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29/10/2013 | FRANCE | N°12/03104

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 29 octobre 2013, 12/03104


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 29/10/2013



***



N° de MINUTE : 13/

N° RG : 12/03104



Jugement (N° 2011/03840)

rendu le 17 Avril 2012

par le Tribunal de Commerce de LILLE



REF : PB/KH





APPELANTE



SA CIC NORD OUEST Prise en la personne de son représentant légal , domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

[Loc

alité 2]



Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Ghislain HANICOTTE, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE



SA DLSI

ayant son siège social [Adresse 2]

[Local...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 29/10/2013

***

N° de MINUTE : 13/

N° RG : 12/03104

Jugement (N° 2011/03840)

rendu le 17 Avril 2012

par le Tribunal de Commerce de LILLE

REF : PB/KH

APPELANTE

SA CIC NORD OUEST Prise en la personne de son représentant légal , domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Ghislain HANICOTTE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

SA DLSI

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Benjamin MARCILLY, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 24 Septembre 2013 tenue par Patrick BIROLLEAU magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

Stéphanie BARBOT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 Octobre 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 septembre 2013

***

Par jugement rendu le 17 avril 2012, le tribunal de commerce de Lille a condamné la SA CIC NORD OUEST à payer à la SA DLSI les sommes de 24.850,00 euros à titre de dommages et intérêts et de 3.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société CIC NORD OUEST a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe de la cour le 5 août 2013, elle demande d'infirmer le jugement entrepris et :

- à titre principal, de déclarer DLSI irrecevable en sa demande faute d'un intérêt légitime à agir ;

- à titre subsidiaire, de débouter DLSI de ses demandes ;

- à titre très subsidiaire, de dire que le préjudice de DLSI s'élève au maximum à 12.750,00 euros, que DLSI est responsable à concurrence de 50 % du préjudice subi et que la banque ne peut être tenue qu'au paiement de la somme de 6.375,00 euros ;

- en toute hypothèse, de condamner DLSI au paiement de la somme de 5.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Elle invoque tout d'abord l'irrecevabilité de l'action de DLSI pour défaut d'intérêt légitime au motif d'une part que DLSI, qui a obtenu, devant le tribunal correctionnel, la condamnation de l'auteur de l'escroquerie au paiement de dommages et intérêts, mais qui ne parvient pas à faire exécuter la condamnation, recherche en réalité, non la responsabilité de la banque, mais sa solvabilité, d'autre part que DLSI a concouru à son propre préjudice en ne mettant pas en place les procédures de surveillance propres à éviter la commission de manoeuvres frauduleuses. Subsidiairement, elle conclut à l'absence de faute de sa part en soulignant que les chèques circulaires émis par DLSI en paiement d'intérimaires étaient payables au bénéficiaire sur justification d'identité, ou à une tierce personne munie d'une procuration, que la banque n'a pas manqué à son obligation de vérification préalable au décaissement dès lors qu'aucune disposition n'impose de mettre en oeuvre, pour les chèques circulaires, les règles applicables aux chèques ordinaires, que ni les chèques présentés au paiement, ni les procurations, ni les photocopies de pièces d'identité ne présentaient le caractère de faux. Plus subsidiairement, le CIC fait valoir que sa responsabilité ne saurait davantage être retenue sur le fondement de l'article 1937 du code civil dès lors qu'elle n'a commis aucune négligence, que les ordres de paiement étaient réguliers et que la fraude a en réalité pour origine les agissements d'un employé du déposant dans l'exercice de ses fonctions.

La société DLSI, appelante à titre incident, par dernières conclusions remises au greffe de la cour le 2 septembre 2013, conclut :

- à la confirmation de la décision entreprise sur la recevabilité de ses demandes;

- à la condamnation du CIC au paiement de la somme de 31.100,00 euros à titre de dommages et intérêts ;

- subsidiairement, à la condamnation de la banque à lui restituer la somme de 31.100,00 euros en application de l'article 1937 du code civil, avec intérêts au taux légal à compter de la demande ;

- en toute hypothèse, à la condamnation du CIC au paiement de la somme de 5.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose qu'elle dispose d'un intérêt légitime à rechercher la responsabilité de la banque pour des manquements spécifiques, nonobstant la condamnation de l'auteur des infractions pénales commises. Sur le fond, elle reproche à la banque d'avoir remis le produit des chèques en cause entre les mains d'un tiers - Madame [G] [R] - et non aux bénéficiaires de ces chèques alors que le produit de ces chèques - des chèques barrés non payables à des tiers - ne pouvaient être créditées qu'au compte du bénéficiaire, et que le CIC a en cela commis une faute de négligence engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil. Subsidiairement, DLSI invoque, au visa de l'article 1937 du code civil, l'obligation de restitution pesant sur le banquier qui, en versant une somme à une personne autre que celle habilitée pour la percevoir, non seulement a commis une faute, mais n'est pas libéré de son obligation de dépositaire à l'égard de son client.

DISCUSSION

Attendu que la SA DLSI, entreprise de travail temporaire, a signé avec la banque CIC des conventions aux termes desquelles elle émettait pour le compte de DLSI des chèques dits 'circulaires', en paiement des missions réalisées par les intérimaires, chèques payables dans un délai imparti au profit des bénéficiaires dans toutes les succursales du CIC ou des correspondants de cette banque ; que, par jugement rendu le 5 février 2008 par le tribunal correctionnel de Douai, Madame [G] [R], assistante commerciale de DLSI, a été déclarée coupable des délits d'escroquerie, faux et usage de faux pour avoir indûment obtenu, pour un montant total de 31.100,00 euros, le paiement de chèques établis au nom d'intérimaires de DLSI en usant de procurations signées par les bénéficiaires de ces formules et de la photocopie de leur carte nationale d'identité ; que, par acte en date du 23 mars 2010, DLSI a assigné la société CIC NORD OUEST devant le tribunal de commerce de Lille aux fins de la voir condamner au paiement de la somme de 31.100,00 euros à titre de dommages et intérêts, subsidiairement à titre de restitution en application de l'article 1987 du code civil ;

Sur la recevabilité de la demande de DLSI

Attendu que, conformément à l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui justifient d'un intérêt légitime ; que DLSI recherche, dans le cadre de la présente instance, la condamnation du CIC pour faute de négligence de la banque, subsidiairement pour absence de libération du banquier tiré par le paiement de chèques détournés ; que celui qui a obtenu, devant la juridiction répressive, condamnation contre une personne sans pouvoir se faire indemniser totalement, a la faculté d'agir intentée ultérieurement contre une autre personne qu'il estime responsable pour avoir participé aux faits ayant donné lieu à condamnation pénale ; que c'est en conséquence à raison que les premiers juges ont retenu que DLSI justifiait d'un intérêt à agir ;

Sur le fond

Attendu qu'aux termes de l'autorisation de retrait de chèques établie le 10 juillet 1996 par la société DLSI, 'Monsieur [D] [Z], président directeur général de DLSI, donne l'autorisation aux agences du groupe CIC (...) de décaisser des chèques acomptes en provenance du compte cité en référence aux intérimaires se présentant à leur guichet, sur présentation de pièce justificative et après vérification d'usage et déclare dégager le groupe CIC de toute responsabilité à l'occasion de ces opérations'; que, le 22 novembre 2011, les parties ont conclu une convention dite de chèques 'passepartout' identifiant les comptes sur lesquels étaient émis les chèques litigieux ;

Sur la faute contractuelle du CIC

Attendu qu'il ressort du procès-verbal de l'audition de Madame [G] [R] par les services de police en date du 28 novembre 2007 que cette dernière créait des dossiers fictifs au nom d'anciens intérimaires de DLSI, effectuait une demande d'acompte sur salaire qui donnait lieu à l'établissement de chèques au nom du faux intérimaire, et se présentait, pour l'encaissement des chèques, à l'agence CIC SCALBERT DUPONT de Douai munie de procurations des bénéficiaires en produisant une photocopie de la carte nationale d'identité des faux intérimaires et un faux pouvoir de ces derniers l'autorisant à encaisser les chèques ;

Attendu que DLSI invoque, comme faute contractuelle du CIC, la violation des dispositions de l'article L 131-45 du code monétaire et financier, en ce que les chèques concernés ont été payés à un tiers alors qu'il s'agissait de chèques barrés, non endossables, sauf au profit d'une banque ou d'un organisme prévu par la loi ;

Attendu que les chèques barrés sont des chèque non payables à vue et seulement encaissables par une banque ; que tel n'est pas le cas des chèques en cause dont il n'est pas contesté qu'il s'agit d'instruments créés pour faciliter la rémunération d'intérimaires ne disposant pas nécessairement de compte bancaire et qui, aux termes de la lettre d'autorisation du 10 juillet 1996, étaient payables 'aux intérimaires se présentant à leur guichet', donc payables à vue ; que ces chèques n'étaient dès lors pas soumis aux dispositions de l'article L 131-45 du code monétaire et financier ; que par ailleurs aucune disposition n'excluait le recours des bénéficiaires à un mandataire pour l'encaissement du produit de ces chèques ; qu'il n'est pas contesté que les chèques circulaires litigieux portaient la signature des personnes habilitées pour les établir et ne présentaient aucune trace de falsification ; qu'ils n'étaient donc pas affectés d'une quelconque irrégularité formelle ; qu'il n'est soutenu ni que la photocopie de la carte nationale d'identité des bénéficiaires des chèques, ni que les procurations de ces derniers présentaient une marque de falsification décelable par un employé de banque normalement avisé ; que DLSI ne démontre pas, dans ces conditions, l'existence d'une faute de négligence de la banque ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Sur la responsabilité du CIC pour non libération du banquier tiré d'un chèque détourné

Attendu qu'en application de l'article 1937 du code civil, la remise d'une chose déposée à une personne autre que celle qui a été indiquée par le déposant pour la recevoir n'a pas pour effet de libérer le dépositaire de son obligation de restituer la chose au déposant, sans que ce dernier ait à démontrer l'existence d'un préjudice ;

Attendu que, si l'établissement du faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite de la faute du titulaire du compte ou de l'un de ses préposés, le banquier n'est tenu envers lui que s'il a lui-même commis une faute ;

Attendu qu'aucune faute n'est en l'espèce retenue à l'encontre de la banque ; qu'en revanche, l'émission des chèques résulte des agissements, dans l'exercice de ses fonctions d'assistante commerciale, de la préposée de DLSI ; que ces agissements caractérisent la faute du titulaire du compte ; que, compte tenu de la faute du déposant, il convient de débouter DLSI de sa demande fondée sur l'article 1937 du code civil ;

Attendu que l'équité commande de condamner DLSI au paiement de la somme de 2.000,00 euros au titre des frais hors dépens ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déboute la SA DLSI de ses demandes,

Condamne la SA DLSI à payer à la SA CIC NORD OUEST la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA DLSI aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M.M. HAINAUTP. BIROLLEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 12/03104
Date de la décision : 29/10/2013

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°12/03104 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-29;12.03104 ?
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