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11/06/2014 | FRANCE | N°12/07584

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 11 juin 2014, 12/07584


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 11/06/2014



***



N° de MINUTE :

N° RG : 12/07584



Jugement (N° 11/00390)

rendu le 06 Décembre 2012

par le Tribunal de Grande Instance de CAMBRAI

REF : BP/VC



APPELANT

Monsieur [N] [P]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 3]

Demeurant

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représenté par Me Guy SIX, membre du

cabinet DUEL, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE

SARL ESPACE LOISIRS CONCEPTS, prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Virginie...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 11/06/2014

***

N° de MINUTE :

N° RG : 12/07584

Jugement (N° 11/00390)

rendu le 06 Décembre 2012

par le Tribunal de Grande Instance de CAMBRAI

REF : BP/VC

APPELANT

Monsieur [N] [P]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 3]

Demeurant

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Guy SIX, membre du cabinet DUEL, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

SARL ESPACE LOISIRS CONCEPTS, prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Virginie LEVASSEUR, membre de la SCP DOMINIQUE LEVASSEUR-VIRGINIE LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Philippe OLHAGARAY, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Martine ZENATI, Président de chambre

Fabienne BONNEMAISON, Conseiller

Bruno POUPET, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

DÉBATS à l'audience publique du 10 Mars 2014, après rapport oral de l'affaire par Bruno POUPET

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2014 après prorogation du délibéré en date du 28 Mai 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame Martine ZENATI, Président, et Claudine POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 février 2014

***

Monsieur [N] [P] était propriétaire avec son épouse de la totalité des parts sociales de la sarl Les Amandines, dont l'objet était l'exploitation d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, et de la sci Immogest, propriétaire de l'immeuble abritant cet établissement.

Le 6 juin 2007, il a signé avec la sarl Espace Loisirs Concepts deux conventions sous seing privé portant sur la cession sous condition suspensive de l'intégralité des parts sociales de la sarl Les Amandines, pour l'une, de la sci Immogest pour l'autre, le terme du délai prévu pour la réalisation des conditions étant fixé au 31 décembre 2008.

Dans ce cadre, la société Espace Loisirs Concepts a versé à Monsieur [P] une somme de 600 000 euros, qualifiée prêt mais dont la nature est l'objet premier du présent litige, tandis que par acte séparé, un nantissement garantissant le remboursement de la créance était constitué par Monsieur [P] sur les parts qu'il détenait dans une autre société.

La signature des actes définitifs, finalement, n'est pas intervenue.

Monsieur [P] a relevé appel le 19 décembre 2012 d'un jugement contradictoire du 6 décembre 2012 par lequel le tribunal de grande instance de Cambrai l'a condamné à verser à la société Espace Loisirs Concepts la somme de 600 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de ladite décision, outre 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, et l'a débouté de ses demandes reconventionnelles.

Il conclut à titre principal à l'annulation du jugement au motif tiré de ce que le tribunal, en considérant les conventions susvisées comme de simples pourparlers sans force obligatoire en raison de l'absence d'accord sur la chose et le prix, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen soulevé d'office, aurait violé le principe du contradictoire.

Il demande à titre subsidiaire à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

- débouter la société Espace Loisirs Concepts de ses demandes,

- condamner celle-ci à lui verser la somme de 724 232 euros à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la mainlevée du nantissement de parts sociales,

- condamner en outre la société Espace Loisirs Concepts à lui payer les sommes de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour mauvaise foi, déloyauté et résistance abusive et de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Il fait valoir à cet effet :

- que les conventions du 6 juin 2007 sont des contrats fermes ayant force obligatoire entre les parties,

- qu'elles excluent le remboursement de la somme de 600 000 euros versée par la société Espace Loisirs Concepts en cas de défaut de réalisation de la vente imputable à cette dernière,

- que telle est l'hypothèse de l'espèce, le cessionnaire n'ayant pas accompli les diligences nécessaires à la réalisation en temps voulu des conditions suspensives,

- qu'il n'a pu, ensuite, céder les parts sociales de la société Les Amandines et de la société Immogest à la société GDP Vendôme qu'à des conditions financières et fiscales moins favorables lui ayant causé un important préjudice matériel,

- qu'en l'entretenant pendant des mois dans l'espoir d'une signature imminente de la vente en lui faisant croire à l'existence d'un financement imaginaire, l'intimée lui a causé un préjudice complémentaire.

La sarl Espace Loisirs Concepts, faisant valoir que la somme de 600 000 euros litigieuse a bien été versée à titre de prêt remboursable sans condition, que c'est en réalité Monsieur [P] qui a dénoncé la convention liant les parties, que le préjudice financier allégué n'est qu'apparent et à tout le moins hypothétique mais que Monsieur [P] a en réalité adopté, pour céder finalement ses parts à la société GDP Vendôme, un montage juridique et fiscal plus avantageux, conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelant à lui verser une indemnité de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de Maître Levasseur.

SUR CE

Attendu que la convention de cession, sous conditions suspensives, des parts sociales de la sarl Les Amandines signée par les parties le 6 juin 2007 comporte un article 9-2 ainsi rédigé :

'La société Espace Loisirs Concepts s'engage à verser au cédant la somme de six cents mille euros (600 000 €) au titre d'un prêt remboursable :

- au plus tard le jour de la signature de la convention de cession des titres de la société,

- et/ou en cas de non réalisation d'une condition suspensive et/ou en cas de non réalisation de la vente du fait du cédant' ;

***

Attendu qu'il ressort de l'exposé du litige et de la motivation du jugement querellé que le premier juge, relevant une ambiguïté dans le fait de désigner comme'prêt' le versement d'une somme dont le remboursement paraissait, en son principe même, soumis à conditions, s'est livré, au visa des articles 12 du code de procédure civile et 1156 du code civil, à une recherche de la commune intention des co-contractants pour donner ou restituer son exacte qualification à l'opération prévue par la clause litigieuse, et ce dans le cadre exclusivement des termes du débat opposant les parties, tel qu'il ressortait de leurs écritures, sur la nature du versement de la somme de 600 000 euros et le caractère obligatoire ou non de son remboursement ;

Qu'il n'a pas, ce faisant, soulevé d'office de moyen de droit sans le soumettre aux parties ni méconnu son obligation de respecter le principe du débat contradictoire ;

Que la demande de l'appelant tendant à voir annuler le jugement est par conséquent mal fondée et ne peut qu'être rejetée ;

***

Attendu toutefois que la cour ne parvient pas à la même conclusion que le tribunal ;

Qu'en effet, les conventions considérées contiennent bien un accord des parties sur la chose vendue et sur un prix provisoire et définissent les critères, ne dépendant pas de la volonté de l'une des parties ou de la réalisation d'accords ultérieurs, de détermination du prix définitif ;

Qu'aucune des parties n'explique pour quelle raison la société Espace Loisirs Concepts, cessionnaire, et donc appelée à terme à verser un prix d'achat, aurait en plus consenti un prêt au cédant, ce qui est quelque peu inhabituel ;

Que la clause précitée, quoiqu'intitulée 'prêt', se situe dans le paragraphe 'paiement du prix' ;

Que l'article 1902 du code civil dispose que l'emprunteur est tenu de rendre les

choses prêtées, en même quantité et qualité, et au terme convenu ;

Que le propre d'un prêt est l'obligation de restituer la chose reçue ;

Qu'au cas présent, le contrat, énonçant les termes et modalités auxquels est remboursable la somme de 600 000 euros, mentionne expressément le cas de la non réalisation de la vente du fait du cédant, de sorte que, a contrario, ladite somme s'avère non remboursable dans l'hypothèse de la non réalisation de la vente du fait du cessionnaire ;

Qu'il n'est dès lors pas téméraire de conclure que, comme l'écrivait le conseil de Monsieur [P] à la société Espace loisirs Concepts le 4 septembre 2009, le 'prêt' n'était en réalité, dans l'esprit des parties, que des 'arrhes' acquis au vendeur en cas de non réalisation du fait de l'acquéreur, dont le montant n'est pas incompatible avec cette conclusion si l'on considère que le prix global de l'opération était de 4 108 473 euros ;

Que se pose par conséquent la question de l'imputabilité de la responsabilité du défaut de réalisation de la vente ;

Que le délai prévu pour la réalisation des conditions suspensives était fixé, il convient de le rappeler, au 31 décembre 2008 ;

Qu'il ressort des pièces versées aux débats par Monsieur [P] que les conditions suspensives qui le concernaient, dont la principale était l'attribution à celui-ci des parts sociales de son épouse dans le cadre de la liquidation de leurs droits respectifs consécutive à leur divorce, ont été réalisées ;

Que le 19 janvier 2009, la société Espace Loisirs Concepts a écrit au conseil de Monsieur [P] en ces termes : 'Comme je vous l'ai indiqué lors de notre dernière conversation téléphonique, nous allons procéder à l'ouverture de la période d'augmentation du capital de la société Holding Mieux Vivre. Cette augmentation de capital permettra à la Holding Mieux Vivre de lever une tranche de crédit syndiqué comme le prévoit le contrat de crédit syndiqué. La convocation des actionnaires et des commissaires aux comptes sera faite pour une tenue de l'assemblée générale extraordinaire le 8 février 2009 qui prendra la décision d'augmentation de capital ; nous sommes d'accord sur le principe d'octroyer un prêt à Monsieur [P] de 300 000 euros dès l'obtention de l'accord de la mise en place de la tranche du crédit syndiqué. Cette somme pourrait être mise à la disposition de Monsieur [P] en même temps que la signature du compromis de cession qui devra prévoir la date butoir de la cession et que nous pourrons fixer entre le 31 mars et le 15 avril 2009. Ce délai nous semble cohérent pour mettre en place le dossier de cession définitive. Nous devons obtenir l'accord du pool bancaire au plus tard le 8 février 2009.' ;

Que s'il ressort de ce courrier que la société Espace Loisirs Concepts attendait un financement à bref délai et qu'il était encore prévu ensuite la signature d'un compromis puis d'un acte définitif, cette circonstance ne prive pas de valeur les conventions du 6 juin 2007 expressément signées par les parties et, par conséquent, les engageant ;

Que la société Espace Loisirs Concepts, qui proposait donc une signature à tout le moins d'un compromis entre le 31 mars 2008 et le 15 avril 2009, ne démontre pas, ni ne prétend d'ailleurs, s'être à nouveau manifestée auprès de Monsieur [P] après cette lettre du 19 janvier 2009 ;

Que dans ces conditions, le conseil de Monsieur [P] a pu légitimement écrire à la société Espace Loisirs Concepts le 9 septembre 2009 : 'la vente devait intervenir au plus tard le 31 décembre 2008. Il apparaît établi que votre société a été défaillante et se trouve par conséquent seule responsable de la non-réalisation de la cession' ;

Que Monsieur [P] ne saurait se voir reprocher ni d'avoir rompu les relations contractuelles, ni d'avoir reçu en février 2009 une offre d'achat de la part de la société GDP Vendôme qui ne s'est concrétisée par un acte de cession que le 12 novembre 2009 ;

Que la société Espace Loisirs Concepts doit être effectivement tenue pour responsable de la non-réalisation de la cession et Monsieur [P] dispensé en conséquence de restituer la somme de 600 000 euros litigieuse ;

Que le nantissement ne se justifie plus et qu'il convient d'en donner mainlevée sans que la nécessité d'assortir cette mesure d'une astreinte soit démontrée ;

Que la décision du premier juge doit être infirmée sur ces points ;

Attendu, en revanche, que Monsieur [P] ne démontre pas de lien de causalité entre, d'une part, le défaut de réalisation de la vente imputable à la société Espace Loisirs Concepts et, d'autre part, les conditions moins favorables auxquelles il aurait cédé ses parts à la société GDP Vendôme et les incidences fiscales du montage juridique qu'il a choisi pour cette opération, étant observé que rien ne permet d'étayer l'affirmation de Monsieur [C], expert comptable consulté par Monsieur [P] et dont celui-ci produit le rapport, selon laquelle 'le prix de cession et la répartition entre les deux catégories de titres ont été imposés par l'acquéreur, le groupe GDP Vendôme. Monsieur [P] a dû accepter ces conditions' ; d'autre part, que l'acompte de 600 000 euros conservé est une sanction du non respect de ses engagements par la partie défaillante mais aussi une réparation du préjudice résultant pour le vendeur de cette défaillance ;

Qu'il y a lieu dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [P] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel ;

Que ce dernier ne démontre pas le caractère abusif de la résistance de la société Espace Loisirs Concepts, qui ne saurait résulter du seul rejet de l'argumentation de celle-ci, et que le jugement doit être également confirmé de ce chef ;

Attendu que, chacune des parties voyant ses prétentions accueillies en partie, il convient de laisser à chacune d'elle la charge des dépens et autres frais qu'elle a exposés, et ce tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déboute Monsieur [P] de sa demande d'annulation du jugement entrepris ;

Confirme ledit jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [N] [P] de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité pour frais irrépétibles ;

L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau,

Déboute la société Espace Loisirs Concept de sa demande en paiement de la somme de six cent mille euros et de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles ;

Ordonne la mainlevée du nantissement inscrit le 5 juin 2007 au profit de la société Espace Loisirs Concepts sur les parts sociales de la sarl Les Airelles mais déboute Monsieur [P] de sa demande tendant à voir assortir cette disposition d'une astreinte ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes d'application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens par elle exposés en première instance comme en cause d'appel.

Le GreffierLe Président,

C. POPEKM. ZENATI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 12/07584
Date de la décision : 11/06/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°12/07584 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-11;12.07584 ?
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