République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 13/03/2014
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N° MINUTE :
N° RG : 13/04849
Jugement (N° 13/01435)
rendu le 30 Juillet 2013
par le Juge de l'exécution de BOULOGNE SUR MER
REF : CC/VC
APPELANTE
SA BANQUE MONTE PASCHI
ayant son siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Emmanuel LACHENY, avocat au barreau de LILLE
Assisté de Me Yann LE PENVEN, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ
Monsieur [U] [V]
né le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 1] - de nationalité Française
demeurant : [Adresse 1]
Représenté par Me Marion DUWAT, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
DÉBATS à l'audience publique du 16 Janvier 2014 tenue par Catherine CONVAIN magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Patricia PAUCHET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre CHARBONNIER, Président de chambre
Catherine CONVAIN, Conseiller
Benoît PETY, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 Mars 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Patricia PAUCHET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement contradictoire prononcé par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer le 30 juillet 2013 ;
Vu l'appel formé le 8 août 2013 ;
Vu les conclusions transmises par voie électronique le 18 septembre 2013 pour la SA BANQUE MONTE PASCHI, appelante ;
Vu les conclusions transmises par voie électronique le 18 novembre 2013 pour M. [U] [V], intimé ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 12 décembre 2013 ;
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La SA BANQUE MONTE PASCHI est créancière de la société [U] [V] TISSEUR au titre d'un crédit de trésorerie impayé pour un montant global de 800 000 €.
À titre de garantie, elle bénéficie de l'aval sur le billet à ordre de trésorerie de 800 000 € de M. [U] [V], président du conseil de surveillance de la société [U] [V] TISSEUR.
Par jugement du 2 avril 2013 rendu par le tribunal de commerce de Dunkerque, la société [U] [V] TISSEUR a été déclarée en redressement judiciaire.
La SA BANQUE MONTE PASCHI a fait procéder le 18 avril 2013 à une saisie conservatoire de créance sur le compte SOGECAP de M. [U] [V].
La banque a également procédé le 24 avril 2013 à l'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire du chef de M. [U] [V] sur un bien immobilier situé [Adresse 1].
Par acte d'huissier en date du 17 mai 2013, M. [U] [V] a fait assigner la SA BANQUE MONTE PASCHI devant le juge de l'exécution aux fins de voir ordonner la mainlevée des saisies conservatoires effectuées le 18 avril 2013 sur les créances détenues par lui à l'encontre de la SA SOGECAP dont le siège est à [Localité 2], ordonner la mainlevée de l'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire prise le 24 avril 2013 à l'encontre de ses biens et droits immobiliers situés [Adresse 1] et condamner la banque à lui verser la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de ses demandes, il a soutenu, s'agissant de la saisie conservatoire de créance, que la SA SOGECAP était une société d'assurances dont il n'était ni associé ni porteur de valeurs mobilières et à l'encontre de laquelle il ne détenait aucune créance de sorte qu'il devait être ordonné mainlevée de la saisie. S'agissant des deux mesures conservatoires diligentées à son encontre, il a soutenu que la banque ne pouvait agir sans une autorisation préalable du juge de l'exécution puisqu'en sa qualité d'avaliste de billet à ordre, il n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L 511-2 du code des procédures civiles d'exécution.
Lors de l'audience du 21 juin 2013, la SA BANQUE MONTE PASCHI a demandé au juge de l'exécution de constater que la saisie opérée auprès de la SOGECAP était infructueuse, en conséquence de dire qu'une mainlevée était inutile, de constater qu'un billet à ordre impayé permettait au porteur de procéder à des mesures conservatoires sans autorisation du juge de l'exécution dès lors que l'aval était porté directement sur l'effet, en conséquence, de débouter Monsieur [U] [V] de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle a fait valoir que dès lors que l'aval était contenu dans le titre, elle était en conséquence un porteur ce qui lui permettait d'agir à titre conservatoire sans autorisation préalable du juge de l'exécution.
Par jugement en date du 30 juillet 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a débouté la BANQUE MONTE PASCHI de ses demandes, ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire de créance signifiée le 18 avril 2013 sur le compte SOGECAP de M. [U] [V], ordonné la mainlevée de l'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire prise le 24 avril 2013 à l'encontre des biens et droits immobiliers appartenant à M. [U] [V] sis [Adresse 1], cadastrés section AX parcelle [Cadastre 1] lots n° S 4, 5 et 126, et condamné la BANQUE MONTE PASCHI à payer à M. [U] [V] la somme de 1000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA BANQUE MONTE PASCHI a relevé appel de ce jugement le 8 août 2013.
À l'appui de son appel, la SA BANQUE MONTE PASCHI reprend les moyens qu'elle a développés devant le premier juge.
Elle conclut donc à l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et demande à la cour de constater qu'un billet à ordre impayé permet au porteur de procéder à des mesures conservatoires sans autorisation du juge de l'exécution, sur l'ensemble des co-obligés et sur l'aval dès lors qu'il est porté directement sur l'effet, en conséquence, de constater que la saisie opérée auprès de la SOGECAP est infructueuse, en conséquence, de dire et juger qu'une mainlevée est inutile, et, au titre de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, de débouter Monsieur [U] [V] de l'ensemble de ses demandes, et de condamner M. [U] [V] au paiement de la somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Monsieur [U] [V] conclut à la confirmation en tous points du jugement entrepris, au rejet de l'ensemble des demandes de la BANQUE MONTE PASCHI et reconventionnellement, à sa condamnation à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon ce qu'autorise l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé du surplus de leurs moyens.
Sur ce,
Sur la demande de mainlevée des mesures conservatoires
Attendu qu'aux termes de l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire. » ;
Qu'aux termes de l'article L 511-2 du code des procédures civiles d'exécution, « une autorisation préalable du juge n'est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d'une lettre de change acceptée, d'un billet à ordre, d'un chèque ou d'un loyer resté impayé dès lors qu'il résulte d'un contrat écrit de l'ouvrage
d'immeubles. » ;
Que les dérogations prévues par l'article L 511-2 du code des procédures civiles d'exécution au principe de la nécessité d'une autorisation préalable du juge pour procéder à une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, posé par l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, doivent être entendues strictement ;
Attendu qu'en l'espèce, la société [U] [V] TISSEUR a souscrit le 3 mars 2013 un billet à ordre d'un montant de
800 000 € à échéance du 30 mars 2013 au bénéfice de la BANQUE MONTE PASCHI ; que M. [U] [V], président du conseil de surveillance de la société [U] [V] TISSEUR, a avalisé ce billet à
ordre ;
Qu'il est constant que par jugement rendu le 2 avril 2013 par le tribunal de commerce de Dunkerque, la société [U] [V] TISSEUR a été déclarée en redressement judiciaire ;
Attendu qu'agissant en vertu du billet à ordre avalisé par M. [U] [V] en date du 3 mars 2013 pour un montant de
800 000 € à échéance au 30 mars 2013, revenu impayé, la BANQUE MONTE PASCHI a fait dénoncer à M. [U] [V], par acte d'huissier en date du 19 avril 2013, d'une part, un procès-verbal de saisie conservatoire de droits d'associé et de valeurs mobilières en date du 18 avril 2013 et, d'autre part, un procès-verbal de saisie conservatoire de créances en date du 18 avril 2013, entre les mains de la SA SOGECAP, et, par acte d'huissier en date du 26 avril 2013, une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, déposée le 24 avril 2013 à la conservation des hypothèques de Boulogne-sur-Mer, sur ses biens immobiliers situés [Adresse 1] ;
Attendu que c'est à juste titre que le premier juge, rappelant que la règle posée par l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution impose l'autorisation préalable du juge et que les exceptions prévues par l'article L 511-2 du code des procédures civiles d'exécution doivent être interprétées strictement, a considéré que si le créancier qui détient un billet à ordre peut pratiquer sans autorisation une saisie conservatoire sur les biens du souscripteur de ce billet (émetteur et débiteur direct), aucune disposition ne l'autorise expressément à pratiquer sans recours au juge une mesure conservatoires sur l'avaliste du billet, de sorte que les saisies conservatoires en cause et l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire pratiquées sans autorisation du juge par la BANQUE MONTE PASCHI étaient irrégulières et qu'il convenait en conséquence d'en ordonner la mainlevée, peu important que la mention de l'aval soit portée sur l'effet ou encore que la saisie conservatoire de créances ait été infructueuse ;
Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la BANQUE MONTE PASCHI ses demandes et a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire de créances signifiée le 18 avril 2013 sur le compte SOGECAP de M. [U] [V] ainsi que la mainlevée de l'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire prise le 24 avril 2013 à l'encontre des biens et droits immobiliers appartenant à M. [U] [V] sis [Adresse 1], cadastrés section AX parcelle [Cadastre 1] lots n° S 4, 5 et 126 ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la BANQUE MONTE PASCHI, partie succombante aux dépens et à payer à Monsieur [U] [V] la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont il a été fait une juste application ;
Qu'en cause d'appel, la BANQUE MONTE PASCHI, parti perdante, sera condamnée aux dépens par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et à payer à Monsieur [U] [V] la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles qu'il a dû exposer devant la cour ;
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Reçoit l'appel en la forme ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Condamne la SA BANQUE MONTE PASCHI à payer à M. [U] [V] la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Déboute les parties de leurs demandes ou conclusions plus amples ou contraires ;
Condamne la SA BANQUE MONTE PASCHI aux dépens d'appel.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
P. PAUCHETP. CHARBONNIER