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30/09/2014 | FRANCE | N°13/04861

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 30 septembre 2014, 13/04861


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 30/09/2014



***



N° de MINUTE :

N° RG : 13/04861



Jugement (N° 11/05372)

rendu le 01 Août 2013

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : BP/AMD





APPELANT



Monsieur [Q] [A]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 6] (ZAIRE)

demeurant [Adresse 3]

[Localité 3]



Représenté et ass

isté de Maître Emmanuel LACHENY, avocat au barreau de LILLE, substitué à l'audience par Maître Guillaume DERRIEN, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉS



Monsieur [Y] [U]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 5]



Monsieur [X] [E...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 30/09/2014

***

N° de MINUTE :

N° RG : 13/04861

Jugement (N° 11/05372)

rendu le 01 Août 2013

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : BP/AMD

APPELANT

Monsieur [Q] [A]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 6] (ZAIRE)

demeurant [Adresse 3]

[Localité 3]

Représenté et assisté de Maître Emmanuel LACHENY, avocat au barreau de LILLE, substitué à l'audience par Maître Guillaume DERRIEN, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS

Monsieur [Y] [U]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 5]

Monsieur [X] [E]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 2]

Monsieur [B] [N]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

SCI CHEMIN DU MEUNIER

ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par son représentant légal

SCI PLASTIMAIN

ayant son siège social [Adresse 7]

[Localité 4]

représentée par son représentant légal

Représentés par Maître Marie-Hélène LAURENT, membre de la SELARL ADEKWA, avocat au barreau de DOUAI

Assistés de Maître Philippe VYNCKIER, membre de la SELARL ADEKWA, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 14 Mai 2014 tenue par Bruno POUPET magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Martine ZENATI, Président de chambre

Fabienne BONNEMAISON, Conseiller

Bruno POUPET, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2014 après prorogation du délibéré en date du 25 Juin 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur Bruno POUPET, Conseiller en remplacement de Madame Martine ZENATI, Président empêché et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 avril 2014

***

Messieurs [Q] [A], [Y] [U], [X] [E] et [B] [N], chirurgiens, se sont associés au sein d'une société d'exercice libéral (selarl) constituée le 15 octobre 2001.

Par acte notarié des 25 mai et 7 juin 2005, ils ont également constitué ensemble la société civile immobilière du Chemin du Meunier, ayant notamment pour objet la construction d'un immeuble à usage de maison médicale sur un terrain à bâtir situé à [Adresse 5], dont le capital social était réparti entre les quatre associés à hauteur de 250 parts chacun. Le terrain a été acquis le 19 octobre 2005 par la sci du Chemin du Meunier pour le prix de 171 827,74 euros.

En raison de divergences de vues entre lui-même et ses associés sur les modalités de leur activité professionnelle, Monsieur [Q] [A] a, par acte du 13 janvier 2008, cédé à ces derniers ses parts au sein de la société d'exercice libéral, sous la condition suspensive de l'inscription au tableau départemental de l'ordre des médecins de la société d'exercice libéral à associé unique qu'il a alors créée, inscription qui est intervenue le 17 janvier 2008.

Le 4 mars 2008, une assemblée générale de la sci du Chemin du Meunier s'est tenue hors la présence de Monsieur [Q] [A], au cours de laquelle ont été adoptées les résolutions suivantes :

- la souscription d'un emprunt de 1 266 068 euros auprès du Crédit Lyonnais en vue de la construction d'un immeuble sur le terrain de [Localité 7],

- l'apport dudit terrain et de la construction à venir en garantie au profit du Crédit Lyonnais,

- l'autorisation donnée au gérant, Monsieur [Y] [U], de conclure les actes correspondants.

Une nouvelle assemblée générale de la sci du Chemin du Meunier s'est réunie le 22 septembre 2008 en présence des quatre associés et a décidé, à la majorité de 750 parts sur 1000, de la vente du terrain moyennant 200 000 euros, Monsieur [A] ayant voté contre cette résolution.

Par acte authentique reçu le 30 mars 2009 par Maître [G], notaire associé à Wavrin, la sci du Chemin du Meunier a cédé son terrain et la construction qu'il supportait pour le prix de 200 000 euros à la sci Plastimain, constituée le 16 février 2009 par Messieurs [Y] [U], [X] [E] et [B] [N].

Saisi par Monsieur [Q] [A] par assignation du 21 avril 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille, par ordonnance du 19 janvier 2010, a désigné Monsieur [T] en qualité d'expert aux fins d'évaluer l'immeuble de [Adresse 5] au 30 mars 2009.

L'expert a déposé son rapport le 10 janvier 2011 et a évalué l'immeuble à 1 050 000 euros au 30 mars 2009.

Il a par ailleurs relevé que l'opération immobilière avait été financée par un prêt d'1 266 068 euros transféré au Crédit Lyonnais et désormais pris en charge par la sci Plastimain, le début d'amortissement étant fixé au 28 janvier 2009.

La dissolution anticipée de la sci du Chemin des Meuniers a été décidée lors de l'assemblée générale du 4 mai 2009.

Monsieur [Q] [A] a fait assigner Messieurs [U], [E] et [N] ainsi que la sci du Chemin du Meunier et la sci Plastimain devant le tribunal de grande instance de Lille par acte du 31 mai 2011 afin de voir annuler les résolutions des assemblées générales susvisées et ordonner un certain nombre de mesures découlant d'une telle annulation.

Par jugement contradictoire du 1er août 2013, le tribunal a :

- déclaré prescrite et irrecevable la demande de Monsieur [Q] [A] tendant à voir annuler les résolutions de l'assemblée générale du 4 mars 2008,

- débouté Monsieur [A] de sa demande en nullité de :

* la résolution de l'assemblée générale du 22 septembre 2008 qui a autorisé la sci du Chemin du Meunier à céder l'immeuble dont elle était propriétaire,

* la résolution de l'assemblée générale du 4 mai 2009 qui a décidé de la dissolution de la sci du Chemin du Meunier,

- débouté Monsieur [Q] [A] du surplus de ses demandes,

- condamné celui-ci aux dépens et à payer aux défenderesses la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [A], ayant relevé appel de ce jugement le 9 août 2013, demande à la cour de le réformer et de :

- dire et juger nulles les résolutions des assemblées générales des 4 mars 2008, 22 septembre 2008 et 4 mai 2009,

- dire et juger nul l'acte authentique de vente du 30 mars 2009,

- ordonner la mutation de l'immeuble dans le patrimoine de la sci du Chemin du Meunier,

- dire et juger que le présent arrêt vaudra titre de mutation et ordonner la publication de ladite mutation auprès de la conservation des hypothèques,

- dire et juger que tous les frais et les éventuels honoraires relatifs à cette mutation resteront à la charge solidaire de Messieurs [Y] [U], [X] [E] et [B] [N] et les condamner de ce chef

- condamner la sci Plastimain et ses associés solidairement à payer à la sci du Chemin du Meunier le montant total des revenus fonciers imposables, au sens de ceux déclarés par la sci Plastimain selon déclaration fiscale n° 2072 depuis la signature du bail commercial le 16 mars 2009 jusqu'à la dernière déclaration fiscale n° 2072 réalisée au jour de la décision à intervenir, et ce dans le délai d'un mois à compter de la décision sous astreinte de 500 € par jour de retard pendant quatre mois,

- condamner la sci Plastimain et ses associés solidairement à faire établir en cas de décision à intervenir en cours d'année civile, par l'expert-comptable de leur choix, le montant total des revenus fonciers imposables au 1er janvier de l'année jusqu'au jour de la décision définitive à intervenir, et ce dans le délai d'un mois à compter de la décision sous astreinte de 500 € par jour de retard pendant quatre mois,

- condamner la sci Plastimain et ses associés solidairement à payer à la sci du Chemin du Meunier le montant total desdits revenus imposables, et ce dans le délai d'un mois à compter de la décision sous astreinte de 500 € par jour de retard pendant quatre mois,

- condamner la sci du Chemin du Meunier à affecter à Monsieur [A] sa part de bénéfices dans les revenus fonciers imposables restitués par la sci Plastimain pour les exercices fiscaux à compter du 1er janvier 2009,

- condamner Messieurs [U], [E] et [N] à payer à Monsieur [A], en cas de bénéfices fonciers sur les années en cause, les intérêts de retard au taux majoré sur lesdits bénéfices,

- les condamner solidairement et personnellement prendre à leur charge l'ensemble des frais afférents à la rectification et à la publication des actes consécutifs à la décision à intervenir auprès des administrations compétente, du greffe du tribunal de commerce compétent et des publications légales,

- les condamner à verser à Monsieur [A] la somme de 15 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts,

- condamner les 'défendeurs' (intimés ') à lui verser la somme de 12 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Emmanuel Lacheny.

Il fait valoir :

- que l'assemblée générale du 4 mars 2008 est nulle dès lors qu'il n'y a pas été convoqué,

- qu'il n'a eu connaissance de la tenue et de la teneur de cette assemblée que le 12 septembre 2008, que le délai de prescription de trois ans pour agir en nullité n'était pas expiré à la date de l'assignation introductive d'instance et avait en toute hypothèse été suspendu par l'assignation en référé du 20 octobre 2009, que sa demande de ce chef est donc recevable,

- que les résolutions de l'assemblée générale du 22 septembre 2008 sont contraires à l'intérêt de la sci du Chemin du Meunier et ne profitent qu'aux associés majoritaires, qu'elles sont nulles pour avoir été prises par l'effet d'un abus de majorité dès lors que:

* la sci a vendu pour le prix de 200 000 euros un immeuble dont la valeur était d'un million cinquante mille euros (1 050 000 €) à la sci Plastimain dont les associés sont Messieurs [U], [E] et [N],

* l'affirmation des intimés selon laquelle la construction était inachevée est inexacte, la construction était en réalité achevée et les conditions d'utilisation à usage médical réunies, la sci Plastimain a pris possession des lieux et les a donnés à bail, sans réserve sur leur consistance et leur caractère opérationnel, avant même d'en être propriétaire, ce qu'elle a dissimulé au notaire qui n'en fait pas état dans l'acte de vente,

* la sci du Chemin du Meunier a échappé ainsi à l'impôt sur les plus-values et, s'agissant de la vente d'un simple terrain à bâtir, fait supporter la TVA par l'acheteur, mais se trouvait exposée à un risque de redressement fiscal,

* la reprise de l'emprunt par la sci Plastimain est sans influence sur le caractère vil du prix de vente, lequel n'a pas été accepté par la majorité des associés en considération de transfert du prêt, et aurait dû de surcroît résulter d'une décision prise en assemblée générale, ce qui n'a pas été le cas,

* l'opération ne profite qu'aux associés majoritaires, réunis désormais dans la sci Plastimain, puisque sans elle, c'est la sci du Chemin du Meunier qui, une fois l'emprunt remboursé, aurait été propriétaire d'un immeuble valant 1 050 000 euros et procurant un revenu locatif de 120 000 euros,

- que la vente de l'immeuble, par conséquent, doit être tenue pour nulle,

- que l'assemblée générale du 4 mai 2009 au cours de laquelle a été décidée la dissolution de la sci du Chemin du Meunier parce qu'elle n'était plus propriétaire d'aucun immeuble résulte du même abus de majorité et est également nulle dès lors que la vente de l'immeuble est nulle pour les raisons exposées supra ,

- que la nullité des assemblées générales et de la vente de l'immeuble pour abus de majorité ont naturellement des conséquences sur le bénéfice du bail de l'immeuble et sur la prise en charge des frais occasionnés.

Les intimés concluent à la confirmation du jugement, au débouté de Monsieur [A] de toutes ses demandes, à la condamnation de ce dernier à payer à chacun d'eux la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais d'expertise, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Laurent.

Ils font valoir :

en ce qui concerne l'assemblée générale du 4 mars 2008,

- que Monsieur [A] a été informé oralement de la tenue de l'assemblée générale du 4 mars 2008, qu'il était dans les locaux du siège social de la sci ledit jour, que Madame [K], expert comptable et commissaire aux comptes, est intervenue auprès de lui au moment de l'entrée en réunion des associés pour l'inviter à y participer mais qu'il a refusé, que l'assemblée générale en question n'encourt donc pas la nullité,

- qu'il ressort des écritures qu'il a prises lors de la procédure de référé qu'il a eu connaissance de la tenue, de l'ordre et du jour et des résolutions adoptées au plus tard à la réception d'une lettre que lui a adressée Monsieur [U] le 24 avril 2008, que son action, exercée plus de trois ans après, est prescrite, que l'assignation en référé intervenue entre temps avait un autre objet, à savoir l'évaluation de l'immeuble, et n'a pu interrompre ou suspendre le délai de prescription,

en ce qui concerne les assemblées générales des 22 septembre 2008 et 4 mai 2009,

- que préalablement, des divergences étaient survenues entre Monsieur [A] et ses associés sur les conditions d'exercice de leur activité professionnelle, la direction de leurs sociétés et le projet de construction d'une maison médicale, que Monsieur [A], d'ailleurs, à la différence de ses associés, ne s'était pas porté caution à l'occasion de la souscription de l'emprunt destiné à l'acquisition du terrain,

- qu'il a dans un premier temps quitté la selarl puis, en refusant d'assister à l'assemblée générale de la sci du 4 mars 2008 puis de participer au remboursement de l'emprunt décidé ce jour-là, en formulant une proposition de rachat de ses parts qui n'a pas été acceptée compte tenu du prix exorbitant qu'il demandait, Monsieur [A] a exprimé clairement son souhait de se retirer de la sci du Chemin du Meunier et révélé la disparition de l'affectio societatis qui le liait à ses associés, étant observé que le projet de construction d'une maison médicale était destiné à l'exercice de leur activité professionnelle et non un investissement immobilier à mettre en oeuvre quels que soient les professionnels susceptibles d'exercer leur activité au sein des locaux construits,

- que Monsieur [A] a été régulièrement convoqué aux assemblées générales des 22 septembre 2008 et 4 mai 2009 et y a participé, que les votes se sont déroulés conformément aux statuts et que les règles de majorité ont été respectées,

- que la vente de l'actif et la dissolution de la sci ne contreviennent pas aux intérêts de Monsieur [A] ni ne favorisent les autres associés et sont légitimées par la disparition de l'affectio societatis,

- que le prix de vente n'est pas sous-estimé dès lors que :

* l'usage du terrain est soumis à de fortes contraintes réglementaires et la construction n'était pas finie, étant précisé que si le bail consenti par la sci Plastimain à la selarl Chirurgie Plastique a pris effet au 16 mars 2009, l'inauguration du nouveau cabinet n'est intervenue que le 12 juin 2009,

* la sci du Chemin du Meunier a été déchargée parallèlement du remboursement de l'emprunt, transféré à la sci Plastimain,

* ainsi, au regard de la valeur vénale de l'immeuble estimée par l'expert (1.050.000 €), du prix d'achat du terrain (171 827 €), et compte tenu du transfert de l'emprunt à l'acquéreur (1 266 068 €), le prix de 200 000 €n'est pas un vil prix,

- que l'abus de majorité n'est donc pas caractérisé.

en ce qui concerne les autres demandes,

- que Monsieur [A] n'a pas qualité pour présenter des demandes au nom de la sci du Chemin du Meunier (paiement de revenus fonciers), demandes au demeurant non chiffrées, et que ces prétentions sont irrecevables,

- qu'il ne justifie pas du préjudice personnel sur lequel il fonde sa demande de dommages et intérêts.

SUR CE

Sur la demande d'annulation des résolutions de l'assemblée générale du 4 mars 2008

Attendu que l'article 1844-14 du code civil dispose que les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue ;

que le point de départ du délai de prescription d'une action en annulation d'une assemblée générale ou de résolutions qui y ont été prises pour défaut de convocation se situe à la date à laquelle le demandeur a eu connaissance de la tenue de ladite assemblée ;

que le défaut de convocation ne peut être invoqué au soutien d'une demande de nullité d'une assemblée générale par un associé qui a néanmoins participé à ladite assemblée ou dont il est établi qu'il avait connaissance de sa tenue ;

que les statuts de la sci du Chemin du Meunier stipulent que les convocations aux assemblées générales doivent être adressées au moins quinze jours à l'avance par lettre recommandée ; qu'il n'est pas contesté que ce formalisme n'a pas été respecté en l'espèce ;

que les intimés versent aux débats une attestation établie par Madame [K], expert comptable et commissaire aux comptes de la sci du Chemin du Meunier, par laquelle celle-ci affirme d'une part qu'elle avait informé préalablement Monsieur [A] de l'assemblée générale prévue, lors d'un entretien avec lui, d'autre part que ce dernier était dans les locaux du siège social de la sci ledit jour, qu'elle est intervenue auprès de lui au moment de l'entrée en réunion des associés pour l'inviter à y participer mais qu'il a refusé et, devant son insistance, a quitté brusquement les locaux ;

que cependant, Monsieur [A] conteste ces dires et produit différentes pièces desquelles il ressort qu'il a exercé son activité professionnelle dans d'autres locaux à partir du mois de février 2008, dont l'attestation d'un médecin exerçant au même endroit, ainsi qu'une attestation de Madame [D], infirmière, par laquelle celle-ci affirme qu'elle était avec lui dans son nouveau cabinet le 4 mars 2008 à l'heure de la réunion ;

que ces pièces contradictoires laissent persister un doute et qu'il ne peut être tenu pour prouvé que Monsieur [A] avait connaissance de l'assemblée générale en question et aurait pu y assister ;

que l'on peut certes lire ceci dans les conclusions que Monsieur [A] a signifiées au cours de la procédure de référé :

'Monsieur [Q] [A] apprenait par le biais de ses associés qu'ils s'étaient directement rapprochés du Crédit Lyonnais à l'effet de souscrire un prêt d'un montant de 1 228 000 euros, lequel etc ...

Les associés de Monsieur [A] sollicitaient le 24 avril 2008 le règlement à compter du mois de mai 2008 de sa part en qualité d'associé dans le remboursement de l'emprunt à défaut de cession des parts à leurs conditions.

Monsieur [Q] [A] refusait la cession de ses parts détenues au capital de la sci du chemin du Meunier aux conditions proposées par ses associés et refusait par ailleurs toute contribution au financement du prêt dans la mesure où celui-ci avait été tenu à l'écart de toute l'opération menée à son insu par ses associés, lesquels avaient délibérément et sans son assentiment ni sa présence réuni une assemblée générale le 4 mars 2008 à l'effet de souscrire un prêt auprès du Crédit Lyonnais dont les conditions ont été rapportées ci-dessus.

Cette assemblée était en conséquence entachée de nullité etc...

Monsieur [A] ne prenait connaissance de l'existence de ce procès-verbal d'assemblée générale ordinaire que le 12 septembre 2008 par suite de sa communication par Monsieur [Y] [U] par télécopie' ;

qu'il en ressort que Monsieur [A] a eu connaissance au plus tard le 24 avril 2008 de la décision de ses associés de souscrire un emprunt et des démarches qu'ils avaient faites à cette fin mais pas nécessairement de ce que cette décision avait été prise au cours d'une assemblée générale dont il a pu n'apprendre l'existence, et contester la validité, qu'ultérieurement ;

qu'il n'est donc pas acquis que Monsieur [A] ait eu effectivement connaissance de l'assemblée générale litigieuse avant le mois de septembre 2008, de sorte que l'action en nullité de ladite assemblée qu'il a engagée par assignation du 31 mai 2011, soit avant l'expiration du délai de trois ans, est recevable et que le jugement doit être infirmé sur ce point ;

attendu, cependant, qu'il est constant que la nullité de l'assemblée générale ou des résolutions dans une telle hypothèse suppose la démonstration, par le demandeur, d'un grief, c'est-à-dire d'un préjudice que lui cause l'irrégularité alléguée;

que Monsieur [A] soutient qu'un grief résulte nécessairement au cas présent de ce qu'a été décidée, lors de l'assemblée générale considérée, la souscription d'un emprunt de 1 228 000 euros, augmentant considérablement le passif de la société et les engagements des associés ;

mais que, indépendamment de ce qu'un tel emprunt apparaît comme cohérent, à l'époque, avec le projet immobilier de la sci auquel Monsieur [A] prétend n'avoir jamais eu l'intention de renoncer, ses divergences de vue avec ses confrères ne portant que sur les conditions d'exercice de leur activité professionnelle ayant conduit à son retrait de la seule selarl, sa présence le 4 mars 2008 n'aurait pas mis obstacle à l'adoption par ses associés, majoritaires, des résolutions contestées ;

que Monsieur [A] ne justifie donc pas, in concreto, d'un préjudice résultant de l'irrégularité qu'il dénonce et de l'impossibilité où il dit s'être trouvé d'assister à l'assemblée générale litigieuse ;

qu'il doit dès lors être débouté de ses demandes de ce chef ;

Sur la demande d'annulation des résolutions des assemblées générales des 22 septembre 2008 et 4 mai 2009

attendu qu'il est constant qu'une décision d'une assemblée générale peut être annulée pour abus de majorité lorsqu'elle se révèle non conforme à l'objet et aux intérêts de la société et favorise les associés majoritaires au détriment des associés minoritaires ;

qu'en l'espèce, la sci du Chemin du Meunier avait pour objet social et pour projet la construction de locaux destinés à être loués à des professionnels de la santé ;

qu'il y a tout lieu de penser, comme le soutiennent les intimés, que la maison médicale en question était destinée à être louée à la société professionnelle constituée par les associés de la sci pour l'exercice de leur activité médicale ;

que pour autant, le fait, pour Monsieur [A], de se retirer de la société professionnelle n'implique pas renonciation de sa part à participer au projet immobilier qui constituait un investissement, même si l'immeuble à construire était appelé à être loué à ses confrères, anciens associés au sein de la société professionnelle ;

que s'il a certes offert à ces derniers de racheter ses parts de sci, cette offre n'a pas été suivie d'effet, à défaut d'accord sur le prix, de sorte que Monsieur [A] est effectivement resté associé de la sci ;

attendu, d'une part, que les intimés échouent à démontrer l'intérêt pour la sci du Chemin du Meunier de vendre l'immeuble qui est à la fois son seul actif et sa raison d'exister ;

que la fixation du prix à la somme de 200 000 euros lors de l'assemblée générale du 22 septembre 2008 ne peut se justifier par le transfert parallèle de la charge de l'emprunt à l'acquéreur dès lors que le procès-verbal de ladite assemblée ne fait nullement mention de ce transfert, dont on ignore à quelle date il a été envisagé, négocié et considéré comme acquis et qui en outre, comme le fait remarquer Monsieur [A], aurait dû faire l'objet d'une décision de l'assemblée générale ; qu'il ne ressort donc pas du procès-verbal susvisé que le prix ait été fixé en considération du transfert du prêt ;

que ledit prix ne peut davantage se justifier par le caractère inachevé de l'immeuble ; qu'à supposer que la construction fût en cours le 22 septembre 2008, date de l'assemblée générale litigieuse, elle ne l'était plus à la date de la vente, le 30 mars 2009, alors que le prix initialement fixé a été maintenu ; que l'expert judiciaire, Monsieur [T], précise en effet (page 4) que la déclaration d'achèvement de travaux est du 31 mars 2009 et que d'après les différents procès-verbaux dressés par l'architecte chargé de la maîtrise d'oeuvre, seules quelques finitions restaient alors à apporter ; qu'en outre, le bail consenti dès le 16 mars 2009 par la sci Plastimain à la selarl Chrirurgie plastique-chirurgie de la main décrit précisément les locaux, 'sans exceptions ni réserves, le locataire déclarant bien connaître les lieux pour les avoir visités en vue de la présente location et les prendre dans leur état actuel' ;

que les intimés échouent donc également à démontrer l'intérêt pour la société de décider de vendre pour le prix de 200 000 euros un immeuble estimé, à dire d'expert, un million cinquante mille euros à la date de la vente (1 050 000 €) ;

attendu, d'autre part, que la vente prive la sci du Chemin du Meunier de son actif et donc les parts sociales de Monsieur [A] de toute valeur tandis que les associés majoritaires se retrouvent seuls propriétaires, via la sci Plastimain, de l'immeuble ; que Monsieur [A] peut donc légitimement se considérer comme évincé du projet immobilier ;

que de surcroît, l'expert a relevé que la sci Plastimain avait consenti un bail moyennant un loyer de 120 000 euros, supérieur à la valeur locative qu'il situe entre 80 000 et 90 000 euros ;

qu'à l'évidence, la décision prise le 22 septembre 2008 favorise les associés majoritaires et nuit aux intérêts de l'associé minoritaire ;

attendu par conséquent que les deux critères permettant de caractériser l'abus de majorité sont réunis et qu'il convient de déclarer nulle la décision de vente prise par l'assemblée générale du 22 septembre 2008 ;

que la décision de dissoudre la sci du Chemin du Meunier prise le 4 mai 2009, qui relève du même processus, doit également être tenue pour nulle ;

Sur les demandes complémentaires

attendu que la nullité de la délibération du 22 septembre 2008 entraîne la nullité de la vente réalisée en vertu de celle-ci et qu'il y a lieu de le constater ;

que l'effet en est que la vente est censée n'avoir jamais existé, qu'il n'y a donc pas lieu d'ordonner une 'mutation', autrement dit un transfert de propriété 'en sens inverse' en quelque sorte, comme le demande l'appelant, mais d'ordonner la publication du présent arrêt à la conservation des hypothèques ;

qu'il n'est donc pas cohérent de la part de Monsieur [A] d'écrire (pages 32/33 de ses conclusions) : 'le bail professionnel en cours sera transmis à la sci du Chemin du Meunier ; cette situation est tout-à-fait classique et se retrouve régulièrement lorsqu'un immeuble est vendu à un nouveau propriétaire ; le bail est attaché à l'immeuble et le changement de propriétaire n'emporte nullement son annulation' ;

que la conséquence de la nullité de la vente, et donc de l'absence de transfert de la propriété de l'immeuble de la sci du Chemin du Meunier à la sci Plastimain, est la nullité du bail consenti par cette dernière sur ledit immeuble ;

que la cour ne peut cependant constater la nullité du bail faute de demande en ce sens et en l'absence du locataire dans la présente instance ;

qu'au-delà, se pose la question du fondement juridique de la demande de transfert par la sci Plastimain à la sci du Chemin du Meunier des sommes qu'elle a perçues à titre de loyer et de la qualité de Monsieur [A] pour présenter cette demande ;

qu'il y a lieu dès lors de recueillir les observations des parties sur ces points et de surseoir à statuer sur les autres demandes des parties ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

Déclare recevable la demande de Monsieur [A] tendant à l'annulation des résolutions de l'assemblée générale du 4 mars 2008 mais l'en déboute ;

Déclare nulles les résolutions des assemblées générales de la sci du Chemin du Meunier des 22 septembre 2008 et 4 mai 2009 ;

Constate la nullité de la vente de son immeuble de Lesquin consenti par la sci du Chemin du Meunier à la sci Plastimain par acte passé le 30 mars 2009 devant Maître [G], notaire à Wavrin ;

Ordonne la publication du présent arrêt à la conservation des hypothèques;

Sursoit à statuer sur les autres demandes des parties et ordonne la réouverture des débats pour inviter les parties à présenter leurs observations sur les conséquences de la nullité de la vente constatée ci-dessus sur la validité du bail consenti par la sci Plastimain et sur le sort des sommes perçues par cette dernière à titre de loyer ;

Dit que l'affaire sera appelée à la conférence de mise en état du 20 octobre 2014 ;

Réserve les dépens.

Le Greffier,Pour le Président,

Claudine POPEK.Bruno POUPET.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 13/04861
Date de la décision : 30/09/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°13/04861 : Autre décision ne dessaisissant pas la juridiction


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-30;13.04861 ?
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