République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 20/03/2014
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N° de MINUTE : 14/
N° RG : 13/02845
Ordonnance (N° )
rendue le 03 Mai 2013
par le Tribunal de Commerce de VALENCIENNES
REF : PB/KH
APPELANTE
SAS AKKA INGENIERIE PRODUIT
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-Noël LECOMPTE, avocat au barreau de CAMBRAI
Assistée de Me Xavier LAMBERT, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE
SAS COMPIN
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI
Assistée de Maître François-Genêt KIENER (Cabinet HASCOET ET ASSOCIES), avocat au barreau de PARIS
DÉBATS à l'audience publique du 21 Janvier 2014 tenue par Patrick BIROLLEAU magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller
Stéphanie BARBOT, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Par ordonnance de référé rendue le 3 mai 2013, le président du tribunal de commerce de Valenciennes a ordonné une expertise confiée à Monsieur [L], avec pour mission notamment d'établir la liste des prestations dues par la société AKKA INGÉNIERIE PRODUIT et pour chacune d'entre elles, dire si celles-ci ont été livrées avec retard et/ou si elles sont conformes aux exigences contractuelles, déterminer et chiffrer les préjudice subis par la société COMPIN en lien avec les inexécutions contractuelles d'AKKA, et dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle en raison des difficultés sérieuses soulevées.
La SAS AKKA INGÉNIERIE PRODUIT a interjeté appel de cette ordonnance.
Par conclusions remises au greffe de la cour le 13 janvier 2014, elle demande de l'infirmer et :
- à titre principal, de débouter la société COMPIN de sa demande d'expertise en l'absence de motif légitime ;
- subsidiairement, d'étendre la mission de l'expert aux griefs exposés par AKKA, à savoir recenser le personnel salarié affecté par COMPIN au suivi du projet avec AKKA ensuite de l'accord du 6 février 2011 prévoyant la reprise du contrat initialement conclu avec SOFANOR, décrire les défaillances de COMPIN dans la transmission à AKKA et le suivi des données d'entrée nécessaires à la réalisation de ses prestations intellectuelles, dire si les fournisseurs de COMPIN avaient, ou non, la compétence requise pour réaliser les interventions prévues et possédaient ou non les outils informatiques et méthodologiques nécessaires pour lire les plans de montage, établir les comptes entre les parties en s'entourant d'un sapiteur expert comptable ;
- reconventionnellement, de condamner COMPIN à payer à AKKA les sommes de 2.391.217,80 euros, outre intérêts fixés par l'article L 441-6 du code de commerce, à titre de provision et de 8.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- à titre infiniment subsidiaire, de renvoyer l'affaire au tribunal de commerce de Valenciennes pour qu'il soit statué au fond.
La SAS COMPIN, par conclusions remises au greffe de la cour le 17 janvier 2014, conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise et à la condamnation de la société AKKA INGENIERIE PRODUIT au paiement de la somme de 6.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISCUSSION
Attendu que, le 6 octobre 2009, la SNCF a conclu avec la société COMPIN un contrat, d'un montant global d'environ 80 millions d'euros, relatif à la rénovation des rames à grande vitesse type sud-est (contrat RISE), ayant pour objet d'une part la fourniture de kits de rénovation par remorque à rénover, pour 60 rames en tranche ferme et une tranche optionnelle pour 47 rames, d'autre part les fournitures et prestations en rapport avec le recueil des contraintes d'industrialisation des technicentres SNCF et avec le cahier des charges soutien logistique intégré (SLI) ; que la réalisation de ce projet a été confiée par COMPIN à sa filiale SOFANOR dans le cadre d'un contrat de sous-traitance; que, par contrat en date du 11 février 2010, SOFANOR a chargé AKKA INGÉNIERIE PRODUIT (AKKA) de la fourniture des prestations d'ingénierie et des livrables associés ; que SOFANOR a fait l'objet, le 27 septembre 2010, d'un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ayant conduit à un plan de cession; que le contrat la liant à AKKA a été rompu à l'initiative de l'administrateur judiciaire le 22 décembre 2010 ; qu'un nouveau contrat a été conclu le 6 janvier 2011 entre AKKA et COMPIN, prévoyant que les travaux restant à accomplir seraient réalisés et remis par AKKA ; que, se prévalant de ce qu'AKKA n'exécutaient ses prestations que partiellement et avec retard, COMPIN a, le 15 janvier 2013, saisi le juge des référés, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, aux fins de voir ordonner une expertise permettant d'établir les manquements d'AKKA ; que cette dernière s'est portée reconventionnellement demanderesse en paiement, à titre provisionnel, de factures restées impayées ;
Sur l'expertise
Attendu que l'article 145 du code de procédure civile ouvre la faculté à une partie de demander à un juge qu'il ordonne une mesure d'instruction s'il justifie d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; que l'application de l'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime ;
Attendu que de nombreux manquements contractuels ont été dénoncés par COMPIN par lettres de mise en demeure des 24 juin et 20 octobre 2011 et par comptes-rendus de réunion versés au débat ; que, par courrier du 6 mars 2012, COMPIN a mis en demeure AKKA de l'indemniser à hauteur de 5.035.318,99 euros ; qu'AKKA a elle-même reconnu la réalité du litige contractuel avec COMPIN ainsi que cela ressort :
- du compte-rendu de réunion établi par ses soins le 23 septembre 2011 (pièce n°7 communiquée par AKKA) qui laisse apparaître qu'à cette date, COMPIN se plaignait du 'fait que pratiquement tous les travaux livrés sont incomplets ce qui ne permet pas à la production de travailler correctement, il manque les plans de cheminement du câblage';
- de son plan d'actions correctives pour permettre l'achèvement des prestations ;
Que ces éléments accréditent l'existence, entre les parties, d'un litige dont la solution justifie la mesure d'instruction sollicitée ; qu'est dès lors caractérisé le motif légitime justifiant le recours à cette mesure ; que l'ordonnance entreprise sera confirmée sur ce point ;
Attendu que l'extension de la mission de l'expert sollicitée à titre subsidiaire par AKKA ne présente pas de justification :
- ni en ce qui concerne le recensement du personnel affecté par COMPIN au suivi du projet avec AKKA, point déjà inclus dans la mission relative à la communication de tous documents utiles ;
- ni au titre des défaillances de COMPIN et des compétences des fournisseurs de cette dernière, l'expert devant, pour apprécier si AKKA a correctement réalisé ses prestations, tenir compte d'éventuelles difficultés qu'aurait rencontrées AKKA et qui ne lui seraient pas imputables ;
- ni sur l'établissement des comptes entre les parties, chef de mission déjà prévu ;
Qu'AKKA sera déboutée de sa demande subsidiaire ;
Sur la demande de provision
Attendu qu'AKKA demande le paiement à titre provisionnel de 27 factures impayées émises entre les 30 novembre 2010 et 12 avril 2012 pour un montant total de 2.391.217,40 euros TTC ;
Attendu qu'une partie de cette somme, fixée par AKKA à 611.852,67 euros, porte sur des factures émises par AKKA sur SOFRANOR ; que COMPIN s'est, aux termes d'un accord intervenu le 6 janvier 2011, engagée à payer les prestations réalisées par AKKA, le schéma retenu supposant la fourniture, par AKKA, des prestations contractuelles et le respect des délais de livraison ; que toutefois COMPIN reconnaît qu'aux termes de cet accord, il restait devoir à AKKA la somme de 529.828,00 euros TTC, somme que COMPIN ne soutient pas avoir payée ; que, par ailleurs, si COMPIN conteste certains éléments des prestations d'AKKA en terme de qualité et de délais - points faisant l'objet de la mesure d'expertise - elle ne discute pas que des documents ont été livrés par AKKA et que des prestations ont été exécutées par cette dernière ; qu'une partie des sommes réclamées est donc due ; que COMPIN sera en conséquence condamnée à payer à AKKA, à titre de provision, 50 % de la somme de 611.852,67 euros, soit 305.926,33 euros ; que l'ordonnance entreprise sera infirmée sur ce point ;
Attendu que l'autre partie des sommes réclamées, à hauteur de 1.479.365,14 euros, correspond à :
- 65.069,43 euros au titre du solde dû sur la somme de 365.069,43 euros, prévue par l'accord du 6 janvier 2011, payée par COMPIN à hauteur de 300.000,00 euros ;
- 522.047,42 euros au titre de la facture du 29 février 2012 ;
- 892.248,29 euros au titre de la facture du 12 avril 2012 ;
Que, sur le premier montant, si AKKA indique qu'il relève de l'accord du 6 janvier 2011, elle ne discute pas que, comme l'indique COMPIN, cet accord a été réglé, pour une partie des sommes dues par COMPIN, à hauteur de 715.000,00 euros ; qu'elle ne démontre toutefois pas que la somme de 65.069,43 euros ne figure pas parmi les sommes d'ores et déjà payées et n'établit donc pas le caractère non sérieusement contestable du paiement réclamé ;
Que, sur les factures de 522.047,42 euros et de 892.248,29 euros, dont COMPIN conteste qu'elles se rattachent à la présente opération, AKKA ne produit aucun élément propre à en préciser l'objet et n'établit donc pas détenir sur COMPIN une créance liquide et exigible ;
Qu'il n'y a pas lieu à référé sur ces dernières demandes ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; que, chaque partie succombant pour partie, la cour fera masse des dépens d'appel et dira qu'ils seront partagés par moitié entre les parties ;
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise, sauf sur la demande reconventionnelle de la société AKKA INGÉNIERIE PRODUIT,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la SAS COMPIN à payer à la société AKKA INGÉNIERIE PRODUIT, à titre provisionnel, la somme de 305.926,33 euros,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Fait masse des dépens d'appel et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
M.M. HAINAUTP. BIROLLEAU