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13/02/2014 | FRANCE | N°13/00351

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 13 février 2014, 13/00351


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 13/02/2014



***



N° de MINUTE :14/

N° RG : 13/00351



Jugement (N° 11/05956)

rendu le 11 Décembre 2012

par le Tribunal de Commerce de LILLE



REF : SB/KH







APPELANTE



SARL CUIVRES ET BOIS INSTRUMENTS Prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]>
[Localité 2]



Représentée par Me Sylvie REGNIER, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Romain BOUCQ, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE



SARL LES VENTS DU NORD

ayant son siège social [Adresse 1]

...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 13/02/2014

***

N° de MINUTE :14/

N° RG : 13/00351

Jugement (N° 11/05956)

rendu le 11 Décembre 2012

par le Tribunal de Commerce de LILLE

REF : SB/KH

APPELANTE

SARL CUIVRES ET BOIS INSTRUMENTS Prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Sylvie REGNIER, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Romain BOUCQ, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

SARL LES VENTS DU NORD

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Nicole BONDOIS, avocat au barreau de LILLE

INTERVENANT VOLONTAIRE :

Maître [L] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LES VENTS DU NORD

demeurant [Adresse 5]

[Localité 1]

Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Nicole BONDOIS, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

Stéphanie BARBOT, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

DÉBATS à l'audience publique du 19 Décembre 2013 après rapport oral de l'affaire par Stéphanie BARBOT

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 Février 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 novembre 2013

***

La société VENTS DU NORD, créée en août 2006, a pour dénomination sociale, enseigne et nom commercial « LES VENTS DU NORD » ; elle est spécialisée dans la vente et la restauration d'instruments à vent, et exploite un magasin situé [Adresse 2].

La SARL CUIVRE ET BOIS INSTRUMENTS (la société CUIVRES ET BOIS), créée fin 2006, exerce la même activité, son magasin étant situé [Adresse 4].

Par courrier recommandé du 10 février 2011, la Société VENTS DU NORD a enjoint à la Société CUIVRES ET BOIS de cesser d'utiliser sa dénomination sociale à titre de nom de domaine et de lui transférer ce nom, avant de la faire assigner aux fins de condamnation pour actes de concurrence déloyale et de cessation desdits actes.

Aux termes d'un jugement rendu le 11 décembre 2012, le tribunal de commerce de LILLE a :

* dit que les agissements de la SARL CUIVRES ET BOIS INSTRUMENTS étaient constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire,

* condamné la SARL CUIVRES ET BOIS INSTRUMENTS à payer à la SARL LES VENTS DU NORD 15 000 euros de dommages et intérêts,

* ordonné la publication de la décision sur la page d'accueil du site internet de la SARL CUIVRES ET BOIS INSTRUMENTS accessible à l'adresse www.cuivresetbois.fr dans la proportion de 1/4 de page pour une durée de 60 jours, au plus tard dans les 30 jours de la signification de l'arrêt à intervenir.

* ordonné le transfert des noms de domaine lesventsdunord.fr et lesventsdunord.com au profit de la SARL LES VENTS DU NORD dans les 15 de la signification du jugement, sans astreinte,

* condamné la SARL CUIVRES ET BOIS au paiement de la somme de1 500 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'au remboursement du coût du constat,

* condamné la SARL CUIVRES ET BOIS aux dépens de première instance.

La SARL CUIVRES ET BOIS a interjeté appel dudit jugement le 17 janvier 2013.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 18 août 2013, la société CUIVRES ET BOIS demande à la cour de

* A titre principal :

* REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a retenu sa responsabilité sur le fondement de l'action en concurrence déloyale,

* DIRE qu'elle n'a commis aucune faute au sens de l'article 1382 du code civil,

* DEBOUTER la société LES VENTS DU NORD de l'intégralité de ses demandes,

* DIRE en conséquence n'y avoir lieu au paiement de dommages-intérêts, ni à publication du jugement sur le site internet de la SARL CUIVRES ET BOIS INTRUMENTS ;

* A titre subsidiaire, si une faute était retenue à son encontre :

* REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu l'existence d'un dommage et l'a condamnée à des dommages-intérêts, et DEBOUTER la société LES VENTS DU NORD de ses demandes,

* REFORMER le jugement en ce qu'il l'a condamnée à la publication du jugement sur son site internet, et DIRE n'y avoir lieu à publication,

* DIRE n'y avoir lieu à réparation du préjudice de sa part ;

* A titre infiniment subsidiaire :

* REFORMER le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'un lien de causalité entre la faute et le dommage subi par l'intimée,

* REFORMER le jugement en ce qu'il l'a condamné à des dommages-intérêts;

* REFORMER le jugement en ce qu'il l'a condamnée à la publication du jugement sur son site internet, et DIRE n'y avoir lieu à publication,

* DIRE n'y avoir lieu à réparation du préjudice de sa part ;

* En toute hypothèse :

* DEBOUTER la société LES VENTS DU NORD de l'ensemble de ses demandes et notamment de son appel incident,

* DIRE n'y avoir lieu à une condamnation au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et débouter la société LES VENTS DU NORD de ses demandes de ce chef,

* CONDAMNER la Société LES VENTS DU NORD aux dépens de première instance et d'appel.

La société CUIVRES ET BOIS expose qu'elle a fait l'acquisition, le 31 décembre 2010, de deux noms de domaine (les ventsdunord.com et les ventsdunord.fr) tombés dans le domaine public ; qu'informée d'une difficulté liée à cette situation dès le 5 janvier 2011, elle a cessé toute utilisation desdits noms de domaine ; que la société LES VENTS DU NORD n'avait pas de site internet fonctionnel et n'a pas fait l'acquisition de l'un des autres noms de domaines disponibles pour mettre en 'uvre son projet de site internet ; qu'elle-même, la société CUIVRES ET BOIS INSTRUMENTS, a pris attache avec le conseil de la société LES VENTS DU NORD dès réception de la mise en demeure du 10 février 2011 et a acquiescé à la demande de restitution des noms de domaine litigieux ; que cependant, aucune démarche n'a été entreprise par la société LES VENTS DU NORD afin de permettre le transfert de ces noms de domaine.

A titre principal, elle estime n'avoir commis aucune faute, dès lors que la Société LES VENTS DU NORD s'est mise en difficulté en abandonnant ses noms de domaine ; qu'elle-même, Société CUIVRES ET BOIS, est de bonne foi puisqu'elle a cessé toute utilisation des noms de domaine dès qu'elle a été informée de son éventuelle erreur ; qu'elle n'a commis aucune résistance abusive puisqu'elle a pris attaché avec le conseil de la Société LES VENTS DU NORD dès réception de sa mise en demeure, en proposant de restituer les noms de domaine ; qu'on peut douter de la volonté de la Société LES VENTS DU NORD de récupérer ces noms, puisqu'à ce jour, elle n'a toujours pas finalisé son projet de site internet ; que n'est pas caractérisée l'existence d'une faute qui aurait brisé l'élan créateur de la Société LES VENTS DU NORD.

Subsidiairement, elle affirme que la Société LES VENTS DU NORD ne justifie pas avoir subi de dommages ; qu'en particulier, elle, Société CUIVRES ET BOIS, n'a pas profité de la notoriété de l'intimée puisque, son site internet étant en construction, il ne générait aucun trafic pouvant lui profiter aux plans économique ou de la réputation ; qu'en outre, la redirection sur son propre site CUIVRES ET BOIS n'ayant duré que 5 jours, elle-même n'a pas eu le temps d'en tirer avantage ; que seul le dommage doit être réparé ; que la Société LES VENTS DU NORD ne démontre pas avoir subi une perte de clientèle, condition de mise en 'uvre de l'action en concurrence déloyale ; qu'elle n'établit pas non plus avoir subi un manque à gagner sur les ventes par internet.

A titre encore plus subsidiaire, la société CUIVRES ET BOIS soutient qu'est n'est pas rapportée la preuve d'un lien de causalité entre la faute et les préjudices allégués.

Enfin, la société CUIVRES ET BOIS demande la réformation du jugement entrepris concernant la publication du jugement sur le site internet, estimant que cette condamnation est sans commune mesure avec les faits de l'espèce.

***

Selon ses dernières conclusions signifiées le 17 juin 2013, la Société LES VENTS DU NORD demande à voir :

*confirmer le jugement entrepris, sauf s'agissant du quantum des dommages et intérêts qui lui ont été alloués en réparation des agissements déloyaux et parasitaires et de l'absence d'astreinte assortissant le transfert des noms de domaine litigieux,

*dire que la société CUIVRES ET BOIS INSTRUMENTS sera tenue au paiement d'une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef,

*assortir des noms de domaine est assorti d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la date de signification de l'arrêt à intervenir,

*condamner la société CUIVRES ET BOIS INSTRUMENTS au paiement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle expose son origine et son activité, indiquant notamment que concomitamment à sa création, elle a réservé le nom de domaine www.lesventsdunord.fr, lequel n'est pas un site en construction ; qu'en outre, certains sites internet contiennent un lien hypertexte renvoyant vers ce nom de domaine ; que le jour même où ce nom est tombé dans le domaine public, la société CUIVRES ET BOIS INSTRUMENTS l'a réservé, ainsi que, quelques jours plus tard, le nom de domaine lesventsdunord.com ; qu'en outre, cette société a fait en sorte d'apparaître en premier dans les résultats de recherches sur Google en rachetant les mots-clés « vents du Nord » et « [Localité 2] » ; qu'après mise en demeure à elle délivrée en février 2011, la Société CUIVRES ET BOIS n'a nullement acquiescé à la demande de restitution des deux noms de domaine.

Ensuite, elle soutient que l'appel de la Société CUIVRES ET BOIS est mal fondé, dès lors que celle-ci a commis des actes de concurrence déloyale par imitation, caractérisés notamment par les éléments suivants :

- les deux sociétés interviennent dans le même secteur, de surcroît très spécialisé, et sont voisines géographiquement ;

- la Société CUIVRES ET BOIS l'a « pistée », profitant de son manque de diligence dans le renouvellement de la réservation du nom de domaine pour s'en emparer ;

- la règle « premier arrivé, premier servi » cède devant le respect des droits légitimes des tiers ' en l'occurrence, les droits antérieurs tenant à la dénomination sociale, au nom commercial et à l'enseigne ;

- en réservant le nom de domaine et « en le faisant pointer automatiquement vers son propre site » internet, la Société CUIVRES ET BOIS a manifestement cherché à créer un risque de confusion et à capter sa clientèle.

Elle fait valoir que les arguments soulevés par la Société CUIVRES ET BOIS pour sa défense sont inexacts ; qu'en particulier, rien ne démontre que cette société a cessé toute utilisation des sites litigieux dès réception de la mise en demeure ; qu'aujourd'hui, l'internaute ne peut la contacter, elle, Société LES VENTS DU NORD, via les noms de domaines litigieux.

Elle reproche également à la Société CUIVRES ET BOIS des actes de parasitisme, cette dernière s'étant placée délibérément dans son sillage afin de tirer profit de sa réputation et des partenariats par elle noués depuis de nombreuses années.

S'agissant de ses préjudices, elle rappelle en particulier qu'en la matière, il s'infère nécessairement des actes déloyaux l'existence d'un préjudice, fût-il seulement moral ; qu'en l'espèce, l'emprunt d'un nom de domaine identique a entraîné :

- une confusion et un potentiel détournement de clientèle ;

- une perte une chance de conquérir de nouvelles parts de marché sur le marché émergent de la vente en ligne ;

- une atteinte à l'image de son entreprise en diluant le pouvoir attractif du signe distinctif ;

- une dilution du pouvoir attractif de ses signes distinctifs.

Elle ajoute que la Société CUIVRES ET BOIS a certes marqué son accord sur le transfert des noms de domaine, mais n'a pris une initiative concrète sur ce point que le 27 avril 2013, de surcroît en ne visant que le nom « lesventsdunord.fr ».

Elle estime que la somme allouée par les premiers juges (15 000 euros) est insuffisante à réparer ses préjudices et réclame donc 30 000 euros à ce titre.

Elle demande en revanche confirmation du jugement :

-en ce qu'il a accueilli sa demande de transfert des noms de domaines litigieux, faisant valoir que ce transfert n'est toujours pas effectif,

-et en ce qu'il a ordonné la publication de la décision.

***

Par conclusions signifiées le 17 décembre 2013, Maître [J] est intervenu volontairement devant la cour, en conséquence d'un jugement du 11 décembre 2012 prononçant la liquidation judiciaire de la Société LES VENTS DU NORD et le désignant liquidateur. Ses conclusions sont en tous points identiques aux dernières signifiées par la Société LES VENTS DU NORD et ci-dessus résumées.

SUR CE

Attendu qu'à titre liminaire, il convient de relever que les conclusions d'intervention volontaire signifiées par Maître [J], bien que postérieures à l'ordonnance de clôture, sont recevables en application de l'article 783 alinéa 3 du Code de procédure civile ;

Sur l'existence d'une faute constitutive d'une concurrence déloyale :

Attendu que l'action en concurrence déloyale est une action fondée sur l'article 1382 du Code civil qui permet à son titulaire de faire sanctionner civilement certains manquements à l'exercice loyal du commerce, le comportement parasitaire constituant l'une des formes de la concurrence déloyale ;

Que le demandeur à l'action doit donc rapporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et du lien de causalité entre la faute et le préjudice, mais contrairement à ce qu'énonce la Société CUIVRES ET BOIS, la perte de clientèle ne constitue pas une condition de recevabilité de ladite action mais un possible préjudice résultant d'une concurrence déloyale ;

Que par ailleurs, toute faute, quelle que soit sa nature ou sa gravité - soit même une faute d'imprudence ou de négligence - commise dans l'exercice de la concurrence engage la responsabilité de son auteur ; qu'ainsi, est sans emport l'argumentation de la Société CUIVRES ET BOIS sur sa bonne foi dans le cadre de l'appréciation de son comportement ;

Attendu qu'en l'espèce, les éléments de fait non contestés et les pièces versées aux débats établissent que jusqu'à la fin du mois de décembre 2010, la Société LES VENTS DU NORD, qui exploitait son magasin sous cette enseigne depuis 2006, était titulaire du nom de domaine lesventsdunord.fr depuis le mois de mai 2007 ; que certes, la page internet sur laquelle renvoyait cette adresse portait la mention « site en construction », mais cette page n'était pas vierge, puisqu'elle comportait le logo spécifique de la Société LES VENTS DU NORD, son adresse, ses coordonnées téléphoniques, ses horaires et l'objet de son activité (vente, location, et atelier de réparation d'instruments à vent), et elle renvoyait également à un contact joignable par courriel ;

Que le 31 décembre 2010 ' soit au lendemain du jour où le nom de domaine lesventsdunord.fr est tombé dans le domaine public faute pour la Société LES VENTS DU NORD d'avoir renouvelé ses droits sur ce nom - la Société CUIVRES ET BOIS l'a racheté ; que dès le 4 janvier 2011, elle a également racheté le nom de domaine lesventsdunord.com ;

Que dès lors, d'une part, que la Société CUIVRES ET BOIS exerce exactement la même activité, très spécialisée, que celle de la Société LES VENTS DU NORD, et que, d'autre part, les magasins de ces deux sociétés sont situés à proximité, dans la même ville, à 700 mètres de distance l'un de l'autre, cette appropriation de noms de domaine par la Société CUIVRES ET BOIS n'est à l'évidence pas purement fortuite et ne relève pas de la simple coïncidence, témoignant à l'inverse d'une attitude délibérée de sa part, peu important que le nom de domaine « lesventsdunord.fr » fût tombé dans le domaine public ;

Que concrètement, ce rachat du nom de domaine litigieux a eu pour effet, lorsqu'était entrée sur internet l'adresse www.lesventsdunord.fr, de rediriger automatiquement l'internaute vers le site de la Société CUIVRES ET BOIS ;

Qu'il en allait de même à chaque fois que l'on cliquait sur cette adresse lorsqu'elle était insérée, comme lien hypertexte, dans un autre site internet, tel celui de l'association Quatrea4 - association localement connue, regroupant des professeurs promouvant la pratique des instruments à vent, avec laquelle la Société LES VENTS DU NORD avait noué un partenariat ' ou encore le site du groupe Buffet, fournisseur de la même société ;

Qu'en outre, il ressort d'un constat d'huissier dressé le 19 janvier 2011 à la requête de la Société VENTS DU NORD qu'en conséquence de cette appropriation de nom de domaine critiquable, c'est le nom de la Société CUIVRES ET BOIS qui apparaissait en premier, sur près de 2 010 000 résultats, lorsqu'étaient inscrits les mots-clefs « les vents du nord » sur le moteur de recherche Google ;

Attendu que le rachat, fin 2010, d'un nom de domaine identique à celui jusqu'alors utilisé par son concurrent direct depuis 2007, constitue, de la part de la Société CUIVRES ET BOIS, un comportement caractéristique d'une concurrence déloyale, notamment par le biais d'actes de parasitisme, dès lors que cette attitude était de nature, d'une part, à faire naître, dans l'esprit du public, une confusion entre les deux sociétés afin de capter la clientèle de sa concurrente et, d'autre part, à permettre à la Société CUIVRES ET BOIS de se placer dans le sillage de la Société LES VENTS DU NORD en tirant parti, sans déployer le moindre effort, des partenariats et contacts professionnels que cette dernière société était parvenue à nouer dans le même domaine d'activité et avec la même clientèle potentielle ;

Attendu qu'il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la faute de la Société CUIVRES ET BOIS sur le fondement d'une concurrence déloyale ;

Sur l'indemnisation du préjudice :

Attendu que c'est à tort que le tribunal a indiqué, dans les motifs de son jugement, que les dommages et intérêts pouvaient être supérieurs au préjudice subi par la victime de concurrence déloyale, dès lors au contraire qu'il résulte du principe de la réparation intégrale que le montant des dommages et intérêts ne peut excéder le préjudice réellement subi par la victime ; qu'en matière de concurrence déloyale, le juge peut également imposer toutes les mesures qu'il estime nécessaires afin que cessent les manoeuvres déloyales, ainsi que la publication de la décision portant condamnation du concurrent déloyal ;

Attendu qu'en l'occurrence, la Société LES VENTS DU NORD ne produit aucune donnée comptable permettant de connaître son chiffre d'affaires et donc de démontrer qu'elle aurait subi la moindre perte de clientèle à raison du comportement fautif de la Société CUIVRES ET BOIS ; que pour les mêmes motifs, n'est pas établie la réalité d'une quelconque perte de chance de conquérir une part de marché plus importante sur le marché de la vente en ligne, et ce d'autant moins que son ancien site n'a jamais proposé ce mode de vente et qu'il n'est pas établi que son nouveau site, créé le 29 mars 2012 seulement à l'adresse « les-vents-du-nord.fr », le permettrait ;

Attendu que la Société CUIVRES ET BOIS ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle aurait acquiescé à la demande de cessation de l'utilisation du nom de domaine lesventsdunord.fr et de restitution dudit nom, dès réception de la mise en demeure qui lui a été adressée par le conseil de la Société LES VENTS DU NORD, le 11 février 2011 ; qu'au contraire, les pièces produites par le liquidateur de la Société LES VENTS DU NORD démontrent que non seulement ce n'est que le 27 avril 2013 que le représentant légal de la Société CUIVRES ET BOIS a confirmé le transfert du nom de domaine litigieux, mais, en outre, le 13 juin 2013, cette dernière société figurait toujours comme étant titulaire de ce nom (cf pièce n 26 de l'intimée) ; qu'il est également établi que consécutivement au litige survenu entre les parties, l'adresse www.lesventsdunord.fr ne renvoie plus sur un site internet quelconque ;

Que de facto, cette situation a nui à la popularité du site la Société LES VENTS DU NORD et a conduit à son déclassement dans les moteurs de recherche, d'autant que ce nom de domaine ne lui avait toujours pas restitué en juin 2013 ;

Que le comportement de la Société CUIVRES ET BOIS a également directement attenté à l'image de la Société LES VENTS DU NORD laquelle, par la confusion sciemment créée entre les deux sociétés concurrentes, s'est trouvée, dans l'esprit d'un public normalement attentif, associée à la Société CUIVRES ET BOIS dont le comportement déloyal est démontré dans le cadre de la présente instance ;

Qu'enfin, la faute commise par la Société CUIVRES ET BOIS a contribué à diluer le pouvoir attractif du signe distinctif que constituent l'enseigne et le nom de domaine « les vents du Nord » ;

Attendu qu'au total, en considération des éléments qui sont mis à sa disposition, la cour estime qu'en allouant à la Société LES VENTS DU NORD la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, les premiers juges ont très exactement évalué la réparation due à cette société en conséquence des agissements déloyaux ci-dessus établis, cette somme assurant la réparation intégrale des préjudices subis ;

Qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris en sa disposition condamnant la société CUIVRES ET BOIS au paiement de cette somme, sauf à dire qu'elle devra être versée entre les mains de Maître [J], ès qualités de liquidateur de la société LES VENTS DU NORD, placée en liquidation judiciaire au cours de l'instance d'appel ;

Sur les mesures réparatrices accessoires :

Attendu que contrairement à ce que prétend la Société CUIVRES ET BOIS, la mesure de publication ordonnée par le tribunal se justifie eu égard à la nature du comportement déloyal dont elle fait montre à l'encontre d'un concurrent ; qu'afin d'assurer l'effectivité de cette mesure, il convient de l'assortir d'une astreinte, dans les conditions précisées au dispositif du présent arrêt, ce que les premiers juges n'ont pas fait ;

Attendu enfin que la disposition ordonnant le transfert des noms de domaine « lesventsdunord.fr » et « lesventsdunord.com » n'étant critiquée par aucune des parties, elle sera confirmée ;

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Attendu que, succombant en son recours, la Société CUIVRES ET BOIS sera condamnée aux dépens d'appel, déboutée sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et condamnée à payer à Maître [J], ès qualités, une indemnité procédurale complémentaire de 3 000 euros en application de ce texte ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

- CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris, sauf à dire que la condamnation au paiement de dommages et intérêts prononcée à l'encontre de la SARL CUIVRES ET BOIS INSTRUMENTS devra être versée entre les mains de Maître [L] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL LES VENTS DU NORD ;

Y ajoutant,

- DIT que la disposition ordonnant la publication du jugement entrepris sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt, et ce pendant une durée de TROIS MOIS, délai à l'issue duquel une nouvelle astreinte pourra être ordonnée le cas échéant ;

- CONDAMNE la SARL CUIVRES ET BOIS INSTRUMENTS à payer à Maître [J], ès qualités de liquidateur de la SARL LES VENTS DU NORD, une indemnité complémentaire de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel ;

- DEBOUTE la SARL CUIVRES ET BOIS INSTRUMENTS de sa demande formée en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SARL CUIVRES ET BOIS INSTRUMENTS aux dépens d'appel, et AUTORISE la S.C.P. DELEFORGE-FRANCHI à recouvrer directement ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M.M. HAINAUTP. BIROLLEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 13/00351
Date de la décision : 13/02/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°13/00351 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-13;13.00351 ?
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