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04/06/2015 | FRANCE | N°14/03405

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 04 juin 2015, 14/03405


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 04/06/2015



***



N° de MINUTE : 15/

N° RG : 14/03405



Jugement (N° 2012003893)

rendu le 30 Avril 2014

par le Tribunal de Commerce de DOUAI



REF : PB/KH





APPELANT



Monsieur [N] [R]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 3]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

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Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Jean Louis MACOUILLARD, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Sylvie TOPALOFF, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉE



SA BANQUE POPULAIRE ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 04/06/2015

***

N° de MINUTE : 15/

N° RG : 14/03405

Jugement (N° 2012003893)

rendu le 30 Avril 2014

par le Tribunal de Commerce de DOUAI

REF : PB/KH

APPELANT

Monsieur [N] [R]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 3]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Jean Louis MACOUILLARD, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Sylvie TOPALOFF, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

SA BANQUE POPULAIRE DU NORD

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Valérie BIERNACKI, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS à l'audience publique du 08 Avril 2015 tenue par Philippe BRUNEL magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine PARENTY, Président de chambre

Philippe BRUNEL, Conseiller

Sandrine DELATTRE, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Sylvie HURBAIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 8 avril 2015

***

Vu le jugement du tribunal de commerce de Douai en date du 30 avril 2014 condamnant notamment M. [N] [R] à payer à la Banque Populaire du Nord, en sa qualité de caution des obligations de la société [G]-[J], placée en redressement judiciaire le 23 novembre 2011 puis en liquidation le 12 septembre 2012, une somme de 143 389,96 € diminuée de l'intégralité des versements en capital et intérêts effectués par la société [G]-[J] depuis le début du prêt outre les intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2012 ; le tribunal a écarté l'argumentation de M. [R] relative à la nullité de l'acte de cautionnement, au caractère manifestement disproportionné de celui-ci et à l'application de l'article 2314 du Code civil ; il a en revanche retenu le manquement à l'obligation d'information annuelle ;

Vu la déclaration d'appel de M. [R] en date du 30 mai 2014 ;

Vu les conclusions de M. [R] en date du 23 mars 2015 demandant la réformation du jugement et qu'il soit fait droit à son argumentation initiale ; il soutient à nouveau devant la cour que l'engagement de caution serait nul au motif que l'avenant au contrat de prêt, de la convention des parties n'aurait pas dû être signé avant le 31 juillet 2009 et qu'en l'espèce il a été signé le 26 juin 2009 ; à titre subsidiaire, il fait valoir que l'engagement est manifestement disproportionné par application de l'article L341-4 du code de la consommation ; il fait également valoir que, en ne mettant pas en oeuvre les droits issus du nantissement sur fonds de commerce dont elle disposait, la banque encourt la déchéance prévue par l'article 2314 du Code civil ; à titre encore plus subsidiaire il soutient le manquement de la banque à son obligation d'information ;

Vu les conclusions de la Banque Populaire du Nord en date du 9 octobre 2014 demandant la confirmation du jugement ; elle conteste la nullité de l'engagement en expliquant qu'il était de l'intention des parties que la date du 31 juillet 2009 constitue une date-butoir pour la signature de l'avenant ; elle conteste toute disproportion des ressources de la caution en soutenant que celle-ci ne rapporterait pas la preuve de son caractère manifestement disproportionné ; elle conteste également toute faute relevant de l'article 2314 du Code civil ; en revanche elle indique ne pas contester ne pas avoir satisfait à l'obligation d'information annuelle ;

Vu l'ordonnance de clôture du 8 avril 2015

MOTIFS

Attendu que les éléments de fait ont été complètement et exactement énoncés dans le jugement déféré auquel la cour entend en conséquence renvoyer à ce titre ; qu'il sera seulement rappelé que la Banque Populaire du Nord a consenti le 26 mai 2008 un prêt de 176 000 € remboursable en 120 mensualités au taux annuel de 5 % à la société [G]-[J] et destiné au financement partiel de la reprise d'un fonds de commerce de boulangerie ; que M. [G] et M. [J], cogérants, se sont portés cautions des prêts ; qu'un avenant a été établi le 26 juin 2009, consécutif à la cession par M. [J] à M. [N] [R] de ses parts dans la société ; que M. [R] a signé un acte de cautionnement le 15 juillet 2009 pour un montant de 211 200 € en principal, frais et accessoires sur une durée de 12 ans ; que la société emprunteur exploitant le fond de boulangerie désormais gérée par M. [G] et M. [R], a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire le 23 novembre 2011 à la suite duquel la banque a déclaré sa créance au titre du prêt puis d'un jugement de liquidation le 12 septembre 2012 ; qu'après avoir mis vainement les caution en demeure le 5 octobre 2012 , la banque a saisi le tribunal de commerce de Douai qui a rendu le jugement déféré ; que M [G] est décédé le [Date décès 1] 2014  ;

Sur la nullité du cautionnement  ;

Attendu que, à l'acte en date du 26 juin 2009 intitulé «  avenant sous seing privé aux contrats de prêts professionnel  » signé notamment par la banque, par la société emprunteur et par les cautions et M [R] est stipulée la clause suivante : « Au titre des garanties :

- Suppression de la caution de Monsieur [J] [L]

- Caution de Monsieur [R] [N] de l encours du prêt

( )

Il est expressément convenu entre les parties que la non régularisation des

garanties et, ou la signature de l avenant avant la date du 31/07/2009

entraîneront la nullité des dispositions prévues au présent avenant »

Attendu que M. [R] soutient que, dès lors que l'avenant a en définitive été signé le 26 juin 2009 soit quelques jours avant le 31 juillet, le cautionnement donné par lui serait nul; que toutefois , aux termes de l'article 1156 du Code civil : «On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes . » ; que, par ailleurs, l'article 1157 précise : « Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun. »;

Que, contrairement à ce que soutient M. [R], la clause litigieuse, rédigée de façon défectueuse doit être interprétée ; qu'une telle clause, à caractère usuel, a pour objet de fixer un terme, en l'espèce le 31 juillet 2009, aux engagement des parties dans un souci de sécurité juridique ; que l'interprétation proposée par M. [R] ne présente aucun sens au regard des éléments de l'espèce ; qu'il ne propose d'ailleurs par lui-même d'expliquer en quoi une telle clause telle qu'interprétée dans le sens qu'il propose, aurait été utile ou aurait eu un sens en l'espèce ;

Attendu en conséquence que la demande de nullité proposée à ce titre a été rejetée à juste titre par le premier juge ;

Sur la disproportion de l'engagement de caution ;

Attendu que, aux termes de l'article L341-4 : 'Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné àses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée , ne lui permette de faire face à son obligation.' ; qu'il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement au jour où celui-ci a été souscrit ; qu'il appartient au créancier de rapporter la preuve de ce que la caution, au moment où elle est appelée , peut faire face à son obligation ;

Attendu que les développements des conclusions de la banque relatifs à son devoir d'alerte ou de mise en garde et à l'impossibilité d'engager sa responsabilité contractuelle sont sans intérêt en l'espèce les dispositions ci-dessus rappelées ne relevant pas d'un tel régime ;

Attendu que, contrairement à ce qu'indique la banque, M. [R] produit un certain nombre d'éléments justificatifs de ses revenus et de son patrimoine dans le temps précédent la souscription du cautionnement ; que la cour observe que la banque, quant à elle, ne lui a pas fait souscrire, dans le cadre du cautionnement, une déclaration de ses éléments de revenus et de patrimoine ; que certes, cette circonstance n'a pas pour effet d'inverser la charge de la preuve de la disproportion qui incombe en toute hypothèse à la caution, mais elle manifeste toutefois que la banque ne s'est pas conformée à ce qui apparaît être une bonne pratique bancaire ;

Attendu que M. [R] justifie que, au titre des années 2006, 2007 et 2008 il percevait mensuellement des revenus de l'ordre de 1080 €, 1360 € et 1148 € ; que, au titre de l'année 2009 (avis d'imposition 2010) les revenus bruts perçus par M. [R] s'établissent à 16 505 €  ; que les déclarations de revenus produites ne font pas apparaître d'autres revenus que ses revenus salariaux ; que, par ailleurs, s'il peut en principe être tenu compte des revenus qui pouvaient être raisonnablement espérés de l'exploitation du fonds de commerce, le compte de résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2008, qui avait été porté à la connaissance de la banque, faisait état d'un résultat largement négatif de telle sorte qu'à ce titre seule la rémunération de la gérance soit la somme annuelle de 24 000 € suivant délibération de l'assemblée générale du 4 juin 2008 peut être retenue à l'exclusion de toute participation aux bénéfices ;

Attendu que, s'agissant de sa situation patrimoniale, M. [R], explique que la somme de 70 433,15 euros dont il reconnait , dans l'attestation qu'il a établie, avoir été détenteur au jour de la souscription de l'engagement de caution, provient d'un réemploi de la soulte de 75 000 euros qui lui est revenue dans le cadre de son divorce prononcé par jugement du 9 décembre 2008 et que les deux sommes ne se cumulent pas; qu'une telle 'attestation' ne peut évidemment avoir valeur probante en elle-même ; que seules les pièces justifiant de ses allégations sont de nature à en rapporter la preuve ; que la cour observe que la soulte de 75 000 euros a été payée à M. [R] le 22 janvier 2009 (acte notarié produit en pièce numéro cinq) et que les relevés et documents produits par M. [R] quant l'état de son épargne au jour de l'engagement de caution ne font pas apparaîre clairement l'origine des sommes ainsi investies sauf au titre du placement opéré sur le livret de développement durable à hauteur de 6000 euros ainsi qu'au titre de la souscription auprès de la BNP de parts de FCP pour 9806,86 euros ; que c'est donc une somme de 59 193,14 euros qui doit être retenue en l' état des pièces produites au titre du montant résiduel de la soulte déduction faite des investissements financiers pris en compte dans la somme de 70433,15 euros ; que c'est au total ainsi une somme de 129 626,29 euros qui doit être retenue au titre de l'actif patrimonial de M. [R] au jour de l'engagement de caution; qu'il y a lieu d'en déduire la somme de 15 000 euros au titre de l'acquisition des parts sociales de M [J] étant observé que le prix d'acquisition n'est pas établi par les pièces produites mais n'est pas contesté par la banque  ; que les autres opérations effectuées par M [R] (acquisition d'un véhicule, paiement auprès de l'Urssaf) ne peuvent être prises en compte puisqu'elles sont postérieures à la date de l'acte de cautionnement ; que le patrimoine de M [R] au jour de l'engagement de caution s' établit ainsi à 114 626, 29 euros  en l'état des pièces qu'il produit ;

Attendu que, au regard du montant certes limité des revenus de M. [R] au jour de l'engagement de caution mais également de la valeur de son actif patrimonial, il n' y a pas lieu de considérer que cet engagement est manifestement disproportionné au sens de l'article L341-4 du code de la consommation  ;

Sur l'application de l'article 2314 du Code civil ;

Attendu que M. [R] reproche à la banque de ne pas avoir, en sa qualité de créancier bénéficiant d'un nantissement de premier rang sur le fond de commerce, sollicité que ce fonds soit vendu aux enchères plutôt que par une vente de gré à gré ; que toutefois M. [R] ne rapporte pas la preuve qu'une vente aux enchères du fonds, même en tenant compte de la possibilité de surenchère, aurait abouti à une vente à un prix supérieur à celui qui est résulté de la vente opérée, en l'espèce, de gré à gré pour un prix de 41 500 € et ce d'autant moins que, comme l'indique la banque, et comme ceci résulte de la requête au juge commissaire du 19 décembre 2012 et de l'ordonnance consécutive du même jour autorisant la cession de gré à gré, trois acheteurs potentiels s'étaient positionnés pour cette vente ;

Attendu par ailleurs qu'il n'est pas contesté que la banque a déclaré sa créance à titre privilégié et que, en conséquence de la vente du fonds opérée de gré à gré, elle a vocation à percevoir la partie du prix susceptible de lui revenir ;

Attendu dans ces conditions que la caution ne peut demander à être déchargée de son engagement par application de l'article 2314 ;

Sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde ;

Attendu que M. [R] fait grief à la banque d'avoir manqué à son devoir de mise en garde quant aux risques de non remboursement du prêt au regard des résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2008 ; que toutefois, d'une part, M. [R], avait connaissance des résultats de l'exercice clos à cette date en sa qualité de nouvel associé de la société emprunteur ; que, par ailleurs, la constatation d'un résultat négatif dans le cadre du premier exercice d'exploitation n'est pas, en soi, le signe d'un risque avéré particulièrement important de non remboursement ; qu'en toute hypothèse il n'est produit aucun élément quant aux raisons qui ont ultérieurement entraîné l'ouverture d'une procédure collective ;

Sur le manquement par la banque à l'obligation d'information annuelle ;

Attendu que le manquement par la banque à une telle obligation n'est plus contesté par elle devant la cour puisqu'elle demande, à ce titre également, la confirmation du jugement ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a constaté le manquement de la banque à cette obligation et condamné Monsieur [R] à payer à la Banque Populaire du Nord la somme de 143.389,96 € diminuée de l'intégralité des versements en capital et intérêts effectués par la SARL [G] [R] depuis le début du prêt jusqu'à complet paiement, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2012 ;

Attendu en conséquence que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions;

Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait droit à la demande de la banque présentée devant la cour en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

la cour, statuant publiquement et contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M [R] aux dépens qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

S. HURBAINC. PARENTY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 14/03405
Date de la décision : 04/06/2015

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°14/03405 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-04;14.03405 ?
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