République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 05/02/2015
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N° MINUTE :
N° RG : 14/02457
Jugement (N° 13-001887)
rendu le 14 Mars 2014
par le Tribunal d'Instance de LILLE
REF : CC/VC
APPELANTE
Société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG (AB), représentée par son établissement en France la société HOIST FRANCE située [Adresse 3]. venant aux droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE.
ayant son siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Laëtitia CHEVALIER, avocat au barreau de LILLE
Assistée de Me ROTCAJG Alexandre Avocat au Barreau de Paris
INTIMÉE
Madame [X] [J]
de nationalité Française
demeurant : [Adresse 1]
Représentée par Me Guy SIX, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 27 Novembre 2014 tenue par Catherine CONVAIN magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Patricia PAUCHET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre CHARBONNIER, Président de chambre
Catherine CONVAIN, Conseiller
Benoît PETY, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 Février 2015 après prorogation du délibéré du 22 janvier 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Patricia PAUCHET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement contradictoire prononcé par le tribunal d'instance de Lille le 14 mars 2014 ;
Vu l'appel formé le 17 avril 2014 ;
Vu les conclusions transmises par voie électronique le 15 septembre 2014 pour la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG,
appelante ;
Vu les conclusions transmises par voie électronique le 5 septembre 2014 pour Mme [X] [J] divorcée [H],
intimée ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 octobre 2014 ;
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Par requête reçue au greffe du tribunal d'instance de Lille le 15 janvier 2013, la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG a demandé au juge d'instance d'autoriser la saisie des rémunérations de Mme [X] [J] divorcée [H] pour obtenir le paiement de la somme de 20 337,84 euros en principal, intérêts et frais, en exécution du jugement rendu le 9 juillet 1992 par le tribunal d'instance d'Hazebrouck.
Les parties ont été régulièrement convoquées pour l'audience de conciliation du 4 juin 2013.
À l'audience de conciliation du 4 juin 2013, Mme [X] [J] divorcée [H] a élevé une contestation et l'affaire a été renvoyée à l'audience de fond du tribunal d'instance.
Lors de l'audience du 17 janvier 2014, la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG a demandé au tribunal de débouter Mme [X] [J] divorcée [H] de sa contestation, de valider la saisie des rémunérations de Mme [X] [J] divorcée [H] à hauteur de 21 169,75 € et de condamner Mme [X] [J] divorcée [H] à lui payer 2000 € de dommages-intérêts ainsi que 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens.
En réponse, Mme [X] [J] divorcée [H] a demandé au tribunal de débouter la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG de ses demandes et de la condamner à lui payer
3000 € de dommages-intérêts ainsi que 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens.
Par jugement en date du 14 mars 2014, le tribunal d'instance de Lille a débouté la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG de sa demande en saisie des rémunérations de Mme [X] [J], débouté Mme [X] [J] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et condamné la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG à payer à Mme [X] [J] 700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens.
La société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG a relevé appel de ce jugement le 17 avril 2014.
À l'appui de son appel, la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG fait valoir qu'en vertu de l'article 1692 du Code civil, il est de jurisprudence constante que la cession de créances a pour effet d'emporter de plein droit transfert de tous les accessoires de ladite créance, et notamment des actions en justices qui lui sont attachées ; qu'en l'espèce Mme [X] [J] était codébiteur solidaire de M. [H] et que c'est à ce titre qu'elle a été condamnée définitivement sur la base d'une offre de crédit du 28 novembre 1989 ; qu'en outre M. [H] a fait l'objet d'un jugement personnel de liquidation judiciaire le 13 septembre 1995 ; qu'il en résulte que lorsque la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE a cédé sa créance issue de son prêt impayé du 28 novembre 1989 titré contre ses deux débiteurs solidaires le 9 juillet 1992, elle a cédé à la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG une créance titrée contre Madame [X] [J] divorcée [H] et que la circonstance que l'annexe du contrat de cession ne mentionne que le débiteur principal importe peu au regard de l'article 1692 du Code civil.
Elle conclut donc à l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour, vu les articles 1134 et 1692 du Code civil, d'autoriser la saisie en paiement de la somme en principal, intérêts et frais au jour de la requête de 20 337,84 euros, de débouter Mme [X] [J] divorcée [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires et de condamner Mme [X] [J] divorcée [H] à lui payer la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Mme [X] [J] divorcée [H] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG de ses demandes en saisie des rémunérations, de débouter la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG de sa demande de saisie des rémunérations et de condamner la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG à la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'à la somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
Selon ce qu'autorise l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé du surplus de leurs moyens.
Sur ce,
Sur la saisie des rémunérations
Attendu qu'en vertu des dispositions des articles L 221-8 du code de l'organisation judiciaire et R 3252-11 du code du travail, le juge du tribunal d'instance qui est compétent pour connaître de la saisie des rémunérations, exerce les pouvoirs du juge de l'exécution ;
Qu'aux termes de l'article R. 3252-1 du code du travail, « le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des rémunérations dues par un employeur à son débiteur » ;
Attendu que par jugement en date du 9 juillet 1992, le tribunal d'instance d'Hazebrouck a condamné solidairement Monsieur et Madame [H] à verser à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL la somme de 74 811,09 francs (11 404,88 euros) avec intérêts au taux de 15,41 % à compter du 27 mai 1992 et la somme de 100 francs (15,24 euros) avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation à titre de pénalité, au titre d'une ouverture de crédit permanent d'un montant de 100 000 francs (15244,90 euros) consenti par le CREDIT AGRICOLE à M. et Mme [H] suivant offre préalable acceptée le 28 novembre
1989 ;
Attendu que par acte d'huissier en date du 23 novembre 2012, la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG, venant aux droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE anciennement dénommée CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD, a fait signifier à Mme [X] [J] divorcée [H], d'une part, l'acte de cession de créances sous-seing privé en date du 8 septembre 2009 par lequel « la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a cédé à la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG des créances au nombre de 18, au titre de compte-courant-prêts personnels, pour un montant principal de 154 844,10 euros, parmi lesquels figurent notamment celles à l'encontre de Monsieur [H] [S] », et, d'autre part, le jugement rendu par le tribunal d'instance d'Hazebrouck en date du 9 juillet 1992 ;
Attendu qu'agissant en vertu du jugement rendu le 9 juillet 1992 par le tribunal d'instance d'Hazebrouck, revêtu de la formule exécutoire, la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG a, par requête en date du 21 décembre 2012, sollicité la saisie des rémunérations de Mme [X] [J] divorcée [H] pour obtenir le paiement de la somme de 20 337,84 euros se décomposant comme suit :
montant de la créance principale 1 11 404,88 €
intérêts au taux de 15,41 % du 21/12/2007
au 21/12/2012 8 801,91 €
montant de la créance principale 2 15,24 €
intérêts au taux légal majorés de 5 points
du 21/12/2007 au 21/12/2012 5,27 €
frais et actes de procédure 75,54 €
dépens timbres fiscaux 35,00 €
règlement reçu 0,00 €
frais de représentation en saisie des rémunérations (mémoire)
Total à recouvrer 20 337,84 €
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Attendu que Mme [X] [J] divorcée [H] soutient que la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG n'est pas titulaire d'une créance certaine, liquide et exigible à son égard au motif que la solidarité n'est pas l'accessoire de la créance de la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG et que cette dernière ne détient pas de titre exécutoire à son encontre puisqu'en vertu de la cession de créances, le Crédit Agricole n'a cédé au profit de la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG, créancier saisissant, que la créance qu'elle détenait à l'encontre de Monsieur [H] ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 1689 du Code civil, « dans le transport d'une créance, d'un droit ou d'une action sur un tiers, la délivrance s'opère entre le cédant et le cessionnaire par la remise du titre » ;
Qu'au titre de l'article 1692 du Code civil, « la vente ou cession d'une créance comprend les accessoires de la créance, tels que caution, privilège et hypothèque. » ;
Qu'il résulte de ces articles que la cession de créances transfert au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée, notamment le titre exécutoire obtenu par le cédant qui condamne les codébiteurs solidaires au paiement de sa créance ;
Qu'il s'en déduit que la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG, cessionnaire et subrogée dans les droits du cédant (la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE) en vertu de l'acte de cession de créances en date du 8 septembre 2009 visant en annexe la créance n° 549788 au nom de M. [H] [S] figurant dans la liste des créances cédées, peut se prévaloir à l'égard de Mme [X] [J] du titre exécutoire obtenu par le cédant puisque la cession de créance qui emporte de plein droit transfert de tous les accessoires de ladite créance, et notamment des actions en justices qui lui sont attachées, emporte le transfert au cessionnaire du titre exécutoire et donc le transfert de la créance constatée par ce titre exécutoire tant à l'encontre de Monsieur [H] qu'à l'encontre de Mme [X] [J], et qu'en application de l'article 1689 du code civil, le transport d'une créance entre le cédant et le cessionnaire s'opère par la remise du titre ; que de plus, du fait du transport du titre exécutoire au cessionnaire, le cédant ne dispose plus d'aucun titre exécutoire à l'encontre de l'un et l'autre des débiteurs ;
Que l'acte de cession de créances du 8 septembre 2009 qui a été régulièrement signifié à Mme [X] [J], lui étant opposable, et la cession de créance ayant entraîné de plein droit au profit de la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG le transfert du bénéfice du jugement du tribunal d'instance d'Hazebrouck du 9 juillet 1992 portant condamnation solidaire de Monsieur [H] et de Mme [X] [J], titre exécutoire qui a été régulièrement signifié Mme [X] [J], la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG qui dispose d'une créance liquide et exigible constatée par un titre exécutoire à l'égard de Mme [X] [J] est fondée à mettre en oeuvre une procédure de saisie des rémunérations de cette dernière sur le fondement du jugement du 9 juillet 1992 pour obtenir le paiement de la créance constatée par ce titre exécutoire ;
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Attendu qu'en vertu de l'article 1315 alinéa 2 du Code civil, il appartient au débiteur de justifier des paiements intervenus qui auraient diminué le montant de la dette ou qui l'auraient éteinte, le juge ne pouvant libérer un débiteur si celui-ci ne justifie pas du paiement des dettes figurant aux décomptes produits par ses créanciers ;
Qu'en l'espèce, au vu du décompte produit par la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG et Mme [X] [J] n'apportant pas la preuve ni même n'alléguant que des règlements effectués n'auraient pas été pris en compte, la saisie de ses rémunérations au profit de la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG sera autorisée à hauteur de la somme de
20 337,84 € en principal, intérêts échus et frais, somme arrêtée à la date du 21 décembre 2012 ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
Attendu qu'aucun abus de procédure n'étant caractérisé, Mme [X] [J] doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que Mme [X] [J], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile ;
Que compte tenu des situations économiques respectives des parties, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG la charge de ses frais irrépétibles ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Reçoit l'appel en la forme ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [X] [J] divorcée [H] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Infirme le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau ;
Autorise la saisie des rémunérations de Mme [X] [J] divorcée [H] au profit de la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG à hauteur de la somme de 20 337,84 euros en principal, intérêts échus et frais, somme arrêtée à la date du 21 décembre
2012 ;
Déboute les parties de leurs demandes ou conclusions plus amples ou contraires ;
Déboute la société HOIST KREDIT AKTIEBOLAG de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [X] [J] divorcée [H] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
P. PAUCHETP. CHARBONNIER