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19/11/2014 | FRANCE | N°12/07064

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 19 novembre 2014, 12/07064


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 19/11/2014



***



N° MINUTE :

N° RG : 12/07064



Jugement (N° 12/00403)

rendu le 18 Octobre 2012

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : VF/VC



APPELANTE

SA TROLEM, prise en la personne de son représentant légal

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Isabelle CARLIER, avoc

at au barreau de DOUAI

Assistée de Me Thierry BERNARDS, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉE

SARL BOSTON GOLF EUROPE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[S] [L]

[Adresse 2]

[A...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 19/11/2014

***

N° MINUTE :

N° RG : 12/07064

Jugement (N° 12/00403)

rendu le 18 Octobre 2012

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : VF/VC

APPELANTE

SA TROLEM, prise en la personne de son représentant légal

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Thierry BERNARDS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

SARL BOSTON GOLF EUROPE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[S] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Bernard FRANCHI, membre de la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me François ILLOUZ, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Jean-Loup CARRIERE, Président de chambre

Fabienne BONNEMAISON, Conseiller

Véronique FOURNEL, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

DÉBATS à l'audience publique du 15 Septembre 2014

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur Jean-Loup CARRIERE, Président, et Claudine POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 septembre 2014

***

Par acte du 9 janvier 2012, la société BOSTON GOLF EUROPE, spécialisée dans la distribution de matériel et d'équipement de golf, a fait assigner à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Lille la société TROLEM, spécialisée dans la conception, la fabrication et la distribution de chariots électriques, en nullité du modèle numéro 20103534 déposé à l'INPI par la société TROLEM le 5 juillet 2010, et réparation de son préjudice causé par le dénigrement fautif dont aurait usé cette dernière à son encontre.

De son côté, par acte du 4 janvier 2012, la société TROLEM a fait assigner la société BOSTON GOLF EUROPE devant le même tribunal en contrefaçon du modèle de chariot 'ONE LOCK'.

Par jugement du 8 mars 2012, le tribunal de grande instance de Lille a notamment retenu sa compétence, ordonné la jonction des procédures susvisées et renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état.

La société TROLEM demandait au tribunal :

- de dire la société BOSTON GOLF EUROPE irrecevable en sa demande de nullité de modèle,

- de la débouter de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner la société BOSTON GOLF EUROPE à lui verser la somme de 433.980 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral résultant des actes de contrefaçon,

- d'ordonner la publication de la décision à intervenir dans deux journaux ou périodiques spécialisés au choix de la société TROLEM et à la charge de la société BOSTON GOLF EUROPE,

- de condamner la société BOSTON GOLF EUROPE à lui verser la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale.

Elle réclamait en outre la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BOSTON GOLF EUROPE demandait au tribunal, au visa des articles L 511-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, et 1382 du code civil :

A titre liminaire :

- de constater que la société TROLEM n'était pas le créateur ni l'ayant cause du créateur du modèle déposé à l'INPI sous le numéro 20103534 le 5 juillet 2010,

- de constater que la société TROLEM n'était pas titulaire des droits sur ledit modèle,

- de déclarer la société TROLEM irrecevable à agir en contrefaçon dudit modèle,

A titre principal :

- de constater que le modèle déposé à l'INPI sous le numéro 20103534 le 5 juillet 2010 est antériorisé par de nombreux modèles,

- de constater qu'il est dénué de tout caractère nouveau et de tout caractère propre,

- de constater qu'il a été divulgué préalablement à son dépôt par la société WENTAI, son fabricant,

- de prononcer la nullité dudit modèle,

- d'ordonner à la société TROLEM de procéder à la radiation dudit modèle,

A titre reconventionnel :

- de dire que la société TROLEM a tenu des propos constitutifs de dénigrement fautif à l'encontre de la société BOSTON GOLF EUROPE lui causant un préjudice moral d'image,

- de constater que la société BOSTON GOLF EUROPE doit faire face à de nombreuses pertes de commandes et à un préjudice matériel,

en conséquence,

- de condamner la société TROLEM à lui payer la somme de 25.000 € sur le fondement de l'article 1382 du code civil à titre de dommages et intérêts,

- de condamner la société TROLEM à lui payer la somme de 100.000 € sur le même fondement en réparation d e son préjudice moral et d'image,

- d'ordonner la publication du dispositif de la décision sur la page d'accueil du site de la société TROLEM ainsi que dans la presse spécialisée à savoir dans les magazines ' Golf Europe', ' Golf Magazine', ' Journal du Golf' et ' L'Equipe' pendant une durée de trente jours aux frais de la société TROLEM sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 4.000 € HT ;

Elle réclamait en outre la somme de 25.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 18 octobre 2012, le tribunal de grande instance de Lille a :

- déclaré la société TROLEM recevable à agir en contrefaçon du modèle numéro 20103534,

- déclaré la société BOSTON GOLF EUROPE recevable à agir en nullité du modèle numéro 20103534,

- constaté le défaut de nouveauté du modèle numéro 20103534 déposé le 5 juillet 2010 par la société TROLEM,

en conséquence :

- prononcé la nullité du modèle numéro 20103534 déposé le 5 juillet 2010 par la société TROLEM,

- débouté la société TROLEM de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société TROLEM à payer à la société BOSTON GOLF EUROPE les sommes de 100.000 € en réparation de son préjudice économique et de 25.000 € en réparation de l'atteinte à l'image,

- ordonné la publication du dispositif du jugement sur la page d'accueil du site Internet de la société TROLEM, ainsi que dans trois magazines de la presse spécialisée en matière sportive, aux frais de la société TROLEM, au prix de 4.000 € HT maximum pour chaque insertion soit une somme globale maximum de 12.000 € HT,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté la société BOSTON GOLF EUROPE du surplus de ses demandes,

- condamné la société TROLEM à payer à la société BOSTON GOLF EUROPE la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société TROLEM a relevé appel de ce jugement le 19 novembre 2012.

Par acte du 22 novembre 2012, la société TROLEM a fait assigner en référé la société BOSTON GOLF EUROPE devant Madame la Première Présidente de la cour d'appel de Douai afin de demander l'arrêt de l'exécution provisoire.

Par ordonnance de référé du 17 janvier 2013, il a été fait droit à cette demande.

Dans ses dernières conclusions du 21 juillet 2014, la société TROLEM demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré la société TROLEM recevable à agir en contrefaçon du modèle numéro 20103534 sur le fondement du chariot EZ Cart, et :

In limine litis :

- de constater que la société TROLEM a un intérêt pour agir, et de la déclarer recevable en ses demandes,

- de constater que la société BOSTON GOLF EUROPE n'a pas d'intérêt pour agir, et de la déclarer irrecevable en ses demandes,

Au fond :

- de constater que le modèle numéro 20103534 déposé par la société TROLEM à l'INPI (chariot ' ONE LOCK') présente un caractère nouveau et un caractère propre,

- de dire et juger que le modèle numéro 20103534 déposé par la société TROLEM à l'INPI (chariot ' ONE LOCK') est valide et ne contrefait pas le chariot CLICGEAR,

- de dire que les attestations produites par la société BOSTONS GOLF EUROPE sous les n° 64, 68, 69, 70, 71 et 72 n'obéissent pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile, sont entachées de nullité et doivent être rejetées des débats,

- de constater que le chariot EZ CART est une copie servile du modèle français numéro 20103534 déposé par la société TROLEM à l'INPI,

- de dire que la société BOSTON GOLF EUROPE a commis des actes en contrefaçon de ce modèle,

- de condamner la société BOSTON GOLF EUROPE à verser à la société TROLEM la somme de 415.350 € à titre de dommages-intérêts, et la somme de 50.000 € au titre de la réparation de son préjudice moral,

- d'ordonner la publication de l'arrêt sur la page d'accueil du site de la société BOSTON GOLF EUROPE ainsi que dans trois journaux ou périodiques spécialisés dans le domaine sportif au choix de la société TROLEM et à la charge de la société BOSTON GOLF EUROPE qui devra avancer à la société TROLEM le prix des insertions sur simple devis ou facture pro forma, à concurrence de 5.000 € par insertion,

- de dire que la société BOSTON GOLF EUROPE a commis des actes de concurrence déloyale,

- de condamner la société BOSTON GOLF EUROPE à verser à la société TROLEM des dommages-intérêts d'un montant de 100.000 €,

- d'ordonner la restitution des sommes versées à la société BOSTON GOLF EUROPE en exécution du jugement du 18 octobre2012,

En tout état de cause :

- de débouter la société BOSTON GOLF EUROPE de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner la société BOSTON GOLF EUROPE à verser à la société TROLEM la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BOSTON GOLF EUROPE, dans ses conclusions récapitulatives du 11 septembre 2014, demande à la cour :

- de constater que la société TROLEM n'a pas participé à la création du chariot enregistré sous le numéro 20103534 le 5 juillet 2010, et qu'elle n'en est pas le co-auteur,

- d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré la société TROLEM recevable à agir en contrefaçon du modèle enregistré sous le numéro 20103534,

- de confirmer la décision en ce qu'elle a :

- déclaré la société BOSTON GOLF EUROPE recevable à agir en nullité du modèle,

- constaté le défaut de nouveauté du modèle enregistré sous le numéro 20103534

- de constater le défaut de caractère propre du modèle numéro 201033534,

en conséquence :

- de confirmer la nullité dudit modèle et le débouté des demandes de la société TROLEM,

- de condamner la société TROLEM à payer à la société BOSTON GOLFEUROPE les sommes de 100.000 € en réparation de l'atteinte à l'image et de 1.000.000 € en réparation de son préjudice économique,

- d'ordonner la publication du dispositif de la décision sur la page d'accueil du site internet de la société TROLEM sur deux tiers d'écran ainsi que dans quatre supports de la presse écrite, le journal ' L'Equipe', les magazines, 'Journal du Golf', ' Golf Magazine' et ' golf Européen' aux frais de la société TROLEM au prix de 4.000 € HT maximum pour chaque insertion soit une somme globale maximale de 16.000 € HT,

- de condamner la société TROLEM à payer à la société BOSTON GOLF EUROPE la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2014.

SUR CE,

Sur la demande de rejet des attestations produites par la société BOSTONS GOLF EUROPE sous les n° 64, 68, 69, 70, 71 et 72

La société TROLEM sollicite le rejet des attestations susvisées au motif qu'elles ne seraient pas conformes à l'article 202 du code de procédure civile.

Elle invoque le fait que certaines de ces attestations ne sont pas manuscrites et qu'elles comportent toutes, à l'exception de l'attestation n° 64, la formule identique suivante :

'Je suis conscient que la présente attestation est destinée à être produite en justice', sans préciser le régime pénal des sanctions attachées aux fausses déclarations.

Les dispositions de l'article 202 du code de procédure civil ne sont pas prescrites à peine de nullité. Le juge ne peut rejeter une attestation comme non conforme à l'article 202 sans préciser en quoi l'irrégularité constatée constituerait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'attaque.

En l'espèce, les attestations produites sont toutes signées de leur auteur et accompagnées d'un document officiel justifiant leur identité.

Le fait que le troisième alinéa de l'article ne soit pas reproduit in extenso, sauf dans l'attestation n° 64, ne constitue pas une formalité substantielle ou d'ordre public.

Par ailleurs si certaine attestations ne sont pas manuscrites, elles sont signées de leur auteur, rédigées chacune de manière personnelle et plus ou moins circonstanciée.

Il ne s'agit pas d'attestations identiques en la forme.

Les irrégularités mineures invoquées ne font pas grief à la société TROLEM.

Sa demande de rejet des débats desdites attestations sera écartée.

Sur la recevabilité de la société TROLEM à agir en contrefaçon du modèle 20103534

Par application des dispositions de l'article L 511-9 du code de la propriété intellectuelle, la protection du dessin ou modèle, qui s'acquiert par l'enregistrement, est accordé au créateur ou à son ayant cause, et l'auteur de la demande est, sauf preuve contraire, regardé comme le bénéficiaire de cette protection.

Le déposant bénéficie d'une présomption de titularité du modèle déposé, jusqu'à preuve contraire.

La société BOSTON GOLF EUROPE soutient que la société TROLEM n'aurait pas qualité à agir, n'étant ni le créateur, ni le cessionnaire des droits, ni le co-auteur du modèle litigieux, que seules les sociétés WENTAI, fabricant chinois dont TROLEM est le distributeur, et [M] [N], fabricant chinois dont BOSTON GOLF EUROPE est le distributeur, ont collaboré dans la création du modèle de chariot enjeu du litige.

Elle produit notamment les mails échangés entre ces sociétés entre mai et novembre 2009.

Ces échanges de mail ( rédigés en anglais et non traduits en vue de leur production en justice) mettent en évidence l'existence de relations commerciales entre les sociétés mais ne permettent pas d'affirmer qu'elles auraient seules conçu le chariot dans le cadre d'un partenariat, non évoqué et non établi.

Le contentieux entre les deux sociétés développé devant les juridictions chinoises n'est pas de nature à établir l'existence d'une collaboration entre elles.

En outre, aucune information pertinente n'étant apportée sur le régime chinois en matières d'oeuvre collective, la portée des droits éventuels de chacune des sociétés ne peut utilement être utilisée dans le cadre de la présente procédure.

Les attestations de [I] du 20 juin 2010, faisant état d'une collaboration avec le représentant de TROLEM, et de WENTAI SPORTS EQUIPMENT, datée du 29 mai 2013, détaillant précisément les améliorations apportées au 'ONE LOCK' grâce à la collaboration de Monsieur [E], représentant de TROLEM, ne peuvent être qualifiées d'attestations de complaisance sans élément à l'appui.

La société BOSTON GOLF EUROPE a fait citer la société TROLEM devant le Tribunal correctionnel de Lille le 3 mai 2013 en établissement d et usage d'une attestation ou d'un certificat inexact, et tentative d'escroquerie, concernant l'attestation du 20 juin 2010.

La société TROLEM a été relaxée des fins de la poursuite par jugement du 4 avril 2014.

La société BOSTON GOLF EUROPE n'apporte pas d'éléments suffisants de nature à combattre la présomption de l'article L 511-9 du code de la propriété intellectuelle.

Au surplus, ainsi que l'a relevé à juste titre la juridiction du premier degré, la société BOSTON GOLF EUROPE ne rapportant pas la preuve que l'enregistrement litigieux serait intervenu en fraude des droits de WENTAI, alors que la société TROLEM se prévaut également de sa qualité d'ayant-droit de cette dernière, elle doit être recevable à agir en cette qualité.

Il en résulte que la société TROLEM devra être déclarée recevable à agir en contrefaçon du modèle déposé sous le numéro 20103534.

Sur la recevabilité de la société BOSTON GOLF EUROPE à agir en nullité du modèle déposé sous le numéro 20103534

La société TROLEM conteste la qualité à agir de la société BOSTON GOLF EUROPE au visa des articles 31 et 122 du code de procédure civile.

Elle soutient que la société BOSTON GOLF EUROPE n'a pas un intérêt personnel, né et actuel, à agir puisqu'elle ne peut commercialiser le chariot 'EZ Cart', fabriqué par WANG, compte tenu du fait que le fabricant serait empêché de produire le modèle en Chine.

Aucun enseignement ne peut être tiré des procédures opposant [I] et [N] en Chine. Selon la traduction, au demeurant non certifiée, de l'arrêt du 12 décembre 2011 de la Haute Cour de la province de Zhejiang : 'WENTAI ne viole pas le brevet de [N]'.

En outre il ressort de l'attestation de Monsieur [H] [C], directeur de la société allemande diffusant le chariot, qu'il a diffusé ce dernier sans interruption depuis 2011, et que la vente de celui-ci n'a jamais été interdite par quelque juridiction que ce soit.

L'attestation de Monsieur [N], datée du 9 septembre 2013, confirme la diffusion sans difficulté de son modèle de chariot.

Il ressort des pièces produites que c'est le contentieux français et la position de la société TROLEM qui ont conduit la société BOSTON GOLF EUROPE à bloquer la diffusion du produit, dans un souci de 'sécurité juridique absolu', ainsi qu'elle l'expose à ses clients.

L'intérêt à agir de la société BOSTON GOLF EUROPE est évident.

Il y a lieu de la déclarer recevable à agir en nullité du modèle déposé sous le numéro 20103534.

Sur le caractère nouveau et le caractère propre du modèle numéro 20103534 déposé par la société TROLEM à l'INPI ( chariot ' ONE LOCK')

Aux termes des dispositions de l'article L 511-1 du code de la propriété intellectuelle, ' Peut être protégé à titre de dessin ou modèle l'apparence d'un produit, ou d'une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation.'

Par application des articles L 511-2, L511-3 et L 511-4 du même code, seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre.

Un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué.

Les dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.

Un dessin ou un modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite de par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée.

Enfin l'article L 512-4 dispose que l'enregistrement est déclaré nul par décision de justice :

a) s'il n'est pas conforme aux dispositions des articles L 511-1 à L 511-8,

b) si son titulaire ne pouvait bénéficier de la protection prévue à l'article L 511-9,

c) si le dessin ou modèle méconnaît des droits attachés à un dessin ou modèle antérieur qui a fait l'objet d'une divulgation au public après la date de la présentation de la demande d'enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, après la date de priorité, et qui est protégé depuis une date antérieure par l'enregistrement d'un dessin ou modèle communautaire, d'un dessin ou modèle français ou international désignant la France, ou par une demande d'enregistrement de tels dessins ou modèles,

d) s'il porte atteinte au droit d'auteur d'un tiers,

e) s'il est fait usage dans ce dessin ou modèle d'un signe distinctif antérieur protégé, sans l'autorisation de son titulaire.

Dans le cadre des contraintes techniques imposées par la présence de trois roues, comme la presque totalité des chariots de golf commercialisés depuis plusieurs années, et des caractéristiques fonctionnelles de tous les chariots de golf, qui réduit l'espace de liberté laissé au créateur, il y a lieu de rechercher si le modèle numéro 20103534 déposé par la société TROLEM à l'INPI ( chariot ' ONE LOCK') représente une variation originale sur une base connue, ou si la combinaison d'éléments invariables ou connus constitue une nouveauté originale en elle-même.

La société TROLEM fait valoir notamment les éléments distinctifs et originaux suivants :

- châssis composé d'un assemblage de 2 tubes parallèles, au lieu d'un,

- aspect général global plus léger,

- roue avant rattachée au châssis au moyen d'une fourche formée de 2 tubes fins,

- motif de roues composé de 3 rayons à 2 branches, dont l'enjoliveur est fixé au moyen de 3 vis,

- organisation de la poignée différente : porte carte plat avec motifs en relief, outre l'emplacement spécifique du porte-parapluie, du porte-bouteilles, du porte -carte et du frein manuel ou au pied.

Elle en déduit que l'impression globale d'ensemble n'est pas la même pour l'observateur averti que celle produite par le modèle CLICGEAR, crée et protégé depuis 2006 et dont BOSTON GOLF EUROPE est le distributeur pour la France.

Il ressort de l'examen comparatif des deux chariots de golf que l'impression visuelle d'ensemble est fortement similaire.

Les proportions globales sont identiques ( écartement des trois roues et hauteur de la poignée, inclinaison du châssis, châssis central relié aux 3 roues, présence dans les deux cas d'une poignée de direction, fortement semblable, console de porte-carte de même taille et de design identique, peu important que le 'ONE LOCK' présente des motifs en relief, peu visibles).

La pièce de support du sac de golf n'est pas originale au regard de celle du modèle CLICGEAR, dont elle diffère peu. Les molettes latérales sont identiques.

Il n'est pas exact de soutenir que tous ces éléments se retrouvent sans variation sur tous les chariots trois roues, d'autres modèles commercialisés présentant des différences assez caractérisées, notamment au niveau du châssis et de la console.

Il n'est pas invoqué une différence dans les matériaux utilisés. L'impression visuelle d'ensemble conduit à considérer que les matériaux utilisés pour l'un et l'autre des modèles sont semblables.

Les éléments ornementaux vantés par la société TROLEM ne sont pas déterminants au vu d'un examen qui porte sur une impression visuelle d'ensemble.

Il s'agit de détails insignifiants qui ne traduisent pas un effort personnel de création rendant l'oeuvre originale.

Les deux sociétés produisent des avis et attestations en sens contraire.

Le caractère peu nuancé des affirmations contenues dans les attestations de la société TROLEM ( les chariots seraient 'complètement différents', Monsieur [R] soutient que même leur utilisation ne serait pas similaire, contre toute évidence et alors que ce point ne fait pas débat ) conduit à les considérer avec circonspection.

BOSTON GOLF EUROPE produit plusieurs avis d'utilisateurs qui peuvent être considérés comme avertis, joueurs du circuit, distributeurs, et notamment celle Monsieur [J] [Z], Directeur de l'Open de France, qui considèrent que le chariot ' ONE LOCK' et le chariot CLICGEAR sont difficilement différenciables.

Ces utilisateurs avisés émettent l'opinion que le chariot 'ONE LOCK' est une copie du chariot CLICGEAR.

La société TROLEM n'invoque pas, par ailleurs, une évolution créative spécifique, qui pourrait passer inaperçue.

Il y a lieu de considérer, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le défaut de nouveauté et de caractère propre du modèle numéro 20103534 déposé par la société TROLEM à l'INPI ( chariot ' ONE LOCK').

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a constaté le défaut de nouveauté du modèle numéro 20103534 et en ce qu'il a prononcé la nullité dudit modèle, déposé le 5 juillet par la société TROLEM.

Y ajoutant il sera constaté que ledit modèle ne présente pas de caractère propre.

Sur la demande en contrefaçon de modèle et concurrence déloyale de la société TROLEM

La première juridiction a relevé à juste titre qu'il découlait de la nullité du modèle numéro 20103534 que la société TROLEM devait être déboutée de ses demandes au titre de la contrefaçon dudit modèle mais également de ses demandes au titre de la concurrence déloyale, ces dernières étant fondées sur l'imitation fautive de son produit.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes reconventionnelles en indemnités de la société BOSTON GOLF EUROPE

- sur la réparation de l'atteinte à l'image

La société BOSTON GOLF EUROPE estime avoir été dénigrée par le courrier électronique suivant diffusé au cours des mois de septembre-octobre à certains de ses clients :

'Cher client, chère cliente,

Nous vous informons que TROLEM est le distributeur EXCLUSIF des modèles ONE LOCK et ONE LOCK 4S.

Nous attirons votre attention sur le fait que la société BOSTON Golf tente de détourner notre droit le plus élémentaire en introduisant une copie dont son fabricant chinois a été condamné pour contrefaçon...'

La société TROLEM a délibérément jeté le discrédit sur son concurrent direct en mettant en cause son honnêteté.

Mise en garde parle conseil de la société BOSTON GOLF EUROPE, elle a persisté dans son attitude et continue d'affirmer le bien-fondé de ses déclarations.

Cette attaque est d'autant plus injustifiée qu'il ne ressort pas des pièces produites que Monsieur [N] aurait été condamné en CHINE pour contrefaçon, et qu'aucun jugement n'avait qualifié le chariot EZ cart de modèle contrefaisant.

A partir du moment où des propos de nature à jeter le discrédit sur la société ont été tenus, l'existence d'un dénigrement fautif ne peut être exclue au nom de la libre concurrence.

Le caractère extrêmement conflictuel des relations entre les sociétés, dont BOSTON GOLF CLUB, qui a attrait la société TROLEM devant une juridiction correctionnelle, à tort, porte sa part de responsabilité, ne justifie pas de telles méthodes.

Le préjudice en termes d'atteinte à l'image est constitué.

Compte tenu du marché relativement restreint des utilisateurs de matériel de golf, et de l'impact négatif que n'a pu manqué d'avoir le courriel de la société TROLEM dans ce milieu limité, dont justifie d'ailleurs la société en produisant des retours de courriers de clients, il convient d'attribuer une somme de 50.000 € à la société BOSTON GOLF EUROPE en réparation de son atteinte à l'image, image dont dépend en partie sa position sur le marché.

- sur le préjudice économique

Le comportement de la société TROLEM a empêché la société BOSTON GOLF EUROPE de commercialiser le chariot EZ cart.

La société BOSTON GOLF EUROPE justifie en outre de plusieurs annulations de commandes suite au mail de la société TROLEM.

Le préjudice économique est établi.

La société BOSTON GOLF EUROPE soutient avoir perdu l'occasion de vendre 20 000 à 30 000 chariots par an en tenant compte d'une marge par chariot, variable selon les circuits de distribution, mais qui peut être évaluée en moyenne à 40 €.

La société BOSTON GOLF EUROPE ne produit toutefois pas de pièces comptables de nature à permettre d'apprécier l'étendue de son préjudice. Le montant des sommes réclamées n'est pas justifié.

Les données existantes dans le domaine du golf font état d'un nombre de joueurs légèrement supérieur à 600 000 et d'un nombre de licenciés légèrement supérieur à 400 000.

Le secteur, après avoir connu une expansion sensible, est aujourd'hui stable.

Compte tenu du fait que BOSTON GOLF EUROPE n'est pas seul sur le créneau de marché des chariots de golf, qu'il existe un marché d'occasion qui se développe via internet, et que la durée de vie de ce type de matériel est relativement longue, il peut être admis que la société BOSTON GOLF EUROPE a pu perdre l'occasion de vendre un nombre de chariots de l'ordre de 1% d'une moyenne de 500 000 joueurs.

Sur la base d'une occasion perdue de vendre 5000 chariots, il sera accordé à la Société BOSTON GOLF EUROPE une somme de 200.000 € en réparation de son préjudice économique.

Compte tenu de l'atteinte à l'image portée à la société BOSTON GOLF EUROPE il y a lieu, en outre, d'ordonner la publication du dispositif du présent arrêt sur la page d'accueil du site internet de la société TROLEM sur deux tiers d'écran ainsi que dans trois supports de la presse écrite spécialisée en matière sportive, aux frais de la société TROLEM, au prix de 4.000 € HT maximum pour chaque insertion soit une somme globale maximum de 12.000 € HT.

L'équité conduit à condamner la société TROLEM, qui succombe, à payer à la société BOSTON GOLF EUROPE, la somme de 10.000 € au titre des dispositions de l'article 700du code de procédure civile.

Pour le même motif, la société TROLEM sera condamnée aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP DELEFORGE-FRANCHI.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Dit que les attestations produites par la société BOSTONS GOLF EUROPE sous les n° 64, 68, 69, 70, 71 et 72 sont recevables

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions à l'exception de celles concernant le montant des sommes que la société TROLEM est condamnée à payer à la société BOSTON EUROPE GOLF,

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne la société TROLEM à payer à la société BOSTON GOLF EUROPE les sommes suivantes :

- 50.000 € en réparation de son préjudice d'image,

- 200.000 € en réparation de son préjudice économique

Y ajoutant

Constate le défaut de caractère propre du modèle numéro 20103534 déposé le 5 juillet par la société TROLEM

Déboute la société TROLEM de sa demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement entrepris et de l'ensemble de ses demandes

Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt sur la page d'accueil du site internet de la société TROLEM sur deux tiers d'écran ainsi que dans trois supports de la presse écrite spécialisée en matière sportive, aux frais de la société TROLEM, au prix de 4.000 € HT maximum pour chaque insertion soit une somme globale maximum de 12.000 € HT

Condamne la société TROLEM à payer à la société BOSTON GOLF EUROPE la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société TROLEM aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP DELEFORGE-FRANCHI.

Le GreffierLe Président,

C. POPEKJ.L. CARRIERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 12/07064
Date de la décision : 19/11/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°12/07064 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-19;12.07064 ?
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