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29/01/2015 | FRANCE | N°13/01887

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 29 janvier 2015, 13/01887


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 29/01/2015



***



N° de MINUTE :15/

N° RG : 13/01887



Jugement (N° 12/00831)

rendu le 08 Mars 2013

par le Tribunal de Commerce de DOUAI



REF : PM/KH

Interdiction de gérer



APPELANTE



Madame [I] [S]

née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 1](59)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]



Représ

entée par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Fabien CHIROLA, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉ



Maître [H] [O] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL NORD FACADE

demeurant [Adresse ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 29/01/2015

***

N° de MINUTE :15/

N° RG : 13/01887

Jugement (N° 12/00831)

rendu le 08 Mars 2013

par le Tribunal de Commerce de DOUAI

REF : PM/KH

Interdiction de gérer

APPELANTE

Madame [I] [S]

née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 1](59)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Fabien CHIROLA, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ

Maître [H] [O] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL NORD FACADE

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Philippe MATHOT, avocat au barreau de DOUAI, substitué par Me

Camille DESBOUIS, collaborateur

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Pascale FONTAINE, Président de chambre

Stéphanie BARBOT, Conseiller

Pascale METTEAU, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

DÉBATS à l'audience publique du 27 Novembre 2014 après rapport oral de l'affaire par Pascale METTEAU

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 Janvier 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pascale FONTAINE, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC :

Cf réquisitions du 21 mars 2014, communiquées aux parties

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 septembre 2014

***

Mme [I] [S] était gérante de la SARL NORD FACADE, spécialisée dans la rénovation et le ravalement de façade, cette société ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire par jugement rendu par le tribunal de commerce de DOUAI le 7 septembre 2011 et Me [H] [O] ayant été désignée en qualité de liquidateur.

La date de cessation des paiements a été fixée au 31 mars 2011.

Par acte d'huissier du 24 février 2012, Me [O] a assigné Mme [S] aux fins de voir prononcer à son encontre une mesure de faillite personnelle et, à défaut, d'interdiction de gérer, et pour la voir condamnée à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif.

Par jugement rendu le 8 mars 2013, le tribunal de commerce de Douai a :

- condamné Mme [I] [S], née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 1], de nationalité française, domiciliée [Adresse 2], à une interdiction de gérer et ceci pour une durée de cinq années,

- condamné Mme [S] à verser la somme de 150.000 euros à Me [O], ès qualités,

- condamné Mme [S] à acquitter une indemnité de frais de procédure au profit de Me [O], somme arrêtée à la somme de 1.500 euros,

- condamné Mme [S] à supporter les entiers dépens arrêtés à la somme de 80,85 euros.

Mme [I] [S] a interjeté appel de cette décision le 2 avril 2013.

Dans ses dernières conclusions, elle demande à la cour au visa des articles L651-2 et L653-1 et suivants du code de commerce, 1244-1 du code civil, de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à Me [O], es qualité de liquidateur de la société NORD FACADE, une somme de 150.000 euros au titre de l'insuffisance d'actif, une somme de 1.500 euros à titre d'indemnité procédurale et les frais et dépens de l'instance.

- l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée à une interdiction de gérer pour une durée de cinq années,

- le confirmer en ce qu'il a rejeté la demande de faillite personnelle formulée par Me [O],

- débouter Me [O], es qualités de liquidateur de la société NORD FACADE, de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

- limiter sa responsabilité financière à une somme n'excédant pas 1000 euros,

- lui octroyer les plus larges délais de paiement dans la limite de 24 mois pour le paiement de la somme qui sera judiciairement arbitrée,

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- condamner Me [O] au versement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- mettre à sa charge les entiers frais et dépens de l'instance.

Elle fait valoir que :

elle a été associée et gérante salariée d'une société Concept et Tradition Menuiseries, constituée au début de l'année 2004 avec son ex-concubin, société n'ayant pas résisté à la conjoncture économique difficile et ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire à compter du 2 juillet 2007 ; c'est dans ce contexte qu'elle a constitué, avec son père, la société NORD FAÇADE immatriculée le 12 mars 2007,

durant les deux premières années, le chiffre d'affaires de la SARL NORD FACADE a augmenté grâce à l'obtention de nouveaux marchés ; au début du troisième exercice, d'importantes intempéries ont freiné l'activité déjà fragilisée par le contexte conjoncturel; à la fin de l'année 2010, le chiffre d'affaires s'est effondré et l'embauche d'un commercial au début de l'année 2011 n'a pas permis de remédier à cette situation ; au mois de mai 2011, elle a été confrontée à un incident de paiement de la part de l'un de ses clients, impayé de 23.265 euros ; en sa qualité de gérante, elle a envisagé de déposer le bilan mais la société faisait l'objet de contrôles fiscaux et sociaux qui l'ont obligée à différer sa démarche ; l'inspection du travail, l'URSSAF et le contrôle de comptabilité n'ont relevé aucune irrégularité ; par la suite, elle n'a pas déclaré la cessation des paiements du fait des vacances judiciaires, cette démarche ayant été effectuée dès le 5 septembre 2011.

Elle estime qu'elle n'a pas commis de faute de gestion de nature à justifier des sanctions, le retard dans le dépôt de bilan pouvant être expliqué d'une part par le contrôle de l'inspection du travail et de l'URSSAF au cours du mois d'avril 2011, puis par le contrôle fiscal (ce dernier contrôle s'étant terminé en juillet 2011 et l'inspecteur lui ayant dit oralement de ne pas déposer le bilan avant la fin de son travail) et d'autre part par le fait qu'elle pensait obtenir le règlement du chantier de 23.265 euros, dont la facture était exigible depuis le 16 avril 2011. Elle affirme qu'elle n'était pas consciente que l'état de cessation des paiements était définitivement avéré au 31 mars 2011 et qu'elle espérait pouvoir préserver la société. Elle soutient que les difficultés financières de la société ne remontent pas à l'année 2009 puisque, pour cette année, le résultat fiscal net était de 29.096 euros, avec une progression de l'ordre de 10 %. Elle précise qu'en 2009, elle n'était redevable envers l'URSSAF que de 7 euros et que les régularisations pour la caisse PRO BTP n'ont été que de 3.600 euros.

Elle conteste avoir laissé sciemment perdurer l'activité de la société qu'elle gérait et avoir contribué à l'aggravation du passif dans la mesure où la grande majorité des factures est intervenue avant la fin du mois de mai 2011, que les dépenses postérieures sont constituées par des cotisations URSSAF et de mutuelle ainsi que par des factures de téléphone, et ce d'autant qu'elle ne percevait plus son salaire depuis mois de février 2011. Elle précise que son père a également cessé d'être payé en sa qualité de conducteur de travaux à compter du mois de mars 2011.

Elle souligne l'absence de rapport causal démontré entre les fautes alléguées et le passif.

A titre subsidiaire, si la cour considérait que des fautes de gestion lui sont imputables, elle demande, pour déterminer l'étendue du comblement de passif, de tenir compte de sa situation financière actuelle, à savoir qu'elle élève seule ses trois enfants, qu'elle perçoit un salaire d'environ 1.070 euros par mois outre 450 euros d'allocations familiales avec des charges importantes.

Dans ses dernières écritures, Me [O], en sa qualité de liquidateur de la SARL NORD FACADE, demande à la cour de :

vu les articles L653-4, L653-8 et L651-2 du code de commerce,

débouter Mme [S] de ses demandes, fins et conclusions.

juger recevables et bien fondées ses demandes, fins et conclusions,

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [S] à :

supporter l'insuffisance d'actif de la SARL NORD FACADE,

payer la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

régler les dépens,

Statuant à nouveau :

A titre principal :

constater que Mme [S] a poursuivi abusivement, et dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la SARL NORD FACADE,

en conséquence, prononcer une mesure de faillite personnelle à son encontre,

A tire subsidiaire, si par impossible la cour considérait que les conditions de mise en oeuvre d'une faillite personnelle n'étaient pas réunies :

constater que Mme [S] n'a pas demandé l'ouverture d'une procédure collective dans le délai légal de 45 jours à compter de la cessation des paiements,

en conséquence, prononcer une interdiction de gérer,

En tout état de cause :

constater que Mme [S] a commis des fautes de gestions qui lui sont directement imputables en poursuivant abusivement une exploitation déficitaire, en retardant la déclaration de cessation des paiements et en restant passive face à une exploitation déficitaire,

constater que ces fautes ont directement contribué à accroître l'insuffisance d'actif de la SARL NORD FACADE,

en conséquence, la condamner à supporter l'insuffisance d'actif de la SARL NORD FACADE à hauteur de 331.338,28 euros,

la condamner au paiement de la somme de 2500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamner aux entiers dépens en ce compris le droit proportionnel dégressif attribué aux huissiers de justice par application de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996.

Elle indique que :

l'examen des déclarations de créances permet de relever que les impayés remontent à la fin de l'année 2009 alors que la procédure de liquidation judiciaire a été ouverte le 7 septembre 2011 ; l'URSSAF a déclaré au passif de la procédure un arriéré de cotisations remontant à cette même année 2009 et les trois trimestres 2010 n'ont pas été réglés en totalité ; une facture RUBANORD du 15 septembre 2010 a été déclarée au passif de même que les cotisations pour la caisse de retraite BTP s'échelonnant depuis 2007 ; la poursuite abusive d'une activité déficitaire est caractérisée par l'ancienneté des créances demeurées impayées ; les créances déclarées n'ont pas été contestées ; en outre, l'exercice clos au 31 décembre 2009 présente un actif circulant inférieur aux dettes, ce qui traduit un état d'insolvabilité étant observé que si la société était in bonis, on ne voit pas ce qui a empêché Mme [S] de régler les créances URSSAF ou PRO BTP,

les impayés apparus en fin d'année 2009 se sont multipliés au cours de l'année 2010 ; malgré cela l'activité a été poursuivie sans que la gestion ne soit modifiée ; ces fautes de gestion sont à l'origine de l'insuffisance d'actif de la société ; ce comportement caractérise une poursuite abusive de l'activité de la société,

Mme [S] a continué à percevoir une rémunération jusqu'en février 2011, c'est-à-dire quasiment jusqu'à la date de cessation des paiements fixée par le tribunal alors qu'il résulte des déclarations de créances admises au passif de la société que les impayés remontent au début de l'année 2010 voire à la fin de l'année 2009 ; son père, contrôleur de travaux salariés de la SARL, a lui-même perçu un salaire jusqu'au mois de septembre 2011 ; Mme [S] avait un intérêt personnel dans la poursuite de l'activité déficitaire de la société pour rémunérer son père, de façon certaine jusqu'en mars 2011, alors que la situation de la société était obérée,

au regard de ces éléments, la mesure de faillite personnelle est justifiée,

Mme [S] et son père se partagent le capital et la direction de plusieurs sociétés (SARL Concept et Traditions Menuiseries ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 2 juillet 2007, SCI LILOU, SCI PRO LOCO, SARL NORD FACADE) ; son père dirige deux autres sociétés (SARL PRO HABITAT, SARL [Localité 1] ELECTRICITE- objet d'une liquidation judiciaire simplifiée le 22 juillet 2009) ; le tribunal de Commerce de Douai a fixé la date de cessation des paiements au 31 mars 2011 (cette décision étant définitive); le prononcé de la mesure d'interdiction de gérer est justifié puisque la déclaration de cessation des paiements aurait dû être effectuée le 5 septembre 2011 au plus tard ; aucun justificatif d'un contrôle URSSAF ou de l'inspection du travail n'est versé aux débats; seul un avis de vérification de comptabilité avec une clôture sans rectification émanant de la direction générale des finances publiques est produit ; en tout état de cause, ces contrôles ne constituent pas une dérogation à l'application des dispositions de l'article L653-8 du code de commerce ; par ailleurs, il appartenait à Mme [S] de solliciter les conseils d'un professionnel ou de se rapprocher du greffe du tribunal de commerce pour obtenir des informations sur la déclaration de cessation des paiements ; il est faux de prétendre qu'elle ne pouvait faire une telle déclaration durant les vacations judiciaires ; elle aurait pu remplir le formulaire mis à sa disposition et la date d'audience aurait ensuite été fixée par le greffe ; dès lors, l'état de cessation des paiements pouvait être déclaré dans le courant du mois d'août 2011 même si le dossier n'était audiencé qu'au mois de septembre ; l'argument tendant à dire qu'une facture devait être réglée ne peut justifier un retard de déclaration de cessation des paiements, une facture ne pouvant être considérée comme un actif ; dès lors, les conditions nécessaires au prononcé d'une interdiction de gérer sont réunies,

le passif de la SARL NORD FACADE s'élève à plus de 331.338,28 euros dont 140.000 euros à titre privilégié ; seule une somme de 30 euros a pu être recouvrée dans le cadre de la vente aux enchères publiques des éléments d'actif de sorte que l'insuffisance d'actif est largement caractérisée ; Mme [S] a poursuivi abusivement une activité déficitaire dans son intérêt personnel sans justifier avoir mis en oeuvre des mesures pour redresser la situation financière de l'entreprise (elle n'a pas procédé au recouvrement des impayés et ne justifie pas de diligences particulières) ; les nombreuses fautes de gestion commises ont participé à l'augmentation des dettes de la société, l'examen des déclarations de créances démontrant que les dettes sont apparues entre la date de cessation des paiements retenue par le tribunal et la date de dépôt de la déclaration de cessation des paiements pour un montant total de 58.500 euros ; le montant du passif devant être comblé par le dirigeant ne dépend pas de sa situation financière et l'insuffisance d'actif doit être mise à sa charge pour la totalité, soit 331.338,28 euros.

Le 21 mars 2014, M. le Procureur Général près la cour d'appel de Douai a demandé la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a condamné l'appelante à une interdiction de gérer de cinq ans, celle-ci ayant commis une faute de gestion en déclarant tardivement l'état de cessation des paiements. Il demande, eu égard à cette faute de gestion, sa condamnation au paiement pour insuffisance d'actif (le passif étant important) dans les proportions déterminées en première instance.

Cet avis a été communiqué aux parties le 24 mars 2014.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande tendant à voir prononcer une mesure de faillite personnelle et à défaut d'interdiction de gérer :

Selon l'article L653-4 du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après:

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

L'article L653-8 du même code prévoit que dans les cas prévus aux articles L653-3 à L653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci. ('.) Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

Il est reproché à Mme [S] d'une part d'avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la SARL NORD FACADE, d'autre part, d'avoir omis de demander, dans le délai de 45 jours de la cessation des paiements, l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

1 - Il convient de rappeler que Mme [S] était gérante- salariée de la SARL NORD FACADE laquelle a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ouverte par le tribunal de commerce de Douai par jugement rendu le 7 septembre 2011, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 31 mars 2011.

De plus, il y a lieu de relever que :

l'activité de la SARL NORD FACADE était déficitaire comme le démontrent l'existence et l'ancienneté des créances demeurées impayées mais également du montant du passif accumulé ; ainsi, il ressort de l'examen des déclarations de créances que les impayés remontent à la fin de l'année 2009 (et même 2007 pour les cotisations de retraite BTP et prévoyance ETAM, les cotisations ouvrier ayant été réglées jusqu'en 2009) ; qu'au cours de l'année 2010, les cotisations URSSAF n'ont pas été réglées pour les 1er, 2ème et 3eme trimestres ; que la facture de la société RUBANORD du 15 septembre 2010 n'a pas non plus été acquittée ; le fait que le résultat fiscal relatif à l'année 2009 ait été faiblement positif ne remet pas en cause cette situation, ce d'autant que l'actif circulant de l'exercice clos le 31 décembre 2009 était inférieur aux dettes existant à cette date (retraite, URSSAF notamment), ce qui traduit un état d'insolvabilité ;

la poursuite de l'activité a été abusive, Mme [S] ayant conscience que son activité était déficitaire mais persistant à poursuivre l'exploitation sans modifier ses méthodes de gestion de telle sorte que son obstination a aggravé le passif et le préjudice des créanciers ; ainsi, il ressort de l'attestation de Mme [E] [R], en particulier, que, dès le début de l'année 2011, Mme [S] avait conscience des graves difficultés financières de la société et qu'elle avait même envisagé, en avril 2011, de déposer le bilan ;

l'activité déficitaire a été poursuivie dans un intérêt personnel puisque Mme [S], salariée, a perçu un salaire, selon ses propres indications, jusqu'en février 2011, alors que son père, également salarié de la société, a été rémunéré jusqu'en mars 2011, malgré cette que la situation obérée, à tout le moins à compter du début de l'année 2010.

La poursuite abusive d'une activité déficitaire, dans un intérêt personnel, est donc démontrée.

2 ' La déclaration de cessation des paiements a été faite par Mme [S] au greffe du tribunal de commerce de Douai le 5 septembre 2011, soit plus de quatre mois après la date de cessation des paiements retenue par le tribunal, et donc plus de 45 jours après cette date.

Mme [S] rapporte la preuve qu'elle a été l'objet d'un contrôle de l'inspection du travail en janvier 2011. Elle justifie d'une vérification de comptabilité avec une clôture le 22 juillet 2011, sans rectification opérée par la Direction des Finances Publiques, mais n'établit pas qu'il lui a été demandé, pour ce motif, de différer sa déclaration de cessation des paiements (dans son attestation, M. [L] [G] ne fait que rapporter les dires de Mme [S] sur des propos dont il n'a pas été témoin). Une telle vérification ne saurait, en tout état de cause, être analysée comme un motif justifiant cette démarche.

Par ailleurs, si M. [G] affirme, dans son attestation, que Mme [S] n'a pas pu effectuer le 25 juillet 2011, sa déclaration de cessation des paiements, 'le tribunal étant en vacances judiciaires', il n'en demeure pas moins que le tribunal n'étant pas fermé, la déclaration de cessation des paiements aurait pu être déposée durant l'été 2011, même si, du fait du nombre réduit d'audiences à cette période, elle ne devait être examinée qu'en septembre 2011.

En tout état de cause, au regard de la date de l'état de cessation des paiements, cette situation n'a pas d'incidence quant au retard pris par Mme [S] pour effectuer sa déclaration.

De même, le fait que l'un des clients de la société ait été défaillant dans le paiement d'une importante créance (avis de chèque impayé pour un montant de 23.294,40 euros émanant du Crédit Agricole le 4 avril 2011) et qu'un paiement ait été attendu ne peut, au regard du montant des dettes de la société, expliquer le retard de déclaration.

En tout état de cause, les motifs ayant conduit le dirigeant à différer la déclaration de cessation des paiements n'ont pas à être pris en compte pour apprécier le retard de cette démarche.

***

Eu égard à ces éléments, il convient de rejeter la demande tendant au prononcer d'une mesure de faillite personnelle mais de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à une interdiction de gérer pendant 5 ans.

Sur la responsabilité de Mme [S] pour insuffisance d'actif :

L'article L651-2 du code de commerce prévoit que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.

***

Il résulte de la procédure collective ouverte au profit de la SARL NORD FACADE que l'actif de cette société s'est révélé quasiment inexistant puisque le matériel d'exploitation et le véhicule de la SARL ont été vendus aux enchères mais que le produit de cette cession s'est limité à une somme nette de 26,40 euros. Le passif est de plus de 331.338 euros dont plus de 140.000 euros à titre privilégié. L'insuffisance d'actif est donc établie.

***

Mme [S] a abusivement continué l'exploitation déficitaire de la société et retardé la déclaration de cessation des paiements, alors même que, à tout le moins dès le début du mois d'avril 2011, elle avait conscience qu'elle devait procéder à cette déclaration (comme le démontre l'attestation de Mme [R] et comme le confirme la date de cessation des paiements fixée par le tribunal de commerce). Alors que les dettes de la société s'accumulaient depuis 2007 mais surtout depuis la fin de l'année 2009, elle a attendu le mois de septembre 2011 pour demander la liquidation judiciaire de la SARL NORD FACADE. Enfin, elle n'indique pas en quoi elle aurait, pendant cette période, tenté de redresser l'entreprise.

Il existe donc une faute de gestion imputable à Mme [S].

***

Le fait d'avoir poursuivi abusivement l'activité de la SARL a eu pour conséquence une augmentation du passif. Ainsi, outre les dettes nées en 2010, entre le 1er avril 2011 (date retenue par le tribunal de commerce pour la cessation des paiements) et le 5 septembre 2011 (date effective de déclaration de cessation des paiements), le passif s'est aggravé de 58.505,55 euros (facture MAT DIFFUSION du 22 juillet 2011, facture NEC du 25 mai 2011, cotisation PRO BTP, cotisation URSSAF, factures PAGES JAUNES, RUBANORD, PRUVOT FAUCON, SFR, TERNOIS DESCAMP, VIKING). Comme précédemment constaté ni le contrôle fiscal, ni l'attente d'un règlement d'une facture client (par ailleurs contestée par le débiteur) ne pouvait justifier le retard dans la déclaration de cessation des paiements.

En conséquence, il existe un lien direct entre la faute de gestion imputée à Mme [S] et une partie de l'insuffisance d'actif relevée, Mme [S] devant être condamnée à supporter cette insuffisance d'actif à hauteur de 58.500 euros.

Dès lors, la condamnation à son encontre sera limitée à ce montant, étant rappelé que Mme [S] est actuellement salariée avec des revenus de 1.600 euros, trois enfants à charge, qu'elle doit faire face au paiement d'un crédit immobilier de 800 euros. Sa situation personnelle ne permet donc pas de lui accorder des délais de paiement, limités selon les dispositions de l'article

1244-1 du code civil, à une durée de deux ans. La demande de ce chef sera rejetée.

Le jugement sera réformé en ce sens.

***

Les parties succombant partiellement en leurs prétentions, elles conserveront la charge de leurs dépens d'appel. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [S] aux dépens de première instance. Le droit proportionnel dégressif prévu par l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 incombant au créancier en vertu de ces dispositions réglementaires , il n'y a pas lieu de l'inclure dans les dépens et de condamner Mme [S] de ce chef. La demande à ce titre sera rejetée.

Par ailleurs, il n'est pas inéquitable, en cause d'appel, de laisser à chaque partie la charge des frais exposés et non compris dans les dépens. Les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées mais le jugement confirmé en ce qu'il a condamné Mme [S] à la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire :

CONFIRME le jugement sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de Mme [I] [S] ;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant :

CONDAMNE Mme [I] [S] à verser à Me [O], ès qualités de liquidateur de la SARL H2D, la somme de 58.500 euros ;

DEBOUTE Mme [I] [S] de sa demande de délais de paiement ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

DEBOUTE Me [O] de sa demande tendant à condamner Mme [I] [S] au droit proportionnel dégressif ;

LAISSE à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M.M. [U]. FONTAINE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 13/01887
Date de la décision : 29/01/2015

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°13/01887 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-29;13.01887 ?
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