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16/04/2014 | FRANCE | N°13/02045

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 16 avril 2014, 13/02045


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 16/04/2014



***



N° de MINUTE :

N° RG : 13/02045



Jugement (N° 11/01174)

rendu le 07 Février 2013

par le Tribunal de Grande Instance de DOUAI



REF : FB/AMD





APPELANTE



SAS DEMATHIEU & BARD

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par son représentant légal



Représent

ée par Maître Alexis IHOU, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE



SCI BEAU REPERE

ayant son siège social [Adresse 2]

et [Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par son représentant légal



Représentée par Maître Pascal VANHE...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 16/04/2014

***

N° de MINUTE :

N° RG : 13/02045

Jugement (N° 11/01174)

rendu le 07 Février 2013

par le Tribunal de Grande Instance de DOUAI

REF : FB/AMD

APPELANTE

SAS DEMATHIEU & BARD

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par son représentant légal

Représentée par Maître Alexis IHOU, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

SCI BEAU REPERE

ayant son siège social [Adresse 2]

et [Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par son représentant légal

Représentée par Maître Pascal VANHELDER, membre de la SCP VANHELDER BOUCHART O'BRIEN, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS à l'audience publique du 05 Février 2014 tenue par Fabienne BONNEMAISON magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Martine ZENATI, Président de chambre

Fabienne BONNEMAISON, Conseiller

Dominique DUPERRIER, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 Avril 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Martine ZENATI, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 janvier 2014

***

Par jugement du 7 Février 2013, le Tribunal de Grande Instance de DOUAI a débouté la société DEMATHIEU ET BARD de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la SCI BEAU REPERE et de la société 3 A CONCEPT et l'a condamnée à verser à la SCI BEAU REPERE une indemnité de procédure de 2000€.

La société DEMATHIEU & BARD a relevé appel de ce jugement le 8 Avril 2013 et a transmis le 16 Janvier 2014 des conclusions tendant à le voir infirmer, à voir dire abusive la rupture des pourparlers par la SCI BEAU REPERE , à voir consacrer la responsabilité délictuelle de cette dernière et l'entendre condamner à lui verser les sommes de 51 458.37€ à titre de dommages et intérêts en remboursement des frais engagés pour les études réalisées au profit de la SCI, 83 600€ avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation pour le préjudice commercial tenant à la perte de chiffre d'affaire, au bénéfice attendu et à la perte de chance d'obtenir un autre marché pendant six mois, outre une indemnité de procédure de 5000€.

Au terme de conclusions transmises le 19 Novembre 2013, la SCI BEAU REPERE sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société DEMATHIEU & BARD à lui verser la somme de 15 000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, préjudices commercial et moral ainsi qu'une indemnité de procédure de 5000€.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 Janvier 2014.

SUR CE

Il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties au jugement entrepris duquel il résulte essentiellement que :

- la SCI BEAU REPERE (ci-après le maître de l'ouvrage) a fait édifier à SOMAIN sous la maîtrise d'oeuvre d'exécution de la société 3 A CONCEPT également assistante du maître de l'ouvrage (ci-après désigné le maître d'oeuvre), un bâtiment industriel de quelques 3000m² avec bureaux,

- des négociations sont intervenues entre le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre d'une part, la société DEMATHIEU & BARD (ci-après désignée l'entreprise) d'autre part, à laquelle le maître de l'ouvrage envisageait de confier la construction dans son ensemble hors lots électricité et PCS,

- le 30 Août 2010, le maître d'oeuvre a informé l'entreprise que son offre n'était pas retenue et le marché a été attribué le 30 Septembre 2010 à une société MORETTI,

- au motif qu'elle avait cinq mois durant travaillé sur ce projet de concert avec le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre, réalisé des études, un planning, participé à des réunions de chantier, tous éléments de nature à caractériser un commencement de relations pré-contractuelles, la société DEMATHIEU & BARD a assigné le maître de l'ouvrage devant le Tribunal en responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour entendre sanctionner cette rupture brutale et abusive des pourparlers.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement dont appel qui a estimé l'attitude du maître de l'ouvrage dépourvue de caractère abusif lorsque les courriers échangés établissaient que l'entreprise avait attendu le 16 Août 2010 pour transmettre son 'DPGF'(offre de prix détaillée) permettant au maître d'oeuvre de comparer les prix des entreprises consultées, son choix en faveur de l'entreprise la moins disante n'étant empreint d'aucune mauvaise foi ni volonté de nuire.

Sur la responsabilité de la SCI BEAU REPERE :

La société DEMATHIEU & BARD fait grief au Tribunal d'avoir statué ainsi alors que son offre de prix était en réalité moins disante que celle de la société MORETTI, qu'aucune date butoir de transmission de son offre n'avait été fixée, qu'aucune mise en concurrence n'avait été annoncée ni été mise en oeuvre durant les six mois d'études préalables qu'elle a réalisées ensuite de son offre du 19 Mars 2010, la proposition de la société MORETTI ayant été formulée le 20 Septembre 2010 (lorsque la sienne remontait au 19 Mars), manifestement sur la base et grâce aux études de la société DEMATHIEU & BARD.

La SCI BEAU REPERE maintient que l'offre de la société MORETTI était moins disante que celle de DEMATHIEU & BARD, se défend de toute faute lorsqu'elle-même et le maître d'oeuvre n'ont validé aucun devis, marché ou ordre de service de cette entreprise, et alors que la société DEMATHIEU & BARD s'est contentée d'établir des devis et de participer à des réunions préparatoires comme les autres entreprises concurrentes avec lesquelles elle a été placée en situation de concurrence loyale.

La chronologie des négociations entre les parties telle qu'elle ressort de l'ensemble des pièces communiquées est la suivante :

* ensuite d'un dossier de consultation des entreprises établi par le maître d'oeuvre d'exécution en Novembre 2009 et plusieurs fois modifié jusqu'en Février 2010, la société DEMATHIEU & BARD transmettait le 19 Mars 2010 un acte d'engagement au terme duquel elle s'engageait à réaliser le lot 'gros oeuvre étendu'au prix de 675 889€ HT soit 808 363€ TTC,

* après une réunion tripartite (maître de l'ouvrage, maître d'oeuvre et entreprise) du 3 Mai 2010, le maître d'oeuvre écrivait le 4 Mai à DEMATHIEU & BARD:

Comme convenu avec le maître de l'ouvrage (...), et avec son accord et aval, nous vous confirmons souhaiter vous confier la réalisation de ces travaux TCE bâtiment, hors les lots Electricité et PCS pour un total de 1 033 000€ HT prorata inclus à hauteur de 2%, la gestion dudit compte prorata vous incombant ;

les lots qui vous seraient dévolus, en plus du votre sont les suivants :

charpente-couverture-bardage, vêture bois, menuiseries ext. et int., serrurerie-métallerie, carrelage, cloison-plâtrerie, sols souples et peintures,

l'ensemble pour une valeur non négociée à ce jour, d'environ 673 000€ HT selon devis en notre possession que nous pouvons vous commenter.

(...)

Merci de nous fixer par retour afin que nous puissions organiser une réunion de coordination générale après signature des pièces marché, lancement de l'OS et période de préparation...'

* A partir du 11 Mai étaient organisées entre le maître d'oeuvre et l'entreprise une série de réunions en vue de définir les modalités techniques des travaux ensuite desquelles étaient diffusés un certain nombre de documents :

- le 11 Mai: réunion sur les travaux et/ou prestations modifiées et/ou à modifier sur le gros oeuvre et la couverture

- le 18 Mai: réunion sur le lot menuiseries (en lien avec l'entreprise LECOQ)

- le 27 Mai : réunion (mise au point de l'escalier métallique à définir avec le bureau de contrôle, bardage, cloisons, menuiseries, aménagements intérieurs...)

- le 1er Juin : réunion en présence du maître de l'ouvrage sur des choix techniques (menuiseries, chauffage, cloisons, carrelage...)

À la suite de cette réunion, l'entreprise transmettait au maître d'oeuvre le 9 Juin son DGPF (décomposition du prix global et forfaitaire)

- le 10 Juin : réunion après laquelle, sur la demande du maître d'oeuvre, DEMATHIEU & BARD transmettait son planning prévisionnel pour validation

- le 14 Juin : réunion en présence du maître de l'ouvrage après laquelle le maître d'oeuvre précisait à l'entreprise que le plafond financier de 1 033 000€ HT s'entendait dans le cadre d'un marché forfaitaire incluant les frais de nettoyage, de pilotage et de compte prorata . Il ajoutait qu'en cas d'accord de DEMATHIEU & BARD sur ces modalités, le maître de l'ouvrage était prêt à signer le marché 'avant la fin de cette semaine'. Une discussion s'ensuivait sur les évacuations d'EP (mails du 15 Juin) puis le maître d'oeuvre transmettait le 17 Juin à DEMATHIEU & BARD le plan d'exécution voirie-assainissement établi par le bureau d'études ADI.

- le 18 Juin , le maître d'oeuvre réclamait à DEMATHIEU & BARD son plan d'installation du chantier ainsi que l'additif au CCTP, pièces destinées à composer le marché, que l'entreprise s'engageait à lui fournir semaines 25 ou 26

- le même jour, 3 A CONCEPT précisait vouloir un additif au CCTP avec les ajouts, retraits et/ou modifications et non un CCTP nouveau, le CCTP initial restant applicable

- le 21 Juin, le maître d'oeuvre réclamait à nouveau le planning d'intervention de DEMATHIEU & BARD, lui transmettait le 22 Juin le rapport initial de contrôle technique et, parallèlement, le 24 Juin, sollicitait d'une entreprise tierce l'implantation du panneau de chantier mentionnant les entreprises intervenantes parmi lesquelles DEMATHIEU & BARD pour les lots gros oeuvre, charpente bois, couverture-bardage-étanchéité, menuiseries extérieures, serrurerie-métallerie, carrelage-faïence, cloisons et plâtrerie, peinture et sols souples'

- le 25 Juin, DEMATHIEU & BARD transmettait son DPGF modifié

- le 28 Juin, le maître d'oeuvre transmettait à l'entreprise le rapport du SDIS aux fins d'information et de modifications éventuelles de son offre tenant compte des observations de cet organisme, l'offre complémentaire devant lui parvenir le 1er Juillet au plus tard.

* Parallèlement, débutaient en Juin 2010 sur le site des réunions de coordination, réunissant, sur le modèle des réunions de chantier, le maître de l'ouvrage, le maître d'oeuvre d'exécution, et les entreprises concernées afin de coordonner le démarrage du chantier.

C'est ainsi que la société DEMATHIEU & BARD participait, représentée par son conducteur de travaux, aux réunions des 10, 25, 29 Juin et 2 Juillet, qu'elle était de même convoquée à toutes les réunions ultérieures jusqu'au 27 Août et rendue destinataire des compte-rendus, lesquels évoquaient son intervention, notamment celui du 10 Juin qui prescrivait la pose de la clôture du chantier par DEMATHIEU & BARD et le démarrage du gros oeuvre par ses soins à la fin du mois de Juin, lui demandant par ailleurs de recaler son planning pour planifier les interventions VRD et de fournir ses tolérances de planimétrie à STBM chargée du lot VRD.

Lors de la réunion du 2 Juillet, STBM suggérait encore que DEMATHIEU & BARD réalise ses fouilles pour ses fondations et mette ses déblais sur la plate-forme.

* Le 6 Juillet : après une 'dernière réunion de mise au point avec le maître de l'ouvrage' , le maître d'oeuvre demandait à DEMATHIEU & BARD de chiffrer la solution d'un dallage sur plate-forme traitée pour être portante avec bêche périphérique.

* le 15 Juillet, le maître d'oeuvre accusait réception du complément de devis et l'option dallage transmis par DEMATHIEU & BARD et précisait être en cours de finalisation d'un additif au CCTP de base qui serait envoyé à l'entreprise pour information avant signature.

* Le 22 Juillet le maître d'oeuvre informait l'entreprise que le CCTP initial constituerait le référentiel de base, l'additif élaboré par lui apportant options et/ou modifications, que le dallage du hall et de la zone bureau serait extourné du marché, et lui demandait pour le lendemain de fournir un devis actualisé pour le lot gros oeuvre comportant bêche périphérique et bêche de refend, plancher sur bac acier, réseaux sous dalle, maçonneries, enduits et finitions restant inchangés. Il indiquait que l'enveloppe financière initiale n'était plus un objectif à atteindre ou à respecter.

* Le 5 Août, DEMATHIEU & BARD transmettait au maître d'oeuvre le dernier indice DGPF puis, en réponse à un mail du 16 Août exigeant l'envoi rapide de l'ensemble du DCE/TCE réclamé par le bailleur de fonds, adressait le 23 Août le DPGF modifié.

* Le 30 Août , le maître d'oeuvre informait DEMATHIEU & BARD qu'après examen de l'organisme de financement son offre n'était pas retenue.

* Le 20 Septembre 2010, le maître de l'ouvrage informait la société MORETTI de son souhait de lui confier le 'lot gros oeuvre étendu' pour le prix de 719 748€ HT.

Cet historique des relations entre les parties suscite les observations suivantes :

- dès le 4 Mai 2010, le maître de l'ouvrage, par la voix de son maître d'oeuvre d'exécution qui affirmait parler en son nom (cela n'est pas contesté par la SCI BEAU REPERE), indiquait clairement 'souhaiter' confier le lot gros oeuvre étendu à DEMATHIEU & BARD ( la même formule sera d'ailleurs utilisée à l'adresse de MORETTI : 'nous souhaitons confier à votre entreprise les travaux ...'), pour un prix global de 1 033 000€ HT dont une partie n'avait pas été négociée et restait sujette à discussion,

- tout au long des mois de Mai, Juin, Juillet et Août, la société DEMATHIEU & BARD a été associée étroitement par le maître d'oeuvre d'exécution à la définition des travaux relevant du lot gros oeuvre étendu dans le cadre de réunions organisées par 3 A CONCEPT ce qui prouve, au delà du souhait exprimé le 4 Mai, une collaboration effective de l'entreprise à la phase de 'préparation technique' visée à l'article 3 du contrat de maîtrise d'oeuvre d'exécution signé le 2 Octobre 2009 par 3 A CONCEPT,

- elle a de même été associée ès qualités d'entreprise titulaire du lot gros oeuvre étendu aux réunions de coordination sur site qui ont précédé et accompagné le démarrage du chantier, le maître d'oeuvre envisageant le 10 Juin le démarrage de ses prestations pour la fin du mois

- pas moins de six versions de son DGPF ont été élaborées par ses soins de Mai à Août 2010, oscillant entre 836 000€ HT et 1 044 000€ HT, pour répondre aux demandes d'adaptations, solutions alternatives ou modifications sollicitées par le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre (la dernière date du 22 Juillet) ou exigées par les administrations compétentes, la société DEMATHIEU & BARD contribuant ainsi à la mission du maître d'oeuvre d'exécution prévue à l'article 3-D, portant sur les aménagements et modifications des offres pour les mettre en conformité avec le projet,

- hormis quelques mises au point du maître d'oeuvre (par exemple celle du 14 Juin 2010 pour récapituler le contenu de l'enveloppe financière de 1 033 000€ HT sur la base de laquelle la SCI BEAU REPERE était prête à signer le marché, excluant toute dérogation, celle du 18 Juin sur la nécessité de distinguer CCTP initial et additif ou encore celle du 22 Juillet sur le dallage du hall et des bureaux), les mails échangés ne traduisent aucune critique du maître d'oeuvre ou du maître de l'ouvrage à l'adresse de l'entreprise, que ce soit sur le contenu de ses propositions ou sur ses diligences, ni ne révèlent d'ailleurs un quelconque contentieux entre les parties,

- plusieurs mails du maître d'oeuvre évoquent la signature imminente du marché (voir notamment celui du 14 Juin)

- le revirement du maître de l'ouvrage notifié par le maître d'oeuvre le 30 Août 2010, à la suite du contrôle du bailleur de fonds dont les conclusions ne sont pas connues, était de même exempt de toutes critiques à l'adresse de l'entreprise avec laquelle 3 A CONCEPT exprimait le souhait de retravailler ultérieurement.

La SCI BEAU REPERE qui, pour justifier son recours à la société MORETTI, se retranche derrière le jeu loyal de la concurrence, ne rapporte par ailleurs aucunement la preuve de l'intervention de cette dernière (ni d'ailleurs d'une quelconque autre entreprise) que ce soit au stade des appels d'offres du maître d'oeuvre d'exécution ou ultérieurement, la première intervention de la société MORETTI procédant de la lettre d'intention du 20 Septembre 2010, postérieure à la rupture des négociations avec DEMATHIEU & BARD, ce qui tend à conforter la thèse de cette dernière selon laquelle elle était depuis le mois de Mai 2010 la seule interlocutrice du maître de l'ouvrage et du maître d'oeuvre pour la réalisation du gros oeuvre étendu de ce projet immobilier.

Enfin, même à supposer que la société MORETTI ait participé à l'appel d'offre de 3 A CONCEPT, la Cour constate que le tableau comparatif des offres de DEMATHIEU & BARD et de MORETTI dressé par la SCI BEAU REPERE révèle que, pour les mêmes prestations (hors dalle RDC), le devis de DEMATHIEU & BARD s'élevait à 1 041698€ HT lorsque celui de MORETTI était de 1 121 450€ HT ce qui contredit l'analyse du Tribunal estimant non critiquable le choix du maître de l'ouvrage en faveur de l'entreprise la moins disante.

La Cour estime donc, au contraire du Tribunal, qu'en rompant brutalement les négociations, sans aucun grief ni respect d'un quelconque préavis, alors que le marché était sur le point d'être signé et le démarrage des travaux de l'entreprise annoncés comme imminents par le maître d'oeuvre, la SCI BEAU REPERE a singulièrement manqué de loyauté envers une entreprise qui s'était particulièrement investie quatre mois durant dans son projet immobilier et a commis une faute qui engage sa responsabilité envers la société DEMATHIEU & BARD sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Sur les réparations :

La société DEMATHIEU & BARD chiffre à 51 458.37€ le montant des sommes investies dans sa collaboration avec la SCI BEAU REPERE et son maître d'oeuvre d'exécution auxquels elle ajoute une réclamation indemnitaire à hauteur de 83600€ correspondant à la marge bénéficiaire qu'elle escomptait tirer de ce marché.

La SCI BEAU REPERE conteste ces préjudices que n'étaye aucune pièce justificative, qualifiant ces réclamations 'd'incompréhensibles'.

La Cour estime le préjudice financier de la société DEMATHIEU & BARD indéniable dans son principe au regard d'une part de la collaboration active de ses cadres de Mai à Août 2010 (réunions multiples, présence aux réunions sur le site, études, concertation avec les intervenants: bureaux d'études, de contrôle, VEOLIA, entreprises etc...), d'autre part de la nécessaire mobilisation de son personnel sur ce projet compte-tenu de sa croyance légitime en l'attribution de ce très important marché (plus d'un million d'euros), du démarrage imminent de son intervention que laissaient présager les réunions de chantier du mois de juin 2010 avec, à terme, la perspective d'un chiffre d'affaire conséquent.

En l'absence de toute justification des dépenses énoncées (frais de détachement d'un ingénieur et d'un conducteur de travaux, frais d'études de béton armé, de plans, de reprographie) et d'une analyse comptable propre à établir la marge bénéficiaire que l'entreprise pouvait raisonnablement envisager, la Cour estime légitime d' indemniser le préjudice financier de la société DEMATHIEU & BARD à hauteur de 40 000€.

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société DEMATHIEU & BARD exclusivement suivant modalités prévues au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Consacre la responsabilité de la SCI BEAU REPERE envers la société DEMATHIEU & BARD à raison de la rupture brutale des négociations relatives au projet immobilier de SOMAIN.

Condamne la SCI BEAU REPERE à verser à la société DEMATHIEU & BARD:

- une somme de 40 000€ en réparation de son préjudice

- une indemnité de procédure de 4000€

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne la SCI BEAU REPERE aux dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement au profit de Maître HIOU conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

Claudine POPEK.Martine ZENATI.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 13/02045
Date de la décision : 16/04/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°13/02045 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-16;13.02045 ?
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