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06/11/2014 | FRANCE | N°13/00974

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 06 novembre 2014, 13/00974


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 06/11/2014



***



N° de MINUTE : 14/

N° RG : 13/00974



Jugement (N° 2009/04078) rendu le 26 Mai 2010 par le Tribunal de Commerce de LILLE

Arrêt (RG: 10/4803) rendu le 23 juin 2011 par la cour d'appel de Douai

Arrêt (N° 1160 F-D) rendu le 20 novembre 2012 par la cour de cassation



REF : PM/KH

Renvoi après cassation



APPELANTS


>Monsieur [U] [G]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 06/11/2014

***

N° de MINUTE : 14/

N° RG : 13/00974

Jugement (N° 2009/04078) rendu le 26 Mai 2010 par le Tribunal de Commerce de LILLE

Arrêt (RG: 10/4803) rendu le 23 juin 2011 par la cour d'appel de Douai

Arrêt (N° 1160 F-D) rendu le 20 novembre 2012 par la cour de cassation

REF : PM/KH

Renvoi après cassation

APPELANTS

Monsieur [U] [G]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Madame [Y] [Z] épouse [G]

née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 2]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉE

SA FABER exerçant sous l'enseigne FABER IMMOBILIER prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Dominique LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me David LACROIX, avocat au barreau de DOUAI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Pascale FONTAINE, Président de chambre

Stéphanie BARBOT, Conseiller

Pascale METTEAU, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

DÉBATS à l'audience publique du 25 Septembre 2014 après rapport oral de l'affaire par Pascale METTEAU

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pascale FONTAINE, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 septembre 2014

***

Le 12 juillet 2001, M. [U] [G] et Mme [Y] [Z], son épouse, ont acquis un fonds de commerce (café tabac PMU presse) situé à [W] au moyen de prêts consentis par le Crédit Mutuel de Douai pour un montant total de 2.500.000 francs, prêts assortis d'un nantissement de premier rang pour un montant de 2.280.000 francs.

La SA FABER, exerçant sous l'enseigne Faber Immobilier, est intervenue lors de cette cession en qualité de négociatrice et de rédactrice d'actes.

En 2004, M. et Mme [G] ont souhaité faire l'acquisition d'une autre affaire, à savoir un pas de porte de brasserie, anciennement exploité dans la galerie commerciale d'Euralille par la SA l'EDITO, placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de Commerce de Lille le 2 mars 2004. Ils ont constitué, pour ce faire, en avril 2004, une SARL dénommée L'ESTAMINET, racheté la licence IV auprès du liquidateur judiciaire moyennant un prix de 18.000 euros, les agencements et le matériel pour un prix de 58.000 euros, établi un bilan prévisionnel d'exploitation, négocié le bail sur le local précédemment exploité et lancé la consultation d'entrepreneurs pour chiffrer d'importants de travaux de rénovation.

Pour cette opération, ils ont dû trouver un financement auprès du Crédit Mutuel de Lille Liberté. Les premiers travaux sur le fonds de commerce de Lille ont été payés à partir du compte ouvert par les époux pour l'exploitation du fonds de commerce de [W].

Le 2 juillet 2004, l'acte de prêt consenti par le Crédit Mutuel de Lille Liberté à la SARL l'ESTAMINET d'un montant de 446.448 euros a été signé par les parties. Cet acte avait été rédigé par l'agence FABER et contenait un nantissement sur le fonds de commerce d'Euralille, outre un nantissement sur le fonds de commerce de [W].

Par acte sous seing privé du 14 octobre 2005, M. et Mme [G] ont revendu le fonds de commerce de [W] moyennant un prix de 480.000 euros, la SA FABER étant à nouveau intervenue, en qualité de négociatrice, de rédactrice d'actes et de séquestre des fonds provenant du prix de cession.

Indiquant que dans l'esprit de toutes les parties, le nantissement pris dans le cadre du financement de la SARL L'Estaminet sur le fonds de Lauwin-Panque n'aurait plus aucune raison d'être après le remboursement des avances pour travaux prélevées sur le compte ouvert pour le fonctionnement du fonds de Lauwin -Planque, que ce nantissement de fonds devait donc être provisoire puisqu'il était uniquement destiné à conférer une garantie au banquier jusqu'à ce que le fonds de commerce de brasserie de Lille entre véritablement en exploitation, qu'il n'était pas question de consentir une sûreté pérenne sur un fonds de commerce qui était sur le point d'être cédé et ce d'autant que cette sûreté était totalement hors de proportion avec la valeur du bien nanti, que cependant, au moment de la cession du fonds de commerce de Lauwin-PLanque en octobre 2005, le Crédit Mutuel de Lille Liberté avait refusé de donner la mainlevée du nantissement sur ce fonds, qu'il avait fait opposition sur le prix de cession empêchant de désintéresser l'ensemble de créanciers chirographaires du fonds de [W], que par ordonnance de référé du 10 novembre 2006, le président du tribunal de grande instance de Béthune avait désigné Me [M] aux fins d'effectuer la distribution du prix de cession, que le projet de répartition avait été notifié le 25 avril 2007 ; qu'il mentionnait que le montant revenant au Crédit Mutuel de Lille Liberté était de 183.260,39 euros, qu'un procès-verbal de difficultés avait été dressé le 31 mars 2008 concernant l'attribution de cette somme, qu'une procédure de répartition avait été engagée devant le tribunal de grande instance de Béthune, que par jugement du 31 août 2010 cette juridiction avait ordonné la répartition des fonds et le versement de la somme de 183.260,39 euros entre les mains de la Caisse de Crédit Mutuel de Lille Liberté ; que, dans le cadre du contentieux les opposant au Crédit Mutuel de Lille, la cour d'appel de Douai avait, par un arrêt du 25 juin 2009, constaté qu'aucune limite, terme ou condition ne figuraient dans l'acte relatif au nantissement de quatrième rang pris sur le fonds de commerce de [W] en garantie des sommes prêtées pour l'opération lilloise, M. et Mme [G] ont, par acte d'huissier du 4 septembre 2009, mis en cause la responsabilité professionnelle du cabinet FABER, en sa qualité de rédacteur de l'acte sous seing privé du 2 juillet 2004, et ont sollicité sa condamnation au paiement de la somme de 183.260,39 euros en réparation du préjudice causé par cette faute.

Par jugement du 26 mai 2010, le tribunal de commerce de Lille les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par arrêt rendu le 23 juin 2011, la cour d'appel de Douai a confirmé ce jugement.

Saisie par M. et Mme [G], la Cour de Cassation a, dans un arrêt du 20 novembre 2012, cassé et annulé cet arrêt mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. et Mme [G] et a renvoyé, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

La déclaration de saisine émanant de M. [U] [G] et de Mme [Y] [Z] épouse [G] est en date du 15 février 2013.

Dans leurs dernières conclusions, M. [U] [G] et Mme [Y] [Z] épouse [G] demandent à la cour de :

réformer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

dire et juger que le cabinet FABER Immobilier engagé sa responsabilité professionnelle de négociateur et de rédacteur d'acte par la faute qu'il a commise lors de la rédaction de l'acte sous seing privé du 2 juillet 2004 en ne précisant pas «nantissement provisoire»,

constater son manquement au devoir de conseil et de mise en garde incombant à tout rédacteur d'acte,

le condamner à leur payer la somme de 183.260,39 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi causé par la faute du rédacteur d'actes, ainsi qu'au titre de la perte de chance d'avoir pu bénéficier d'un déroulement normal de leurs affaires, sans les tracas que la négligence fautive du cabinet [T] leur a causé,

le condamner au paiement d'une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris ceux exposés à l'occasion de l'arrêt cassé.

Ils font valoir que :

la principale obligation du rédacteur d'acte est le devoir de conseil qui pèse, de façon générale, sur l'ensemble des professionnels dans leurs rapports avec des non professionnels ; il est principalement constitué par l'obligation d'informer et d'éclairer les parties,

c'est au professionnel, tenu à une telle obligation, de prouver qu'elle a été remplie, sans qu'il puisse mettre des supposées compétences personnelles des clients en avant pour en être dispensé,

lorsqu'ils ont souhaité acquérir le fonds lillois, leur expérience en matière de gestion se limitait à l'exploitation de deux cafés-PMU-tabac-loto ne nécessitant qu'une équipe de deux à trois personnes ; ils ne pouvaient donc être considérés comme avertis en matière de financement d'une brasserie exigeant le management d'une équipe de 20 personnes et la maîtrise de contraintes de gestion importantes et ce d'autant qu'ils n'ont été scolarisés que jusqu'à l'âge de 16 ans et qu'ils n'avaient repris, pour la première fois, une affaire de débit de boissons qu'en 1996 ; ils étaient donc tout particulièrement créanciers du devoir de conseil et de mise en garde émanant de la société FABER,

cette dernière reconnaît elle-même, dans un courrier du 16 janvier 2008, avoir participé à une réunion de travail le 20 avril 2004, réunion dont le but était la mise en place du financement de la création d'un débit de boissons-brasserie à [Localité 4] sous l'enseigne l'Estaminet; elle ne peut donc nier son rôle dans le financement de l'opération ; elle n'a pas été un simple rédacteur d'un acte mais a pris part à la négociation commerciale. L'affaire de [W] avait été mise en vente à partir d'octobre 2003 par son intermédiaire et ce café pouvait être vendu à partir du 16 juillet 2004, soit au bout du minimum de trois ans d'exploitation ; la société FABER avait débuté sa campagne de commercialisation dès octobre 2003 et il était pour le moins hasardeux de sa part de proposer un nantissement sur ce fonds sans clarifier les conditions de levée de cette garantie ni les informer des risques encourus,

ils ont signé l'acte de prêt de juillet 2004 sans qu'aucun projet ne leur ait été adressé au préalable ; ils contestent avoir reçu une lettre contenant un tel projet le 29 juin 2004 ; en tout état de cause, même si le projet d'acte leur avait été adressé, cela ne pourrait exonérer le rédacteur de sa responsabilité et correspondre à l'accomplissement de l'obligation de son devoir de conseil. La SA FABER ne démontre pas avoir attiré leur attention sur le caractère anormal du nantissement souscrit sur un fonds destiné à être revendu à bref délai,

cette société avait pourtant connaissance que le nantissement sur le fonds de [W] ne devait qu'être provisoire ; elle en a fait l'aveu dans un courrier du 16 octobre 2006, courrier qu'elle avait adressé à son avocat ; cette lettre n'est pas couverte par le secret professionnel dans la mesure elle a été communiquée par FABER Immobilier au Crédit Mutuel de Lille Liberté, lequel l'a versé aux débats dans le cadre des procédures qui les ont opposés à cette banque et qui ont conduit à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 25 juin 2009,

dans cette décision, la cour a mis en exergue la faute du rédacteur d'un acte de nantissement ayant été jugé efficace, à défaut de mention expresse de son caractère provisoire. Les exigences du Crédit Mutuel de Lille Liberté concernant le nantissement du café tabac de [W], pour garantir le financement du fonds de commerce de Lille, lequel était la propriété de la SARL L'Estaminet, étaient parfaitement atypiques et nécessitaient une rédaction soignée ainsi qu'une mise en garde des emprunteurs ; le cabinet FABER, pourtant spécialiste des opérations sur les fonds de commerce, n'a pas précisé que ce nantissement était provisoire, qu'il devait disparaître dès l'entrée en exploitation du fonds lillois et au plus tard lors de la vente du fonds de commerce de [W] ; à tout le moins, s'il n'était pas prévu que la mainlevée du nantissement ait lieu lors de la cession de ce fonds, il existe une défaillance de la société FABER, quant à son devoir de conseil sur les conséquences d'un tel nantissement et ce d'autant qu'aucune clause dans l'acte de prêt pour le financement de la SARL l'Estaminet n'avait prévu de remboursement anticipé obligatoire lors de la vente du fonds de [W], ce qui exclut que les parties aient expressément souhaité un tel remboursement anticipé,

l'absence de mainlevée du nantissement accordé au Crédit Mutuel de Lille Liberté a entraîné un retard considérable dans la distribution du prix de cession aux différents créanciers opposants ; en outre, ils auraient dû percevoir la somme de 183.260,39 euros pour l'affecter au remboursement de leurs créanciers chirographaires ; or, ils ont été contraints de rembourser par anticipation le prêt consenti dans le cadre de l'acquisition du fonds de commerce de Lille et ils ont dû désintéresser les créanciers du fonds de [W] par d'autres moyens et avec d'autres biens qui ont dû être sacrifiés ; la faute du rédacteur de l'acte leur a donc causé un préjudice et une perte de chance d'avoir pu bénéficier d'un déroulement normal de leurs affaires, sans les tracas que la négligence fautive du cabinet leur a causés,

le préjudice invoqué n'est pas celui de la société l'Estaminet ; le fait que celle-ci ait été placée en redressement puis en liquidation judiciaire en 2007 est donc sans incidence ; par ailleurs, s'ils s'étaient portés cautions solidaires du prêt consenti pour l'opération lilloise, ces cautionnements ont été annulés par la cour d'appel de Douai de sorte qu'il ne peut être considéré que leur patrimoine était exposé par cet engagement ; les fonds qu'ils devaient récupérer dans la vente de leur fonds de commerce de Lauwin-PLanque n'auraient pas été affectés lors de la liquidation judiciaire de la société l'Estaminet,

s'il avait été prévu que le nantissement accordé serait levé en cas de cession du fonds de [W], le Crédit Mutuel de Lille n'aurait pas appréhendé la somme de 183.260,39 euros de sorte que ce montant représente le préjudice subi du fait des manquements de la société FABER à ses obligations.

Dans ses dernières conclusions, la SA FABER demande à la cour de :

s'agissant de l'allégation par les époux [G] d'une erreur de rédaction de l'acte de prêt provenant de ce qu'il n'a pas été précisé que le nantissement portant sur le fonds de commerce de [W] était provisoire :

juger que les époux [G] doivent apporter la preuve de ce qu'ils souhaitaient que ce nantissement soit provisoire et de ce que la banque, l'autre contractant, souhaitait également que le nantissement soit provisoire,

constater que la pièce n° 20 invoquée produite par les époux [G] est couverte par le secret professionnel s'agissant d'une correspondance adressée par un client à son avocat et juger qu'elle doit, en conséquence, être écartée des débats,

juger que les époux [G] n'apportent pas la preuve de ce qu'ils ont demandé à la société cabinet FABER Immobilier qu'il soit prévu dans le contrat de prêt que le nantissement serait provisoire et qu'à l'inverse, plusieurs éléments font présumer qu'il n'en était pas question,

juger que les époux [G] n'apportent pas la preuve de ce que le Crédit Mutuel aurait souhaité que le nantissement soit provisoire et qu'à l'inverse, la preuve contraire est apportée par le projet d'acte de prêt que le Crédit Mutuel lui a adressé et par l'acceptation expresse de la banque de la rédaction définitive qu'elle a prévue,

en conséquence, à défaut pour les époux [G] d'apporter la preuve de ce qu'ils auraient souhaité qu'il soit prévu que le nantissement soit provisoire et de ce que la banque, l'autre contractant, l'aurait également souhaité, dire qu'aucune erreur dans la rédaction de l'acte ne peut lui être reprochée par les époux [G] ;

S'agissant de la violation de l'obligation de conseil et de mise en garde :

juger que les époux [G] ne rapportent pas la preuve de ce qu'elle serait intervenue en qualité de conseil dans le cadre de la négociation du prêt avec le Crédit Mutuel,

juger que, dès lors, rien ne permet de retenir qu'un nantissement provisoire aurait été imaginé dans le cadre de la négociation et qu'il n'existait aucune obligation pour elle d'attirer l'attention des époux [G] sur l'absence de caractère provisoire du nantissement,

juger que les informations contenues dans l'acte de prêt lui-même étaient suffisantes pour permettre aux époux [G] de mesurer la portée de l'engagement pris au travers du nantissement,

juger, en conséquence, qu'aucune violation de son obligation de conseil et de mise en garde ne peut être retenue,

juger qu'il n'est pas établi qu'elle ait dressé un quelconque prévisionnel et qu'elle ne peut, dans ces conditions, être responsable d'éventuelles lacunes et qu'en tout état de cause, le préjudice allégué, qui provient la mise en oeuvre du nantissement, n'est pas en lien de causalité avec la faute alléguée,

juger que, dès lors que le contrat de prêt a été conclu entre la Caisse de Crédit Mutuel de Lille et la SARL l'Estaminet, ce sont ces deux parties qui l'ont requise pour rédiger le contrat de prêt,

juger que l'erreur de rédaction et la violation de l'obligation de mise en demeure garde que l'on prétend lui imputer n'ont causé strictement aucun préjudice à la SARL l'Estaminet,

au contraire, s'il devait être considéré qu'elle existe, une telle erreur a bénéficié à la société l'Estaminet dans la mesure où, in fine, l'inscription de nantissement au quatrième rang sur le fonds de commerce de [W] a permis le remboursement partiel du prêt contracté par cette société vis-à-vis du Crédit Mutuel à hauteur de 183.260,39 euros, ce qui n'aurait pas été le cas s'il y avait eu mainlevée du nantissement à l'occasion de la cession du fonds,

juger en conséquence que la société l'Estaminet n'a subi aucun préjudice,

constater que, lors de la conclusion du contrat de prêt litigieux, il était prévu non seulement un nantissement sur le fonds de [W] mais également une caution solidaire des époux [G] pour la totalité du prêt,

juger, en conséquence, que les époux [G] se trouvaient engagés, sur leurs biens personnels, indépendamment du nantissement de leur fonds de commerce personnel,

juger que la question du caractère provisoire ou non du nantissement n'avait pas, contractuellement, d'incidence quant aux conséquences pour les époux [G] d'une éventuelle défaillance de la SARL l'Estaminet puisque leur patrimoine personnel devait, dans tous les cas, supporter cette défaillance,

juger que le préjudice aujourd'hui invoqué par les époux [G] provient de ce qu'ils ont pu, postérieurement à la conclusion du contrat litigieux, obtenir l'annulation en justice de leur cautionnement,

en conséquence, juger que le préjudice allégué n'a pas de lien de causalité direct avec la faute alléguée,

confirmer, en conséquence, le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,

condamner les époux [G] à lui payer une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

les condamner aux entiers dépens.

Elle fait valoir que, pour que sa responsabilité contractuelle soit retenue, il convient que la preuve d'une faute, c'est-à-dire d'une inexécution du contrat, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice soit rapportée.

Elle affirme cependant qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exercice des missions qui lui étaient confiées. Elle souligne, en outre, qu'il ne peut lui être reproché à la fois un problème de rédaction de l'acte (les parties ayant, dans cette hypothèse, convenu d'un nantissement provisoire sans que ce caractère provisoire ne soit indiqué) et un manquement à l'obligation de conseil (l'attention des époux [G] n'ayant pas été attirée suffisamment sur les conséquences du nantissement, non provisoire, pris par le Crédit Mutuel de Lille).

Elle soutient n'avoir commis aucune erreur de rédaction dans l'acte de prêt dans la mesure où :

c'est le Crédit Mutuel de Lille qui lui a adressé, par télécopie, le projet d'acte de prêt ; ce projet a été remis aux époux [G] en mains propres le même jour ; aucune observation n'a été formulée par l'une ou l'autre des parties ; le Crédit Mutuel a expressément donné son accord à ce prêt par courrier du 1er juillet 2004 ; les époux [G] ne peuvent sérieusement contester avoir eu en mains ce projet qu'ils ont, en tout état de cause, signé et paraphé et dont ils connaissaient parfaitement le contenu,

il n'est nullement démontré que la SARL l'Estaminet souhaitait que le nantissement pris sur le fonds de commerce de [W] ne soit que provisoire et que le Crédit Mutuel de Lille avait accepté cette caractéristique du nantissement ; la production du courrier qu'elle a adressé à son avocat le 16 octobre 2006 est faite en violation du secret professionnel ; cette pièce doit être écartée des débats ; elle n'a jamais produit ce courrier dans le cadre de l'instance en cours et n'a jamais rendu les informations qui y sont contenues publiques ; en outre, le contenu de cette lettre doit être analysé au regard de son contexte ; il s'agissait alors pour elle, qui avait la charge de la distribution du prix du fonds de commerce de [W], de soutenir ses clients, à savoir les époux [G], dans le cadre du contentieux existant,

M. [G], qui occupait des fonctions commerciales salariées au sein d'une société de distribution de boissons de [Localité 3] et qui était chargé du montage financier des dossiers de prêt des candidats à la reprise de cafés, n'était pas profane et ne pouvait ignorer les rouages financiers de la transaction ; or, il a régularisé l'acte qui ne prévoyait aucune limitation dans le temps pour le nantissement du fonds de [W] ni aucun engagement de mainlevée de la part du Crédit Mutuel de Lille, de sorte qu'il ne peut être sérieusement soutenu qu'il entendait que ce nantissement soit provisoire,

une clause de nantissement provisoire n'aurait eu aucun sens dans la mesure où le fonds nanti était destiné à être vendu ; si les parties ont prévu un tel nantissement, c'est que le Crédit Mutuel de Lille souhaitait que le prix de vente du fond de [W] soit affecté à la garantie du prêt qu'elle consentait ; il n'existe aucun élément pouvant laisser penser que la banque aurait accepté une clause de nantissement provisoire, sa garantie sur le prix de vente du fonds n'étant alors que temporaire.

Elle soutient, par ailleurs, que si elle a préparé un dossier de prêt déposé auprès du Crédit Agricole et auprès de la Société Générale (établissements ayant refusé leur concours), elle n'est pas intervenue dans la négociation des prêts obtenus auprès du Crédit Mutuel puisque ce sont les époux [G], en la qualité de dirigeants de la société l'Estaminet, qui les ont négociés. Elle précise qu'elle n'a été amenée qu'à rédiger l'acte de vente du fonds et à recevoir le consentement des parties pour le prêt. Elle en déduit que sa responsabilité ne peut donc être recherchée qu'en tant que rédacteur d'acte. Or, elle fait valoir que la rédaction d'acte n'est rien d'autre que la traduction de l'accord des parties à l'issue des négociations. Elle affirme que dans la mesure où le Crédit Mutuel de Lille a souhaité bénéficier d'un nantissement sur le fonds de commerce de [W], qui était à l'époque en vente, cela traduisait son souhait d'être, pour partie, réglé des sommes prêtées dès la vente dudit fonds, ce que les époux [G], en tant que professionnels avisés, savaient pertinemment. Elle soutient qu'ils ne peuvent donc soutenir ne pas avoir été informés des conséquences de ce nantissement. Elle indique que la banque a posé des conditions, qu'il appartenait aux emprunteurs de les accepter ou de les refuser et que la seule mise en garde qu'elle avait à opérer, en sa qualité de rédacteur d'acte, résidait dans les conséquences du nantissement, lesquelles conséquences sont expressément indiquées dans l'acte de prêt. Elle estime que même s'il devait être considéré qu'elle avait été le conseil des époux [G], il n'y a eu aucune violation de l'obligation de mise en garde dans la mesure où fournir des garanties n'est pas en soi préjudiciable, que le fait que le nantissement ne soit pas provisoire résulte clairement de la rédaction du contrat de prêt, et ce d'autant qu'il n'a jamais été envisagé de nantissement provisoire. Elle en conclut qu'elle ne pouvait donner aucune information sur ce caractère non provisoire. Elle ajoute qu'elle n'a jamais établi de prévisionnel, qu'elle n'a pas conseillé les époux [G] dans le cadre de leur projet de reprise de fonds de commerce et qu'en tout état de cause, cet élément est totalement indépendant du préjudice subi du fait de la mise en oeuvre du nantissement.

Elle souligne que le contrat de prêt a été conclu entre la Caisse de Crédit Mutuel de Lille et la société l'Estaminet, que c'est pour ces deux parties qu'elle était requise de rédiger le contrat, que l'erreur de rédaction ou la violation de l'obligation de mise en garde que l'on prétend lui imputer n'ont causé aucun préjudice à la société l'Estaminet qui, au contraire, a bénéficié de l'inscription du nantissement de quatrième rang sur un fonds de commerce lui appartenant pas, ce qui a permis le remboursement partiel du prêt qu'elle avait contracté à hauteur de 183.260,39 euros.

Elle remarque qu'outre le nantissement sur le fond de commerce de [W], le Crédit Mutuel de Lille avait exigé un cautionnement des époux [G] en garantie du prêt accordé à la SARL l'Estaminet, de sorte que ces derniers se trouvaient engagés sur leurs biens personnels indépendamment du nantissement de leur fonds de commerce personnel. Elle en déduit que la question du caractère provisoire ou non du nantissement n'a aucune incidence quant au conséquences pour les époux [G] de la défaillance de la société l'Estaminet puisque leur patrimoine personnel devait supporter cette défaillance par l'effet même du cautionnement. Elle relève que s'ils ont pu obtenir, a posteriori, l'annulation de ce cautionnement, il n'existe aucun lien de causalité directe entre la faute qu'ils allèguent et le dommage dont ils font état.

MOTIFS DE LA DECISION

Dans le cadre du présent litige, il convient tout d'abord de déterminer quelle était la mission de la SA FABER avant d'examiner si cette dernière a respecté les obligations lui incombant, ou si elle a manqué à son devoir de conseil.

¿ M. et Mme [G] ont fait l'acquisition du fonds de commerce « L'Edito » à Lille par l'intermédiaire du cabinet MARECHAL ; la reprise de cette brasserie ne leur a pas été proposée par la SA FABER.

Cette dernière est intervenue en tant que rédactrice du contrat de prêt conclu entre le Crédit Mutuel de Lille Liberté et la SARL l'Estaminet pour le financement de l'acquisition. M. et Mme [G] sont eux même parties à ce contrat, pour avoir donné, à titre de garantie du prêt, leur fonds de commerce personnel en nantissement et pour s'être portés cautions solidaires de la SARL l'Estaminet (cautionnement qui sera, par la suite, annulé par arrêt de la cour d'appel de Douai du 25 juin 2009).

Dans ce cadre, la SA FABER a :

reçu de la Caisse de Crédit Mutuel Nord Europe le projet de contrat de prêt, le 25 juin 2004 ; la banque lui demandait de « prendre en charge la rédaction de l'acte » et de « confectionner un acte à base » des documents adressés avant de lui soumettre le projet définitif ;

adressé le projet à la banque par fax du 29 juin 2004 ; elle indique également avoir remis ce projet aux acquéreurs à cette même date ;

reçu du Crédit Mutuel, le 1er juillet 2004, un courrier lui indiquant qu'il n'y avait aucune remarque particulière concernant l'acte et lui adressant les fonds ainsi qu'une délégation de pouvoir pour signature.

Par ailleurs, il y a lieu d'observer que, dans un courrier du 5 janvier 2008, la SA FABER confirmait qu'elle avait bien assisté à un entretien entre M. et Mme [G] et l'un des représentant du Crédit Mutuel de Lille, dans ses locaux, entretien destiné à mettre en place le financement de la création d'un débit de boisson, brasserie, à Euralille.

Il ressort également des écritures prises par la Caisse de Crédit Mutuel de Lille Liberté devant la cour d'appel de Douai dans le cadre du litige ayant donné lieu à l'arrêt du 25 juin 2009, que M. et Mme [G] ont été, lors de toutes les négociations relatives au prêt, assistés par la SA FABER, leur mandataire habituel.

Il découle de ces éléments que la SA FABER est intervenue, non seulement en qualité de rédactrice de l'acte de prêt, mais également pour négocier les modalités de ce financement avec le Crédit Mutuel de Lille, aux côtés de M. et Mme [G]. Elle ne saurait donc prétendre qu'elle n'avait présenté que deux dossiers de financement auprès du Crédit Agricole et de la Société Générale mais qu'elle ne serait pas intervenue pour eux lors de la recherche de financement auprès du Crédit Mutuel de Lille.

¿ La SA FABER était donc tenue, en sa qualité d'intermédiaire prêtant son concours à la rédaction d'un acte, de s'assurer que se trouvaient réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la convention. Cependant, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir suggéré l'insertion de certaines clauses dans l'acte, alors qu'elle avait rédigé l'acte au vu de directives qui résultaient de l'accord entre les cédants et le cessionnaire.

M. et Mme [G] reprochent, tout d'abord, à la SA FABER de n'avoir pas, conformément à la volonté commune des parties à l'acte de prêt (à savoir le Crédit Mutuel de Lille d'une part, la SARL l'Estaminet et ses garants d'autre part), prévu que le nantissement sur le fonds de commerce de [W] ne serait que provisoire et de n'avoir pas inséré de clause en ce sens dans l'acte de prêt.

Ils doivent donc justifier que la volonté des parties était d'insérer une telle clause dans la convention litigieuse, de sorte que la SA FABER aurait commis une faute en ne le faisant pas.

Ils invoquent, au soutien de cette affirmation, un courrier adressé par la SA FABER à Me BOURGAIN, son conseil, le 16 octobre 2006.

Cependant, la cour de cassation, dans son arrêt du 20 novembre 2012, a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Douai mais seulement en ce qu'il avait rejeté la demande de dommages et intérêts présentée M. et Mme [G] ; or, cet arrêt avait confirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille, lequel avait dit que cette correspondance (pièce n°20 selon le bordereau de première instance) était couverte par le secret professionnel.

Ce point ne peut donc plus être remis en question devant la cour de renvoi et M. et Mme [G] ne peuvent invoquer cette lettre devant la cour de renvoi.

Ils ne versent aux débats aucun autre élément pouvant laisser penser que la volonté commune des parties à l'acte de prêt était que le nantissement sur le fonds de commerce de [W] ne soit que provisoire ; en particulier, ils ne justifient en rien que le Crédit Mutuel de Lille Liberté ait accepté un tel nantissement, alors même qu'il ressort des pièces produites, que la banque savait que ce fonds était en vente ; au contraire, dans le projet d'acte de prêt adressé par le Crédit Mutuel de Lille pour mise en forme à la SA FABER, il était expressément prévu qu'un nantissement serait pris sur le fonds de commerce de [W], sans qu'aucune référence ne soit faite quant à une mainlevée du nantissement de ce fonds personnel à M. et Mme [G] en cas de vente de ce bien et sans qu'aucune limite, terme ou condition particulière n'aient été envisagés s'agissant de cette garantie.

En conséquence, ceux-ci ne justifient pas que la SA FABER a travesti la volonté des parties en n'insérant pas dans l'acte de prêt une disposition prévoyant une durée limitée à ce nantissement.

Ils ne donc rapportent pas la preuve d'une faute de la SA FABER dans el cadre de la mission de rédaction de l'acte de prêt qui lui était confiée et leur demande de dommages et intérêts de ce chef doit être rejetée.

¿ La SA FABER, dans le cadre de sa mission, était également tenue, à l'égard de M. et Mme [G] aux côtés desquels elle intervenait s'agissant du financement de l'opération, d'un devoir de conseil.

Cette obligation de conseil existait d'autant plus que la SA FABER était déjà intervenue à plusieurs reprises lors de cessions ou d'acquisitions de fonds de commerce faites par M. et Mme [G], qu'elle avait ces derniers pour clients régulièrement et qu'elle était, concomitamment à l'acquisition du fonds de Lille, chargée de rechercher, pour le 16 juillet 2004, un acquéreur pour le fonds de [W].

La SA FABER ne peut prétendre avoir été déchargée de son obligation compte tenu des compétences personnelles de M. et Mme [G].

Elle justifie cependant avoir informé M. et Mme [G] des conséquences du nantissement consenti sur le fonds de [W] ; ainsi, dans l'acte de prêt était inséré la clause suivante : « le prêteur exerce et exercera sur le fonds de commerce donné en gage, et sur tout ce qui peut et pourra en dépendre, les droits, actions et privilèges conférés par la loi aux créanciers nantis pour se faire payer par préférence aux autres créanciers, sur le produit de la vente du fonds de commerce et ses accessoires, le montant de sa créance tant en capital, qu'intérêts, frais et accessoires».

M. et Mme [G], qui n'achetaient pas leur premier fonds de commerce (il ressort des pièces produites que le fonds de Lille était, au minimum, le troisième acheté par leurs soins) étaient parfaitement informés par l'insertion de cette clause dans le contrat de prêt qu'ils ont signé pour la SARL l'Estaminet et en leur qualité de garants de ce prêt, et ce d'autant que M. [G] avait, depuis de nombreuses années, la pratique de la mise en place de nantissements (il est inscrit au registre du commerce et des sociétés de Douai pour ce type d'activités depuis 2001) ; ainsi, lorsqu'il travaillait pour la société SOLIB, en qualité de chef de secteur, M. [G] intervenait, notamment, dans le cadre des demandes d'investissement pour les commerces de café-brasserie (il est versé aux débats l'une de ses demandes, datée de 1995, signée par ses soins, cette demande prévoyant un nantissement de 2ème rang et un cautionnement).

M. et Mme [G] ont nécessairement lu l'acte de prêt avant d'y apposer leur signature, même s'ils prétendent n'en avoir pas eu communication par la SA FABER avant le 2 juillet 2004 ; ils ont pris connaissance de la clause ci-dessus rappelé et ont apposé leur signature en bas de la page où cette clause est insérée.

Ils ont donc parfaitement été informés de l'existence du nantissement sur le fonds personnel et le mécanisme de cette garantie leur a été rappelé.

Ils prétendent, en outre, que la SA FABER n'a pas attiré leur attention sur le caractère inhabituel des garanties exigées par le Crédit Mutuel de Lille (lequel, outre le nantissement sur le fonds de commerce financé et le cautionnement personnel des parties, avait exigé un nantissement sur un autre fonds de commerce, n'appartenant pas à la société l'Estaminet, emprunteur, mais à ses associés).

Cependant, alors que M. et Mme [G] rachetaient un fonds de commerce en liquidation judiciaire, sans activité depuis plusieurs mois, que le montant du prêt souscrit était important (plus de 440.000 euros), il n'est pas surprenant que le Crédit Mutuel de Lille ait entendu obtenir des garanties importantes, dont le nantissement sur le fonds de [W], qui lui permettait d'obtenir, sans qu'aucune clause de remboursement anticipée du prêt ne soit nécessaire, le paiement d'une partie du capital, dès la vente de cet actif appartenant aux associés de la SARL l'Estaminet. Il est à noter que prévoir une clause de remboursement anticipé en cas de vente du fonds de [W] aurait été redondant ; le nantissement avait, en effet, pour objet d'imposer à M. et Mme [G], un tel remboursement en capital, même en l'absence de tout retard dans le paiement des échéances du prêt contracté pour le fonds de commerce lillois. Dès lors, on voit mal pourquoi l'inscription du nantissement sur le fonds de [W], même si ce bien était destiné à être vendu à brève échéance, est qualifiée d'anormale par M. et Mme [G] ; elle constitue une garantie pour le Crédit Mutuel de Lille, au même titre que le cautionnement qui avait été sollicité des époux [G], et ce d'autant que ceux-ci précisent qu'ils devaient, avec les fonds provenant du prêt, rembourser les avances pour les travaux et acquisitions relatives aux fonds lillois mais prélevées sur leur compte relatif au fonds de [W].

Il ne peut donc être reproché à la SA FABER de n'avoir pas attiré l'attention des époux [G] sur cette garantie habituelle et expressément rappelée dans l'acte de prêt signé par ces derniers.

Par ailleurs, la SA FABER, qui n'est intervenue qu'en qualité de rédactrice de l'acte de prêt et pour la recherche de ce financement, mais non pour le montage de l'opération de reprise du fonds de commerce de brasserie lillois (cette affaire ayant été proposé aux époux [G] par l'intermédiaire d'une autre agence immobilière), n'avait pas à prendre connaissance du prévisionnel établi pour ce commerce ou à relever les erreurs qui avaient pu être faites dans ce document ; elle n'avait pas été chargée de conseiller M. et Mme [G] dans le cadre de leur projet de reprise ou de leur souligner les difficultés liées à la gestion ou même au financement d'une telle opération.

Il découle de ces éléments que la SA FABER a rempli, dans les termes mêmes de l'acte qu'elle a rédigé, son obligation de conseil en informant M. et Mme [G] sur les garanties assortissant le prêt consenti par le Crédit Mutuel de Lille, et sur le mécanisme précis de ces garanties et notamment, s'agissant le nantissement sur le fonds de commerce de [W], sur le fait que les fonds provenant de la vente de ce bien, reviendraient partiellement au Crédit Mutuel de Lille, si le prêt octroyé n'était pas intégralement remboursé.

Dans la mesure où il n'est nullement justifié que la SA FABER n'a pas respecté la volonté des parties en insérant, dans l'acte de prêt, une telle clause et qu'il n'est pas démontré qu'il avait été convenu que le nantissement litigieux n'était prévu que pour être provisoire, les fautes alléguées à l'encontre de la SA FABER ne sont pas établies.

En conséquence, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [G] de leur demande de dommages et intérêts présentée à l'encontre de la SA FABER.

***

Succombant, M. et Mme [G] seront condamnés aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la SA FABER la charge des frais exposés et non compris dans les dépens. Sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire :

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 20 novembre 2012 ;

CONFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par M. [U] [G] et Mme [Y] [Z] ;

Y ajoutant :

CONDAMNE M. [U] [G] et Mme [Y] [Z] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me LEVASSEUR, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SA FABER de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M.M. HAINAUTP. FONTAINE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 13/00974
Date de la décision : 06/11/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°13/00974 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-06;13.00974 ?
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