102.237,36 euros avec intérêts au taux de 4,50 % à compter du 15 mai 2013, outre 1.500 euros avec intérêts au taux légal à compter de la même date ainsi qu'une indemnité de procédure de 1.000 euros, la juridiction de première instance déboutant les défendeurs de leur demande reconventionnelle de délais de paiement ainsi que de celle aux fins de dommages et intérêts.

Les époux [L]-[Y] ont interjeté appel de ce jugement. Ils demandent à la cour de :

fixer le préjudice qu'ils ont subi et résultant des fautes de la banque prêteuse au titre de ses devoirs de conseil et de mise en garde à la somme de 58.027,40 euros,

ordonner la compensation de ces dommages et intérêts avec les sommes restant dues au titre du prêt et condamner la banque poursuivante à leur rembourser les mensualités de 189,94 euros par mois qu'ils ont versées en deniers et quittances valables,

ordonner la mainlevée aux frais de la banque et sous astreinte de 500 euros par jour de retard de l'hypothèque garantissant le remboursement du prêt dans un délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt,

accorder aux époux [L]-[Y] un délai de grâce de trois mois en suspendant l'exécution de leurs obligations au titre des trois mensualités de 892,17 euros chacune des 30 mars 2010, 30 avril 2010 et 30 mai 2010 au titre du prêt du 13 décembre 2007, et dire que ces mensualités seront exigibles au terme initialement prévu pour le remboursement du prêt sans qu'elles produisent intérêts (article L. 313-12 du Code de la consommation et 1244-1 à 1244-3 du Code civil),

rejeter ou réduire la demande de condamnation au paiement d'une clause pénale de 7 % du capital restant dû,

débouter la banque de sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles et la condamner à leur verser une indemnité de procédure de 3.000 euros.

Les époux [L]-[Y] exposent qu'ils étaient tenus suite à l'étude de financement de la Banque Populaire du Nord à des remboursements de 904,53 euros par mois pour un disponible mensuel de 2.661,70 euros, soit un taux d'endettement de 33,98 %, c'est-à-dire supérieur au seuil maximum de 33 % retenu d'usage. Ils ont subi un accident de voiture et dû souscrire un nouveau crédit à la consommation de 12.000 euros auprès de la société CETELEM pour des mensualités de 243,79 euros chacune. Ils ont alors utilisé à compter de janvier 2008 le chéquier spécial pour régler les travaux sous le contrôle de la B.P.N. et suivant la réglementation avec présentation préalable au banquier des justificatifs utiles. La banque n'a pas vu d'inconvénient à ce que des travaux non compris dans le contrat de maison individuelle soient ainsi payés (cuisine équipée, clôture de terrain, frais de géomètre, le parquet à l'étage, etc.). C'est ainsi qu'ils ne sont plus parvenus, après le remboursement du prêt relais, à régler le solde des travaux de construction de leur maison et ils ont sollicité un prêt immobilier complémentaire de 30.000 euros pour solder le dernier appel de fonds du constructeur. Ils ont fait état à la Banque Populaire du Nord de leurs difficultés pour régler tous ces concours et exprimer leur mécontentement au sujet de l'instruction de leurs prêts immobiliers et demander un réexamen du financement, ce que la banque a refusé. Ces difficultés les ont contraints à souscrire un prêt employeur de 20.000 euros auprès de la société COFIDIS. Madame [Y] épouse [L] a au surplus connu un arrêt de travail suite à un accident de la route, arrêt qui n'a pas immédiatement donné lieu au versement des indemnités de la Sécurité Sociale. Par courrier du 1er février 2010, Madame [Y] épouse [L] a demandé à la banque un décalage de la date du prélèvement automatique des mensualités du prêt immobilier, ce qui a encore été refusé. Malgré les nombreux versements qu'ils ont opérés, aucun accord n'a pu être mis en place avec la banque pour reporter en fin d'apurement trois mensualités restées impayées en mars, avril et mai 2010. Depuis juin 2010, ils ont repris le remboursement courant de leurs deux prêts immobiliers et ce en remettant chaque mois à la banque un chèque de 1.082,11 euros.

Les époux [L]-[Y] estiment qu'ils sont des débiteurs malheureux mais de bonne foi. Ils peuvent donc bénéficier des dispositions des articles L.313-12 du Code de la consommation comme de celles des articles 1244-1 et suivants du Code civil. Le plan de financement initial était erroné en ce qu'il n'intégrait pas le coût de travaux complémentaires et nécessaires au parachèvement de la construction. La banque a en outre négligé de vérifier le déblocage des fonds au profit du constructeur sur justificatifs et au fur et à mesure de l'édification de la maison. C'est en cela que la souscription en catastrophe d'un prêt complémentaire de 30.000 euros a été rendue obligatoire, ce qui a encore aggravé leur taux d'endettement déjà important dès l'origine. La banque n'a pas vérifié leur situation pécuniaire lors de l'octroi du second prêt de 30.000 euros.

Monsieur et Madame [L]-[Y] réfutent en cela tous les arguments de la banque. En effet, sur la question des 20.000 euros de TVA non pris en compte lors de la vente de leur résidence principale de moins de cinq ans, ils déclarent que c'est le conseiller de la Banque Populaire du Nord lui-même qui leur a indiqué que cette TVA n'existait plus de sorte qu'elle n'a pas été prévue dans le plan de financement. La banque ne justifie d'aucune mise en garde des emprunteurs à ce titre. La cuisine équipée d'un prix raisonnable aurait dû être intégrée au plan de financement. Les travaux supplémentaires, qui correspondent à des prestations de parachèvement et non de confort, devaient être programmés dès l'origine.

Par ailleurs, les époux [L]-[Y] contestent toute faute de leur part. Ils ont été contraints de racheter un véhicule en janvier 2008 suite à un sinistre et de souscrire à cet effet un crédit de 12.000 euros auprès de CETELEM. Il n'y a pas de faute de leur part à ce titre. Le prêt de 30.000 euros n'aurait jamais dû leur être consenti, ce qui a fait passer leur taux d'endettement à plus de 40 %. Il aurait été préférable que la banque leur accorde un prêt de restructuration. Ils ont en son temps réclamé cette restructuration par lettre simple mais la banque refuse de produire le document dont ils ne disposent plus. Les difficultés financières et les découverts en compte ont imposé une demande de crédit de 20.000 euros à la société COFIDIS. Les trois défauts de paiement en mars, avril et mai 2010 sont la conséquence directe des erreurs précédemment évoquées de la banque. Leurs difficultés financières ne sont pas la résultante d'accidents de la vie mais bien des errements de la Banque Populaire du Nord dès l'origine du financement de la construction de leur résidence principale.

L'obstination dont fait preuve la banque caractérise à leurs dires un véritable abus de droit et une violation de l'accord verbal intervenu entre les parties au sujet du report des trois mensualités déjà énumérées alors que toutes les échéances sont réglées sans aucun incident depuis juin 2010 et ce au titre des deux prêts immobiliers. Les dommages et intérêts qu'ils réclament comprennent la totalité du crédit de 30.000 euros avec intérêts, assurance, frais d'hypothèque et de dossier. Ils rappellent qu'il est parfaitement possible, même en cas de déchéance du terme déjà prononcée, de reporter les trois échéances litigieuses, le juge pouvant déterminer dans sa décision un délai de suspension, les effets de la déchéance étant suspendus.

***

La S.A. Banque Populaire du Nord conclut au débouté des époux [L]-[Y] de toutes leurs demandes, à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné les appelants à lui payer le solde restant dû au titre du prêt n°0209670. Elle sollicite la condamnation des époux [L]-[Y] à lui payer la somme de 122.944,63 euros suivant décompte arrêté au 31 mars 2015, sous réserve des intérêts au taux de 4,50 % sur la somme de 121. 840,71 euros. La banque demande aussi à la juridiction du second degré de condamner les époux [L]-[Y] à lui payer la somme de 9.837,68 euros au titre de de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2013, outre une indemnité de procédure de 5.000 euros.

La banque expose dans un premier temps qu'elle a accordé aux époux [L]-[Y] le prêt complémentaire de 30.000 euros afin qu'ils puissent finaliser correctement leur projet de construction, projet modifié par leurs soins et à plusieurs reprises postérieurement à l'octroi du premier concours immobilier. C'est donc abusivement que les emprunteurs font le reproche à la banque de n'avoir pas intégré les travaux complémentaires au plan de financement. La Banque Populaire du Nord n'avait d'ailleurs pas à intervenir dans l'élaboration du contrat de construction conclu entre les époux [L]-[Y] et la SNC GEOXIA. La banque n'a pas été informée des modifications apportées ultérieurement au projet initial. Le prêt immobilier était bien conforme aux stipulations financières du contrat de construction et la banque n'avait pas à attirer l'attention des emprunteurs sur un coût de prestations supplémentaires ne figurant pas par définition dans le projet initial. C'est dire qu'aucune faute ne peut être ici caractérisée contre la Banque Populaire du Nord.

Cet établissement énonce ensuite que si les époux [L]-[Y] ont commis une erreur sur la question de la TVA à régler lors de la vente d'un immeuble de moins de 5 ans, rien ne permet d'établir que cette erreur aurait été induite par les informations données par un de ses conseillers, la vente en question ayant été confiée à une agence immobilière et à un notaire qui ont dû les informer du régime fiscal applicable. La banque n'avait rien à voir avec cette opération de revente immobilière. Elle n'avait du reste rien à voir non plus avec les travaux complémentaires commandés par les époux [L]-[Y], la cuisine équipée, l'installation d'un parquet et la pose d'un grillage constituant des aménagements de confort et certainement pas des prestations de parachèvement. Le reproche qu'ils font à la banque de n'avoir pas contrôlé le déblocage des fonds au profit du constructeur est inopérant puisqu'ils ne démontrent pas de dommage à cet égard. Il n'est fait état d'aucune malfaçon dans la réalisation de la construction. C'est donc dans ce contexte que la Banque Populaire du Nord a été amenée, dans l'intérêt des emprunteurs, à leur accorder à titre exceptionnel une franchise de paiement de leur prêt principal ainsi qu'un prêt complémentaire de 30.000 euros. A cette occasion, la banque s'est fait transmettre tous les documents utiles, éléments établissant que la situation des époux [L]-[Y] était satisfaisante. Il n'est pas discuté par les emprunteurs qu'ils remboursent à ce jour les échéances des deux prêts, ce qui démontre bien qu'ils disposent d'une réelle capacité de remboursement. C'est l'arrêt maladie de Madame [Y] épouse [L] qui a modifié l'équilibre financier du couple emprunteur dès lors que l'indemnisation de la cet aléa de la vie n'a pas été immédiate. Il faut croire que les époux [L]-[Y] ne doutaient pas un seul instant de leurs capacités financières puisqu'ils ont souscrit deux autres crédits auprès des sociétés CETELEM et COFIDIS. Une fois encore, il n'est pas démontré que la Banque Populaire du Nord aurait manqué à ses devoirs de conseil et de mise en garde en accordant ce second prêt de 30.000 euros.

Pour ce qui relève de leur demande de report des trois mensualités impayées du prêt initial (mars, avril et mai 2010), la banque rappelle qu'elle ne réclame pas seulement le paiement de ces trois échéances mensuelles mais bien le solde du prêt initial dans la mesure où elle se prévaut, depuis les lettres recommandées du 9 juin 2010 adressées aux emprunteurs, de la déchéance du terme, aucune suite n'ayant été donnée à ses précédents courriers par lesquels elle sollicitait la régularisation de leur situation. La banque n'a fait là qu'appliquer les dispositions de l'article 4 des conditions générales du contrat de prêt. Si la banque a répondu en février 2010 aux époux [L]-[Y] qu'elle ne pouvait procéder à un décalage des échéances, elle les a reçus pour envisager une régularisation avant la fin du mois au moyen des indemnités attendues par Madame [Y] épouse [L]. Elle leur a rappelé par la suite la nécessité de régulariser l'arriéré avant le 27 mai 2010 sous peine de déchéance du terme. Aucun autre accord verbal n'est démontré et une fois encore, aucune faute ne saurait être établie contre l'établissement financier. La banque s'est au contraire montrée très explicite sur les risques encourus par les emprunteurs à défaut de régularisation au plus tard le 27 mai 2010. Elle n'a nullement créé l'illusion d'une solution amiable. Il était à l'époque loisible aux emprunteurs de demander la suspension de leurs obligations, ce qu'ils n'ont pas fait. Aucune déloyauté ne peut lui être reprochée.

La Banque Populaire du Nord expose que la déchéance du terme définitivement acquise a anéanti toute durée résiduelle du prêt. Aucun délai de paiement ne peut neutraliser les effets d'une telle déchéance, le décompte reprenant les règlements opérés par les emprunteurs. Ceux-ci restent devoir au titre du prêt immobilier d'origine la somme de 132.782,31 euros sous réserve des intérêts postérieurs au taux de 4,50 %. Elle rappelle que l'indemnité de recouvrement est prévue par les dispositions du contrat et rien ne caractérise en l'état un excès manifeste, les nombreux courriers de rappel et de messages échangés engendrant un coût élevé du suivi de ce dossier. Il n'y a donc pas lieu de réduire cette indemnité forfaitaire. Enfin, les frais d'inscription hypothécaire doivent aussi rester indéniablement à la charge des débiteurs, cette sûreté judiciaire étant indispensable pour prémunir le prêteur contre tout risque de péril de sa créance.

***

Motifs de la décision

Sur la créance principale de la banque et la demande de report d'échéances des époux [L]-[Y]

Attendu que l'article L. 313-12 du Code de la consommation énonce en son premier alinéa que « l'exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge d'instance dans les conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du Code civil. [Que] l'ordonnance peut décider que, durant le délai de grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt » ;

Qu'il précise en son alinéa 2 qu'« en outre, le juge peut déterminer dans son ordonnance les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme du délai de suspension, sans que le dernier versement puisse excéder de plus de deux ans le terme initialement prévu pour le remboursement du prêt ; [qu'] il peut cependant surseoir à statuer sur ces modalités jusqu'au terme du délai de suspension » ;

Attendu que s'il est constant que la déchéance du terme prononcée par l'établissement prêteur n'est pas de nature à interdire tout recours aux dispositions précédemment rappelées, la suspension sollicitée a posteriori de trois mensualités en mars, avril et mai 2010 ne peut avoir pour conséquence de remettre en cause l'exigibilité anticipée du prêt, laquelle a été prononcée par la Banque Populaire du Nord par lettres recommandées avec accusés de réception du 9 juin 2010 ;

Que, dans ce contexte, la suspension de trois échéances sollicitée par les époux débiteurs, suspension qui ne peut s'assimiler à un report de ces mensualités en fin d'amortissement mais ne ferait que provoquer un allongement du délai du prêt de trois mois, n'a pas de sens en présence d'un prêt dont l'entier solde est exigible, les dispositions précédentes ne pouvant restaurer un quelconque échelonnement qui est de fait définitivement caduc ;

Que c'est ainsi à raison que les premiers juges ont écarté la demande de délais de paiement des époux [L]-[Y] et retenu le principe d'une créance de la banque au titre du prêt du 13 décembre 2007 correspondant au solde de ce concours valablement rendu exigible pour la totalité des sommes restant dues ;

Attendu, pour ce qui relève du montant de la créance principale de la banque, qu'il n'est pas discuté par cette dernière que les époux [L]-[Y] ont repris, suite aux trois mensualités échues impayées de mars, avril et mai 2010, le cours de l'amortissement du prêt litigieux, ces versements mensuels réguliers devant s'imputer sur la créance de la banque, d'abord sur les intérêts puis sur le capital restant dû, avec effets à la date de chaque versement ;

Que, dès lors, le calcul des premiers juges qui a consisté à imputer en une seule fois la totalité de ces versements sur la créance de la banque ne tient pas compte du caractère échelonné des règlements et prive de fait le créancier d'une part importante des intérêts, ce qui ne se justifie pas juridiquement ;

Que, par ailleurs, la banque produit en pièce n°64 un décompte actualisé de sa créance à la date du 31 mars 2015, décompte qui mentionne l'ensemble des règlements opérés par les débiteurs depuis juin 2010 et qui reprend ainsi un principal de 121.840,71 euros, outre des intérêts du 30 mars 2010 au 31 mars 2015 d'un montant de 1.103,92 euros ;

Qu'il y a donc lieu de condamner solidairement les époux [L]-[Y] à payer à la Banque Populaire du Nord la somme de 122.944,63 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,50 % l'an sur la somme de 121.840,71 euros à compter du 1er avril 2015, le jugement entrepris étant en cela réformé ;

Attendu, pour ce qui a trait à l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 7 %, qu'il ne peut être valablement contesté que la défaillance des emprunteurs et la déchéance subséquente du terme du prêt prononcée après seulement 2 ans et demi d'apurement sur un amortissement total stipulé de 25 ans engendrent pour le prêteur une inéluctable perte d'intérêts contractuels, ceux-ci constituant la partie la plus importante de chaque mensualité au moment du prononcé de l'exigibilité du prêt ;

Qu'il n'est donc pas démontré que l'indemnité de 9.837,68 euros réclamée par la banque, qui correspond strictement à l'application du pourcentage (7 %) stipulé au contrat sur le poste du capital restant dû, soit manifestement excessive au sens de l'article 1152 du Code civil de sorte qu'il n'y a pas lieu de la réduire ;

Que la décision dont appel sera aussi réformée à ce sujet en ce qu'elle a sensiblement réduit la créance réclamée à ce titre par la banque ;

Que c'est au surplus à raison que le tribunal de grande instance de LILLE a mis à la charge des défendeurs les frais d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, aucune mainlevée n'étant en cela justifiée et encore moins le prononcé d'une quelconque astreinte à cet effet ;

Sur la responsabilité de la banque 

Attendu que les époux [L]-[Y] articulent à ce titre plusieurs griefs contre la Banque Populaire du Nord, à commencer par un plan de financement déficient de leur opération de construction d'une maison individuelle ;

Qu'il faut cependant rappeler que la banque ne peut s'immiscer dans l'opération de construction proprement dite de sorte que la circonstance que des dépenses correspondant à des prestations d'achèvement de la construction et qui sont présentées par les défendeurs comme « oubliées » dès l'origine de l'opération est indifférente à l'égard du banquier qui, par définition, n'est pas un constructeur ;

Que, pareillement, les modifications apportées a posteriori au contrat de construction à l'initiative des maîtres de l'ouvrage eux-mêmes ne peuvent caractériser un quelconque manquement de la part de l'établissement prêteur ;

Que les époux [L]-[Y] ne sauraient utilement reprocher dans ce contexte à la Banque Populaire du Nord le fait de les avoir autorisés à utiliser le chéquier spécial pour régler des prestations qui n'étaient pas initialement prévues, eux-mêmes présentant ces prestations complémentaires comme indispensables à l'occupation de l'immeuble ;

Qu'il n'est du reste pas reproché par les époux [L]-[Y] un déblocage par la banque des fonds empruntés qui ne corresponde pas à l'avancement du chantier, les maîtres de l'ouvrage ne déplorant aucune perte de fonds suite à des travaux non conformes ou à des prestations non livrées ;

Attendu, sur la somme de 20.000 euros dont ils ont dû s'acquitter au titre de la TVA lors de la revente d'un précédent immeuble, qu'outre l'absence de toute justification de ce que l'information erronée sur l'absence d'obligation de versement de cette taxe pour les cessions immobilières de moins de 5 ans émane effectivement des services de la banque poursuivante, les défendeurs ne peuvent imputer une perte quelconque à la Banque Populaire du Nord qui n'a pas été partie à cette précédente transaction, laquelle a été réalisée par l'entremise d'un agent immobilier et par le ministère d'un notaire, ces professionnels étant à même de faire le point avec les vendeurs sur la question du règlement de cette TVA ;

Attendu que les défendeurs reprochent encore à la Banque Populaire du Nord le fait de leur avoir accordé en février 2008 un prêt immobilier complémentaire de 30.000 euros au lieu de renégocier celui initial, ce qui n'a fait qu'accroître dans des proportions à leurs dires insupportables leur taux d'endettement déjà supérieur au seuil critique de 33% ;

Qu'il faut toutefois relever que les époux [L]-[Y] ont eux-mêmes précisé que le taux d'endettement issu de l'octroi du prêt du 13 décembre 2007 était de 33,98 %, ce qui n'est que légèrement supérieur au seuil de 33 % communément retenu comme seuil critique ;

Qu'il est en outre démontré que la situation financière du couple s'est ensuite dégradée par une baisse de revenus et un accroissement des charges, notamment par l'obligation de contracter un crédit pour financer l'achat d'un nouveau véhicule après sinistre, ce que la Banque Populaire du Nord ne pouvait prévoir ;

Que si l'octroi du prêt complémentaire de 30.000 euros en février 2008 a certainement alourdi les charges du couple [L]-[Y], force est de noter que les difficultés des emprunteurs ne sont apparues cependant qu'en mars 2010 comme il a déjà été précédemment indiqué, difficultés de surcroît ponctuelles puisque, dès le mois de juin 2010, le couple reprenait le remboursement du prêt et ce sans discontinuer jusqu'à ce jour si bien qu'il est difficile de retenir à ce titre un manquement de la banque à ses devoirs de conseil et de mise en garde ;

Qu'il est de surcroît établi que les difficultés de remboursement du couple [L]-[Y] sont consécutives à l'arrêt-maladie de Madame [Y] épouse [L], arrêt qui n'a pas donné lieu à un versement immédiat des indemnités dues par l'organisme social de sorte que les débiteurs ne peuvent utilement nier que leurs embarras financiers ponctuels sont liés à cet aléa de la vie, le couple vivant alors avec les seuls revenus de Monsieur [L] ;

Qu'il n'est ainsi pas démontré que les difficultés pécuniaires du couple [L]-[Y] en 2010 étaient liées à une charge excessive de remboursement de prêt imposée par la Banque Populaire du Nord, cet établissement prêteur justifiant de ce qu'il s'est fait transmettre en 2007 comme en 2008 les documents nécessaires pour un examen de la situation des emprunteurs ;

Qu'en définitive, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté tout manquement de la Banque Populaire du Nord à ses obligations professionnelles et débouté les défendeurs de leur demande reconventionnelle aux fins de dommages et intérêts, la décision déférée étant sur ce point confirmée ;

Qu'en effet, aucun abus ni aucune déloyauté ne sont établis contre la banque dès lors qu'il ne s'évince pas des pièces du dossier que les parties seraient parvenues à un quelconque accord en vue d'un nouveau plan d'amortissement du prêt après déchéance du terme, la pièce n°24 communiquée par les époux [L]-[Y] sous forme d'un message électronique de réponse d'un conseiller de la banque démontrant au contraire que « l'accord » dont il est fait état n'avait pour finalité que de laisser aux emprunteurs défaillants le temps de s'organiser afin de trouver une solution pour solder le dossier contentieux dans les meilleurs délais, éventuellement dans l'optique d'un rachat de crédit ou pour procéder à la vente amiable de leur immeuble, ce qui est des plus explicites de la part du prêteur ;

Que la demande des époux [L]-[Y] aux fins de compensation de créances réciproques est dans ce contexte sans objet;

Sur les frais irrépétibles 

Attendu que l'équité justifiait l'indemnité de procédure arrêtée par les premiers juges au profit de la banque poursuivante de sorte que le jugement dont appel sera confirmé de ce chef ;

Que cette même considération commande en cause d'appel de fixer en faveur de la Banque Populaire du Nord une indemnité pour frais irrépétibles de 2.000 euros, les débiteurs de cette somme étant eux-mêmes déboutés de leur propre prétention indemnitaire à cette fin ;

***

PAR CES MOTIFS ;

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Réforme le jugement déféré en ses dispositions relatives à la créance principale de la Banque Populaire du Nord à l'égard des époux [L]-[Y], indemnité forfaitaire de recouvrement comprise ;

Prononçant à nouveau de ces chefs,

Condamne solidairement Monsieur et Madame [R] [L]-[Y] à payer à la S.A. Banque Populaire du Nord, au titre du solde du prêt immobilier LOGIFIX MODULABLE de 134.319 euros du 13 décembre 2007, la somme de 122.944,63 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,50 % l'an sur la somme de 121.840,71 euros à compter du 1er avril 2015 ;

Condamne sous la même solidarité les époux [L]-[Y] à payer à la S.A. Banque Populaire du Nord une indemnité forfaitaire de recouvrement de 9.837,68 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2013 ;

Pour le surplus,

Confirme en toutes ses autres dispositions la décision entreprise ;

Y ajoutant,

Dit sans objet la demande de prononcé d'astreinte des époux [L]-[Y] relativement à la mainlevée d'hypothèque ainsi que leur demande de compensation de créances réciproques;

Condamne solidairement Monsieur et Madame [R] [L]-[Y] à verser en cause d'appel à la S.A. Banque Populaire du Nord une indemnité de procédure de 2.000 euros, les débiteurs de cette somme étant eux-mêmes déboutés de leur propre prétention indemnitaire à cette fin ;

Condamne sous la même solidarité les époux [L]-[Y] aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL ESPACE JURIDIQUE AVOCATS représentée par Maître Philippe CHAILLET conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

P. PAUCHETP. CHARBONNIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 14/06721
Date de la décision : 18/06/2015

Références :

Cour d'appel de Douai 81, arrêt n°14/06721 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-18;14.06721 ?
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