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13/08/2014 | FRANCE | N°13/01214

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 13 août 2014, 13/01214


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 13/08/2014



***



N° de MINUTE :

N° RG : 13/01214



Jugement (N° 09/00337) rendu le 10 janvier 2013

par le Tribunal de Grande Instance de DOUAI



REF : BP/PC





APPELANTE



SAS DEFRANCQ FRANCE anciennement dénommée MCP DEFRANCQ FRANCE

prise en la personne de son représentants légaux.

Ayant son siège social [Adresse 4],>
[Localité 4]



Représentée par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI, postulant,

assistée de Me Isabelle MERVAILLE-GUEMGHAR, avocat au barreau de LILLE, plaidant, membre de la SCP MEURICE et a...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 13/08/2014

***

N° de MINUTE :

N° RG : 13/01214

Jugement (N° 09/00337) rendu le 10 janvier 2013

par le Tribunal de Grande Instance de DOUAI

REF : BP/PC

APPELANTE

SAS DEFRANCQ FRANCE anciennement dénommée MCP DEFRANCQ FRANCE

prise en la personne de son représentants légaux.

Ayant son siège social [Adresse 4],

[Localité 4]

Représentée par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI, postulant,

assistée de Me Isabelle MERVAILLE-GUEMGHAR, avocat au barreau de LILLE, plaidant, membre de la SCP MEURICE et associés

INTIMÉS

Monsieur [D] [W]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 3]

de nationalité Française

et

Madame [S] [E] épouse [W]

née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 3]

de nationalité Française

demeurant ensemble [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentés et assistés par Me Rigobert NGOUNOU, avocat au barreau de LILLE

Monsieur [X] [Q] exerçant sous l'enseigne entreprise [Q]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

[Localité 2]

et

SARL VQB

représentée par Monsieur [X] [Q]

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 2]

Représentées par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI, postulant membre de la SELARL ADEKWA,

et ayant pour avocat plaidant Me Bertrand MEIGNIE, avocat au barreau de DOUAI, membre du cabinet ADEKWA.

Société SIL SOCIETA ITALIANA LASTRE SPA, société de droit étranger

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1] - ITALIE

Représentée par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI, postulant, membre de la SCP Dominique LEVASSEUR et Virginie LEVASSEUR,

assistée de Me Marc FOUERE, avocat au barreau de PARIS, plaidant.

DÉBATS à l'audience publique du 15 Avril 2014 tenue par Bruno POUPET magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Martine ZENATI, Président de chambre

Fabienne BONNEMAISON, Conseiller

Bruno POUPET, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 Août 2014 après prorogation du délibéré du 18 juin 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Martine ZENATI, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 26 mars 2014

***

Monsieur [D] [W] et son épouse, Madame [S] [E], exploitants agricoles demeurant à [Localité 3], ont confié à l'entreprise de Monsieur [X] [Q], devenue la sarl V.Q.B., la réalisation de deux bâtiments agricoles, dont l'un à usage d'étable et l'autre à usage d'entrepôt, pour un montant de 244 182,43 euros (soit 37 225,37 euros) suivant facture du 26 novembre 1997.

Les travaux comprenaient la pose de tôles en fibro-ciment acquises de la sas MCP Defrancq, désormais dénommée Defrancq France, et fabriquées par la société Societa Italiana Lastre (ci-après SIL).

Faisant état de fissurations, perforations et ondulations, Monsieur et Madame [W] ont, par assignation du 11 avril 2007, sollicité en référé une mesure d'expertise.

Un expert a été désigné par ordonnance du 4 juin 2007 puis remplacé, par ordonnance du 1er octobre 2007 par Monsieur [A] [L], lequel a déposé son rapport le 28 avril 2008.

Par acte du 18 février 2009, Monsieur et Madame [W] ont assigné Monsieur [Q], la sarl V.Q.B. et la société Defrancq devant le tribunal de grande instance de Douai afin de les voir condamner 'conjointement et solidairement', sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, à leur payer les sommes de 36 896,60 euros en réparation de leur préjudice matériel, 22 000 euros en réparation de leur préjudice immatériel et 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Defrancq a appelé en garantie la société SIL par acte du 10 juillet 2010 au visa des articles 331 et suivants du code de procédure civile et 1582 et suivants du code civil.

Par jugement contradictoire du 10 janvier 2013, le tribunal a :

- condamné la société V.Q.B., venant aux droits de Monsieur [X] [Q], à payer à Monsieur et Madame [W] la somme de 36 896,60 euros au titre des travaux de réparation, outre 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais d'expertise et de constat d'huissier mais à l'exception de ceux exposés par la société SIL,

- condamné la société Defrancq France à garantir la société V.Q.B. de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ainsi qu'aux dépens exposés par la société SIL et à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à la société SIL la charge de ses frais irrépétibles,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La société Defrancq France, ayant relevé appel de ce jugement le 27 février 2013, sollicite sa réformation et présente les demandes et moyens suivants :

1°) à l'égard de M. et Mme [W], M. [Q] et la société V.Q.B. :

A) sur la recevabilité :

- constater que les plaques de fibrociment objet du litige ne peuvent recevoir la qualification d'EPERS et que l'article 1792-4 est inapplicable en l'espèce, déclarer en conséquence M. et Mme [W], M. [Q] et la société V.Q.B. en leurs demandes fondées sur cet article,

- vu les articles 122 du code de procédure civile, 1202, 1583, 2244, 2249 et 1678 du code civil, déclarer en conséquence M. et Mme [W], M. [Q] et la société V.Q.B. en leurs demandes fondées sur la notion de vice caché 'à raison des prescriptions encourues',

- vu les articles 1386-1 et suivants du code civil, déclarer M. et Mme [W] 'irrecevables comme prescrits',

B) à titre subsidiaire au fond :

- dire que la société Defrancq France ne saurait être tenue à une quelconque obligation de résultat à l'égard de M. et Mme [W], de M. [Q] et de la société V.Q.B. et, vu les articles 1582 et suivants, 1641 et suivants du code civil, débouter ces derniers de toutes leurs demandes en l'absence de démonstration de l'existence d'un vice caché,

- vu la mise en peinture des tôles par les époux [W], vu le rapport d'expertise retenant la responsabilité de M. [Q] et de la société V.Q.B. dans la survenance du sinistre, opérer un partage de responsabilité entre ces derniers et la société Defrancq France et 'dire et juger que la limite maximale de la condamnation de la société Defrancq France ne pourra excéder la somme de 12 720,83 euros conformément aux dispositions de l'article 1646 du code civil',

C) dans tous les cas :

débouter M. et Mme [W], M. [Q] et la société V.Q.B. de toutes leurs demandes à son encontre et les condamner solidairement à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

2°) à l'égard de la société SIL :

- à titre principal, dire que la convention de Vienne est inapplicable, la vente ayant été conclue en France, dire que la loi applicable est la loi française et, vu les articles 1583 et suivants du code civil, condamner la société SIL à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

- à titre subsidiaire, vu la garantie contractuelle de dix ans donnée par la société SIL, dire n'y avoir lieu à application de l'article 39 de la convention de Vienne en ce qu'il instaure un délai de prescription de deux ans et en conséquence, vu les articles 35, 36 et 39 in fine de la convention de Vienne, condamner la société SIL à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

- à titre subsidiaire toujours, dire n'y avoir lieu à application de la loi italienne ni à application des articles 1792 et suivants du code civil et en conséquence, vu les articles 1583 et suivants du code civil, condamner la société SIL à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

- dans tous les cas, débouter la société SIL de toutes ses demandes et condamner celle-ci à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de Maître Isabelle Carlier.

Monsieur et Madame [W], formant appel incident, demandent à la cour de condamner 'conjointement et solidairement' la société V.Q.B. et la société Defrancq France à leur payer les sommes de :

- 36 896,60 euros 'au titre du préjudice matériel',

- 10 000 euros correspondant à la valeur de leurs bovins morts,

- 12 000 euros correspondant au manque à gagner résultant de l'impossibilité de stocker leur blé dans les hangars défectueux,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts 'en réparation de leurs préjudice financier et moral ainsi que pour résistance abusive',

- 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, y compris le coût du constat d'huissier dressé le 4 décembre 2006 et les frais d'expertise.

Ils font valoir à cet effet :

- que l'expert a conclu que les désordres constatés rendent l'immeuble impropre à sa destination,

- que tant la société V.Q.B., qui a procédé aux travaux, que la société Defrancq, en tant que fournisseur des plaques défectueuses, sont dès lors tenues à leur égard de la garantie décennale en application des articles 1792 et 1792-4 du code civil,

- que la prescription de leur action à l'encontre de la société Defrancq France a été interrompue par l'assignation de celle-ci en référé le 2 mai 2007 dans le délai de la garantie décennale,

- que la responsabilité de la société Defrancq est également engagée en vertu des articles 1386-1 et 1386-6 du code civil en sa qualité d'importateur, assimilé au producteur, des éléments défectueux,

- subsidiairement, que l'expert a relevé que le désordre avait pour origine le défaut de fabrication des tôles, que la société Defrancq, en tant que vendeur desdites tôles, est tenue de la garantie des vices cachés à l'égard de la société V.Q.B., qu'elle a été assignée à cette fin dans le bref délai prévu par l'article 1648 du code civil qui, en l'espèce, n'a commencé à courir qu'à la date du dépôt du rapport d'expertise par lequel, seul, la société V.Q.B. a pu avoir connaissance des vices, qu'ils contestent avoir peint les tôles en question et qu'en toute hypothèse, il n'est pas démontré que leur mise en peinture soit de nature à contribuer à la survenance du désordre,

- que le tribunal les a déboutés à tort de leurs demandes de réparation autres que celle qui concerne le coût des travaux de réfection nécessaires dès lors que la porosité des plaques et l'humidité qui en est résultée ont entraîné la mort de bovins et l'impossibilité de stocker du blé, soit deux chefs de préjudice,

- que la résistance des sociétés V.Q.B. et Defrancq France est abusive, est source d'une procédure longue et ajoute un préjudice moral à leurs pertes matérielles.

Monsieur [Q] et la société V.Q.B. demandent à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société V.Q.B. sur le fondement de la responsabilité décennale au profit de M. et Mme [W],

- subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Defrancq France à garantir la société V.Q.B. des condamnations prononcées contre elle au profit de M. et Mme [W] et débouté ces derniers de leurs demandes indemnitaires relatives à une perte de bétail et de possibilité de stockage,

- débouter la société Defrancq France de ses demandes,

- condamner celle-ci ou tout succombant à leur payer la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Ils font valoir à cet effet :

- que l'expert a constaté une certaine humidité mais aucune infiltration active à l'intérieur du bâtiment considéré, lequel n'a pas cessé d'être utilisé, qu'il n'a relevé aucun manquement de l'entreprise [Q] aux règles de l'art, qu'aucun désordre relevant de la garantie décennale n'est caractérisé, d'autant moins que les époux [W] ont peint les plaques de fibrociment et ont pu les altérer,

- à titre subsidiaire, si la cour estime établie la preuve d'un vice relevant de la garantie décennale, que la société Defrancq France, en sa qualité de vendeur professionnel est tenue de la garantie des vices cachés et donc, en l'espèce, du vice que constitue la porosité des plaques litigieuses, et qu'ils ont agi à l'encontre de celle-ci dans le bref délai prévu par l'article 1648 du code civil compte tenu de la date à laquelle ils ont eu une connaissance effective du vice par le dépôt du rapport d'expertise et de la date à laquelle ils ont été assignés au fond par les époux [W].

La 'Societa Italiana Lastre' (SIL) demande à titre principal à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées contre elle.

Elle soulève in limine litis l'irrecevabilité des demandes présentées contre elles en soutenant que :

- la société Defrancq n'apporte pas la preuve d'un rapport contractuel entre elles en ce qui concerne les plaques litigieuses, faute de production de documents tels que bon de commande, facture, document de transport,

- la vente, si elle a existé, n'a pu avoir lieu qu'au début de l'année 1997, s'agissant de plaques fabriquées en janvier 1997 et ces produits n'étant conservés en stock que quelques jours, et que l'action de la société Defrancq France est prescrite en application :

* de l'article 39 de la convention de Vienne, applicable en l'espèce dès lors que les deux sociétés ont leurs établissements respectifs dans des états différents, un agent commercial de la société SIL en France ne constituant pas un établissement,

* des articles 1495 de la loi italienne, 2 et 3 de la convention de La Haye du 15 juin 1955,

* de la loi française, plus précisément de l'article 1648 du code civil (bref délai) et des articles 1792 et 1792-4 du même code (prescriptions biennales et décennales).

Elle conclut au fond au rejet de toutes les demandes dirigées contre elle et à la condamnation solidaire de M. et Mme [W], de la société V.Q.B. , de M. [Q] et de la société Defrancq France à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et la même somme par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens en faisant valoir en particulier :

- qu'elle n'a pas été appelée aux opérations d'expertise et que le rapport lui est inopposable,

- que la méthode et les tests utilisés par l'expert, en l'absence d'analyse du matériau par un laboratoire et d'examen de la structure porteuse, sont inadaptés pour établir l'existence du vice allégué, à savoir la porosité,

- que certains désordres décrits par Maître [B], huissier de justice, le 4 septembre 2006, telles que des fissures et auréoles au niveau des fixations, résultent d'erreurs de pose et non de défauts intrinsèques des plaques,

- que le lien entre le défaut allégué et l'humidité constatée n'est pas démontré.

SUR CE

Sur les demandes de Monsieur et Madame [W] fondées sur les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil

Attendu qu'en vertu des articles 1792 et 1792-4-1 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, pendant dix ans à compter de la réception des travaux, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ;

Qu'aux termes de l'article 1792-4, le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou l'élément d'équipement considéré ;

qu'est assimilé au fabricant, pour l'application dudit article, celui qui a importé un ouvrage, une partie d'ouvrage ou un élément d'équipement fabriqué à l'étranger ;

Qu'il n'est pas discuté que, comme l'a retenu le tribunal, une réception tacite des travaux est intervenue le 29 décembre 1997, date à laquelle Monsieur et Madame [W] ont pris possession de l'ouvrage sans réserve après en avoir réglé intégralement le coût ;

sur les demandes dirigées contre M. [Q] et la société V.Q.B.

Attendu que, conformément à l'ancien article 2244 du code civil, alors applicable, le délai de la garantie décennale a été interrompu par l'assignation en référé, le 11 avril 2007, de M. [Q] et de la société V.Q.B aux fins d'expertise ;

Que les demandes présentées ensuite sur ce fondement par assignation du 18 février 2009 étaient donc recevables ;

Que l'expert conclut très précisément que les désordres sont constitués par des fuites en toiture, que la cause de ces désordres réside dans la porosité des tôles de couverture résultant d'un défaut de fabrication, que lesdits désordres ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage mais le rendent impropre à sa destination ;

Que l'expert n'indique pas que les plaques litigieuses auraient été peintes, que la preuve de ce fait et, en toute hypothèse, de son rôle dans la survenance du dommage n'est apportée par aucune des pièces du dossier, étant observé qu'il ne ressort pas du rapport de l'expert que la société Defrancq France, partie aux opérations d'expertise, ait interrogé ce dernier sur ce point ;

Que, l'ouvrage étant donc affecté dans l'un de ses éléments constitutifs d'un dommage le rendant impropre à sa destination, la société V.Q.B.,venant aux droits de l'entreprise [Q], en est responsable de plein droit ;

sur les demandes dirigées contre la société Defrancq France

Attendu que, si la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription, il est constant que cet effet ne se produit que si la citation est délivrée à la requête du créancier au débiteur qu'il veut empêcher de prescrire ;

Qu'une assignation en référé qui tend à rendre commune à un tiers une expertise constitue une citation en justice interrompant la prescription à l'encontre de ce tiers au profit de celui qui l'a diligentée ;

Qu'au cas présent, si Monsieur et Madame [W] ont assigné en référé Monsieur [Q] devant le juge des référés par acte du 11 avril 2007, c'est Monsieur [Q] qui a assigné la société Defrancq France en intervention forcée le 2 mai 2007 ;

Que si cette deuxième assignation a eu pour effet de rendre opposable à la société Defrancq France l'expertise ordonnée par décision du 4 juin 2007, elle n'a eu un effet interruptif de prescription à l'encontre de la dite société qu'au profit de M. [Q], dans la perspective éventuelle d'un appel en garantie ;

Que par conséquent, les demandes dirigées par les époux [W] à l'encontre de la sarl Defrancq France sur le fondement de la garantie décennale par acte du 18 février 2009, soit plus de dix ans après la réception, sont irrecevables ;

sur le préjudice

Attendu que l'expert a préconisé la réfection de la couverture défectueuse et en a chiffré le coût à 36 896,60 euros, montant qui n'a pas été discuté lors des opérations d'expertise, de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société V.Q.B. à régler cette somme à Monsieur et Madame [W] ;

Que Monsieur et Madame [W] déclarent avoir perdu dix-neuf bovins en trois ans et incriminent l'humidité résultant de la porosité de la couverture ;

Que si le docteur [N], qui a constaté la mort de plusieurs des bovins en question, qu'il attribue à des lésions respiratoires aiguës, mentionne que ces bovins étaient parqués dans un box où la toiture gouttait fréquemment, rendant la litière et le dos du bétail humide malgré le paillage correct, il n'affirme pas pour autant que cette humidité est la cause de la mort des animaux ;

Que le docteur [L], vétérinaire consulté par l'expert judiciaire, déclare que les animaux vivant dans une atmosphère humide de façon régulière, dans un bâtiment mal ventilé, ont pu souffrir d'une congestion pulmonaire chronique, ayant permis une attaque respiratoire par des virus pouvant entraîner la mort des bovins; que cette possibilité de pneumopathie, par ailleurs observée cliniquement par le vétérinaire traitant, pourrait être confirmée par une autopsie si, à nouveau, un bovin périssait ; qu'il faudrait également essayer d'apprécier la quantité d'eau reçue par les bovins sur leur dos et la rémanence de cette humidité sur le poil qui, seule, ne semble pas pouvoir être à l'origine de la mort d'autant de bovins ; que le jour de sa visite, le temps était clément, les animaux étaient secs et la litière n'était pas gorgée d'eau ;

Que force est d'admettre que ce second vétérinaire n'attribue nullement avec certitude la mort des bovins de M. et Mme [W] à l'humidité susceptible de résulter du défaut d'étanchéité de la toiture ;

Qu'en l'absence de preuve d'un lien de causalité indiscutable entre la mort des animaux et une humidité causée par la porosité de la toiture, le tribunal a rejeté à bon droit la demande d'indemnité présentée à ce titre par les époux [W] ;

Que par ailleurs, si M. et Mme [W], exposant qu'un agriculteur a le plus grand intérêt à stocker son blé pour le vendre au meilleur moment pour en tirer le meilleur prix, soutiennent qu'ils se sont trouvés dans l'impossibilité de stocker leur blé dans leur hangar trop humide et ont été contraints de le vendre au prix le plus bas, subissant un préjudice de 12 000 euros, ils n'explicitent pas ce montant et ne communiquent ni les quantités de blé et les années concernées, ni les dates et prix auxquels ils les ont vendues, ni aucun élément de comparaison, et ne justifient donc pas du bien fondé de leur demande de ce chef que les premiers juges ont légitimement rejetée ;

Qu'enfin, si la procédure qu'ils ont engagée est certes longue, en raison notamment du déroulement d'une mesure d'expertise, de la présence de plusieurs parties en cause et de l'appel interjeté, M. et Mme [W] ne démontrent pas le caractère abusif de la résistance des sociétés V.Q.B. et Defrancq qui ne font que défendre leurs intérêts en développant arguments et moyens de droit dans le respect du principe du contradictoire ;

qu'en l'absence de comportement fautif de ces derniers, la demande de dommages et intérêts des époux [W] ne peut qu'être rejetée ;

Qu'en définitive, il convient de confirmer le jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées contre la société V.Q.B. au profit de M. et Mme [W] ;

Sur l'action en garantie exercée par la société V.Q.B. et M. [Q] à l'encontre de la société Defrancq France

Attendu que l'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ;

Qu'aux termes de l'article 1648 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2005 qui ne s'applique qu'aux contrats conclus postérieurement à son entrée en vigueur, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un bref délai, suivant la nature des vices et l'usage du lieu où la vente a été faite ;

Qu'il est constant que le bref délai ne court que du jour de la découverte du vice par l'acheteur ;

Que de surcroît, lorsque l'action en garantie des vices cachés est exercée par une partie à titre récursoire, le point de départ du bref délai ne peut être antérieur à sa propre assignation par le demandeur principal ;

Qu'au cas présent, si M. [Q] a reçu antérieurement les doléances des époux [W], il n'a eu une réelle connaissance du vice qu'à la date du dépôt du rapport de l'expert, soit le 28 avril 2008 ;

Qu'en toute hypothèse, M. [Q] et la société V.Q.B. n'ont été assignés en responsabilité par M. et Mme [W] que le 18 février 2009, en même temps que la société Defrancq France, que l'appel en garantie qu'ils ont formé contre cette dernière par conclusions du 22 juin 2009 l'a été dans un bref délai et que leur demande est recevable, comme l'a justement jugé le tribunal ;

Qu'il ressort du rapport d'expertise, ainsi que cela a été dit supra, que les plaques de couverture vendues par la société Defrancq France à M. [Q] sont poreuses ;

Que l'argument de la société Defrancq selon lequel ce vice n'est pas nécessairement antérieur à la vente est réfuté par l'expert qui ajoute que ce défaut résulte d'un défaut de fabrication, sans que la société Defrancq verse aux débats d'éléments techniques probants de nature à combattre cette affirmation ;

Que l'expert n'a pas caractérisé de malfaçon dans la mise en oeuvre des tôles par M. [Q] ;

Qu'il convient enfin de rappeler que l'expert ne signale pas que les plaques litigieuses auraient été peintes, que la preuve de ce fait et, surtout, de son rôle dans la survenance du dommage n'est apportée par aucune des pièces du dossier, étant observé qu'il ne ressort pas du rapport de l'expert que la société Defrancq France, partie aux opérations d'expertise, ait interrogé ce dernier sur ce point ;

Que l'action en garantie exercée par la société V.Q.B. à l'encontre de la société Defrancq France est donc bien fondée et que le jugement doit être confirmé sur ce point ;

Sur l'action en garantie exercée par la société Defrancq France à l'encontre de la société SIL

Attendu qu'il n'est pas contesté que les tôles litigieuses ont été fabriquées par la société SIL; que la marque figurant sur ces tôles permet à cette dernière de préciser qu'elles l'ont été en janvier 1997 ;

Que c'est par une appréciation exacte des éléments de preuve qui leur ont été soumis et une motivation pertinente, que la cour adopte, que les premiers juges ont considéré comme acquis que la société Defrancq France avait bien acheté les plaques litigieuses à la société SIL, étant observé en outre, d'une part, que celle-ci n'apporte pas la preuve de ce que, comme elle l'affirme, elle ne conserve jamais en stock de telles plaques plus de quelques jours après leur fabrication et n'a donc pu vendre en septembre 2007 des plaques fabriquées en janvier 2007, d'autre part, qu'elle ne formule aucune suggestion sur les conditions dans lesquelles la société Defrancq France aurait pu acquérir ces plaques alors qu'elle déclare qu'elle n'avait pas encore d'agent commercial en France à l'époque et ne fait pas état de l'existence de revendeurs ;

Attendu que la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises dispose, en son article 1, qu'elle s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des Etats différents lorsque ces Etats sont des Etats contractants ou lorsque les règles de droit international privé conduisent à l'application de la loi d'un Etat contractant ;

que l'article 10 précise que si une partie a plus d'un établissement, l'établissement à prendre en considération est celui qui a la relation la plus étroite avec le contrat et son exécution eu égard aux circonstances connues des parties ou envisagées par elles à un moment quelconque avant la conclusion ou lors de la conclusion du contrat ;

Qu'au cas présent, la société SIL justifie de ce qu'elle n'a conclu un contrat d'agent commercial avec Monsieur [I] [U] que le 1er octobre 2007 ; que ledit contrat précise qu'il s'agit d'un mandat d'agence sans pouvoir de représentation, pour promouvoir avec exclusivité les ventes des matériaux fabriqués par la société SIL, que les propositions d'achat obtenues par l'agent seront envoyées au jour le jour au siège de la SIL qui pourra les accepter ou non, que les paiements devront être faits directement à celle-ci ;

Que ces conditions ne permettent pas de considérer que la société SIL dispose, avec son agent, d'un établissement en France au sens de la convention susvisée ;

Que la société Defrancq France et la société SIL ont donc leur établissement dans des Etats différents et que la convention de Vienne est applicable au contrat de vente considéré ;

Que l'article 39 de ladite convention dispose que :

- l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au vendeur, en précisant la nature de ce défaut, dans un délai raisonnable à partir du moment où il l'a constaté ou aurait dû le constater,

- dans tous les cas, l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises, à moins que ce délai ne soit incompatible avec la durée d'une garantie contractuelle ;

Que la société Defrancq France qui ne produit pas le contrat de vente des plaques litigieuses et fournit un certificat de garantie non daté ne démontre pas que, comme elle l'affirme, lesdites plaques bénéficiaient d'une garantie contractuelle de dix ans à partir de la date d'expédition ;

Qu'en toute hypothèse, comme l'a retenu le tribunal, dès lors que la société Defrancq France soutient que les plaques ont été expédiées le 9 septembre 1997, le délai de dix ans était expiré lorsque la société SIL a été appelée en garantie le 22 juin 2009 ;

Qu'il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Defrancq France de ses demandes à l'encontre de la société SIL ;

Sur les autres demandes

Attendu que le tribunal a retenu à bon droit, d'une part, que la société Defrancq France ne pouvait arguer du caractère abusif de la procédure puisque sa garantie à l'égard de la société V.Q.B. est retenue et l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef, d'autre part, que la société SIL n'apportait pas la preuve d'un préjudice résultant de la procédure indépendant des frais qu'elle a dû exposer pour assurer sa défense et l'a également déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

Que les considérations qui précèdent conduisent à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, y compris celles qui concernent les dépens et les frais irrépétibles ;

Qu'il y a lieu, en cause d'appel, vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile :

- de condamner la société Defrancq France, appelante à titre principal et partie perdante, aux dépens et au paiement aux parties intimées d'une indemnité pour frais irrépétibles,

- de la débouter de ses propres demandes de ces chefs,

- de débouter la société SIL de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive en l'absence de preuve d'un préjudice distinct de celui que lui occasionnent les

frais qu'elle a dû exposer pour assurer sa défense, frais dont elle est indemnisée par application de l'article 700 susvisé,

- de la débouter également de ses demandes d'indemnités pour frais irrépétibles dirigées contre M. et Mme [W], la société V.Q.B. et Monsieur [Q].

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Déboute la société Defrancq France de ses demandes ;

Déboute la Societa Italiana Lastre de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne la société Defrancq France, par application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer une indemnité de deux mille euros à chacune des parties suivantes :

- M. et Mme [W] ensemble,

- la société V.Q.B.,

- la Societa Italiana Lastre ;

La condamne aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

C. POPEKM. ZENATI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 13/01214
Date de la décision : 13/08/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°13/01214 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-08-13;13.01214 ?
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