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13/02/2014 | FRANCE | N°12/07607

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 13 février 2014, 12/07607


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 13/02/2014



***



N° de MINUTE : 14/

N° RG : 12/07607



Jugement (N° 10/003103)

rendu le 19 Novembre 2012

par le Tribunal de Commerce de DUNKERQUE



REF : SVB/KH





APPELANTES



Société AXA BELGIUM agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège soc

ial [Adresse 4]

[Adresse 4]





Représentée par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Estelle FABART, avocate au barreau de PARIS







SA DUFOUR TRANSPORTS ET MANUTENTION...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 13/02/2014

***

N° de MINUTE : 14/

N° RG : 12/07607

Jugement (N° 10/003103)

rendu le 19 Novembre 2012

par le Tribunal de Commerce de DUNKERQUE

REF : SVB/KH

APPELANTES

Société AXA BELGIUM agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Estelle FABART, avocate au barreau de PARIS

SA DUFOUR TRANSPORTS ET MANUTENTION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Estelle FABART, avocate au barreau de PARIS

SAS SAMA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Estelle FABART, avocate au barreau de PARIS

INTIMÉES

SA DLSI EID DUNKERQUE prise en la personne de son représenatnt légal domicilié en cette qualité audit siège.

ayant son siège social [Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Jean-Louis ROINE, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me FUMEY

SA BOCCARD agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Armelle DEBUCHY, avocate au barrreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

Stéphanie BARBOT, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

DÉBATS à l'audience publique du 19 Décembre 2013 après rapport oral de l'affaire par Sophie VALAY-BRIERE

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 Février 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 décembre 2013

***

Selon bon de commande n°DK21753DK du 15 avril 2008, la SA BOCCARD a commandé à la SAS SAMA une prestation de levage 'grue 220T avec 60 m de flèche + transport' et 'une nacelle de 60 mètres sur camion avec chauffeur + transport', afin de réaliser des travaux de montage et de soudage sur une torchère sur le site de l'usine ARCELORMITTAL à GRANDE SYNTHE.

Par contrat de prestations de services °D3735649/1.01, daté du 23 août 2008, la SA DLSI EID DUNKERQUE, société de travail temporaire, a mis à la disposition de la SA BOCCARD, Monsieur [U] [X] en qualité de monteur du 23 au 29 août inclus.

Le 27 août 2008, Monsieur [Q], chauffeur du camion porteur de la nacelle, a positionné la nacelle sur le chantier et l'a laissée en phase d'attente pour se rendre au poste de garde d'ARCELORMITTAL afin de se faire enregistrer et d'obtenir les autorisations d'intervention préalables et nécessaires au début des opérations de levage.

En son absence, Monsieur [X] a activé la nacelle, laquelle a été endommagée au cours de la manoeuvre.

A la requête de la SA DUFOUR TRANSPORTS ET MANUTENTION, propriétaire du camion-nacelle, Maître [N], huissier de justice, a dressé le 27 août 2008 un procès-verbal de constat et Monsieur [M] a été désigné en qualité d'expert judiciaire par ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Dunkerque rendue le 22 octobre 2008.

L'expert a déposé son rapport le 17 novembre 2009.

Saisi à la requête des sociétés DUFOUR, SAMA et AXA BELGIUM, le tribunal de commerce de Dunkerque, par jugement contradictoire en date du 19 novembre 2012:

- les a déclarées recevables en la forme,

- les a déboutées de toutes leurs demandes,

- a déclaré sans objet la demande de garantie présentée par la société BOCCARD,

- a condamné solidairement entre elles les sociétés DUFOUR, SAMA et AXA BELGIUM à payer à la SA BOCCARD la somme de 3.000 € et à la société DLSI EID DUNKERQUE celle de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement entre elles les sociétés DUFOUR, SAMA et AXA BELGIUM aux dépens incluant ceux des ordonnances de référé des 22 octobre 2008 et 3 novembre 2008, du jugement du 20 décembre 2010 et de l'expertise.

Le 20 décembre 2012, les sociétés DUFOUR TRANSPORTS ET MANUTENTION, SAMA et AXA BELGIUM ont interjeté appel de cette décision.

Selon exploit d'huissier de justice en date du 10 mars 2013, la SA BOCCARD a fait assigner la société DLSI en appel provoqué devant la Cour.

Dans leurs dernières conclusions en date du 11 octobre 2013, les sociétés appelantes demandent à la Cour de déclarer leur appel recevable et bien fondé, d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il les a déclarées recevables à agir à l'encontre de la SA BOCCARD,

à titre principal :

- de condamner la SA BOCCARD à payer les sommes de :

*188.979 € à la société DUFOUR en réparation de ses préjudices matériels et immatériels, déduction faite de la somme de 40.000 € prise en charge par l'assureur AXA BELGIUM,

* 40.000 € à la société AXA BELGIUM, ès qualités d'assureur subrogé dans les droits de la SA DUFOUR,

* 3.445 € à la SA SAMA en réparation de son préjudice immatériel,

à titre subsidiaire de :

- condamner la SA BOCCARD à verser à la SA SAMA la somme de 3.445 € en réparation de son préjudice immatériel avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2010,

- condamner la société DLSI à payer les sommes de :

*188.979 € à la société DUFOUR en réparation de ses préjudices matériels et immatériels, déduction faite de la somme de 40.000 € prise en charge par l'assureur AXA BELGIUM,

* 40.000 € à la société AXA BELGIUM, ès qualités d'assureur subrogé dans les droits de la SA DUFOUR,

en tout état de cause de :

- débouter la SA BOCCARD de toutes ses demandes,

- la condamner au paiement de 20.000 € à chacune des appelantes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens en ce compris les frais d'expertise.

Elles précisent que la société DUFOUR, en qualité de propriétaire du camion nacelle endommagé, et la société AXA BELGIUM, subrogée dans les droits et actions de la société DUFOUR à hauteur de la somme versée de 40.000 € conformément aux quittances subrogatives produites, ont qualité et intérêt à agir à l'encontre de la SA BOCCARD.

Elles font valoir, en premier lieu, que le contrat conclu entre les sociétés BOCCARD et SAMA est un contrat non de prestations de service mais de location soumis aux dispositions de l'article 1732 du code civil qui rappellent que le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance ; que la SA BOCCARD ne peut se fonder sur le régime de la responsabilité délictuelle du fait des choses pour tenter de s'exonérer de sa responsabilité contractuelle envers la société SAMA ; que la SA BOCCARD disposait du contrôle effectif et du pouvoir de direction de la nacelle au moment de l'accident, un de ses préposés ayant pris l'initiative d'en assurer l'usage, la direction et le contrôle ; que Monsieur [Q], employé de la société SAMA, qui a mis la nacelle en phase d'attente sur instructions de la SA BOCCARD n'a pas commis de faute ; que la société SAMA est bien fondée à engager la responsabilité contractuelle de la SA BOCCARD ; que le contrat fait porter la responsabilité de l'opération par la SA SAMA lorsque c'est son personnel qui en assure le contrôle et la direction ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ; que les dégradations sont survenues avant l'opération de levage et après que la société SAMA ait mis à disposition de la société BOCCARD le camion et son chauffeur.

Elles soutiennent, en deuxième lieu, que la société DUFOUR est bien fondée à rechercher la responsabilité délictuelle de la société BOCCARD, le commettant étant responsable du fait de son préposé, sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du code civil ; qu'en l'espèce, la SA BOCCARD était la seule à exercer l'autorité et le pouvoir de direction effectifs sur Monsieur [X] ; qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir appelé Monsieur [X] en la cause dès lors que la responsabilité du commettant peut être directement recherchée par la victime d'un dommage qui n'est nullement tenue d'assigner en même temps le préposé par la faute duquel le dommage est survenu ; que la SA BOCCARD ne peut s'exonérer en démontrant qu'elle n'a pas commis de faute alors qu'il s'agit d'une responsabilité sans faute ; que Monsieur [X] a agi dans le cadre de ses fonctions et non à des fins étrangères à ses attributions ; subsidairement, que la responsabilité de la société DLSI étant engagée en qualité de commettant de Monsieur [X], la SA BOCCARD ne peut s'exonérer en invoquant un défaut d'autorisation et un abus de fonction.

En troisième lieu, la société DUFOUR conteste être responsable du fait des choses sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du code civil dès lors que celle-ci n'a vocation à s'appliquer que pour les dommages causés par la chose et non ceux causés à la chose.

Elles expliquent, enfin, les différents chefs de préjudice subis et rappellent que la société AXA n'a pas à justifier les circonstances l'ayant conduite à fixer le montant de l'indemnisation de son assurée à la somme de 40.000 €.

Dans ses conclusions déposées le 2 décembre 2013, la SA BOCCARD demande à la Cour :

1- Statuant dans les rapports entre les sociétés BOCCARD, DUFOUR et AXA BELGIUM :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes des sociétés DUFOUR et AXA, ces dernières n'ayant aucune qualité ni aucun intérêt à agir à l'égard de la SA BOCCARD,

- subsidiairement, de les débouter de toutes leurs demandes,

- infiniment subsidiairement, de constater que la preuve du préjudice allégué par la société DUFOUR n'est pas rapportée et que seule la marge brute réellement perdue pourrait éventuellement constituer un préjudice immatériel ;

2- Statuant dans les rapports entre les sociétés BOCCARD et SAMA :

- de confirmer le jugement entrepris ;

3- Statuant dans les rapports entre les sociétés BOCCARD et DLSI :

- de condamner la SA DLSI EID à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

4- En tout état de cause :

- de condamner solidairement les sociétés DUFOUR, SAMA, AXA et DLSI à lui payer la somme de 43.672,90 € TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens y compris le coût de l'expertise.

Sur la recevabilité, elle soutient que seule sa cocontractante, à savoir la SA SAMA, a qualité et intérêt à agir sur le fondement du contrat de prestations de service; que la qualité de propriétaire de la grue, objet du contrat, ne peut conférer à la société DUFOUR des droits au titre d'un contrat auquel elle est tiers ; que sur le fondement de l'article 1383 du code civil, la société DUFOUR ne démontre pas l'existence d'une faute de la société BOCCARD, d'un préjudice et d'un lien de causalité ; que la société AXA ne peut pas agir à son encontre alors qu'elle n'a jamais été le cocontractant de la société DUFOUR et qu'aucune faute délictuelle n'est établie à son égard ; qu'en outre, elle ne justifie ni d'une subrogation conventionnelle, en l'absence de quittances emportant subrogation en bonne et due forme ni d'une subrogation légale dès lors que l'indemnisation résulte d'un accord et non de l'application stricte de la police d'assurance.

Sur le fond, elle prétend tout d'abord que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité du fait des préposés de l'article 1384 alinéa 5 du code civil ne sont pas réunies ; que Monsieur [X] n'était pas le préposé de la société BOCCARD dès lors que l'entreprise de travail temporaire reste le commettant du travailleur intérimaire ; qu'au demeurant, le commettant n'est pas responsable lorsque le préposé a agi, comme en l'espèce, hors de ses fonctions et attributions ; que la société DUFOUR, en sa qualité de propriétaire de la chose à l'origine du sinistre est présumée responsable par application des dispositions de l'article 1384 alinéa 1 ; que celle-ci ne démontre pas avoir transféré la garde de la plate-forme élévatrice au profit de la société BOCCARD ; que s'il y avait eu transfert de la garde ce serait entre les sociétés DUFOUR et SAMA ; que la clause du contrat relative à la responsabilité confirme que la société BOCCARD n'a jamais eu ni la garde juridique, conservée par la société DUFOUR, ni le contrôle ou la direction physique de la plate-forme élévatrice, conservée par la société SAMA ; que faute de démontrer l'existence d'un cas de force majeure ou du fait d'un tiers, la société DUFOUR, en sa qualité de propriétaire gardien de la plate-forme est responsable de cette dernière.

Elle expose ensuite que le contrat la liant à la société SAMA n'est pas un contrat de louage de chose mais un contrat de prestation de levage excluant l'application des articles 1709 et 1732 du code civil puisqu'elle a commandé une prestation de levage d'une nacelle avec chauffeur ; que les conditions particulières précisent que c'est la société SAMA qui assume l'entière responsabilité de la prestation ; que la commande a été acceptée par la SA SAMA sans réserve ; qu'en tout état de cause, si cour retenait l'existence d'un contrat de location, la SA SAMA n'a jamais perdu la maîtrise et le contrôle effectif de la nacelle; qu'en outre, Monsieur [Q], préposé de la société SAMA, ayant commis une faute en laissant la nacelle en état de fonctionnement et sans surveillance, la présomption de l'article 1732 est renversée et ce n'est plus le locataire qui est présumé répondre des dégradations ou des pertes arrivées pendant la jouissance mais bien le bailleur.

Elle ajoute qu'aucune faute de sa part n'est démontrée et que, par conséquent, sa responsabilité ne saurait être engagée, les dégradations étant le résultat des fautes cumulées de la société SAMA, levageur ayant la maîtrise et le contrôle de la nacelle, de la société DUFOUR, gardien juridique et de la société DSLI, employeur de Monsieur [X].

Sur les préjudices, elle prétend qu'aucun élément comptable et technique probant n'étant produit, il est impossible de dégager une quelconque perte de marge avérée pour la SA SAMA ; que la preuve du préjudice allégué par la société AXA n'est pas plus rapportée ; que la société DUFOUR ne justifie pas de la marge brute réellement perdue; que les chiffres retenus par l'expert sont critiquables.

Sur son appel en garantie, elle rappelle que la société DLSI doit répondre des agissements de son préposé, Monsieur [X] qui n'avait pas encore obtenu d'autorisation de travail de la part de la société BOCCARD et qui en plus s'est volontairement soustrait aux instructions de celle-ci ; enfin, qu'elle n'a jamais accepté les conditions générales de la société DLSI qui n'ont pas été portées à sa connaissance.

Par conclusions déposées le 6 septembre 2013, la SA DLSI EID DUNKERQUE demande à la Cour, à titre principal, de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné sa mise hors de cause et le rejet des demandes formées à son encontre ; à titre subsidiaire, si sa responsabilité était retenue, de condamner la SA BOCCARD à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ; d'ordonner de ce chef l'exécution provisoire de la décision à intervenir ; de constater que seule la marge brute réellement perdue pourrait constituer un préjudice indemnisable dont la preuve n'est toutefois pas rapportée, de sorte que le débouté s'impose ; de condamner la SA BOCCARD ainsi que toute partie succombante à lui payer la somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; enfin, de condamner la société BOCCARD aux dépens.

Elle argue, pour l'essentiel, que le contrat passé avec la société BOCCARD est un contrat de mise à disposition défini par l'article L1251-42 du code du travail ; que l'article 7 des conditions générales figurant au recto de ce contrat régulièrement signé est opposable à la SA BOCCARD ; qu'il stipule que l'utilisateur est responsable en tant que commettant du personnel placé sous sa direction exclusive ; que c'est la SA BOCCARD, présente sur le chantier, qui avait le pouvoir de donner des instructions à son préposé ; qu'il n'est pas contestable que c'est sur son lieu de travail et pendant son temps de travail que Monsieur [X] a trouvé les moyens de sa faute et l'occasion de la commettre; que la SA BOCCARD était le commettant de Monsieur [X] au moment où le sinistre s'est produit et doit, par conséquent, en assumer les conséquences.

A titre subsidiaire, elle précise que Monsieur [X] était parfaitement qualifié pour remplir la mission de monteur prévue dans le contrat et que les faits n'ont pu se produire que parce que la SA BOCCARD n'a pas rempli ses obligations d'entreprise utilisatrice.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 décembre 2013.

A la demande de la Cour, la société DLSI EID DUNKERQUE lui a fait parvenir l'original du contrat de mission régularisé le 23 août 2008 avec la société BOCCARD.

Par lettre du 8 janvier 2014, le conseil des sociétés SAMA et DUFOUR a fait parvenir ses observations sur cette pièce.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens, selon ce qu'autorise l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

1- Sur la recevabilité de l'action intentée par les sociétés DUFOUR et AXA

Le tiers a un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage.

Dans ces conditions, la société DUFOUR en sa qualité de propriétaire de la nacelle endommagée, tiers au contrat régularisé entre la SA BOCCARD et la SAS SAMA, a qualité et intérêt à agir sur ce fondement à l'encontre de la SA BOCCARD.

La société AXA indique être subrogée dans les droits de la société DUFOUR pour l'avoir indemnisée au titre de sa police d'assurance à hauteur de 40.000 €.

Cependant et contrairement à ce qui est indiqué dans ses écritures, elle ne produit aucune quittance subrogative à l'appui de ses affirmations. En effet, les pièces versées aux débats ne sont que des offres de règlements, qui, bien que signées les 6 janvier et 8 juillet 2009 par la SA DUFOUR, n'établissent pas la subrogation en l'absence de preuve des paiements y afférents.

Dans ces conditions, les demandes de la SA AXA, qui n'a ni qualité ni intérêt à agir, seront déclarées irrecevables.

2- Sur la responsabilité contractuelle de la société BOCCARD à l'égard de la société SAMA

La société SAMA prétend que le contrat conclu avec la société BOCCARD est un contrat de location alors que cette dernière soutient qu'il s'agit d'un contrat de prestations de levage.

La qualification d'un contrat s'apprécie par rapport à la nature des obligations mises à la charge des parties.

En l'espèce, la commande n°DK21753DK du 15 avril 2008, est relatif à la fourniture d'une 'prestation de levage grue 220T avec 60 m de flèche + transport pour une journée de 8h sur site' et d'une 'nacelle de 60 mètres sur camion avec chauffeur + transport pour une journée de 8h sur site'. Elle indique ' Vous devez, avant intervention, effectuer une visite des lieux de manutention pour vous assurer de la faisabilité des opérations, notamment vis à vis de l'état des sols et déterminer la capacité de l'engin de levage en fonction de son positionnement et des charges à manutentionner. Le fait de vous louer le matériel, le personnel de conduite mais aussi le personnel assurant le contrôle et le pouvoir de diriger l'opération de levage, vous fait assurer l'entière responsabilité de la prestation'.

Il est constant que cette commande a été acceptée sans réserve par la société SAMA.

Il est acquis et non contesté par ailleurs que l'utilisation de ce type de matériel

requiert une qualification spécifique détenue par le personnel de la société SAMA mais non par celui de la société BOCCART.

Enfin, il ressort du rapport d'expertise judiciaire que Monsieur [Q], salarié de la société SAMA a, d'une part, mis en place le camion à l'endroit fixé pour les opérations d'évolution de la nacelle laquelle était opérationnelle dans l'attente de l'autorisation de mise en service, et d'autre part, sollicité une autorisation de travail au nom de la société SAMA DUFOUR, et non une simple autorisation pour pénétrer sur le chantier nonobstant la mention 'mise à disposition nacelle'.

Contrairement à ce qui est soutenu, la preuve n'est pas rapportée de ce que Monsieur [Q] aurait mis la nacelle en phase d'attente sur instructions de la société BOCCARD.

Il se déduit de ces éléments que le contrat litigieux s'analyse non pas en un louage de chose mais en un louage d'ouvrage.

En laissant la nacelle prête à fonctionner sans surveillance, Monsieur [Q] a commis une négligence fautive qui est seule à l'origine du dommage en ce qu'elle a permis à Monsieur [X] de prendre la direction de l'engin.

Il y a lieu, dans ces conditions, de débouter la SAS SAMA de ses demandes formées à l'encontre de la SA BOCCARD.

3- Sur la responsabilité délictuelle de la société BOCCARD à l'égard de la société DUFOUR

La société DUFOUR recherche la responsabilité de la société BOCCARD du fait des dommages causés par son préposé, Monsieur [X], sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du code civil.

Par acte sous seing privé intitulé 'contrat de prestations de services', en date du 23 août 2008, la société DLSI EID DUNKERQUE a mis Monsieur [U] [X] à disposition de la société BOCCARD du 23 au 29 août 2008 en qualité de monteur.

L'original de ce contrat, qui porte le cachet et la signature de la société BOCCARD, stipule que 'l'utilisateur soussigné déclare avoir pris connaissance des conditions générales de prestations figurant au verso, qui font parties intégrantes du présent contrat, notamment en ce qui concerne la clause attributive de compétence du tribunal du lieu du siège social de l'ETT (§9)'.

Parmi ces conditions générales, l'article 7 relatif à la responsabilité civile dispose que 'l'utilisateur est civilement responsable, en tant que commettant du personnel temporaire placé sous sa direction exclusive, de tous les dommages causés à des tiers sur les lieux ou à l'occasion du travail. Notre société se trouve dégagée de toute responsabilité quant aux dommages de quelque nature qu'ils soient, de caractère professionnel ou non, causés par ledit personnel temporaire ou résultant entre autres d'une absence ou d'une insuffisance de contrôle ou d'encadrement comme de l'inobservation des règlements'.

Ces conditions générales sont donc opposables à la société BOCCARD, qui ne

peut invoquer les différences entre les copies destinées à l'entreprise utilisatrice et au salarié, pour prétendre le contraire.

Dès lors que Monsieur [X] était présent sur le chantier, il était sous le

contrôle et l'autorité exclusive de la société BOCCARD, dont il était par conséquent le préposé.

En actionnant la nacelle sans avoir reçu d'instruction en ce sens, Monsieur [X] a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la SA BOCCARD en sa qualité de commettant.

Cette faute est à l'origine directe des dommages subis par la société DUFOUR, propriétaire de la nacelle endommagée.

La SA BOCCARD est, en conséquence, tenue de réparer ceux-ci.

4- Sur les dommages subis par la SA DUFOUR

La SA DUFOUR réclame les sommes de 64.962 € et 124.017 € au titre de ses préjudices matériel et immatériel.

Aux termes du rapport d'expertise et de ses annexes 72 à 74 (pièces 958 à 983 de la SA DUFOUR) :

* la période d'indisponibilité de la nacelle s'est étendue du 27 août 2008 au 3 février 2009,

* les frais de réparation de la nacelle se sont élevés à la somme de 64.962 €,

* la perte d'exploitation a été chiffrée à 82.330 €.

Le premier poste de préjudice n'étant pas contesté par la SA BOCCARD dans ses écritures, il convient de le retenir.

S'agissant du second, le sapiteur a calculé la perte d'exploitation résultant de l'immobilisation de la nacelle en se basant sur le chiffre d'affaires antérieurement réalisé sur cet engin, durant les mêmes périodes, déduction faite des charges fixes supportées par la SA DUFOUR dont celles au titre d'un salarié.

Il ne peut être fait grief à la société DUFOUR de ne pas avoir été en mesure de présenter des commandes de la nacelle pour la période considérée dès lors que s'agissant d'un matériel spécifique, il n'est pas sérieusement contestable que les clients susceptibles d'y avoir recours avaient nécessairement été informés de son indisponibilité.

Au regard du nombre de jours durant lesquels la nacelle a été utilisée - 64 jours en 2006, 73,5 jours en 2007-, le nombre de 75,5 jours retenu par l'expert pour la période considérée qui tient compte d'une augmentation de l'ordre de 5%, et non de 10%, est raisonnable.

Pour déterminer la marge perdue, les économies de charges directement liées à l'exploitation de la nacelle et justifiées telles que les consommations de gasoil, de fioul, le coût de l'entretien ainsi que le salaire et les charges du conducteur, dont il a été établi au cours de l'expertise qu'il avait été affecté à d'autres taches, ont été retenues à juste titre.

Ainsi, estimant que la méthode utilisée par le sapiteur n'est pas critiquable, la cour entérinera le montant du préjudice subi par la SA DUFOUR au titre de son préjudice immatériel tel qu'évalué par ce dernier.

La SA BOCCARD sera donc condamnée à payer à la SA DUFOUR la somme de 147.292 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision s'agissant de dommages et intérêts et le jugement infirmé de ce chef.

5- Sur l'appel en garantie exercé par la SA BOCCARD à l'encontre de la société DLSI EID DUNKERQUE

S'il est constant qu'en actionnant la nacelle, Monsieur [X] a agi sans autorisation, il ne peut toutefois pas être soutenu que celui-ci a abusé de ses fonctions.

En effet, ce dernier se trouvait sur ses lieu et temps de travail ainsi que dans le cadre de ses attributions telles que précisées sur le contrat à savoir 'travaux de montage charpente, travaux de montage ensemble mécanique ou chaudronnerie' lors du sinistre.

Il y a lieu, par conséquent, de débouter la SA BOCCARD de sa demande en garantie dirigée à l'encontre la société DLSI.

6- Sur les autres demandes

La société BOCCARD qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel y compris les frais d'expertise et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge des appelantes ainsi que de la SA DLSI les frais exposés par elles en cause d'appel et non compris dans les dépens ; il leur sera alloué la somme de 25.000 € pour les premières et de 3.000 € pour la seconde au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après débats publics, par arrêt contradictoire mis à disposition

au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la SA DUFOUR recevable à agir

et débouté celle-ci de ses demandes à l'encontre de la société DLSI EID DUNKERQUE;

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Déclare les demandes de la SA AXA irrecevables ;

Déboute la SAS SAMA de l'ensemble de ses demandes ;

Condamne la SA BOCCARD à payer à la SA DUFOUR la somme de 147.292 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision en réparation des préjudices subis outre celle de 25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA BOCCARD à payer à la SA DLSI EID DUNKERQUE la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SA BOCCARD de son appel en garantie à l'encontre de la société DLSI EID DUNKERQUE ;

Déboute la SA BOCCARD de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA BOCCARD aux dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront le coût de l'expertise judiciaire, qui pourront, pour ceux d'appel être recouvrés directement par Maître LEVASSEUR conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M.M. HAINAUTP. BIROLLEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 12/07607
Date de la décision : 13/02/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°12/07607 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-13;12.07607 ?
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