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18/12/2014 | FRANCE | N°13/06719

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 7 section 2, 18 décembre 2014, 13/06719


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 7 SECTION 2



ARRÊT DU 18/12/2014



***



N° MINUTE : 14/ 1054

N° RG : 13/06719



Jugement (N° 11/01970)

rendu le 04 Novembre 2013

par le Juge aux affaires familiales de VALENCIENNES

REF : AF/HF



APPELANT



Monsieur [C], [K], [S] [A]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représenté par Me Frédé

ric COVIN, membre de la SCP DEBACKER & ASOCIES, avocat au barreau de VALENCIENNES constitué aux lieu et place de Maître Abdelcrim BABOURI, avocat au barreau de VALENCIENNES





INTIMÉE



Madame [I] [B] [H] [Q]

née l...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 7 SECTION 2

ARRÊT DU 18/12/2014

***

N° MINUTE : 14/ 1054

N° RG : 13/06719

Jugement (N° 11/01970)

rendu le 04 Novembre 2013

par le Juge aux affaires familiales de VALENCIENNES

REF : AF/HF

APPELANT

Monsieur [C], [K], [S] [A]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Frédéric COVIN, membre de la SCP DEBACKER & ASOCIES, avocat au barreau de VALENCIENNES constitué aux lieu et place de Maître Abdelcrim BABOURI, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE

Madame [I] [B] [H] [Q]

née le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Sylvie REGNIER, avocat au barreau de DOUAI

Assistée par Maître Marc MICHEL, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Isabelle CHASSARD, Président de chambre

Yves BENHAMOU, Conseiller

Agnès FALLENOT, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Lima GHARBI

DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 17 Septembre 2014,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2014 après prorogation du délibéré en date des 30 octobre 2014 et 20 novembre 2014et signé par Isabelle CHASSARD, Président, et Lima GHARBI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 septembre 2014

***

Mme [I] [Q] et M. [C] [A] se sont mariés le [Date mariage 1] 1972 à [Localité 4], après avoir conclu le 7 juillet 1972 un contrat de communauté de biens réduite aux acquêts devant Maître [E] [Y], substituant Maître [O] [T], notaire à [Localité 4].

De leur union sont nés [M], le [Date naissance 5] 1973, et [D], le [Date naissance 4] 1978, tous deux désormais majeurs et autonomes.

Sur requête du 18 octobre 2000 présentée par M. [A], une ordonnance de non-conciliation a été rendue par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Valenciennes le 12 décembre 2000.

Par acte d'huissier du 9 janvier 2001, M. [A] a assigné Mme [Q] en divorce à ses torts exclusifs.

Par jugement du 18 mai 2005, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Valenciennes a débouté M. [A] de toutes ses demandes, l'a condamné à payer à Mme [Q] la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

Par requête déposée au greffe le 17 juillet 2006, M. [A] a formé une nouvelle demande en divorce.

Par ordonnance de non-conciliation du 14 novembre 2006, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Valenciennes a notamment :

- constaté que les époux résident séparément ;

- attribué la jouissance gratuite du domicile conjugal à Mme [Q] au titre du devoir de secours ;

- attribué à M. [A] la jouissance onéreuse de l'appartement situé à [Adresse 3] ;

- débouté Mme [Q] de sa demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours ;

- fixé à la somme de 3.000 euros la provision ad litem due par M. [A] à Mme [Q].

Par acte d'huissier délivré le 29 mars 2007, M. [A] a fait assigner son épouse en divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Par ordonnance d'incident du 1er juillet 2008, le juge de la mise en état a notamment:

- ordonné une expertise comptable confié à M. [F] [R] pour procéder à l'évaluation de la société SOLESPAM, préciser le montant du compte courant détenu par M. [A] dans cette société et l'évolution dudit compte courant depuis le 12 décembre 2000, date de la première ordonnance de non-conciliation ;

- désigné M. le président de la chambre des notaires, avec faculté de délégation, en vue d'élaborer un aperçu liquidatif du régime matrimonial.

Par ordonnance d'incident en date du 21 janvier 2011, le juge de la mise en état a notamment condamné M. [A] à produire, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du mois suivant la signification de la décision :

- le bail du local d'habitation occupé par [C] [A] et sa concubine, ainsi que les procès verbaux d'assemblée de la société SOLESPAM ayant autorisé cette convention réglementée par la loi puisque bénéficiant au dirigeant de la société,

- toutes explications sur les raisons pour lesquelles le loyer du local d'habitation est resté identique sans aucune indexation ni augmentation entre le ler octobre 2002 et le 30 septembre 2008,

- toutes explications de l'expert comptable de la société SOLESPAM permettant de savoir pour quelles raisons aucune charge locative n'a été facturée par la société SOLESPAM à ses locataires,

- toutes explications sur les raisons pour lesquelles aucun avantage en nature relatif à l'utilisation personnelle du véhicule Mitsubishi n'a été comptabilisé alors que [C] [A] dispose de ce véhicule dont les mensualités de crédit bail sont prises en charge par la société SOLESPAM,

- toutes explications permettant d'éclairer le tribunal et les parties sur le fait que, malgré la prise en charge directe par la société SOLESPAM de l'ensemble des dépenses liées au véhicule (loyer, assurance, réparation, carburant) des remboursements kilométriques sont versés à [C] [A],

- toutes explications sur les utilisateurs des véhicules repris au bilan à savoir le véhicule Mitsubishi ci-dessus et un véhicule Land Rover,

- toutes informations concernant l'identité de l'acquéreur d'un véhicule Pajero acheté par la société SOLESPAM le 3 août 2007 au prix de 32 800 euros,

- toutes explications concernant les dépenses personnelles effectuées par [C] [A] excédant le montant des sommes dont il disposait en compte courant,

- le compte courant ne pouvant être débiteur, un complément de rémunération a été attribué comptablement au cours des exercices échus entre 2003 et 2008 pour des sommes non négligeables alors que la rémunération du gérant doit être fixée par un vote des associés préalable à son versement,

- tous documents justifiant des cadeaux aux clients et frais de réception,

- production de toutes les factures de restaurant et d'hôtel exposés les vendredis, samedis et dimanches,

- toutes explications concernant les factures du concessionnaire PHILIPPE à [Localité 5] (la compagne de [C] [A] qui n'a aucune fonction dans l'entreprise, a précisément acheté un véhicule chez ce garagiste),

- toutes explications de [C] [A] concernant des achats de boissons à hauteur de 3800 euros sur la société au cours de l'exercice 2003-2004,

- toutes explications concernant les frais de déplacement au Maroc de [C] [A] alors que la société SOLESPAM n'a aucun client dans ce pays et que le couple [A]-[G] a fait l'acquisition d'un immeuble à [Adresse 2], Maroc,

- production par [C] [A] de l'ensemble des notes d'honoraires d'avocat payées par la société SOLESPAM de 2000 à 2010.

Par ordonnance d'incident du 11 octobre 2011, le juge de la mise en état a notamment :

- liquidé l'astreinte précédemment prononcée en raison de la défaillance de M. [A] à répondre pleinement à l'injonction de communiquer, à hauteur de 5.000 euros;

- prorogé le délai imparti à l'expert pour déposer son rapport ;

- rappelé que l'expert a réclamé à M. [A] les pièces suivantes :

- détail des comptes courants d'associés de la société SOLESPAM pour la période du 12 décembre 2000 au 30 septembre 2002 ;

- détail des comptes de réserves sur la même période ;

- grand livre et bilan de la société SOLESPAM pour la période du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2009 ;

- condamné M. [A] aux dépens de l'incident ainsi qu'à payer la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le rapport d'expertise comptable a été déposé le 23 janvier 2012.

Par ordonnance d'incident en date du 3 juillet 2012, le juge de la mise en état a :

- liquidé l'astreinte à hauteur de 3.500 euros ;

- débouté Mme [Q] de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné M. [A] aux dépens de l'incident ainsi qu'à payer à Mme [Q] la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 28 février 2013, la cour d'appel de Douai a :

- déclaré l'appel interjeté par M. [A] contre cette décision irrecevable;

- débouté Mme [Q] de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné M. [A] aux dépens de l'incident ainsi qu'à payer à Mme [Q] la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 04/11/2013, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Valenciennes a statué comme suit :

' Vu l'ordonnance de non-conciliation en date du 14 novembre 2006

Prononce, aux torts du mari, le divorce de :

[I] [B] [H] [Q] née le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 6]

et de

[C] [K] [S] [A] né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 3]

Mariés le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 4]

Ordonne le report des effets du divorce au 12 décembre 2000

Dit qu'il sera porté mention du divorce en marge de l'acte de mariage, ainsi que de l'acte de naissance de chacun des époux, conformément à l'article 1082 du Code de Procédure Civile,

Autorise [I] [B] [H] [Q] à conserver l'usage du nom du mari,

Ordonne la liquidation des droits respectifs des parties découlant du régime matrimonial.

Déboute [I] [B] [H] [Q] de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne [C] [K] [S] [A] à payer à [I] [B] [H] [Q] à titre de prestation compensatoire, un capital de 350000 euros,

Autorise l'exécution provisoire du présent jugement sur l'ensemble des chefs de demande à propos desquels la loi ne l'interdit pas,

Condamne [C] [K] [S] [A] à payer à [I] [B] [H] [Q] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamne [C] [K] [S] [A] aux dépens dont distraction au profit Maître LEMAIRE , conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile,'

Le premier juge a notamment retenu que M. [A] ne démontrait pas la réalité des griefs qu'il alléguait à l'encontre de son épouse ; qu'en revanche, il était établi qu'il entretenait lui-même une liaison adultère depuis l'année 2000 ; que la demande de dommages et intérêts formulée par Mme [Q] sous les dispositions combinées des articles 266 et 1382 du code civil devait être rejetée comme juridiquement impossible ; qu'une première ordonnance de non conciliation avait été rendue le12 décembre 2000 ; qu'il n'était pas argué d'une reprise de la vie commune postérieure à cette décision ; que le mariage avait duré 41 ans et que Mme [Q] était maire de sa commune après avoir été conseillère municipale ; qu'elle était connue sous le nom de son époux ; qu'elle justifiait donc d'un intérêt particulier à en conserver l'usage ; que le couple avait eu deux enfants ; que Mme [Q] était âgée de 66 ans et M. [A] de 63 ans ; que Mme [Q] percevait une pension de retraite de 2.495 euros suivant relevé du mois de mai 2012 ; qu'elle avait déclaré avoir perçu pour 2011 la somme de 30.437 euros, soit un revenu mensuel moyen de 2.536 euros ; qu'outre les charges de la vie courante, elle remboursait deux prêts par mensualités de 174 et 344 euros par mois ; qu'elle percevait également, en sa qualité de maire, une indemnité de fonction de 937 euros pour ses frais de représentation ; que M. [A] avait déclaré au titre de ses revenus 2011 avoir perçu 111.730 euros de salaires, outre 32.896 euros de retraites, soit 144.626 euros, représentant un revenu mensuel moyen de 12.052 euros ; qu'il vivait en couple et partageait donc ses charges ; que la valeur de ses parts dans la société SOLESPAM était estimée en 2008 à 875.000 euros et en 2010 à 983.000 euros ; qu'il n'avait pas produit toutes les pièces qui lui avaient été demandées ; qu'aucune distribution de dividende n'avait eu lieu depuis 2004; que le couple était propriétaire de la maison occupée par Mme [Q] et d'un studio situé à Hardelot ; qu'il existait donc une disparité dans les conditions de vie respectives des parties ; que ni l'âge ni l'état de santé de l'épouse ne justifiait de fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère.

LA COUR

Vu l'appel général en date du 26 novembre 2013 interjeté par M. [A],

Vu l'article 954 du code de procédure civile,

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 10 septembre 2014, M. [A] a présenté les demandes suivantes :

'Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la date d'effet du divorce entre les époux [A] [Q] s'établir à la date de leur séparation.

Présider que celle-ci est intervenue le 26 janvier 2000.

Pour le surplus,

Dire mal jugé, bien appelé, infirmant le jugement entrepris

Débouter Mme [I] [Q] de sa demande de prestation compensatoire quelle qu'en soit la forme.

Débouter Mme [I] [Q] de sa demande de dommages-intérêts tant sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil à hauteur de 10 000 €,que sur le fondement de l'article 266 du Code Civil à hauteur de 15 000 €.

Confirmer le jugement dont appel quant à la répartition des torts.

Débouter Mme [I] [Q] de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.

Statuer ce que de droit quant aux dépens et en prononcer distraction au profit de la S.C.P. DEBACKER & Associés, avocats aux offres de droit, conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.'

A l'appui de son appel, il explique qu'au moment du mariage, les deux époux étaient instituteurs. Mme [Q], plus ancienne dans la fonction, percevait un traitement supérieur. Elle a successivement été institutrice, puis directrice d'école, menant parallèlement une carrière d'élue locale puisqu'elle a été conseillère municipale, puis adjointe au maire, et enfin maire de la commune de Millonfosse.

Il a quant à lui été instituteur pendant deux années, puis a travaillé dans l'industrie métallurgique, et notamment dans la chaudronnerie au sein de l'entreprise CHAUDRAM. Il en a été licencié à la fin de l'année 1999.

Les époux ont, pour la communauté, acquis le domicile conjugal situé à [Adresse 4], un appartement situé à Hardelot en 1995, ainsi qu'un tiers des titres de la S.A.R.L. SOLESPAM, société spécialisée dans la chaudronnerie.

A l'aide de son indemnité de licenciement, M. [A] a acquis pour le compte de la communauté un autre tiers des parts représentatives du capital de cette société et consacré toute son activité professionnelle à l'essor de celle-ci, en tant que gérant majoritaire.

Il s'est séparé de Mme [Q] le 16 janvier 2000. Il a remis à son épouse les clés du domicile le 26 janvier 2000. Il s'est logé dans un appartement situé dans l'enceinte des bâtiments de la société SOLESPAM.

Les époux n'ont depuis lors ni cohabité ni collaboré, étant observé que Mme [I] [Q] a entendu se désolidariser du seul compte commun dès le 12 février 2000.

M. [A] soutient que toute l'attitude de Mme [Q] démontre qu'elle ne subira en rien des conséquences d'une particulière gravité, telle que visée par l'article 266 du code civil, en raison du divorce, qui sera prononcé quatorze années après la séparation, Mme [Q] ayant tout mis en oeuvre pour différer le prononcé du divorce. Il affirme qu'elle n'administre la preuve ni d'un préjudice moral, ni d'un préjudice matériel, alors même qu'elle formule à ce dernier titre une demande de prestation compensatoire.

Il rappelle que les époux ont un âge comparable et qu'aucun élément quant à leur état de santé n'est versé aux débats. La vie commune n'a duré que vingt-huit années. Les enfants communs sont majeurs et autonomes. Aucun des parents n'a sacrifié sa carrière à leur éducation. L'enfant commun [D] est candidat à la reprise de l'entreprise SOLESPAM.

M. [A] affirme que la liquidation du régime matrimonial va permettre un partage égalitaire des biens dépendant de la communauté, constituée de l'habitation située à Millonfosse, évaluée 450.000 €, de l'appartement d'Hardelot, évalué 198.000 €, et de 67 % de la S.A.R.L. SOLESPAM, entreprise valorisée à la somme totale de 1.839.552 € par le cabinet d'expertise mandaté par ses soins, ce qui représente une valeur supérieure à celle retenue par l'expert judiciaire.

Il argue qu'aucune disparité résultant de la dissolution du mariage n'existe, puisque lors de séparation, la situation des époux était tout à fait comparable. Il a seul fait prospérer cette société postérieurement à son départ du domicile conjugal. La valeur de l'entreprise sera cependant partagée à hauteur des 2/3 au bénéfice de l'indivision post-communautaire, en ce compris les réserves provisionnées par sécurité au regard de la conjoncture économique.

Il nie s'être montré dissimulateur pendant la durée de l'expertise, faisant valoir que les pièces sollicitées par Mme [Q] révélait une dérive vers un audit ou une mission de vérification de la comptabilité, l'expert lui-même ayant jugé que les points soulevés par l'épouse n'étaient susceptibles de modifier que le résultat de la société, et ce de manière peu significative. Il observe qu'étant gérant majoritaire, il ne bénéficiait pas d'un contrat de travail. Il n'avait régularisé aucune convention d'occupation pour le logement qu'il habitait dans les locaux de la société mais s'acquittait d'un loyer. Les cotisations sociales, les frais de déplacement personnels et les petites dépenses prises en charge par la société étaient réintégrés au débit de son compte courant, conformément aux règles comptables. Il ne bénéficiait par ailleurs que d'un véhicule de fonction et d'un téléphone professionnel. Il a désormais acquis une autre habitation avec sa compagne, avec laquelle il partage ses charges. Il rembourse la moitié de l'échéance de 3.943,99 euros du prêt contracté par la S.C.I. La Haute Couture.

M. [A] souligne que les deux parties sont retraitées. S'il poursuit son activité de gérant de la S.A.R.L. SOLESPAM, il a le projet de céder ses parts et s'est déjà renseigné les conséquences d'une telle cession. Il a fait des démarches pour être accompagné dans cette démarche. [D], fils commun aux parties, est candidat à la reprise et dispose déjà d'importantes responsabilités au sein de la société. Cette retraite programmée est de nature à faire disparaître totalement la disparité qu'a pu relever le premier juge, puisque si la pension de Mme [Q] s'établit à 2.536 € en moyenne, la sienne s'élève à 2.741,33 €, étant rappelé qu'en application du principe d'intangibilité des retraites, son montant ne variera plus puisqu'il a fait procéder à sa liquidation.

M. [A] reproche à son épouse d'exagérer ses charges, notamment en se prévalant de deux prêts contractés auprès de la Caisse d'Epargne, remboursables par échéances mensuelles de 174.38 € et 344.08 €, désormais terminés.

Il relève qu'elle ne subit aucune pression fiscale et qu'elle tirera de la liquidation du régime matrimonial, dont la valeur a été largement majorée par son labeur au sein de la société SOLESPAM, un capital largement suffisant pour assurer son logement dans de très bonnes conditions.

Il observe qu'elle dissimule ses biens propres, constitués de ses droits indivis d'un tiers dans un immeuble situé à [Adresse 5], importante propriété bâtie en face de l'établissement thermal sur un demi hectare.

Il indique avoir quant à lui recueilli des droits indivis dans diverses parcelles attribuées au terme d'une donation-partage du 7 avril 2005, qu'il a apportés à une S.C.I. dénommée P. [A], et des droits indivis en nue-propriété à hauteur de 1/6e dans d'autres parcelles. Ces droits ont été évalué en 2005 à 12.500 €. Au décès de sa mère, intervenu en 2011, il a reçu la somme de 9.709,11 €.

Son compte courant d'associé au 30 septembre 2012 s'élevait à la somme de 19 718.83 € et s'élevait au 30 septembre 2013 à la somme de 20.584.88 €.

Sa rémunération a été réduite à 5.000 € mensuels, à compter du 1er octobre 2013, pour tenir compte de la situation économique et lui permettre d'amorcer la fin de ses fonctions au sein de l'entreprise. Il assure le règlement de charges de copropriété de 812,26 € et d'une taxe d'habitation de 897 €pour l'appartement d'Hardelot , d'une taxe d'habitation de 821 € et d'une taxe foncière de 646 € outre diverses assurances. Il dispose, comme Mme [Q], d'une salariée à domicile, mais pour un montant deux fois moins important. Il règle un impôt sur le revenu très lourd, qui aura vocation à diminuer considérablement après la cession de l'entreprise.

Il rappelle à toutes fins utiles que le principe en matière de prestation compensatoire est le règlement d'un capital. Il fait valoir que Mme [Q] ne justifie nullement remplir les conditions posées à l'article 276 du code civil nécessaires pour pouvoir prétendre au versement d'une rente viagère, de sorte que seul un capital pourrait être alloué. Ses demandes en abandon de droits en pleine propriété ou en usufruit sont au surplus exorbitantes.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 7 août 2014, Mme [Q] a présenté les demandes suivantes :

' Débouter M. [A] de toutes ses demandes fins et conclusions

Recevoir Mme [Q] en son appel incident, le dire bien fondé et statuant comme aurait dû le faire le premier Juge,

Condamner M. [A] au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts par application de l'article 266 du Code Civil et de 10.000 euros sur le fondement de l'article 1382 du même code.

Condamner M. [A] au paiement d'une prestation compensatoire sous forme, d'une part d'une rente mensuelle viagère de 2.000 euros indexée sur l'indice de la consommation des ménages urbains, d'autre part de la cession forcée des droits de M. [A] en nue propriété et usufruit sur l'immeuble commun sis à [Adresse 4]

Subsidiairement pour le cas où il ne serait pas fait droit à cette dernière demande, outre la rente mensuelle, ordonner la cession forcée des droits en usufruit de M. [A] sur l'immeuble situé à [Adresse 4] outre un capital de 150.000 €

A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où il ne serait pas fait droit à la demande de rente et à la demande de cession forcée des droits en nue-propriété et/ou en usufruit, condamner M. [A] à payer à Mme [Q] un capital de 350.000 euros.

Dire que les effets patrimoniaux du divorce rétroagiront au 14 novembre 2006, date de l'ordonnance de non conciliation et non au 26 janvier 2000.

Confirmer le jugement dont appel pour le surplus.

Débouter M. [A] de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

Y ajoutant, le condamner au paiement d'une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure d'appel.

Condamner M. [A] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Sylvie REGNIER, Avocat aux offres de droit. '

Mme [Q] constate que son époux ne conteste pas le prononcé du divorce à ses torts exclusifs.

Elle rappelle qu'il a quitté le domicile conjugal après vingt-huit années de vie commune, pour vivre avec Mme [V] [G], mère de Mme [L] [X], laquelle était alors la fiancée et se trouve désormais l'épouse de leur fils [D].

Elle expose subir un préjudice moral considérable, dans la mesure où elle subit le divorce, auquel elle s'est toujours opposée en espérant le retour de son conjoint. Elle souligne qu'elle n'a pas refait sa vie.

Elle ajoute subir un préjudice matériel qui ne pourra pas être totalement compensé par l'octroi d'une prestation compensatoire, puisqu'elle ne perçoit qu'une retraite d'enseignante alors que son époux est chef d'entreprise.

Elle rappelle vivre à Millonfosse, commune de six cents habitants. Elle y a successivement exercé des fonctions d'institutrice puis de directrice de l'école, de conseillère municipale puis d'adjointe au maire et enfin de maire. L'adultère et l'abandon dont elle a été victime, au profit de la propre mère de l'épouse de son fils, sont de notoriété publique. Elle a subi des commentaires dont elle a été très meurtrie.

Elle ajoute que M. [A] a cherché par tous les moyens à dissimuler sa situation pour tenter de l'empêcher de chiffrer ses diverses demandes, notamment financières.

Elle soutient qu'il appartient à son époux de rapporter la preuve de ce que non seulement la cohabitation, mais également la collaboration, ont cessé à la date du 26 janvier 2000.

Elle indique être désormais âgée de 67 ans. Elle est retraitée de l'éducation nationale. Son seul revenu est constitué par sa pension de retraite, dont le montant mensuel est constant. Elle n'a aucun autre revenu, n'étant plus maire de sa commune. Elle a perçu une pension de retraite mensuelle de 2.536 euros en 2011, de 2.495 euros en 2012 et de 2.627 euros en 2013.

Elle estime ses charges incompressibles à 713,19 euros par mois.

M. [A] a quant à lui perçu, salaire et pension de retraite cumulés, un revenu mensuel moyen de 12.052 euros en 2011 et de 14 794.75 euros en 2012.

Il bénéficie d'avantages en nature, en l'espèce un véhicule de fonction, un téléphone, un logement dans l'enceinte de l'usine qu'il exploite et pour lequel il paie un loyer dérisoire, où il continue à se domicilier alors qu'il est constant qu'il a fait l'acquisition, avec sa concubine, d'une maison à usage d'habitation dans une ville périphérique de Saint Amand les Eaux.

Il vit maritalement avec Mme [V] [G], qu'il a embauchée et qui partage ses charges.

Il a évité de distribuer les dividendes de sa société pour les placer dans les réserves facultatives, qui s'élevaient, au 30 septembre 2000, à 118.657,69 euros, et au 30 septembre 2012, à 1.077.464,05 euros.

Son compte courant dans sa société s'élevait par ailleurs au 30 septembre 2012 à 19.718,83 euros.

Il n'a jamais collaboré loyalement à l'expertise diligentée judiciairement, démontrant une volonté de dissimuler sa situation.

Mme [Q] s'interroge sur l'existence d'abus de biens sociaux commis par son époux, qui minimiserait l'actif de communauté à son détriment.

Elle rappelle avoir élevé les deux enfants communs et ainsi déchargé son mari des tracas quotidiens, lui permettant de se consacrer au développement de sa société et à l'accroissement de ses revenus.

Le prononcé définitif du divorce lui fera perdre le bénéfice de la jouissance gratuite du domicile conjugal. Or elle n'a pas les moyens de prendre un autre logement.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

La clôture des débats a été prononcée par ordonnance en date du 17 septembre 2014.

MOTIFS :

Il résulte des conclusions susvisées que les parties s'opposent sur :

- la date des effets du divorce quant aux biens, Mme [Q] demandant qu'elle soit fixée au 14 novembre 2006 et non au 26 janvier 2000 comme le demande M. [A] ;

- l'octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil, Mme [Q] sollicitant la somme de 15.000 € et M. [A] concluant au débouté par confirmation du jugement entrepris ;

- l'octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil, Mme [Q] réclamant la somme de 10.000 € et M. [A] concluant au débouté par confirmation du jugement entrepris ;

- le principe de l'octroi d'une prestation compensatoire, M. [A] s'y opposant quelqu'en soit la forme ;

- le cas échéant, les modalités de versement de ladite prestation, Mme [Q] sollicitant par ordre de préférence :

- une rente mensuelle viagère de 2.000 euros indexée sur l'indice de la consommation des ménages urbains ainsi que la cession forcée des droits de M. [A] en nue propriété et usufruit sur l'immeuble commun situé à [Adresse 4] ;

- la rente mensuelle susvisée ainsi que la cession forcée des droits en usufruit de M. [A] sur l'immeuble situé à [Adresse 4] et un capital de 150.000€ ;

- un capital de 350.000 euros ;

- la demande d'indemnité présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par Mme [Q] en cause d'appel.

La cour d'appel étant saisie dans le cadre d'un appel général, les décisions du premier juge non contestées seront confirmées.

Sur les dommages et intérêts :

Sur la demande en dommages et intérêts fondée sur l'article 266 du code civil :

Aux termes de l'article 266 du code civil, sans préjudice de l'application de l'article 270, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage, soit lorsqu'il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu'il n'avait lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint.

Mme [Q] affirme subir un préjudice moral dû au fait qu'elle subit le divorce, auquel elle s'est toujours opposée en espérant le retour de son conjoint.

Il est effectivement constant que M. [A] est à l'initiative de tous les actes de la procédure de divorce. Il reconnaît d'ailleurs lui-même dans ses écritures que son épouse a tout fait pour en différer le prononcé.

Mme [V] [Q] atteste : 'ma soeur aime beaucoup son mari et elle n'a jamais osé se plaindre ou dire quelque chose qui aurait pu menacer l'équilibre familial. Et cette fois encore, elle reste persuadée que comme d'habitude, il reviendra'.

Il s'agit toutefois du seul témoignage en ce sens. Il est daté du 8 janvier 2002. Il n'est conforté par aucun autre élément, notamment médical.

En conséquence, il n'est pas établi que Mme [Q] subit un préjudice moral d'une particulière gravité liée à la dissolution de son mariage, étant rappelé que la séparation date de quatorze années.

Elle sera donc déboutée de sa demande en dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil.

Sur la demande en dommages et intérêts fondée sur l'article 1382 du code civil :

Aux termes de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Mme [Q] ne démontre pas qu'elle subit un préjudice matériel distinct de celui ayant vocation à être indemnisé par une prestation compensatoire, étant rappelé qu'elle invoque uniquement la différence de revenus existant entre les époux.

Elle établit , par l'unique témoignage de sa belle-fille, Mme [L] [X], que le fait que M. [A] l'ait quittée pour vivre avec Mme [G] lui a causé un choc et une souffrance particulière.

Il est certain que la situation familiale dans laquelle s'est trouvée Mme [Q] a nécessairement été extrêmement délicate compte tenu de sa notoriété en qualité d'élue dans un village de petite taille eu égard à l'abandon du domicile conjugal par son époux, à l'infidélité invoquée et au contexte familial particulier entourant la rupture du couple et qui persiste à ce jour.

Ce préjudice moral sera indemnisé par l'octroi de la somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts, que M. [A] sera condamné à lui verser étant précisé que le préjudice déjà indemnisé par le jugement du 18/05/2005 n'est pas pris en compte dans l'appréciation des dommages et intérêts accordés par la Cour.

Sur la date des effets du divorce quant aux biens :

Aux termes de l'article 262-1 du code civil, lorsqu'il est prononcé pour faute, le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, à la date de l'ordonnance de non-conciliation. A la demande de l'un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce.

La cessation de la cohabitation fait présumer la cessation de la collaboration et s'apprécie au regard de la séparation effective et indépendamment des critères relatifs à la faute.

En l'espèce, il est établi que M. [A] a définitivement quitté le domicile conjugal le 26 janvier 2000, départ qu'il a caractérisé par la remise des clés restées en sa possession à son épouse.

Mme [Q] ne fait état d'aucun acte postérieur de collaboration entre les époux au sens de l'article 262-1 du code civil, caractérisant une volonté commune allant au delà des obligations découlant du régime matrimonial. Elle a d'ailleurs fait procéder à la désolidarisation du compte joint des époux dès le 12 février 2000.

Il convient en conséquence de fixer au 26 janvier 2000 les effets du divorce dans les relations entre les époux quant à leurs biens.

La décision entreprise sera infirmée de ce chef.

Sur la prestation compensatoire :

Aux termes de l'article 270 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours entre époux. L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge. Toutefois, le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture.

Aux termes de l'article 271 du même code, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. A cet effet, le juge prend en considération, notamment la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenus, après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles, leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.

Aux termes des articles 274, 275, 275-1 et 276 du même code, le juge décide des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital. Lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l'article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires. Les modalités de versement prévues au premier alinéa de l'article 275 ne sont pas exclusives du versement d'une partie du capital dans les formes prévues par l'article 274. A titre exceptionnel, le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d'appréciation prévus à l'article 271. Le montant de la rente peut être minoré, lorsque les circonstances l'imposent, par l'attribution d'une fraction en capital parmi les formes prévues à l'article 274.

L'appel principal étant total, le prononcé du divorce n'a pas acquis force de chose jugée de sorte qu'il convient de se placer à la date du présent arrêt pour apprécier la situation des parties.

Mme [Q], née le [Date naissance 3] 1947, est âgée de 67 ans, et M. [A], né le [Date naissance 1] 1950, de 64 ans.

La vie commune dans les liens du mariage a duré vingt-huit années.

Le couple a eu deux enfants, tous deux majeurs et autonomes.

Aucun des époux ne démontre avoir sacrifié sa carrière professionnelle pour les besoins de leur éducation.

Au moment de la cessation de la communauté de vie, intervenue au mois de janvier 2000, Mme [Q] percevait un revenu mensuel moyen de l'ordre de 2.383 euros et M. [A] un revenu mensuel moyen de l'ordre de 4.717 euros, selon avis d'imposition sur le revenu de 1999.

Les revenus de l'époux n'ont pas cessé de croître depuis lors, à la suite de son investissement au sein de la société SOLESPAM.

Les pièces versées aux débats mettent ainsi en évidence que M. [A] a perçu :

- 91.818 euros en 2000 à titre de rémunérations, soit 7.651,50 euros par mois ;

- 102.700 euros en 2004 à titre de rémunérations, soit 8.558,33 euros par mois ;

- 100.584 euros en 2005 à titre de rémunérations, outre 20.101 euros de dividendes, soit 10.057,08 euros par mois ;

- 109.099 euros en 2006 à titre de rémunérations, soit 9.091,58 euros par mois ;

- 107.099 euros en 2009 à titre de rémunérations, soit 8.924,92 euros par mois ;

- 99.106 euros en 2010 à titre de rémunérations, soit 8.258,83 euros par mois ;

- 111.730 euros en 2011 à titre de rémunérations, outre 32.896 euros à titre de pensions de retraites, soit 12.052,17 euros par mois ;

- 117.456 euros en 2012 à titre de rémunérations, outre 35.765 euros à titre de pensions de retraites, soit 12.768,42 euros par mois ;

- 105.702 euros en 2013 à titre de rémunérations, outre 35.855 euros à titre de pensions de retraites, soit 11.796,42 euros par mois.

M. [A] indique ralentir son activité au sein de la société SOLESPAM, qu'il envisage de céder à son fils [D]. Sa rémunération a d'ailleurs été diminuée à 5.000 euros par mois à compter du 1er octobre 2013.

Il règle, sur ses revenus de 2013, un impôt de 35.371 euros, ce qui représente douze mensualités de 2.947,58 euros. Il s'acquitte en outre de cotisations sociales d'un montant de 52.681 euros, ce qui représente douze mensualités de 4.390,08 euros. La baisse de sa rémunération à compter du 1er octobre 2013 va cependant conduire à une diminution corrélative de son imposition.

Il vit en concubinage avec Mme [V] [G], dont les revenus ne sont pas communiqués à la cour. Il sera donc considéré que le couple partage ses charges courantes par moitié. Il a constitué la SCI La Haute Couture, laquelle a acquis leur maison d'habitation au moyen d'un prêt de 400.000 euros, remboursable par échéances de 3.943,99 euros.

Il a recours à une salariée à domicile. En 2013, il a déclaré la somme de 2.298 euros au titre des salaires versés et 1.691 euros au titre des cotisations versées.

M. [A] est par ailleurs propriétaire en propre de droits indivis dans douze parcelles situées à [Localité 4], dans le cadre d'une donation-partage reçue le 7 avril 2005, évalués à la somme de 12.500 euros à la date de rédaction de l'acte et apportés à la SCI P [A], dont il ne justifie pas des revenus fonciers.

Il a enfin hérité, à la suite du décès de ses parents, de droits sur trois parcelles situées à [Localité 4], dont la valeur n'est pas communiquée à la cour, ainsi que sur une maison d'habitation évaluée entre 200.000 euros et 210.000 euros, et de la somme de 9.709,11 euros à la suite du décès de sa mère.

Mme [Q] a quant à elle perçu :

- 29.197 euros en 2000 à titre de salaires, soit 2.433,08 euros par mois ;

- 27.292 euros en 2004 à titre de retraites, outre 11.052 euros au titre des indemnités des élus locaux, soit 3.195,33 euros par mois ;

- 27.710 euros en 2005 à titre de retraites, soit par 2.309,67 euros par mois, les indemnités d'élue locale perçues n'apparaissant pas sur le document parcellaire fourni ;

- 28.312 euros en 2006 à titre de retraites, soit 2.359,33 euros par mois, les indemnités d'élue locale perçues n'apparaissant pas sur le document parcellaire fourni ;

- 29.921 euros en 2009 à titre de retraites, outre 16.974 euros au titre des indemnités des élus locaux, soit par 3.907,92 euros par mois,

- 29.898 euros en 2010 à titre de retraites, outre 17.063 euros au titre des indemnités des élus locaux, soit 3.913,67 euros par mois,

- 30.437 euros en 2011 à titre de retraites, outre 17.088 euros au titre des indemnités des élus locaux, soit 3.960,42 par mois,

- 31.045 euros en 2012 à titre de retraites, outre 17.060 euros au titre des indemnités des élus locaux, soit 4.008,75 euros par mois,

- 31.530 euros en 2013 à titre de retraites, soit 2.627,50 euros par mois, les indemnités d'élue locale perçues n'apparaissant pas sur la déclaration de revenus produite.

Elle a fait valoir ses droits à la retraite de l'éducation nationale. Elle bénéficie également d'une retraite d'élue d'un montant de 124,54 euros bruts par mois depuis le 1er avril 2014, date à laquelle son dernier mandat a pris fin.

Elle s'est vue attribuer la jouissance gratuite du domicile conjugal par l'ordonnance de non-conciliation rendue le 14 novembre 2006, ce qui représente un avantage de l'ordre de 850 euros par mois compte tenu de la valeur de l'immeuble, auquel le caractère définitif du divorce mettra un terme.

Elle supporte une taxe d'habitation de 1.136 euros et une contribution à l'audiovisuel public de 131 euros.

Elle s'acquitte une cotisation mutualiste de 97,65 euros, déduite de sa pension de retraite.

Elle a recours à des salariés à domicile. En 2013, elle a déclaré la somme de 3.161 euros au titre des salaires versés et 2.422 euros au titre des cotisations versées.

Elle ne justifie pas du montant de son impôt sur le revenu de 2013, étant observé qu'elle n'a pas été imposée sur ses revenus de 2012 conformément à l'avis de dégrèvement du 14 septembre 2013.

Elle supporte des charges courantes classiques en rapport avec son niveau de vie.

Mme [Q] est héritière, à la suite du décès de son père, d'un sixième en nue-propriété d'un immeuble situé à [Adresse 5], d'une contenance de 48 ares et 13 centiares, évalué en toute propriété à 750.000 francs le 24 mars 1987. Aucune évaluation actualisée de la valeur de ce bien n'est produite aux débats.

La communauté est propriétaire de l'immeuble où était fixé le domicile conjugal, situé à [Adresse 4], évalué entre 460.000 et 400.000 euros, et d'un studio situé à [Adresse 3], évalué à 198.000 euros selon la déclaration sur l'honneur de M. [A] du 31 janvier 2007. Elle en assume les charges, notamment les impositions afférentes et les charges de copropriété, les avances éventuellement faites par l'un des époux pouvant donner lieu à récompense dans le cadre des opérations de préalables à la liquidation proprement dite du régime matrimonial.

La communauté a par ailleurs acquis en outre 1.340 des 2.000 parts de la société SOLESPAM, une première moitié en mai 1995 au moyen d'un prêt de 48.021 euros souscrit solidairement par les deux époux, et une seconde moitié à la fin de l'année 1999, au moyen de l'indemnité de licenciement de M. [A] de la société CHAUDRAM.

Le capital social de l'entreprise est de 90.479,88 euros, divisé depuis l'exercice 2008 en 5.937 parts de 15,24 euros chacune, dont 3.978 appartenant à la communauté [A] BONETY.

M. [F] [R], expert judiciaire, a procédé à l'évaluation de la valeur de la société SOLESPAM, qu'il a estimée entre 806.000 euros et 1.468.000 euros au 30 septembre 2010.

Il sera observé que l'expert a rappelé à juste titre que sa mission ne comprenait pas l'audit et la révision éventuelle des comptes, vers laquelle tendaient manifestement certaines demandes de pièces et d'explications présentées par l'épouse par le biais de son conseil. De même, il n'entre pas dans les attributions de la présente juridiction de statuer sur d'éventuels abus de biens sociaux.

La société MD conseil, mandatée par M. [A] en juin 2014 pour évaluer l'entreprise à des fins de transmission, a quant à elle chiffré sa valeur à 1.839.552 euros.

Si le montant des réserves facultatives de la société ont été presque multipliées par dix entre l'année 2000, où elles s'élevaient à 118.657,69 euros, et l'année 2012, où elles s'élevaient à 1.077.464,05 euros , ces sommes sont appelées à être redistribuées aux associés.

Il s'agit donc pour la Cour d'apprécier à ce jour, si la disparité alléguée par Mme [Q] dans les conditions de vie respectives des parties 'est créée par la rupture du mariage' étant rappelé qu'il peut être déduit des choix de vie effectués en commun par les époux durant l'union que la disparité constatée ne résulte pas de la rupture' (Cass. 1ère ch. civ. 24 sept. 2014 (pourvoi n°13-20-695))

Il résulte de l'ensemble des éléments de situation des parties et de procédure qui précèdent que :

- les époux vivent séparés depuis 14 années au cours desquels l'accroissement notable des revenus de M. [A] en tant que gérant de la société SOLESPAM est la conséquence d'un investissement personnel de celui ci dans cette société après son licenciement de la société CHAUDRAM intervenu à la fin de l'année 1999, la séparation étant intervenue très peu de temps avant ce développement de la société SOLESPAM et consécutivement des revenus de M [A],

- cet investissement professionnel de l'époux est à l'origine de la considérable prise de valeur de la société, dont il convient de rappeler qu'elle se trouvait en liquidation judiciaire au moment de son rachat en mai 1995.

- il n'est pas contesté que Mme [Q] n'a nullement contribué à son développement et à sa prospérité.

- les droits de Mme [Q] sur cette société représentent la moitié des parts acquises par la communauté.

- l'ordonnance de non conciliation du 12/12/2000 a rejeté la demande de jouissance gratuite du domicile conjugal présentée par Mme [Q] compte tenu de ' l'absence de besoin de l'épouse' qui était alors directrice d'école maternelle étant relevé qu'elle n'avait pas sollicité de pension alimentaire au titre du devoir de secours par ailleurs.

- Mme [Q] n'a pas été relevé appel de cette décision.

- parallèlement, pendant la période 2000-2013 Mme [Q], retraitée, s'est investie dans ses activités d'élue augmentant ses revenus d'une indemnité de maire comprise selon les années entre 921 € et 1421 €.

- même en tenant compte de l'érosion monétaire et en excluant désormais ses indemnités d'élue puisque Mme [Q] n'est plus maire au jour du présent arrêt, il résulte des données chiffrées que sa situation est restée stable au jour du présent arrêt par comparaison avec l'année 2000.

Dès lors, il n'existe pas de disparité créée par la rupture du mariage en sa défaveur au jour du présent arrêt.

Mme [Q] sera donc déboutée de sa demande de prestation compensatoire et la décision entreprise infirmée de ce chef.

Sur dépens:

Aux termes des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Les conditions dans lesquelles il peut être mis à la charge d'une partie qui bénéficie de l'aide juridictionnelle tout ou partie des dépens de l'instance sont fixées par les dispositions de la loi n°91-647 du 10/07/1991 et du décret n°91-1266 du 19/12/1991.

Aux termes des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans en avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.

Compte tenu de la nature du litige, il convient de laisser à la charge de chacune des parties les dépens exposés par elle en appel, les dépens de première instance restant répartis ainsi que décidé par le premier juge.

Par ailleurs, il y a lieu d'accorder la faculté de recouvrement direct des dépens aux conseils des parties qui l'ont sollicitée.

Sur les frais irrépétibles :

Aux termes des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat.

Les dépens ayant été partagés entre les parties, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes des parties au titre de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise, sauf en ses dispositions concernant les dommages-intérêts, la date des effets du divorce et la prestation compensatoire ;

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [I] [Q] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 266 du code civil :

Condamne M. [C] [A] à payer à Mme [I] [Q] la somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

Fixe la date des effets du divorce entre les parties, concernant leurs biens, au 26 janvier 2000 ;

Déboute Mme [I] [Q] de sa demande de prestation compensatoire ;

Et y ajoutant ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens en cause d'appel ;

Accorde la faculté de recouvrer directement les dépens aux conseils des parties.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE

L.GHARBII.CHASSARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 7 section 2
Numéro d'arrêt : 13/06719
Date de la décision : 18/12/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 72, arrêt n°13/06719 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-18;13.06719 ?
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