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24/10/2013 | FRANCE | N°11/06403

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 24 octobre 2013, 11/06403


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 24/10/2013



***



N° de MINUTE : 13/

N° RG : 11/06403



Jugement (N° 10/03570)

rendu le 29 Août 2011

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : SB/KH





APPELANT



Monsieur [B] [U]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 4] (ALGERIE)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 2]



Représenté p

ar Me Jean-Yves BIRONNEAU, avocat au barreau de LILLE



INTIMÉES



SARL ANIS COIFFURE

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Roger CONGOS de la SCP CONGOS ET VANDENDAELE, avocat au barreau de DO...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 24/10/2013

***

N° de MINUTE : 13/

N° RG : 11/06403

Jugement (N° 10/03570)

rendu le 29 Août 2011

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : SB/KH

APPELANT

Monsieur [B] [U]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 4] (ALGERIE)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Jean-Yves BIRONNEAU, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES

SARL ANIS COIFFURE

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Roger CONGOS de la SCP CONGOS ET VANDENDAELE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Ghislain HANICOTTE, avocat au barreau de LILLE

SA MAAF ASSURANCES

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Roger CONGOS de la SCP CONGOS ET VANDENDAELE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Ghislain HANICOTTE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 10 Septembre 2013 tenue par Stéphanie BARBOT magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Christelle DARTUS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

Stéphanie BARBOT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 mai 2013

***

Suivant contrat du 22 novembre 2004, [B] [U] a consenti à la SOCIETE ANIS un bail commercial portant sur des locaux sis [Adresse 3] à usage de salon de coiffure.

Arguant de désordres dans les lieux, la Société ANIS COIFFURE a sollicité et obtenu, par ordonnance de référé du 10 juin 2008, la désignation d'un expert qui a déposé son rapport le 7 février 2009.

Selon ordonnance du 15 septembre 2009, le juge des référés a condamné [B] [U] à faire exécuter les travaux préconisés par l'expert, sous astreinte.

Le 23 mars 2010, la SARL ANIS COIFFURE et son assureur, la MAAF ASSURANCES, ont saisi le juge du fond afin d'obtenir l'indemnisation de divers préjudices.

Par jugement du 29 août 2011, le tribunal de grande instance de LILLE a :

' condamné [B] [U] à effectuer les travaux préconisés par l'expert sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans le mois de la signification du jugement,

' condamné [B] [U] à payer à la SARL ANIS COIFFURE la somme de 10 600 euros en réparation du préjudice de jouissance,

' condamné [B] [U] à payer à la MAAF ASSURANCES la somme de 1 000 euros,

' débouté [B] [U] de sa demande en paiement relative à la taxe foncière, et de sa demande tendant à voir condamner le dirigeant de la SARL ANIS COIFFURE à communiquer sa consommation d'eau,

' condamné la SARL ANIS COIFFURE à payer à [B] [U] la somme de 320,17 euros au titre de la consommation d'eau,

' condamné [B] [U] à payer à la SARL ANIS COIFFURE les sommes suivantes :

* 1 500 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,

* 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

* les dépens, en ce compris les frais d'expertise,

* ordonné l'exécution provisoire.

[B] [U] a interjeté appel dudit jugement le 15 septembre 2011.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Aux termes de ses conclusions récapitulatives signifiées le 19 mars 2013, [B] [U] demande à la cour de :

' réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit aux demandes de la SARL ANIS COIFFURE et de la MAAF ASSURANCES,

' statuant à nouveau,

' à titre principal : dire que la SARL ANIS COIFFURE et la MAAF ASSURANCES sont dépourvues de qualité pour agir au sens de l'article 31 du Code de procédure civile,

' subsidiairement : réduire dans les plus strictes proportions les demandes de la SARL ANIS COIFFURE au titre des nuisances alléguées,

' dire que la SARL ANIS COIFFURE n'a subi aucun préjudice de jouissance au titre de la durée des travaux et la débouter de toute demandes à ce titre,

' dire que la MAAF ASSURANCES ne justifie pas du fondement de ses demandes et, en conséquence, l'en débouter,

' à titre reconventionnel :

* condamner la SARL ANIS COIFFURE à lui payer 2 231,53 euros au titre de ses consommations d'eau,

* à titre subsidiaire : confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL ANIS COIFFURE au paiement de la somme de 320,17 euros à ce titre,

* condamner la SARL ANIS COIFFURE et la MAAF ASSURANCES au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Au soutien de sa fin de non-recevoir, [B] [U] fait valoir que le bail a été conclu avec une société « ANIS », alors que la procédure a été intentée par la société « ANIS COIFFURE » immatriculée postérieurement à la conclusion du bail ; que si cette société était en cours de constitution au jour du bail, elle devait le préciser en vertu de l'article L210-6 du Code de commerce ; que la société ANIS COIFFURE ne justifie pas avoir régulièrement repris les engagements nés du bail en application de ce texte ; qu'enfin, lui-même, bailleur, n'a jamais donné son consentement à la cession du bail au profit de cette société ANIS COIFFURE ; que dès lors, l'action de celle-ci et de son assureur doit être déclarée irrecevable.

Subsidiairement, sur le fond, [B] [U] prétend que :

il justifie de la bonne réalisation des travaux préconisés par l'expert, ce dont il doit lui être donné acte ;

la société ANIS COIFFURE ne rapporte pas la preuve de la persistance des désordres qui lui seraient imputable à lui bailleur ;

le préjudice de jouissance avant travaux doit être réduit à de plus justes proportions ;

il n'est pas justifié du préjudice de jouissance pendant les travaux ;

le jugement entrepris doit être réformé du chef de l'indemnisation accordée à l'assureur qui ne justifie pas des travaux pris en charge pour le compte de son assuré.

Ensuite, [B] [U] détaille sa demande reconventionnelle relative aux consommations d'eau.

Enfin, il estime que c'est à tort que le premier juge l'a condamné à des dommages et intérêts pour résistance abusive.

***

Par dernières conclusions signifiées le 17 mars 2013, la SARL ANIS COIFFURE et son assureur, la MAAF ASSURANCES, demandent à la cour de :

débouter [B] [U] de l'ensemble de ses demandes,

consacrer la responsabilité de [B] [U] dans la survenance des désordres ayant affecté l'immeuble pris à bail,

En conséquence,

condamner [B] [U] à payer les sommes suivantes :

à la SARL ANIS COIFFURE :

21 250 euros en réparation du préjudice de jouissance subi depuis 2005 du fait des désordres,

2 000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi du fait de la réalisation des travaux de réparation,

et 2 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,

à la MAAF ASSURANCES : 1 000 euros au titre de l'indemnisation des embellissements,

enjoindre à [B] [U] d'entreprendre les travaux de réparation prescrits par l'expert sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification « du jugement »,

débouter [B] [U] de l'ensemble de ses demandes,

le condamner au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

ordonner l'exécution provisoire.

Les intimés sollicitent la confirmation du jugement déféré, sauf s'agissant de l'indemnisation des préjudices allouée à la SARL ANIS COIFFURE.

Pour s'opposer à la fin de non-recevoir soulevée par l'appelant, les intimés font valoir que [B] [U], qui oppose ce moyen pour la première fois, est de mauvaise foi alors qu'il n'a jamais contesté la qualité pour agir de la société ANIS COIFFURE dans le cadre des procédures antérieures ; que le bail a bien été conclu par la SARL ANIS COIFFURE alors en cours de constitution ; qu'il n'existe aucune société « ANIS », le rédacteur du bail, mandaté par le bailleur, ayant commis une erreur sur ce point, ce qui ne peut être reproché à la société locataire ; que l'article L210-6 du Code de commerce n'exige pas l'apposition, dans l'acte, d'une mention sur la constitution d'une personne morale.

Sur le fond, ils indiquent que les travaux réalisés par [B] [U] ne sont pas conformes, de sorte que les désordres persistent.

Par ailleurs, ils explicitent l'indemnisation du préjudice de jouissance subi par la société ANIS COIFFURE.

Ils affirment que la MAAF ASSURANCES a payé à son assurée, la SARL ANIS COIFFURE, une indemnisation pour le remplacement des embellissements dégradés du fait des désordres.

Ils sollicitent confirmation du jugement du chef de la condamnation de [B] [U] pour résistance abusive, celui-ci n'ayant pas respecté les décisions de justice rendues dans cette affaire.

Enfin, ils sollicitent le rejet des demandes reconventionnelles formées par [B] [U].

***

Par demande transmise aux parties par RPVA le 24 septembre 2013 en application des articles 16 et 445 du Code de procédure civile, la cour a invité les parties à s'expliquer, par note en délibéré, sur la recevabilité des demandes reconventionnelles formées par M. [B] [U] à l'encontre de la société ANIS COIFFURE dans l'hypothèse où, à la demande de l'appelant, les demandes de cette société et de son assureur seraient déclarées irrecevables faute de qualité à agir à raison d'une absence de reprise régulière du bail.

[B] [U] a, par note en délibéré reçue par RPVA le 3 octobre 2013, a indiqué s'en rapporter à l'appréciation de la cour sur ce point.

La société ANIS COIFFURE n'a pas répondu à la question de la cour.

SUR CE

Sur la qualité pour agir de la Société ANIS COIFFURE et de son assureur :

Attendu qu'il résulte de l'article 122 du Code de procédure civile que constitue une fin de non-recevoir le défaut de qualité à agir au sens de l'article 31 dudit Code ; que selon les articles 123 et 124 de ce Code, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause - donc même en appel - sans que celui qui les invoque n'ait à justifier d'un grief ;

Attendu qu'aux termes de l'article L210-6, alinéa 2 du Code de commerce : « les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société'.

Attendu qu'en l'espèce, le contrat de bail servant de fondement aux demandes de la Société ANIS COIFFURE et de son assureur a été conclu le 22 novembre 2004 entre [B] [U] d'une part, en qualité de bailleur, et d'autre part « la société ANIS » sise [Adresse 1] ;

Qu'il est expressément admis par la Société ANIS COIFFURE - et au demeurant établi par l'extrait K-bis versé aux débats - qu'à cette date, ladite société était encore en formation, son immatriculation au RCS étant intervenue postérieurement, le 10 janvier 2005 ; qu'ainsi, le bail litigieux - signé à une date où la société n'était pas encore dotée de la personnalité morale - n'a pu qu'être régularisé par une personne agissant au nom de la société en formation ' vraisemblablement Monsieur [I], gérant de la Société, dont l'adresse personnelle figure dans l'acte comme étant celle de la société locataire, alors que celle figurant au RCS est différente ;

Qu'il ne résulte d'aucune des mentions figurant au bail que la personne qui a signé le bail pour le compte de la société ANIS contractait pour le compte de cette société alors en formation ;

Que par ailleurs, il n'est ni démontré ni même soutenu par les intimés que le droit au bail aurait fait l'objet d'une cession au profit de la société ANIS COIFFURE après l'immatriculation de cette dernière ;

Attendu qu'il s'ensuit que, pour pouvoir se prévaloir des obligations résultant du bail, la Société ANIS COIFFURE doit démontrer avoir valablement repris les engagements souscrits pour son compte à une période où elle était en formation ;

Attendu que la loi prévoit trois procédures de reprise :

- antérieurement à l'immatriculation, le mandat d'agir pour le compte de la société donné par les futurs associés à l'un d'eux,

- l'annexion aux statuts d'un état des actes accomplis pour le compte de la société en formation,

- et, postérieurement à l'immatriculation de la société, la décision des associés de reprendre les actes conclus au nom de la société en formation ;

Qu'aucune autre modalité de reprise n'est admise, de sorte qu'est exclue la reprise implicite des engagements souscrits au nom d'une société en formation ;

Or, attendu qu'au présent cas d'espèce, force est de constater que la Société ANIS COIFFURE ne justifie pas de ce que la reprise du bail aurait été accomplie selon l'un des procédés légalement autorisés, ci-dessus rappelés ; qu'il ressort au contraire de la lecture de ses dernières écritures qu'elle se prévaut implicitement d'une reprise tacite du bail ;

Que dans ces conditions, faute de justification d'une reprise du bail valablement intervenue, la Société ANIS COIFFURE, tiers au contrat de bail dont s'agit, n'a pas qualité pour agir en exécution de ce contrat et en indemnisation pour inexécution dudit contrat ; que par voie de conséquence, son assureur, la MAAF, agissant en tant que subrogée d'un assuré dépourvu de qualité pour agir, se trouve elle-même dépourvue de qualité pour agir à l'endroit du bailleur ;

Que dès lors, il échet de réformer le jugement entrepris et de dire que la Société ANIS COIFFURE et la MAAF sont irrecevables à agir à l'encontre de [B] [U], et ce en l'ensemble de leurs demandes : leurs demandes indemnitaires, notamment pour résistance abusive, et la demande d'injonction d'exécuter des travaux dans les lieux loués ;

Sur la recevabilité des demandes reconventionnelles formées par [B] [U] :

Attendu que les demandes reconventionnelles présentées par [B] [U] à l'encontre de la Société ANIS COIFFURE sont dirigées à l'encontre d'une société tierce au contrat de bail sur lequel elles se fondent ; qu'elles doivent donc être déclarées irrecevables ;

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Attendu que dès lors que [B] [U] n'a soulevé qu'en cause d'appel la fin de non-recevoir qui lui permet d'obtenir la réformation du jugement entrepris, la cour estime qu'il est justifié que chacune des parties conserve la charge des dépens par elle exposés tant en première instance qu'en appel, ainsi que la charge de ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

- INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Et statuant de nouveau, par voie de réformation,

- DECLARE la SARL ANIS COIFFURE et la SA MAAF ASSURANCES irrecevables à agir à l'encontre de [B] [U], et ce concernant l'ensemble de leurs demandes ;

- DECLARE irrecevables les demandes reconventionnelles formées par [B] [U] à l'encontre de la SARL ANIS COIFFURE ;

- DEBOUTE chacune des parties de sa demande formée en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- DIT que chacune des parties supportera la charge des dépens qu'elle a exposés en première instance et en appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M.M. HAINAUTP. BIROLLEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 11/06403
Date de la décision : 24/10/2013

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°11/06403 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-24;11.06403 ?
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