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11/09/2014 | FRANCE | N°13/06364

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 7 section 2, 11 septembre 2014, 13/06364


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 7 SECTION 2



ARRÊT DU 11/09/2014



***





N° MINUTE : 14/ 808

N° RG : 13/06364



Jugement (N° 12/04615)

rendu le 27 Août 2013

par le Juge aux affaires familiales de LILLE

REF : AF/HF



APPELANTE



Madame [E] [T] épouse [W]

née le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 1]

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Représentée par Me Samira DENFER, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉ



Monsieur [D] [W]

né le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 5] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représenté par Me ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 7 SECTION 2

ARRÊT DU 11/09/2014

***

N° MINUTE : 14/ 808

N° RG : 13/06364

Jugement (N° 12/04615)

rendu le 27 Août 2013

par le Juge aux affaires familiales de LILLE

REF : AF/HF

APPELANTE

Madame [E] [T] épouse [W]

née le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Samira DENFER, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ

Monsieur [D] [W]

né le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 5] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Sylvie DELANNOY-VANDECASTEELE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 03 Juillet 2014, tenue par Agnès FALLENOT magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nabyia JUERY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Isabelle CHASSARD, Président de chambre

Yves BENHAMOU, Conseiller

Agnès FALLENOT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Isabelle CHASSARD, Président et Lima GHARBI, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 03 Juillet 2014

*****

Monsieur [D] [W] et Madame [E] [T] se sont mariés le [Date mariage 1] 2006 à [Localité 5] (Algérie), sans contrat préalable relatif aux biens.

De leur union est né [C], le [Date naissance 1] 2008.

Par jugement du 22 mars 2012, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille a condamné Monsieur [D] [W] à verser à Madame [E] [T] la somme mensuelle de 200 euros à titre de contribution aux charges du mariage.

Par ordonnance en date du 8 février 2013, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille a notamment :

- constaté la résidence séparée des époux ;

- constaté l'exercice conjoint de l'autorité parentale sur l'enfant commun ;

- fixé la résidence habituelle de l'enfant au domicile de Madame [E] [T] ;

- organisé le temps d'accueil de l'enfant par Monsieur [D] [W] le premier mercredi de chaque mois à la journée ;

- mis à la charge de Monsieur [D] [W] le paiement de la somme mensuelle de 90 euros à titre de part contributive à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, avec indexation.

Par exploit d'huissier signifié le 8 mars 2013, Monsieur [D] [W] a fait assigner Madame [E] [T] en divorce sur le fondement de l'article 237 du code civil.

Par jugement du 27 août 2013, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille a statué comme suit :

'PRONONCE le divorce, en application de l'article 237 du Code Civil

- de Monsieur [D] [W], né le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 5] (ALGERIE);

et

- de Madame [E] [T], née le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 1] ;

mariés le [Date mariage 1] 2006 à [Localité 5] (Algérie);

ORDONNE toutes mentions et transcriptions conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, et notamment en marge de l'acte de mariage des époux et des actes de naissance de chacun d'eux ;

CONSTATE le non-lieu à la liquidation du régime matrimonial ;

RAPPELLE que, en application de l'article 265 du code civil, le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage et sur les donations de biens présents quelle que soit leur forme ; que, en revanche, le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu'à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l'un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l'union, sauf volonté contraire de l'époux qui les a consentis ; que cette volonté est constatée par le juge au moment du prononcé du divorce et rend irrévocables l'avantage ou la disposition maintenus ; que, toutefois, si le contrat de mariage le prévoit, les époux peuvent toujours reprendre les biens qu'ils auront apportés à la communauté ;

CONSTATE l'exercice conjoint de l'autorité parentale sur [C] par les deux parents;

PRECISE que, pour l'exercice conjoint de cette autorité parentale, le père et la mère doivent prendre d'un commun accord toutes les décisions importantes concernant la vie de l'enfant, et notamment relatives à : la scolarité et l'orientation professionnelle ; les sorties du territoire national ; la religion ; la santé ; les autorisations à pratiquer les sports dangereux ;

PRECISE que le parent chez lequel réside effectivement l'enfant pendant la période de résidence qui lui est attribuée est habilité à prendre toute décision nécessitée par l'urgence (intervention chirurgicale...) ou relative à l'entretien courant de l'enfant;

FIXE la résidence habituelle de l'enfant au domicile de Madame [E] [T] ;

ORGANISE le temps d'accueil de l'enfant par Monsieur [D] [W] selon l'accord amiable des parents, et à défaut comme suit :

- en période scolaire : le premier mercredi de chaque mois, en région lilloise, de 9 heures à 19 heures ;

- en période de vacances scolaires : de la même façon qu'en période scolaire, à la condition que l'enfant se trouve dans la région lilloise ;

étant précisé qu'il appartient au bénéficiaire du droit de visite et d'hébergement d'aller chercher l'enfant et de le ramener à sa résidence habituelle, ou de le faire faire par une personne digne de confiance et connue de l'enfant ;

RAPPELLE toutefois que le droit de visite et d'hébergement doit s'entendre comme un devoir pour le parent chez lequel les enfants ne résident pas de façon habituelle ;

PRECISE que sont à considérer les vacances scolaires en vigueur dans l'Académie dans le ressort de laquelle l'enfant a sa résidence habituelle ;

FIXE à la somme de 90 euros par mois le montant de la part contributive à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dont est redevable Monsieur [D] [W] envers Madame [E] [T], et au besoin l'y CONDAMNE, et ce à compter du 8 février 2013 ;

RAPPELLE que cette somme. est payable d'avance, le l er de chaque mois, par chèque, mandat ou virement, ou encore en espèces contre reçu, au domicile du créancier sans frais pour lui, en sus de toutes les prestations sociales auxquelles il pourrait prétendre ;

RAPPELLE que cette contribution est due même au-delà de la majorité, tant que l'enfant n'est pas en état de subvenir à ses besoins et poursuit des études sérieuses, étant précisé que le parent qui en assume la charge devra justifier régulièrement de la situation de l'enfant auprès de l'autre parent ; cette contribution étant également due pendant l'exercice du droit d'accueil;

PRECISE que toute somme mentionnée ci-dessus sera revalorisée à la diligence du débiteur lui-même, le 1er janvier de chaque année, en fonction de la variation subie par l'indice des prix à la consommation de l'ensemble des ménages, les indices pouvant être obtenus auprès de L'INSEE au numéro suivant : [XXXXXXXX01], ou sur le site internet www,insee.fr ;

PRECISE que la première revalorisation interviendra le janvier 2014, que les paiements doivent être arrondis à l'euro le plus proche et qu'elle devra être calculée comme suit : (...)

Pour satisfaire aux prescriptions de l'article 465-1 du Code de Procédure Civile, RAPPELLE que, en cas de défaillance dans le règlement des sommes dues :

1) le créancier peut en obtenir le règlement forcé en utilisant à son choix une ou plusieurs des voies d'exécution suivantes :

* saisie-arrêt entre les mains d'un tiers ; * autres saisies ; paiement direct entre les mains de l'employeur ; * recouvrement public par l'intermédiaire du Procureur de la République ;

2) le débiteur encourt les peines des articles 227-3 et 227-29 du Code Pénal : 2 ans d'emprisonnement et 15.000,00 euros d'amende, interdiction des droits civiques, civils et de famille, suspension ou annulation du permis de conduire, interdiction de quitter le territoire de la République ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire du jugement, à l'exclusion des décisions relatives au divorce proprement dit, à la prestation compensatoire éventuelle et aux dépens, est de plein droit ,

CONDAMNE Monsieur [D] [W] aux entiers dépens de l'instance.'

Le premier juge a notamment retenu que le couple était séparé depuis le mois d'octobre 2010, que la communauté ne comprenait ni passif ni actif à partager et que la situation de la famille n'avait pas subi de changement significatif depuis l'ordonnance de non-conciliation.

Par déclaration au greffe du 7 novembre 2013, Madame [E] [T] a relevé appel général de cette décision.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions signifiées le 31 janvier 2014, elle présente les demandes suivantes :

'Déclaré recevable et fondé l'appel de Madame [T] et en conséquence :

- Réformer et Infirmer le jugement de divorce dans son ensemble :

- A titre principal dire que la demande de divorce de Monsieur [W] est irrecevable en raison d'absence de dispositions dans sa requête sur la loi compétente en raison d'un élément d'extranéité,

- Constater que les époux [W] sont déjà divorcés en Algérie

A DEFAUT :

- Prononcer le divorce des époux aux torts exclusifs de Monsieur [W],

- Le condamner à verser la somme de 20000 € en réparation du préjudice de Madame [W],

- Le condamner à verser la somme de 200€ au titre de la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant mineur,

-Condamner Monsieur [W] à verser la somme de 3000 € à Madame [T] au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux entiers dépens.'

Elle reproche au premier juge de ne pas avoir déclaré la requête en divorce irrecevable, la loi applicable n'y étant pas précisée malgré la présence d'un élément d'extranéité, son époux étant de nationalité algérienne. Elle conclut à la nullité du jugement de divorce et demande qu'il soit déclaré inopposable.

Elle expose que le divorce a en tout état de cause été prononcé le 13 octobre 2011 par le tribunal civil de Tizi Ouzou, saisi le 22 septembre 2011 par Monsieur [D] [W].

Elle considère que les tribunaux français sont compétents et la loi française applicable, sur le fondement de l'article 3 du Règlement Européen n°2201/2003 du 27 novembre 2003 dit BRUXELLES II Bis et des articles 14, 15 et 309 du code civil .

Elle sollicite le cas échéant que le divorce soit prononcé pour faute, son époux n'ayant pas respecté les obligations nées du mariage. Elle lui reproche de l'avoir abandonnée pour vivre en région parisienne dès qu'il a appris sa grossesse. Elle demande l'indemnisation de son préjudice.

Elle expose percevoir un salaire d'environ 1.600 euros et devoir faire face au remboursement d'un prêt immobilier ainsi qu'aux frais de scolarité et de cantine de son fils. Monsieur [D] [W], dont elle ignore la situation financière, ne s'est jamais intéressé au sort de [C] et n'a pas cherché à exercer son droit de visite depuis octobre 2010.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions signifiées le 28 mars 2014, Monsieur [D] [W] présente les demandes suivantes :

'Déclarer mal fondé l'appel de Madame [T].

Dire et juger compétent la juridiction française.

Dire et juger la loi française applicable

Confirmer le jugement du 27 août 2013 en toutes ses dispositions.

En conséquence, prononcer le divorce sur le fondement de l'article 237 du Code civil à la requête et au profit de Monsieur [W] [D] avec toutes ses conséquences de fait et de droit.

Dire en conséquence que le dispositif du jugement à intervenir sera mentionné en marge de l'acte de mariage des époux et en marge de leur acte de naissance.

Concernant les mesures relatives à l'enfant [C] :

- Fixer la résidence de [C] chez sa mère

- Sauf accord des parties sur d'autres dispositions, accorder à Monsieur [W] un droit de visite qui s'exercera dans la région lilloise, dans un lieu rencontre, le premier mercredi de chaque mois.

- Fixer la part contributive de Monsieur [W] à l'entretien et à l'éducation de [C] à la somme de 90 € par mois.

Débouter Madame [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Condamner Madame [T] à payer à Monsieur [W] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux entiers dépens'

A cet effet, il indique que les juridictions françaises sont compétentes et la loi française applicable sur le fondement des articles 3 du code civil, 13 du code de procédure civile, 1070 du code de procédure civile, 309 du code civil, la requête ayant été déposée avant le 21 juin 2012, des règlements Bruxelles II bis et Rome III.

Il demande que le moyen de nullité excipé par son épouse soit rejeté, dans la mesure où l'assignation en divorce délivrée le 8 mars 2013 précise que la demande en divorce présente des éléments d'extranéité et qu'elle est motivée tant en ce qui concerne la compétence que la loi applicable. L'omission du premier juge de statuer sur ces questions n'a pas pour conséquence de rendre nul le jugement de divorce, étant observé que Madame [E] [T] n'indique pas le fondement juridique de sa demande et ne fait état d'aucun grief.

En toute hypothèse, la cour d'appel est compétente pour réparer cette omission conformément aux dispositions des articles 462 et suivants du code de procédure civile.

Il explique que le jugement de divorce rendu par le tribunal civil de Tizou Ouzou n'a pas été retranscrit, ayant été déclaré inopposable par le juge aux affaires familiales dans le cadre de l'instance engagée par l'épouse en contribution aux charges du mariage.

Il vit séparément de Madame [E] [T] depuis plus de deux ans. Il nie avoir abandonné son épouse lorsqu'elle était enceinte. Il affirme que son épouse a refusé de le suivre en région parisienne où il travaille depuis l'année 2007, souhaitant rester vivre dans le Nord. Il rentrait cependant le week-end et son épouse venait régulièrement le voir à [Localité 4] avec leur fils. Peu à peu, des tensions sont cependant apparues dans le couple. La séparation définitive est intervenue en fin d'année 2010. Madame [E] [T] a déménagé sans l'en informer de sorte qu'il a été privé de l'exercice de son droit de visite.

Il affirme que la mère a un revenu mensuel de 1.830 euros et assume ses charges courantes, tandis qu'il perçoit un revenu mensuel de 1.260 euros et règle un loyer de 606 euros par mois, outre ses charges courantes.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Les avocats des parties ont été avisés par l'avis de fixation de la nécessité de porter à la connaissance du parent représenté qu'il devait informer les enfants mineurs concernés par la procédure de leur droit à être entendus et à être assistés par un avocat conformément aux dispositions de l'article 388-1 du code civil. Aucune demande n'a été présentée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juillet 2014.

MOTIFS :

Sur la compétence des juridictions françaises :

Il ressort des pièces produites que Madame [E] [T] est de nationalité française et Monsieur [D] [W] de nationalité algérienne.

L'instance en divorce ayant été engagée postérieurement au 1er mars 2005, la compétence des juridictions françaises doit être appréciée en application des dispositions du règlement 2201/2003 dit 'Bruxelles II bis', applicable quelque soit la nationalité des parties, dont l'article 3 énonce :

« Compétence générale

1. Sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l'Etat membre :

a) sur le territoire duquel se trouve :

' la résidence habituelle des époux, ou

' la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l'un d'eux y réside encore, ou

' la résidence habituelle du défendeur, ou

' en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l'un ou l'autre époux, ou

' la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l'introduction de la demande, ou

' la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande et s'il est soit ressortissant de l' Etat membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, s'il y a son 'domicile' ;

b) de la nationalité des deux époux ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, du

'domicile' commun.'

Il est constant qu'à la date du dépôt de la requête en divorce le 11 mai 2012, la résidence de l'épouse et de l'enfant mineur était fixée à [Adresse 3], et celle de l'époux à [Adresse 4].

La juridiction française est, en conséquence, compétente pour statuer sur le présent litige.

Sur l'autorité de la chose jugée attachée au jugement prononcé le 13 octobre 2011 par le tribunal civil de Tizi Ouzou :

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel la chose jugée.

Aux termes de l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Aux termes de l'article 1 de la convention franco-algérienne du 29 août 1964, en matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou en Algérie, ont de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre Etat si elles réunissent les conditions suivantes :

a. La décision émane d'une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence admises dans l'Etat où la décision doit être exécutée;

b. Les parties ont étaient légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes, selon la loi de l'État où la décision a été rendue;

c. La décision est, d'après la loi de l'État où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible d'exécution;

d. La décision ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'État où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet État. Elle ne doit pas non plus être contraire à une décision judiciaire prononcée dans cet État et possédant à con égard l'autorité de la chose jugée.

Aux termes de l'article 6 de la convention franco-algérienne du 29 août 1964, la partie qui invoque l'autorité d'une décision judiciaire ou qui en demande l'exécution doit produire :

a. Une expédition de la décision réunissant les conditions nécessaires à son authenticité;

b. L'original de l'exploit de signification de la décision ou de tout autre acte qui tient lieu de signification;

c. Un certificat des greffiers compétents constatant qu'il n'existe contre la décision ni opposition ni appel, ni pourvoi en cassation;

d. Une copie authentique de la citation de la partie qui a fait défaut à l'instance en cas de condamnation par défaut;

e. Le cas échéant, une traduction complète des pièces énumérées ci-dessus certifiées conformes par un traducteur assermenté ou agréé conformément à la réglementation de l'État requérant.

Madame [E] [T] invoque l'autorité de la chose jugée attachée au jugement de divorce rendu le 13 octobre 2011 par le tribunal de Tizi-Ouzou.

Elle ne produit cependant aucune des pièces imposées par l'article 6 de la convention franco-algérienne du 29 août 1964.

Il sera en outre rappelé que dans le cadre de l'instance en contribution aux charges du mariage qu'elle avait engagée à l'encontre de son époux le 19 décembre 2011, elle s'était prévalue du caractère frauduleux de cette décision.

Par jugement du 22 mars 2012, le juge aux affaires familiales a en conséquence déclaré cette décision inopposable, après avoir constaté que les époux et leur enfant mineur résidaient tous les deux en France lors de l'introduction de la procédure en divorce devant la juridiction algérienne, que l'époux s'était faussement déclaré domicilié en Algérie et que le litige ne se rattachait pas de manière caractérisée à l'Algérie.

Madame [E] [T] apparaît donc particulièrement mal fondée à invoquer l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision qu'elle n'a d'ailleurs même pas jugé utile de produire devant la cour.

Il convient d'écarter la fin de non-recevoir excipée de ce chef.

Sur la recevabilité de la requête en divorce :

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Madame [E] [T] demande à la cour, aux termes des prétentions récapitulées au dispositif de ses conclusions, qui limitent la saisine de la cour en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, de 'dire que la demande de divorce de Monsieur [W] est irrecevable en raison d'absence de dispositions dans sa requête sur la loi compétente en raison d'un élément d'extranéité'.

Il sera rappelé qu'aux termes de l'article 1106 du code de procédure civile, l'époux qui veut former une demande en divorce présente par avocat une requête au juge. La requête n'indique ni le fondement juridique de la demande en divorce ni les faits à l'origine de celle-ci. Elle contient les demandes formées au titre des mesures provisoires et un exposé sommaire de leurs motifs.

Ce texte n'impose donc pas que la requête initiale soit motivée quant à la loi applicable au divorce à peine d'irrecevabilité.

Il convient de rejeter la fin de non-recevoir excipée de ce chef.

Sur la loi applicable :

Le procès portant sur des droits dont les parties n'ont pas la libre disposition, l'article 3 du code civil fait obligation au juge de rechercher quelle est la loi qui les régit.

La requête en divorce a été déposée le 11 mai 2012.

Le règlement (UE) n°1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en oeuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps ne s'appliquant qu'aux actions judiciaires engagées à compter du 21 juin 2012, il convient de se référer à l'article 309 du code civil, aux termes duquel le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi française lorsque les époux ont, l'un et l'autre, leur domicile sur le territoire français.

La loi française est donc applicable.

Sur le prononcé du divorce :

Aux termes des articles 237 et 238 du code civil, le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré. L'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu'ils vivent séparés depuis deux ans lors de l'assignation en divorce.

Aux termes de l'article 242 du code civil, le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.

Aux termes de l'article 246 du code civil, si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute. S'il rejette celle-ci, le juge statue sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Sur la demande en divorce pour faute :

L'article 212 du code civil énonce que les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance.

L'article 213 énonce en outre que les époux doivent assurer ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l'éducation des enfants et préparent leur avenir.

L'article 215 énonce également que les époux s'obligent à une communauté de vie.

Il ressort des pièces versées à la procédure que Madame [E] [T] et Monsieur [D] [W] se sont mariés en Algérie le [Date mariage 1] 2006. Monsieur [D] [W] a rejoint son épouse en France le 26 avril 2007. Le couple a donné naissance à [C] le [Date naissance 1] 2008.

Sur le plan professionnel, Monsieur [D] [W] a été embauché par la société EQUINOXE le 2 octobre 2007, en qualité de vendeur à [Localité 3] (91), emploi qu'il occupe d'ailleurs toujours.

L'époux a par ailleurs pris à bail à compter du 1er septembre 2009 un studio situé [Adresse 4].

Madame [E] [T] affirme qu'il se déduit de cet enchaînement de faits que Monsieur [D] [W] l'a épousée dans le seul but de venir vivre en France de manière régulière.

Elle verse à l'appui de son allégation une unique attestation, émanant de son propre père, auquel l'époux aurait fait l'aveu de sa turpitude.

Cet élément de preuve ne suffit cependant pas à rapporter la preuve du caractère frauduleux du mariage, les propos tenus par Monsieur [H] [T] devant être considérés avec précaution dans la mesure où ils ne sont corroborés par aucun autre témoignage.

Monsieur [D] [W] a manifestement bénéficié d'une opportunité professionnelle qu'il a saisie, Madame [E] [T] ne démontrant nullement s'être opposée à ce qu'il accepte ce poste qui lui imposait nécessairement de prendre un logement en région parisienne.

L'acte de mariage joint à la procédure établit que Madame [E] [T] habitait déjà [Adresse 3] lorsqu'elle a épousé Monsieur [D] [W]. Son père, chez lequel elle est actuellement hébergée à la suite d'un sinistre, habite la même ville, démontrant que l'épouse a dans la région des attaches fortes et durables, qu'elle a pu refuser de sacrifier à la carrière de son époux.

Dès lors, le fait que les époux aient eu deux domiciles distincts n'établit pas la volonté du mari de vivre séparément et l'absence de communauté affective.

Les billets de train produits aux débats par Monsieur [D] [W] et les photographies le représentant en compagnie de [C] à tous âges démontrent d'ailleurs que le père revenait régulièrement en région lilloise et entretenait des contacts avec son fils.

Monsieur [D] [W] date la rupture des époux du mois d'octobre 2010, ce qui est confirmé par son beau père.

De ce fait, si l'époux a effectivement été condamné par jugement du 22 mars 2012 à participer aux charges du mariage, il est établi qu'à cette date, la communauté de vie n'existait plus. Il n'est donc pas démontré que la violation du devoir de secours entre époux dont elle témoignait rend intolérable le maintien de la vie commune.

Madame [E] [T] ne rapportant pas la preuve qui lui incombe des fautes qu'elle impute à son époux, il convient de la débouter de sa demande en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil.

Sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal :

Il est reconnu par les deux époux que toute communauté de vie avait cessé entre eux plus de deux ans avant la délivrance de l'assignation en divorce intervenue le 8 mars 2013, Madame [E] [T] affirmant que son époux l'a abandonnée dès l'année 2007, Monsieur [D] [W] datant quant à lui la fin de toute cohabitation du 20 octobre 2010, ce qui est corroboré par l'attestation de son beau-père.

Il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé le divorce des époux pour altération définitive du lien conjugal.

Sur la demande en dommages et intérêts :

Aux termes de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En matière de divorce, ce texte permet de réparer un dommage distinct de celui causé par la dissolution du mariage. Il est applicable quelle que soit la répartition des torts.

En l'espèce, Madame [E] [T] ne rapporte pas la preuve des fautes qu'elle impute à son mari.

Il convient donc de la débouter de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant :

Aux termes de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur.

Il appartient à chacun des parents d'adapter le montant de ses charges, non seulement à ses propres revenus, mais également aux besoins de l'enfant, dans l'organisation du budget de la famille. Ce devoir n'est appelé à disparaître que lorsque l'enfant a achevé les études et formations auxquelles il pouvait légitimement prétendre et a en outre acquis une autonomie financière le mettant hors d'état de besoin.

Monsieur [D] [W] a perçu en 2012 un revenu mensuel moyen de 1.267,58 euros. Il ne justifie aucunement de ses revenus de l'année 2013. Le cumul fiscal apparaissant sur son bulletin de paie de mai 2014 s'élève à 7.010,25 euros, ce qui représente 1.402,05 euros par mois, hors éventuels avantages de fin d'année.

Le père assume un loyer résiduel de 526,23 euros ainsi que des charges courantes en rapport avec son niveau de vie.

Il supporte une taxe d'habitation de 35,75 euros par mois et une taxe sur les ordures ménagères de 9,21 euros par mois. Il n'est pas imposé sur le revenu.

Madame [E] [T] a perçu en 2012 un revenu mensuel moyen de 1.829,33 euros. Elle ne produit pas sa déclaration des revenus de l'année 2013 ni son bulletin de paie du mois de décembre 2013. Le cumul fiscal apparaissant sur son bulletin de paie d'octobre 2013 s'élève à 17.889,86 euros, ce qui représente 1.788,99 euros par mois, et le cumul fiscal apparaissant sur son bulletin de paie de juin2014 s'élève à 11.413,52 euros, ce qui représente 1.902,25 euros par mois, hors éventuels avantages de fin d'année.

La mère est propriété de son logement et ne démontre pas supporter actuellement la charge d'un prêt immobilier.

Elle s'acquitte chaque mois d'une taxe foncière de 51,92 euros, d'une taxe d'habitation et d'une contribution à l'audiovisuel public de 60,33 euros et d'un impôt sur le revenu de 54,75 euros.

Ses charges courantes sont en rapport avec son niveau de vie.

[C] est scolarisé en établissement privé pour un coût d'environ 38 euros par mois. Il déjeune à la cantine, le prix unitaire d'un repas étant de 4,30 euros. Il est pris en charge en garderie certains mercredis.

Monsieur [D] [W] démontre lui avoir ponctuellement acheté des vêtements, notamment en fin d'année, ce qui peut être mis en correspondance avec les fêtes de Noël.

Le père doit par ailleurs s'acquitter des frais de trajet liés à l'exercice de son droit de visite, fixé le premier mercredi de chaque mois.

Au regard de ces éléments, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé sa contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant à 90 euros par mois.

Sur dépens et les frais irrépétibles :

Compte tenu de l'issue du litige, il convient de condamner Madame [E] [T] aux dépens d'appel, les dépens de première instance restant répartis ainsi que décidé par le premier juge.

Il n'y a en revanche pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, publiquement après débats non publics, contradictoirement,

Déclare les juridictions françaises compétentes ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu le 13 octobre 2011 par le tribunal civil de Tizi Ouzou (Algérie) ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité alléguée par Madame [E] [T] de la requête en divorce ;

Déclare la loi française applicable ;

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant ;

Déboute Madame [E] [T] de sa demande de dommages et intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [E] [T] aux entiers dépens d'appel.

Le GreffierLe Président

L. GHARBII.CHASSARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 7 section 2
Numéro d'arrêt : 13/06364
Date de la décision : 11/09/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 72, arrêt n°13/06364 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-11;13.06364 ?
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