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18/12/2014 | FRANCE | N°13/07274

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 18 décembre 2014, 13/07274


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 18/12/2014



***



N° de MINUTE : 14/

N° RG : 13/07274



Jugement (N° 2012004251)

rendu le 18 Septembre 2013

par le Tribunal de Commerce de BOULOGNE SUR MER



REF : CP/KH





APPELANT



Maître [G] [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [D] [B] [R] et de Madame [S] [W]

demeurant [Adresse 1]

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Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Antoine DEGUINES, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER







INTIMÉE



SCI BROUTIN, prise en la personne de ses dirigeant...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 18/12/2014

***

N° de MINUTE : 14/

N° RG : 13/07274

Jugement (N° 2012004251)

rendu le 18 Septembre 2013

par le Tribunal de Commerce de BOULOGNE SUR MER

REF : CP/KH

APPELANT

Maître [G] [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [D] [B] [R] et de Madame [S] [W]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Antoine DEGUINES, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

INTIMÉE

SCI BROUTIN, prise en la personne de ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me François LESTOILLE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

DÉBATS à l'audience publique du 22 Octobre 2014 tenue par Christine PARENTY magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Caroline NORMAND

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine PARENTY, Président de chambre

Philippe BRUNEL, Conseiller

Sandrine DELATTRE, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Caroline NORMAND, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 septembre 2014

***

Vu le jugement contradictoire du 18 septembre 2013 du Tribunal de Commerce de Boulogne sur mer ayant débouté Maître [L], es qualité de liquidateur judiciaire de monsieur [B] [R] [D] et madame [S] [W] , l'ayant condamné à payer es qualité 1500€ à la SCI Broutin sur la base de l'article 700 du code de procédure civile;

Vu l'appel interjeté le 23 décembre 2013 par Maître [L] es qualité de liquidateur de monsieur [D] et madame [W];

Vu les conclusions déposées le 8 avril 2014 pour la SCI Broutin;

Vu les conclusions déposées le 9 juillet 2014 pour Maître [L] es qualité de liquidateur de monsieur [D] et madame [W];

Vu l'ordonnance de clôture du 11 septembre 2014;

Maître [L] es qualité a interjeté appel aux fins d'infirmation du jugement; il demande à la Cour de constater que le refus d'acceptation de la cession du droit au bail par la SCI Broutin en sa qualité de bailleur est constitutif d'une faute , que cette faute lui a causé un préjudice de 21 346,42€, de condamner la SCI à lui payer cette somme outre 3000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soulève l'incompétence au profit du Tribunal de Grande Instance de Boulogne sur Mer; à titre subsidiaire, elle sollicite le débouté et 3000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 7 mai 2002, la SCI Broutin a loué à titre commercial à monsieur et madame [D] un local à usage de café restaurant à [Localité 3] pour 9 ans moyennant un loyer annuel de 7500€, à compter du 1 avril 2002.

Monsieur [D] a été placé en redressement judiciaire le 13 avril 2006, puis en liquidation le 20 janvier 2011.

Le 12 décembre 2008, la SCI Broutin a formé une demande de révision du loyer qui n'a pas été acceptée par les preneurs qu'elle a assignés; elle a été déboutée au motif qu'elle n'avait pas valablement formé de demande préalable de révision triennale du loyer à compter du 1 mai 2005.

Le 3 mars 2010, elle a délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire prenant en compte le loyer majoré; le 2 avril 2010 , les preneurs et maître [L] ont saisi le Tribunal de Grande Instance en opposition mais aucune décision n'a été rendue.

À défaut de congé, ou de décision judiciaire, les intimés plaident que le bail s'est poursuivi par tacite reconduction à compter du 31 mars 2011.

À la suite de la liquidation, maître [L] a voulu réaliser les actifs dont le fonds de commerce et une proposition chiffrée a été faite à hauteur de 25 700€ mais la cession n'a pu avoir lieu en raison du défaut d'accord de la SCI Broutin à la cession du droit au bail.

L'appelant plaide l'existence du bail tant qu'aucune décision judiciaire passée en force de chose jugée n'a constaté la résiliation du dit bail; il souligne que le commandement visait un loyer majoré non accepté, qu'il stipulait que le demandeur entendrait 'si bon lui semble' se prévaloir de la clause, donc ne précisait pas clairement au destinataire que la résiliation serait acquise en cas de non paiement, que l'intention doit être clairement précisée, que le montant visé était inexact. Il rappelle que le défaut d'exploitation plaidé par la SCI , pendant la période d'observation, n'entraîne pas la résiliation du bail, que surtout cette exploitation n'a fait l'objet d'aucune radiation , que d'ailleurs au 31 août 2011, le bien était toujours configuré pour une activité de café restaurant, qu'il est faux de dire qu'un bail n'existe pas si le locataire cesse son exploitation.

Il estime que la SCI a commis une faute en empêchant la cession du fonds à un prix satisfaisant, conformément à l' article L 145-16 du code de commerce qui déclare nulles les conventions qui tendent à interdire au locataire de céder son bail ou ses droits qu'il tire du statut des baux commerciaux, l'article 11 du contrat prévoyant qu'il faut recueillir le consentement du bailleur en cas de cession sauf dans le cas de la cession du bail à son successeur dans son commerce.

Il en conclut que la SCI ne pouvait s'opposer mais que malgré tout son consentement était nécessaire et doit rembourser le préjudice qui est de 17 346,42€, soit le prix proposé moins le produit de la vente du matériel et de la licence à la dite SCI. Il répond à son adversaire que la proposition était ferme et que l'activité n'était pas radiée, qu'il a subi un préjudice en termes de temps perdu qu'il évalue à 4000€, que le lien ente la faute et le préjudice est établi.

La SCI affirme que la procédure d'opposition au commandement de payer n'est plus en cours, que Maître [L] y a renoncé, que faute d'opposition, le jeu de la clause résolutoire est acquis, qu'elle a mis au courant l'agence intermédiaire qui s'occupait de la vente envisagée par Maître [L] de ce point acquis, qu'elle a dû le rappeler au notaire chargé de la vente, en lui précisant que les loyers n'avaient plus été payés pendant un délai supérieur à 3 mois, de sorte que l'immeuble lui a été rendu et qu'elle a acquis la licence et les meubles.

Elle précise que le commandement a été délivré pendant la procédure collective, que ses causes n'ont jamais été régularisées, que l'opposition n'a jamais été validée, l'affaire ayant été radiée du fait même des intimés, atteinte par la péremption, de sorte que la procédure ne peut plus être reprise et que la clause résolutoire est acquise; elle affirme que le commandement de payer visait bien la clause contrairement à ce qu'en a dit le notaire, que le bail n'existait donc plus, d'autant que monsieur [D] avait cessé l'exploitation de son fonds de commerce de restauration, exploitant sans autorisation une nouvelle activité d'ébéniste, malgré l'interdiction contenue dans le bail.

La SCI ajoute que Maître [L] n'a jamais saisi le Tribunal de Grande Instance pour voir autorisé le bail sans le consentement express et par écrit du bailleur, que la cession du bail sans respecter la clause est irrégulière et peut entraîner la résiliation; elle conteste la réalité du préjudice, la proposition d'achat ne signifiant pas que la cession aurait pu se faire, une banque n'accordant pas de financement dans de telles conditions.

Sur ce

Dans le dispositif de ses conclusions, la SCI a maintenu une demande d'incompétence au profit du Tribunal de Grande Instance de Boulogne sur Mer, autour de laquelle elle n'argumente plus dans ses conclusions et qui manifestement ne peut concerner la Cour; il n' y sera donc pas fait référence, d''autant que le tribunal de commerce a clairement rappelé que la vente d'un fonds de commerce est un acte de commerce.

Le bail signé entre les parties a été consenti moyennant un loyer annuel de 625€; monsieur [D] a été placé en redressement judiciaire le 13 avril 2006. En décembre 2008, la SCI a désiré voir le loyer révisé et a proposé aux preneurs un loyer de 808,11€ mensuel qu'il n'ont pas accepté. Saisi, le 1 juillet 2009, le juge des loyers commerciaux de Boulogne sur Mer a débouté la SCI en estimant qu'elle n'avait pas valablement formé de demande préalable de révision triennale du loyer à compter du 1 mai 2005.

Le commandement visant la clause résolutoire pour cause de loyers impayés a été délivré le 3 mars 2010 aux preneurs sur la base du loyer de 808,11€ qu'ils contestaient et qui n'avait pas été entériné et indiquait en deuxième page que dans le mois, à défaut de satisfaire au commandement, le demandeur 'entendra si bon lui semble se prévaloir de la clause résolutoire'.

Critiquant la valeur de ce commandement au regard de ces deux mentions, les preneurs y ont fait opposition accompagnés de Maître [L], pris en sa qualité de mandataire judiciaire. Il résulte de la lecture des pièces versées aux débats, que la procédure a été radiée pour défaut de diligences. Elle a subi les vicissitudes de la procédure collective. La liquidation étant intervenue le 20 janvier 2011, les époux [D] ont été contraints de demander le rabat de la clôture par conclusions du 31 janvier 2011pour mise en cause de Maître [L], mais cette fois en qualité de liquidateur. Le magistrat de la mise en état a radié cette affaire le 1 février 2011, qui n'a jamais été reprise, par aucune des deux parties.

En conséquence, aucune décision judiciaire n'a été rendue sur cette opposition.

Or, en cette matière, dans la mesure où le juge doit vérifier que les conditions de validité du commandement sont bien remplies, a fortiori qu'elles sont contestées, et où la suspension des effets de la clause résolutoire peut être sollicitée tant que la résiliation du bail n'a pas été constatée par une décision passée en force de chose jugée, la résiliation du bail, par l'effet de la clause visée par le commandement de payer, n'est pas d'emblée acquise, aucune décision n'étant intervenue pour la constater; à défaut, et à défaut de congé, le contrat de bail s'est poursuivi par tacite reconduction au delà du terme contractuel du 31 mars 2011.

La SCI prétend encore qu'il aurait été résilié du fait de la cessation d'activité de monsieur [D]; de ce point de vue, l'article L662-14 in fine doit s'appliquer qui dispose que' nonobstant toute clause contraire, le défaut d'exploitation pendant la période d'observation n'entraîne pas la résiliation du bail'; il est à noter au demeurant que cette cessation d'activité n'est pas établie et qu'en ce qui concerne l'activité d'ébénisterie, la bailleresse n'a adressé aucun commandement relatif à ce non respect du bail.

En conséquence, le jugement doit être infirmé qui a dit que le bail, authentique, avait force exécutoire, ce qui l'autorisait à affirmer qu'à la date d'acquisition du fonds, la résiliation du bail était acquise.

Sont nulles les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail à l'acquéreur de son fonds en vertu de l'article L 145-16 du code de commerce; ici l'article 11 comportait une impossibilité de le céder sans le consentement express du bailleur , sauf le cas de cession du bail à son successeur dans son commerce ou son entreprise.

La cession ne pouvait se faire sans l'accord du bailleur, l'offre émise par monsieur et madame [C] y étant conditionnée et l'article 11 stipulant que toute cession devait être réalisée par acte authentique auquel le bailleur serait appelé.

Ainsi, la SCI devait donner son accord mais n'était pas en droit de le refuser.

Il a été jugé que le bailleur qui refuse la cession d'un bail ou la soumet à des conditions exagérées engage sa responsabilité. La SCI Broutin en faisant échec de par son attitude à la cession possible du fonds au profit des époux [C] qui avait formulé une proposition ferme d'achat, sans condition de financement, a commis une faute , qui a causé un préjudice direct à la liquidation qui s'est vue privée du montant de la vente , soit de la somme de 25 700€. Elle doit réparer le montant du préjudice subi qui s'entend de ce chiffre dont il faut ôter le prix du matériel et de la licence vendus par la suite. C'est donc bien un chiffre de 17 346,42€ qu'il faut retenir auquel il est légitime d'ajouter le préjudice né du temps perdu et des démarches devenues inutiles qui sera chiffré à 2500€.

Déboutée de l'ensemble de ses demandes, la SCI Broutin doit être condamnée à payer 3000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile à Maître [L] es qualité.

Par ces motifs

La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe

Infirme le jugement;

Déboute la SCI Broutin de l'ensemble de ses demandes;

Constate que le refus d'acceptation de la cession du droit au bail par la SCI Broutin en sa qualité de bailleur est constitutif d'une faute;

Condamne la SCI Broutin à payer à Maître [L], es qualité de liquidateur judiciaire de monsieur [D] et de madame [W] la somme de 19 846,42€ en réparation du préjudice et 3000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

C. NORMANDC. PARENTY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 13/07274
Date de la décision : 18/12/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°13/07274 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-18;13.07274 ?
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