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06/02/2014 | FRANCE | N°11/08248

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 06 février 2014, 11/08248


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 06/02/2014



***



N° de MINUTE : 14/

N° RG : 11/08248



Jugement rendu le 16 mai 2008 par le Tribunal de Commerce d'ARRAS

Arrêt (N° 08/03762) rendu le 20 Mai 2010 par le Cour d'Appel de DOUAI

Arrêt rendu le 8 novembre 2011 par la Cour de Cassation  



REF : CP/KH



APPELANTE



SA GETEC

prise en la personne de ses représentants l

égaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Marie CARREL, avo...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 06/02/2014

***

N° de MINUTE : 14/

N° RG : 11/08248

Jugement rendu le 16 mai 2008 par le Tribunal de Commerce d'ARRAS

Arrêt (N° 08/03762) rendu le 20 Mai 2010 par le Cour d'Appel de DOUAI

Arrêt rendu le 8 novembre 2011 par la Cour de Cassation  

REF : CP/KH

APPELANTE

SA GETEC

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Marie CARREL, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES

Société BYSTRONIC MASCHIENENBAU GMBH anciennement dénommée BEYELER MASCHINENBAU GMBH

Société de droit allemand

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de représentée par Me Marco ITIN avocat au Barreau de PARIS, substitué par Me Céline TULLE

Société BYSTRONIC LASER AG

Société de droit suisse

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1])

Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de représentée par Me Marco ITIN avocat au Barreau de PARIS, substitué par Me Céline TULLE

SAS BYSTRONIC FRANCE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de représentée par Me Marco ITIN avocat au Barreau de PARIS, substitué par Me Céline TULLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Christine PARENTY, Président de chambre

Philippe BRUNEL, Conseiller

Sandrine DELATTRE, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET

DÉBATS à l'audience publique du 28 Novembre 2013 après rapport oral de l'affaire par Christine PARENTY

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 Février 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président, et Caroline NORMAND, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 novembre 2013

***

Vu le jugement contradictoire du 16 mai 2008 du Tribunal de Commerce d'Arras ayant au vu du protocole d'accord débouté la sas Getec de ses demandes, fait droit partiellement aux demandes des sociétés Beyeler, Bystronic Caser AG et Bystronic France, dit la sas Getec redevable du solde de 30 000€ au titre du prix restant dû sur la quatrième plieuse dès le bon fonctionnement de cette machine à défaut au terme de la garantie de deux ans, condamné la société Getec à payer aux défenderesses 5000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile;

Vu l'arrêt de la Cour d'Appel de Douai du 20 mai 2010 qui a confirmé le jugement sur le débouté de la société Getec de sa demande en résolution des accords et des ventes et l'a condamnée au paiement du solde, infirmé le surplus en condamnant in solidum les sociétés Bystronic Maschinenbau ( venant aux droits de la société Beyeler), Bystronic Laser AG et Bystronic France à payer à la société Getec la somme de 65 520€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution partielle de leurs obligations contractuelles, ordonné la compensation, débouté les parties du surplus, condamné les sociétés intimées aux dépens.

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 8 novembre 2011 qui a cassé cet arrêt mais uniquement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Getec en résolution des ventes.

Vu la déclaration de saisine de la cour de renvoi émanant de la société Getec en date du 9 décembre 2011.

Vu les conclusions déposées le 19 novembre 2013 pour la société Getec;

Vu les conclusions déposées le 20 novembre 2013 pour les sociétés Bystronic Maschinenbau, Bystronic Laser, Bystronic France;

Vu l'ordonnance de clôture du 20 novembre 2013.

La société Getec demande à la Cour de débouter les intimées de leurs demandes et notamment de leur demande visant à voir écartée des débats la pièce n° C 413, de la déclarer recevable en sa demande de résolution de vente, de prononcer la résolution des ventes des 4 plieuses aux torts exclusifs des trois sociétés Bystronic, de condamner in solidum les sociétés Bystronic Maschinenbau et Bystronic Laser à lui restituer les sommes versées sur le prix de vente, soit 167 693€ avec intérêts légaux à compter du 14 février 2000 sur la somme de 91 469,41€ et à compter du 9 mai 2000 sur la somme de 76 224,51€, 330 887,54€ avec intérêts légaux à compter du 10 mai 2004, 125 000€ avec intérêts légaux à compter du 15 juillet 2005 sur la somme de 62 500€ , à compter du 12 novembre 2005 sur la somme de 32 500€ , à compter du 20 mai 2010 sur la somme de 30 000€; si la Cour devait tenir compte de la dépréciation des machines, elle demande la restitution de 40% du coût de départ des machines hors prix négociés, soit sur les sommes de 635 522€ HT et 215 000€ HT. Elle demande d'ordonner que le démontage des machines sera exécuté par la société Bystronic Maschinenbau 45 jours après la réception des fonds sous astreinte de 1000€ par jour de retard, d'ordonner la restitution par elle des 4 machines aux frais exclusifs des sociétés Bystronic M&L, la restitution du matériel de pliage facturé 327 000 FF avec frais d'acheminement à la charge de Bystronic Maschinenbau dans les 45 jours qui suivront le paiement intégral sous astreinte de 150€ par jour de retard, de condamner les trois sociétés à lui payer pour la perte subie de mars 2007 à mars 2013 89 101,25€ au titre des heures de production perdue et 19 950€ au titre du coût des heures supplémentaires assorties des intérêts légaux à valoir et à parfaire jusqu'au complet paiement, de les condamner à lui payer 16 108,05€ au titre du remboursement des factures indues, de les condamner à lui payer 300 000€ de dommages et intérêts pour les gains manqués.

À titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la condamnation aux deux sommes de 89 101,25€ et 19 950€, à la somme de 16 108,05€ et à celle de 300 000€ pour le préjudice né de l'inexécution partielle de leurs obligations. En tout état de cause elle réclame 30 000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimées sollicitent la confirmation du jugement, le débouté de la société Getec, sa condamnation à leur payer 10 000€ pour procédure abusive; à titre subsidiaire, elles demandent à la cour de constater qu'elles ont déjà réglé 65 520€ à titre de dommages et intérêts en exécution de l'arrêt du 20 mai 2010, de condamner la société Getec à leur payer la somme totale de 1 532 693€, soit 262 693€ au titre de la dépréciation des plieuses, 1 270 000€ au titre du chiffre d'affaires réalisé grâce aux trois plieuses et d'ordonner la compensation; elles réclament 15 000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour le résumé de l'affaire et de la procédure il sera renvoyé à l'arrêt de cette même cour du 20 mai 2010.

La société Getec fait valoir qu'il appartient à la Cour de statuer à nouveau sur le délai raisonnable pour agir en résolution des ventes intervenues sur le fondement de la convention internationale de vente des marchandises, la Cour de Cassation ayant renvoyé sur ce point compte tenu de la méconnaissance par la Cour de Douai des termes du litige et de la violation de l'article 4 du code de procédure civile.

Elle avait formulé devant le conseiller de la mise en état une demande d'expertise qui a été refusée aux motifs que 5 ans s'étaient passés sans ce type de demande et qu'un constat d'huissier figurait au dossier sur les pannes de 2011.

Elle plaide la nécessaire résolution des ventes dans un contexte de contrainte économique pour elle , PME de 42 employés, dans l'esprit de la convention de Vienne qui est de favoriser le sauvetage du contrat et son exécution de bonne foi et rappelle que cette convention met à la charge de l'acheteur une obligation de dénoncer dans un délai raisonnable ( deux ans) le défaut de conformité constaté sur les marchandises livrées qui varie selon le type de marchandise, et qui ne doit pas être confondu avec le délai pour agir. Elle affirme avoir dénoncé les désordres dans un délai raisonnable, puisque livrée le 26 mai 2004, elle constatait des défauts de fabrication sur les machines dénoncés le 1 juin 2004, puis le 17 juin, le 2 juillet, le 23 juillet, faisant part aux sociétés Bystronic de pannes à répétition, recensant le 2 novembre 2004 plus de 31 problèmes les affectant, ce qui aboutissait à la mise en demeure du 22 novembre 2004. Elle rappelle que dès la livraison de la quatrième plieuse censée compenser ses réclamations, en date du 28 septembre 2005, elle devait déplorer le 12 octobre 2005 des difficultés sur elle et que la preuve est rapportée, notamment au travers de courriels, que les désordres ont continué après l'accord de 2005.

Elle estime que le tribunal d'Arras a confondu cette dénonciation et la demande en résolution qui ne s'apprécie pas de la même façon en termes de délai puisqu'il s'agit de machines conditionnant la poursuite de l'activité de l'entreprise, qui rencontrent de l'aveu même des intimées de fréquentes difficultés dans la première année, les parties s'étant accordées sur la recherche d'une solution par voie de négociation, dans une période de surcroît couverte par la garantie de deux ans.

Elle souligne que son intention de recourir au contentieux a été clairement exprimée dans sa mise en demeure du 17 octobre 2006 puis son intention de demander la résolution dans son exploit introductif du 28 décembre 2006, ce qui correspond à un délai raisonnable puisque délivré treize mois après la LRAR du 12 novembre 2005 qui a été retenue comme formalisant la dénonciation des défauts de conformité par la Cour de Cassation.

Elle fait valoir que depuis Mars 2011, la quatrième plieuse présente de nouveaux dysfonctionnements très importants et qu'aucune solution n'a été trouvée par les sociétés Bystronic de sorte qu'elle est en arrêt total, comme constaté par huissier le 21 juillet 2011, qu'elle même ne dispose d'aucun document technique, qu' à la suite de l'ordonnance d'incident plusieurs tentatives de réparation ont échoué pour finalement aboutir en mars 2013 par l'intervention du SAV allemand après que la deuxième plieuse soit elle aussi tombée en panne, ces pannes étant successives, aléatoires et bloquantes, nécessitant des interventions à coût très élevé, la plaçant en dépendance économique.

Elle estime apporter la preuve de la contravention essentielle au contrat en établissant un graphe retraçant la présence trop fréquente des techniciens, au demeurant allemands, qui correspond à 5 mois de présence, et ce alors que c'était le SAV Français qui selon l'accord de 2005 devait intervenir, en versant un deuxième graphe qui retrace les problèmes et pannes incessants sur des machines qui ressemblent à des prototypes, non testés, équipés de commandes numériques défaillantes et d'un logiciel inadapté, un troisième graphe témoignant du nombre d'heures d'arrêt des 4 plieuses, ces arrêts n'ayant pas cessé après l'accord de 2005 ( 2500 heures d'arrêt sur les 4 de mai 2005 à mars 2007), les machines n'étant pas fiables, le délai de livraison n'ayant pas été respecté pour la quatrième et les délais d'intervention trop longs. Elle en conclut qu'il y a privation substantielle de contrepartie par l'impossibilité d'utiliser normalement les machines.

En conséquence, la société Getec réclame restitution du prix de vente hors prix négocié, avec intérêts depuis le jour du paiement, et que soit ordonnée la restitution des machines aux frais des sociétés intimées, lesquelles doivent supporter la dépréciation puisque la résolution leur est imputable. Elle s'oppose aux arguments adverses qui qualifient ces machines de dépassées et fait valoir que si la cour retenait une dépréciation elle ne pourrait aller au delà de la valeur marchande qui est de 40% de la valeur d'origine, indiquée par les intimés en 2003, après 5 ans.

En vertu de l'article 45 de la Convention de Vienne, elle réclame les heures de production perdues pendant 641,75 heures soit la somme de 22 461,25€ et 1904 heures pour la quatrième plieuse soit 66 640€, le remboursement des factures relatives aux interventions des techniciens qui ne sont pas parvenus à résoudre les problèmes pour 16 108,05€, le coût des salariés qui ont passé du temps en conséquence des pannes pour 19 950€, un préjudice commercial de 50 000€ par an à multiplier sur 6 ans soit 300 000€.

Subsidiairement, indemnisée du fait d'une inexécution partielle par la Cour en 2010, elle reprend le chiffre de 62 520€ accordé par la Cour pour l'étendre à la période depuis mars 2007 durant laquelle les problèmes ont persisté pour réclamer 425 159,30€.

Les sociétés Bystronic affirment que la quatrième plieuse a bien été réparée en février 2013, que les protocoles d'accord de 2004 et 2005 qui contiennent un ensemble de concessions de part et d'autre sont valides, le premier annulant le contrat de vente du 8 décembre 1999 sur deux plieuses , concluant une nouvelle vente des trois plieuses avec garantie et maintenance pendant deux ans, renonçant à tous droits, actions et prétentions vis à vis de l'une ou l'autre, y compris ceux nés des décisions judiciaires antérieures, le second ayant pour objet de solutionner à l'amiable les préjudices subis suite au mauvais fonctionnement des trois plieuses livrées fin mai 2004 précisant qu'une fois cette transaction réalisée Getec s'interdit de réclamer tout autre préjudice créé par les problèmes sur ces trois machines pendant cette période (de l'arrivée des machines à janvier 2005); elles ajoutent que conformément à cet accord, Getec a commandé une quatrième plieuse avec garantie sur deux ans qui a été réceptionnée avec retard, a connu des problèmes de démarrage et des dysfonctionnements ultérieurs en 2005 et 2006 qu'elles ont cherché à résoudre, remplissant pour l'essentiel les obligations issues du protocole, et versant les dommages et intérêts prévus par la Cour pour l'arrêt de la plieuse PR 200T.

Elles plaident que la demande en résolution de la vente est tardive et infondée, tardive au regard de l'article 49 de la convention, son intention de résilier n'ayant été exprimée que le 28 décembre 2006 par l'assignation pour des difficultés connues depuis l'origine de la livraison de mai 2004, la lettre du 12 novembre 2005 ou la mise en demeure du 27 octobre 2006 n'exprimant pas cette volonté mais celle de voir procéder aux réparations; elles ajoutent que les arguments de l'appelante en ce qui concerne le délai de dénonciation du défaut de conformité n'est pas plus convaincant puisque le protocole de 2005 a fixé le 1 février 2005 comme date de réception technique pour éviter d'inutiles discussions sur les événements antérieurs et qu'en mai et juin , dans le protocole, Getec reconnaît qu'il n' y a plus de défaut majeur sur les trois plieuses, qu'en ce qui concerne la quatrième plieuse, sa lettre du 12 novembre 2005 ne peut constituer la dénonciation prévue par l'article 39 puisque faisant référence à une différence de commande numérique d'avec celles équipant les trois premières machines qui ne s'explique que par l'évolution technologique intervenue depuis, que le mail du 12 octobre 2005 n'y correspond pas non plus puisque la société Getec se plaint de soucis mineurs, résolus depuis. La demande est par ailleurs infondée puisque le protocole de 2005 fixait les obligations contractuelles en 6 points qui ont été remplies:

-fourniture du logiciel BYBEND qui a été installé le 29 août 2005 et fonctionne parfaitement;

- équipement des machines avec le système d'exploitation Windows XP le 5/7 04 06;

- la garantie du groupe BYSTRONIC, qui devait être utilisée avec modération, ce qui n'a pas été le cas;

- la présence d'interlocuteurs français pour Getec qui n'apporte pas la preuve contraire pour la période postérieure au protocole ;

- la fixation de la réception technique des trois plieuses au 1 février 2005 et point de départ de la garantie au 1 janvier 2005;

-le chiffrage des préjudices subis par Getec et BB et fixation des compensations, le protocole envisageant les arrêts antérieurs des machines et le caractère indu des sollicitations de Getec; la réparation des préjudices a été envisagée par la vente d'une quatrième plieuse, garantie, les sociétés Bystronic étant intervenues dès la moindre défaillance.

Elles s'opposent à l'argument de la contrainte économique pour une société en parfaite santé qui s'appuie sur trois graphiques de sa création qui ne résistent pas à l'examen, qui s'interdisait toute réclamation pour les trois premières machines et qui admettait qu'il n' y avait plus de défaut majeur sur la quatrième; elles en concluent qu'il n'existe aucune contravention essentielle, la convention n'exigeant pas une marchandise parfaite et sans faille mais une marchandise propre à l'usage auquel elle est destinée. Au cas d'espèce, Getec considérait en juin 2005 comme acceptable un taux de 0,41 pannes par machine et par mois et plaide pour la période postérieure une moyenne de 0,297 pannes par machine et par mois, étant précisé qu'elle prenait souvent elle même l'initiative de les arrêter, comme elle a arrêté 18 mois la quatrième plieuse alors que la question lui était posée de savoir si elle voulait la réparer, étant observé qu'elle a pu faire du matériel livré l'usage attendu et spécifié, la facilité à réparer le défaut de conformité excluant toute contravention essentielle.

Elles ajoutent qu'aux termes de l'article 82 de la convention, l'acheteur perd le droit de déclarer le contrat résolu s'il lui est impossible de restituer les machines dans un état sensiblement identique à celui dans lequel il les a reçues, ce qui est évident après plus de 8 à 9 années d'utilisation intensive, les 4 plieuses étant sur un plan comptable totalement amorties.

Elles font valoir que toute demande de dommages et intérêts se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la Cour d'Appel dans sa partie non cassée, qui a évalué le préjudice de Getec à 62 520€ et appuient leur demande de dédommagement pour procédure abusive sur l'évidente mauvaise foi de la société Getec qui a utilisé les procédures judiciaires pour optimiser les prix d'acquisition de ses machines.

A titre subsidiaire, elles soulignent que la société Getec ne peut plus rien demander pour les pertes antérieures au protocole de 2005 et pas davantage pour les pertes postérieures alors qu'il n' y avait plus de défaut majeur, une franchise de temps et une période de garantie de deux ans qui a pris fin en mars 2007et n'a pas été suivie d'un contrat de maintenance, étant entendu que la majorité des dysfonctionnements était due à une mauvaise utilisation des plieuses, son décompte des heures d' arrêts étant totalement invérifiable; elle demande de rejeter la pièce C 413 qui est un constat d'huissier dont les annexes sont illisibles et qui ne contient pas la date de création des fichiers Excel qui ont pu être créés a posteriori, et souligne qu'elle n'a été appelée qu'une seule fois pour la quatrième plieuse qui aurait subi 18 pannes, dont on ne sait comment elles ont été réparées. Elles ajoutent que le mode de calcul que la société Getec retient a trait à des conditions de garantie et de maintenance qui n'existent plus, que sur la période considérée, la société Getec a augmenté et son CA et son personnel, qu'elle doit être déboutée de sa demande d'indemnisation additionnelle de 22 461,25€, de même que de sa demande ayant trait à la quatrième plieuse qu'elles n'ont jamais refusé de réparer et dont le fonctionnement n'était pas totalement bloqué contrairement à ce qui est plaidé par la société Getec qui a choisi de la mettre à l'arrêt; de même la société Getec n'apporte pas la preuve que les heures supplémentaires sont en lien avec de prétendus dysfonctionnements, outre que cette indemnisation n'est pas prévue dans le contrat de maintenance. Sur les gains manqués, elles font remarquer que la preuve d'un préjudice à ce niveau fait défaut tout comme la preuve d'un lien entre le litige et le carnet de commandes d'une société en pleine progression.

Puis elles font valoir que la résolution implique une absence d'enrichissement et d'appauvrissement des parties et réclame le montant de la valeur ajoutée par l'arrivée des plieuses pour Getec et le montant de son appauvrissement par la dépréciation des machines calculée sur les règles comptables d'amortissement.

Sur ce

Il n' y a pas lieu d 'écarter des débats la pièce C 413 dont la lisibilité ne peut plus être remise en question et à propos de laquelle il n'est pas affirmé qu'elle aurait été communiquée après clôture des débats.

Sur le respect du délai raisonnable pour agir

De l'accord du 8 mai 2005, il résulte que la société Getec a renoncé à réclamer tout préjudice créé par les problèmes sur les trois premières machines de l'arrivée des machines jusqu'à janvier 2005. Pour compenser les préjudices, Bystronic s'engageait à fournir une quatrième plieuse à un tarif préférentiel.

C'est à tort que le tribunal a estimé que la société Getec n'avait jamais formellement notifié sa déclaration de résolution des ventes puisque si elle a aperçu dès l'origine de la livraison des machines des dysfonctionnements, qu'elle a de suite dénoncés, il est clair qu'elle ne pouvait d'emblée envisager sérieusement de dénoncer le contrat, qu'il a été admis par la jurisprudence qu'un délai de deux années était raisonnable, tel qu'imaginé dans la convention de Vienne qui dans son article 49 alinéa 2 parle de déchéance si l'acheteur n'a pas déclaré le contrat résolu dans un délai raisonnable à compter du moment où il a connu le fait, pour agir en résolution du contrat, action que la société Getec a menée par son assignation du 28 décembre 2006. Cette assignation est intervenue 13 mois après ce qui peut être considéré comme la dénonciation des défauts de conformité, intervenue par lettre recommandée avec AR du 12 novembre 2005 qui reprend point par point les défauts de la quatrième plieuse, sollicitant le remède ' aux imperfections relevées et à une situation qui n'est plus supportable'; ce délai de treize mois inférieur à deux années est raisonnable au regard de la légitime recherche par le client de la préservation du contrat et de l'utilité des machines pour la poursuite de son activité.

Sur la demande en résolution

Aux termes de la convention sur les contrats de vente internationaux, une contravention au contrat commise par l'une des parties est essentielle lorsqu'elle cause à autrui un préjudice tel qu'elle la prive substantiellement de ce qu'elle était en droit d'attendre du contrat, soit qu'elle le réduise à néant, soit qu'elle en affecte considérablement la valeur. L'article 25 exige en outre que la partie en défaut ait prévu le résultat de la contravention au contrat. Les marchandises ne doivent pas être parfaites ou sans faille mais propres aux usages auxquels elles sont normalement destinées. Il appartient à la société Getec d'en faire la démonstration et ce sans faire allusion aux problèmes antérieurs à la transaction de 2005 qui a mis un terme aux réclamations antérieures, conformément à l'article 6.2 du protocole.

Tout d'abord ce protocole visait 6 points à charge des sociétés Bystronic, dont la livraison du logiciel Bybend, que la société Getec a décidé de ne pas utiliser, si l'on en croit son courrier du 12 novembre 2005, sans critiquer réellement la fonction de pliage pour laquelle il a été fourni, le constat du mois d'Août 2009 étant peu éloquent à ce niveau ( pièce 361) comme retraçant plutôt les doléances de la société Getec, et sa propre utilisation du matériel, l'installation XP Windows dont la réalité n'est pas discutée, la garantie du groupe, le point de départ de la garantie au 1 janvier 2005, le chiffrage des préjudices subis par les deux parties. C'est à la société Getec d'établir qu'elle n'a pas reçu les évolutions de logiciels, ce qu'elle se contente d'affirmer sans en apporter la preuve. De ce point de vue, il n' y a pas de la part des sociétés Bystronic d'inexécution contractuelle.

La société Getec s'appuie sur trois graphiques de sa création qui recensent de son point de vue les présences des techniciens Bystronic, le nombre de pannes et d'heures d'arrêts et celui gardé en mémoire informatiquement, qui constitue la pièce C 413, sachant que la cour ne s'intéressera qu'à la période post protocole. Elle affirme que ses employés sont tous des techniciens très qualifiés et capables de remédier aux problèmes mineurs qu'auraient pu présenter les machines.

Le 6 novembre 2013, l'huissier s'est rendu dans les locaux de la société Getec aux fins de rechercher les quatre fichiers relatifs au suivi des arrêts et pannes des 4 plieuses de marque Bystronic numérotées 003-013-014-018, censés retracer l'historique complet des pannes et qui constitue la pièce C 413, établie de manière unilatérale. De manière générale, la cour constate sur ces tableaux que la plupart des pannes provoquent des arrêts qui sont inférieurs à une heure, ou de une à deux heures et seulement pour certaines d'entre elles de plus de 3 h, mais surtout qu'un nombre restreint de ces pannes a été résolu par un intervenant extérieur; en effet, les deux dernières colonnes de ces tableaux retracent les interventions en interne et les interventions en externe, soit un appel aux sociétés Bystronic; or la dernière colonne relative aux interventions extérieures est très peu renseignée, tandis que la colonne causes/ solutions prouve que les solutions ont été trouvées , la colonne des intervenants internes rappelant le nom des salariés Getec ayant trouvé la solution, parfois après consultation téléphonique. Cette analyse vient en contradiction avec les affirmations de la société Getec selon lesquelles les problèmes ont affecté les organes majeurs des machines et provoqué une paralysie de sa production. Outre la constatation que les 4 plieuses ne se sont pas trouvées à l'arrêt en même temps, que probablement elle n'utilise pas les 4 en même temps, la description des défauts auxquels il a été remédié , pour la plupart dans l'heure et en interne, fait échec à la théorie de l'arrêt de la production, étant rappelé que la société Getec à propos des trois premières plieuses a reconnu qu'elles étaient conformes à ce qu'elle en attendait à l'exception des points repris dans le protocole, qu'en ce qui concerne la quatrième, garantie deux ans, hormis quelques dysfonctionnements en 2006 et 2007, aucun dysfonctionnement n' a été signalé aux sociétés Bystronic avant mars 2011, date à laquelle elles sont intervenues, pour débloquer la situation le 5 mai 2011 sans relance du client, sauf un fax non produit. Par la suite, la société Getec a fait intervenir un tiers alors que la société Bystronic posait la question de savoir si elle voulait la faire réparer, notamment par son courrier du 14 octobre 2011( pièce 19); elle n'a pas obtenu de réponse de sorte qu'il n'est pas légitime de faire endosser à la société Bystronic dont il n'est pas prouvé qu'elle ne soit pas intervenue à chaque demande la mise à l'arrêt de cette machine pendant 18 mois, modifiée par un tiers (pièce Getec C 373). Il semble qu'en dehors des coupures qui figurent dans le tableau récapitulatif, la société Getec n'ait jamais cessé d' utiliser ses machines, malgré ces pannes , lesquelles pour aussi récurrentes qu'elles soient, sur un matériel certainement délicat à manipuler, n'ont pas créé les situations de blocage plaidées. La société Bystronic pose la question de l'entretien de ces machines, question pour laquelle le dossier n'apporte pas de réponse; ce que l'on peut observer, c'est que dans le cadre de la garantie et du suivi après vente, il n'est pas démontré que les sociétés Bystronic se soient dérobées à leurs obligations de consultation et d'intervention, même si la société Getec considère que le coût en restait élevé, or c'est à elle qu'appartient la démonstration de la carence 'essentielle' de son adversaire, avec laquelle elle a accepté de continuer à contracter, par la commande d'une nouvelle machine, alors que selon ses dires, et d'après le protocole , elle avait déjà subi des pannes ponctuelles, qu'elle plaide encore et qu'elle veut désormais décrire comme totalement handicapantes; à n' en pas douter, si cela avait été le cas, la société Getec n'aurait pas commandé une 4 ème plieuse, qu'elle a mis à l'arrêt, semble t'il pendant une longue période, pour étoffer ses propos de mécontentement et sa négociation sur le tout.

Aujourd'hui, la société Getec continue d'utiliser ses machines et en l'état des éléments unilatéraux, partiels qu'elle verse, il est impossible d'imputer au vendeur tous les défauts apparus et d'affirmer qu'ils ont été dirimants. Par ailleurs, vu la technicité de ses machines utilisées pendant huit ans, il est clair que leur valeur comptable n'est pas éloignée de 0, et qu'elles sont amorties, comme la proposition anonyme de rachat des machines par Bystronic le reflète ( sa pièce 7) et comme en témoigne l'amortissement habituel de tout matériel ayant un support informatique, rapidement obsolète. La Cour de Cassation, par application de l'article 82 alinéa 1 de la convention de Vienne, a clairement rappelé que l'impossibilité pour l'acquéreur de restituer la machine dans un état sensiblement identique à celui dans lequel il l'a reçue après une utilisation de 6 ans lui fait perdre le droit de déclarer le contrat résolu ( cass com 27 novembre 2012).

En conséquence, il convient de débouter la société Getec de sa demande en résolution des ventes, en demande de restitution du prix et en demande de dommages et intérêts, la cour de cassation n'ayant pas censuré l'arrêt du 10 mai 2010 qui a évalué le préjudice et condamné les sociétés Bystronic à payer à la société Getec 65 520€; toute demande de ce chef se heurte à l'autorité de la chose jugée.

Les sociétés Bystronic sollicitent l'allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive; or le droit d'ester est un droit légitime lorsqu'il ne dégénère pas en abus; au cas d 'espèce, la Cour de cassation invitait la société Getec à plaider à nouveau en soulignant que la juridiction avait commis une erreur sur le délai d'action et la cour d'appel avait accordé des dommages et intérêts à la société Getec, légitimant, en tous cas pour partie, son action; ainsi, le caractère abusif de la procédure n'est pas démontré: le débouté s'impose.

Succombant en toutes ses demandes, la société Getec doit être condamnée à verser aux sociétés Bystronic la somme de 8000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe

Vu l'arrêt de la Cour d'Appel de Douai du 20 mai 2010;

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 8 novembre 2011;

Rejette la demande visant à voir écarter des débats la pièce C 413;

Déclare recevable la demande en résolution des ventes formulée par la société Getec mais la déclare mal fondée;

Confirme le jugement en ce qu'il en a débouté la société Getec;

Déboute la société Getec du surplus de ses demandes et les sociétés Bystronic de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive;

Condamne la société Getec à payer aux sociétés Beyeler devenue Bystronic Maschinenbau, Bystronic Laser AG, Bystronic France la somme de 8000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

C. NORMANDC. PARENTY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 11/08248
Date de la décision : 06/02/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°11/08248 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-06;11.08248 ?
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