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18/06/2013 | FRANCE | N°12/00323

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 18 juin 2013, 12/00323


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 18/06/2013



***



N° de MINUTE :

N° RG : 12/00323



Jugement (N° 08/00518)

rendu le 16 Décembre 2011

par le Tribunal de Grande Instance de Cambrai



REF : BP/AMD





APPELANTE



SA MAAF ASSURANCES

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par son représentant légal



Représe

ntée par Maître Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Ghislain HANICOTTE, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉS



Monsieur [E] [N]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 5]

Madame [M] [C] épo...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 18/06/2013

***

N° de MINUTE :

N° RG : 12/00323

Jugement (N° 08/00518)

rendu le 16 Décembre 2011

par le Tribunal de Grande Instance de Cambrai

REF : BP/AMD

APPELANTE

SA MAAF ASSURANCES

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par son représentant légal

Représentée par Maître Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Ghislain HANICOTTE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS

Monsieur [E] [N]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 5]

Madame [M] [C] épouse [N]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Représentés par Maître Virginie LEVASSEUR de la SCP LEVASSEUR LEVASSEUR, avocats au barreau de DOUAI

SA HABITAT CONCEPT

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par son représentant légal

Représentée par Maître Bernard FRANCHI de la SCP DELEFORGE FRANCHI, avocats au barreau de DOUAI

Assistée de Maître BOREK Valérie, avocat au barreau d'AMIENS

SARL [F] [Y]

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Maître Alain CORNAILLE, avocat au barreau de CAMBRAI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Gisèle GOSSELIN, Président de chambre

Dominique DUPERRIER, Conseiller

Bruno POUPET, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

DÉBATS à l'audience publique du 11 Février 2013 après rapport oral de l'affaire par Bruno POUPET

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2013 après prorogation du délibéré en date du 09 Avril 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Gisèle GOSSELIN, Président, et Claudine POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 janvier 2013

***

Monsieur et Madame [N] ont conclu le 12 janvier 2005 avec la société HABITAT CONCEPT un contrat de construction de maison individuelle moyennant le prix de 126 544 euros TTC.

Le lot 'gros-oeuvre' a été sous-traité à la SARL MUR DU MONDE et le lot 'couverture' à la SARL [F] [Y].

Le chantier, ouvert le 19 juillet 2005, devait être achevé dans le délai de seize mois.

Saisi par les époux [N] qui dénonçaient l'existence de malfaçons, le juge des référés du tribunal de grande instance de Cambrai a ordonné en 2006 une expertise au contradictoire de la société HABITAT CONCEPT et de ses sous-traitants et l'expert a déposé son rapport le 27 juin 2007.

Monsieur et Madame [N] ont fait assigner la société HABITAT CONCEPT devant le tribunal de grande instance de Cambrai par acte du 8 avril 2008 afin de voir consacrer la responsabilité de celle-ci et de la voir procéder à la destruction de l'immeuble et à sa reconstruction selon les règles de l'art.

En cours de procédure, faisant état d'autres malfaçons affectant les fondations et le sous-sol, ils ont sollicité une expertise complémentaire.

Par ordonnance du 19 mars 2009, le juge de la mise en état a fait droit à cette demande, autorisé la société HABITAT CONCEPT à procéder, préalablement aux opérations d'expertise, à la démolition de la maison jusqu'au plancher haut du sous-sol et condamné cette dernière à payer à Monsieur et Madame [N] une indemnité provisionnelle de 5000 euros.

Après démolition de l'immeuble ne laissant subsister que le sous-sol, l'expert a procédé aux opérations d'expertise et a déposé son rapport le 27 octobre 2009.

La réception de l'ouvrage est intervenue, avec réserves, le 17 décembre 2010.

Monsieur et Madame [N] ont alors conclu à la condamnation de la société CONCEPT HABITAT, au titre de sa responsabilité contractuelle, à leur verser des pénalités de retard et à les indemniser de divers chefs de préjudice à concurrence de

173 281,32 euros.

La société HABITAT CONCEPT a conclu à l'irrecevabilité de deux pièces produites par les demandeurs, à savoir des rapports d'expertise non contradictoires, au rejet des demandes des époux [N], à la condamnation de ces derniers à lui payer le solde du prix, soit 100 733,95 euros.

Elle a appelé en cause, pour solliciter à titre subsidiaire leur garantie, la SARL [Y] et la société MAAF (ci-après la MAAF) prise en qualité d'assureur de la SARL MUR DU MONDE, cette dernière ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif.

La société [Y] s'est opposée aux demandes formées contre elle.

La MAAF a fait valoir qu'elle ne pouvait être mise en cause en sa qualité d'assureur 'garantie décennale' dès lors que l'immeuble n'avait pas fait l'objet d'une réception à la date de l'acte introductif d'instance.

Par jugement du 16 décembre 2011, le tribunal a :

- constaté que Monsieur et Madame [N] ne réclamaient plus la démolition de l'immeuble ni le remboursement des sommes versées au constructeur,

- rejeté la demande de la société HABITAT CONCEPT visant à ce que soient écartées des débats les pièces n° 65 et 67 produites par Monsieur et Madame [N] et déclaré recevables lesdites pièces,

- déclaré la société HABITAT CONCEPT responsable sur le fondement contractuel du préjudice de Monsieur et Madame [N],

- condamné la société HABITAT CONCEPT à payer à Monsieur et Madame [N] la somme, provisoirement chiffrée, de 101 577,58 euros, sauf mémoires, en réparation de leur préjudice, dont à déduire la provision de 5000 euros,

- donné acte à Monsieur et Madame [N] de la dénonciation, formalisée dans leurs écritures, de nouveaux désordres dans le délai de parfait achèvement, décrits au rapport [K] du 15 février 2011,

- constaté que la remise des clés est intervenue avec réserves le 17 décembre 2010, suivie de la dénonciation de nouvelles réserves dans les huit jours,

- condamné la MAAF, dans les limites du contrat la liant à son assurée la SARL MUR DU MONDE, à garantir intégralement la société HABITAT CONCEPT de la condamnation prononcée contre elle en faveur de Monsieur et Madame [N],

- rejeté la demande de garantie formée par la société HABITAT CONCEPT à l'encontre de la SARL [Y],

- condamné solidairement Monsieur et Madame [N] à payer à la société HABITAT CONCEPT la somme de 100 733,95 euros TTC, sans déduction d'une retenue de garantie, au titre du solde du marché,

- condamné la société HABITAT CONCEPT à régler à Monsieur et Madame [N] la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que la MAAF serait tenue, dans les limites du contrat la liant à son assurée, à garanti intégrale de la société HABITAT CONCEPT de ce chef,

- condamné la société HABITAT CONCEPT à payer à la SARL [Y] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société HABITAT CONCEPT en tous les frais et dépens, en ce compris le coût des constats de Maître [J], huissier de justice, des 5 mai 2006, 19 novembre 2006, 2 avril 2010, les frais d'expertise judiciaire, les frais d'intervention du cabinet [K] et de monsieur [S], architecte,

- dit que la MAAF serait tenue dans les limites du contrat la liant à son assurée à garantie intégrale de la société HABITAT CONCEPT de ce chef.

La MAAF a relevé appel de cette décision le 16 janvier 2012 et demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à garantir la société HABITAT CONCEPT des condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière au profit des époux [N],

- débouter les époux [N] et la société HABITAT CONCEPT de leurs demandes à son encontre,

- à titre subsidiaire, dire opposable à la société HABITAT CONCEPT une franchise de 2798 euros,

- condamner la société HABITAT CONCEPT ou tout succombant à lui régler la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Laurent.

Elle fait principalement valoir à cet effet :

- qu'elle n'a pas été appelée aux opérations d'expertise dont les rapports lui sont par conséquent inopposables,

- qu'en toute hypothèse, sa garantie au titre de la 'responsabilité décennale' ne peut être mise en oeuvre dès lors que l'immeuble n'avait pas fait l'objet d'une réception à la date de l'acte introductif d'instance et en outre que les désordres relevés étaient apparents,

- que le tribunal l'a condamnée à tort sur le fondement de la garantie 'responsabilité civile professionnelle', qui vise à garantir les conséquences de certains désordres résultant de l'activité professionnelle de l'assuré mais n'a pas pour objet de prendre en charge le coût des travaux de réfection des ouvrages mal réalisés.

Monsieur et Madame [N], appelants à titre incident, demandent à la cour de :

- condamner la société HABITAT CONCEPT à leur payer les sommes de :

* 35 000 euros au titre de leurs frais de relogement,

* 79 210,56 euros au titre des pénalités de retard contractuelles,

* 49 300 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

- débouter la société HABITAT CONCEPT et la MAAF de leurs demandes,

- condamner ces dernières à leur payer 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont distraction au profit de Maître Levasseur.

Ils font valoir pour cela :

- que faute de pouvoir prendre livraison de leur maison à la date convenue, ils ont été contraints, pour se loger de manière transitoire, d'acheter en urgence une petite maison qu'ils ont revendue dans des conditions défavorables après y avoir exposé des frais de rénovation,

- que les indemnités de retard contractuellement prévues se montent à 79 210,56 euros et que, compte tenu du comportement de la société HABITAT CONCEPT, le tribunal les a minorées à tort (60 000 €) par application de l'article 1152 alinéa 2 du code civil,

- qu'ils ont subi un préjudice de jouissance distinct résultant de l'impossibilité de bénéficier du logement, adapté à leurs besoins, sur lequel ils comptaient,

- que leurs pièces n° 65 et 67, dont la société HABITAT CONCEPT demande le rejet, sont des études techniques régulièrement communiquées dont il a pu être débattu et qui sont dès lors recevables,

- que l'expert judiciaire a relevé que la semelle de fondation n'était pas hors-gel, que la démolition s'imposait donc et qu'ils ne sont pas responsables du retard qui en est résulté,

- que la MAAF doit sa garantie à son assurée, la société MUR DU MONDE, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, compte tenu de la nature des désordres, et à tout le moins en vertu de l'assurance 'responsabilité civile professionnelle' qui couvre les dommages causés aux tiers avant livraison et/ou réception.

La société HABITAT CONCEPT a relevé appel incident et, au terme de cinquante pages de conclusions dont quatre pages de dispositif, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées à son profit à l'encontre des époux [N],

- le réformer pour le surplus,

- débouter les autres parties de toutes leurs demandes à son encontre,

- subsidiairement, condamner la SARL [Y] et la MAAF en tant qu'assureur de la société MUR DU MONDE à la garantir de toute condamnation prononcée contre elle au profit des époux [N],

- condamner solidairement Monsieur et Madame [N] à lui payer la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner solidairement aux dépens comprenant les frais d'expertise mais également les dépens du second incident par eux diligenté qui a fait l'objet d'une radiation administrative, dont distraction au profit de la SCP Deleforge-Franchi.

Elle soutient en ce sens :

sur le principe du contradictoire

- que les pièces produites par les époux [N] en première instance sous les numéros 65 et 67 lui sont inopposables, s'agissant de rapports d'expertises non contradictoires, visant de surcroît des pièces jointes et photographies qui ne lui ont pas été communiquées,

en ce qui concerne responsabilités et garanties

- qu'elle n'a personnellement commis aucune faute,

- que les sociétés [Y] et MUR DU MONDE, tenues d'une obligation de résultat, ont, par les fautes qu'elles ont commises dans l'exécution de leurs prestations et qui ont été mises en évidence par l'expert, engagé leur responsabilité sur le fondement des articles 1147 et à tout le moins 1792 du code civil,

- que le rapport d'expertise, étant opposable à la société MUR DU MONDE, l'est également à son assureur,

- qu'en vertu du contrat d'assurance d'assurance 'responsabilité civile' souscrit par ladite société, la MAAF garantit les dommages causés aux tiers survenus avant réception,

sur les indemnités de retard

- que Monsieur et Madame [N] sont mal fondés à demander des indemnités de retard dès lors qu'ils ont sollicité la démolition et la reconstruction de l'ouvrage,

- qu'en toute hypothèse, le montant des indemnités de retard demandé par les époux [N] doit être revu dès lors :

* qu'il a été calculé par jour calendaire et non par jour ouvré comme le prévoit le contrat, et ce à compter du 19 mai 2006 alors que la date contractuelle d'achèvement des travaux était le 19 décembre 2006,

* qu'il ne tient pas compte d'une période d'intempéries (15 décembre 2009/18 janvier 2010),

* que le retard est grandement imputable aux maîtres de l'ouvrage qui ont estimé devoir engager des procédures judiciaires, en référé puis au fond, qui ont suspendu les travaux alors que dès qu'elle a reçu l'ordre d'arrêter les travaux le 10 mai 2006, elle a proposé une expertise technique pour remédier aux problèmes dénoncés puis, avant même le dépôt par l'expert de son premier rapport définitif, a proposé le 1er février 2007 de démolir l'ouvrage et de redémarrer les travaux,

* qu'aucune indemnité n'est due au-delà du 5 novembre 2010, date initialement prévue pour la réception qui n'a été reportée au 17 décembre que du fait des maîtres d'ouvrage,

sur le préjudice des époux [N]

- que les demandes présentées aux titres de frais de relogement et de préjudice de jouissance sont mal fondées dès lors que lesdits préjudices ne sont pas démontrés et qu'en toute hypothèse, les indemnités de retard réparent tous les préjudices liés au retard de livraison.

La SARL [F] [Y], faisant valoir que les désordres dénoncés n'affectent que le gros-oeuvre et qu'en outre la société HABITAT-CONCEPT s'est réservé, aux termes du contrat conclu entre elles, le contrôle et la direction des travaux sous-traités, conclut au rejet des demandes dirigées contre elle, au débouté de la MAAF, appelante, de ses prétentions et à la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Alain Cornaille.

SUR CE

Sur la demande de la société HABITAT CONCEPT tendant à ce que soient écartées des débats les pièces n° 65 et 67 produites par Monsieur et Madame [N]

Le tribunal a retenu à bon droit qu'aucun motif ne justifiait le rejet desdites pièces, consistant en avis de techniciens recueillis par les époux [N], régulièrement communiquées et versées aux débats (étant précisé que les documents annexes et photographies visés par ces pièces, s'ils n'ont pas été communiqués, ne sont pas non plus produits); sa décision sur ce point doit être confirmée.

Sur les demandes des maîtres de l'ouvrage

Il ressort du dispositif des conclusions de Monsieur et Madame [N], appelants à titre incident, que leurs demandes ne tendent, après infirmation du jugement, qu'à la condamnation de la société HABITAT CONCEPT, leur co-contractant, à leur verser des indemnités de retard en vertu du contrat conclu entre eux et à les indemniser en outre de deux chefs de préjudice : frais de relogement et préjudice de jouissance.

Leurs observations sur les obligations éventuelles de la MAAF, contre laquelle ils ne formulent pas de demandes et qui n'est dans la cause que pour avoir été appelée en garantie par la société HABITAT CONCEPT en tant qu'assureur de la société MUR DU MONDE, sont sans portée.

* Sur les pénalités de retard

Le contrat de construction individuelle conclu le 12 janvier 2005 entre Monsieur et Madame [N] d'une part, la société HABITAT CONCEPT d'autre part, qui n'est pas versé aux débats par les demandeurs initiaux mais uniquement par cette dernière, stipule que la durée contractuelle d'exécution des travaux est de seize mois à compter de l'ouverture de chantier.

Les conditions générales du contrat prévoient (article IV-6°) :

- que le délai de construction est prorogé de plein droit en cas d'intempéries, de cas fortuits, de force majeure, du fait du maître de l'ouvrage, d'avenant pour travaux supplémentaires, de non-paiement des situations intermédiaires selon le contrat;

- qu'en cas de retard dans la livraison pour d'autres raisons que celles prévues ci-dessus, le constructeur devra une indemnité égale au prix TTC de la construction multiplié par le nombre de jours ouvrés de retard à partir du trentième jour suivant l'expiration du délai contractuel et divisé par 3000.

Il est acquis que la déclaration d'ouverture de chantier est intervenue le 19 juillet 2005; la livraison de l'immeuble était donc censée intervenir le 19 novembre 2006 et les indemnités de retard susceptibles d'être dues à compter du 19 décembre 2006.

Il est également acquis que la livraison et la réception de l'ouvrage sont intervenues le 17 décembre 2010, soit avec un retard de quatre années.

Il ressort des pièces versées aux débats que par lettre du 10 mai 2006, Monsieur et Madame [N] ont demandé à la société HABITAT CONCEPT de suspendre les travaux en raison de l'existence de malfaçons, ce dont cette dernière leur a accusé réception le 15 mai suivant.

Il ne peut être reproché à Monsieur et Madame [N] d'avoir sollicité en référé une mesure d'expertise, et ce sans tarder puisque l'ordonnance faisant droit à cette demande est du 6 juin 2006, dès lors que l'expert alors désigné a confirmé le bien-fondé de leurs doléances et la gravité des malfaçons constatées. Il a en effet conclu le 27 juin 2007 que les désordres rendaient illusoire toute tentative de réparation et que la solution consistait en la démolition de l'immeuble jusqu'au plafond haut du sous-sol ainsi que de la maçonnerie de briques en façade avant du sous-sol puis en leur reconstruction conformément aux règles de l'art.

Face à de telles conclusions, leur hésitation à poursuivre immédiatement la construction en faisant confiance aux propositions de reprise de l'entreprise est compréhensible, tout comme leur décision de saisir au fond le tribunal de grande instance de Cambrai par acte du 8 avril 2008 afin de voir consacrer la responsabilité du constructeur et condamner celui-ci à procéder à la destruction de l'immeuble et à sa reconstruction selon les règles de l'art puis, avoir recueilli au mois d'octobre 2008 l'avis du cabinet [K], ingénieur conseil, sur l'insuffisance des fondations, leur demande d'une nouvelle expertise. Cette mesure n'a pas été superflue puisque l'expert judiciaire, Monsieur [O], a relevé, aux termes de son rapport du 27 octobre 2009, que la semelle située dans la largeur de la porte du garage n'était pas hors-gel, a préconisé son

approfondissement, a ajouté qu'aucun chaînage vertical des murs enterrés du sous-sol n'avait été réalisé alors que cette disposition est imposée par l'article 2.1.2 du DTU 20.1., a enfin émis des réserves quant à la qualité de l'étanchéité et du drainage réalisés sous la terrasse arrière, ce qui veut dire qu'au moins une partie des fondations de l'immeuble étaient insuffisantes.

Les travaux n'ont donc pu reprendre qu'au mois de novembre 2009 et ont encore connu des incidents puisqu'un constat de Maître [J], huissier de justice, en date du 20 novembre fait état de l'absence d'ouvriers sur le chantier et de défauts affectant notamment les jambages de l'ouverture du garage et la dalle de la terrasse.

Dans ces conditions, il ne peut être soutenu que l'important retard avec lequel est intervenue la livraison de l'immeuble résulte du fait des maîtres de l'ouvrage et la société HABITAT CONCEPT doit en assumer la responsabilité par le versement des indemnités prévues par le contrat pour une telle hypothèse.

Toutefois, la société HABITAT CONCEPT justifie, par la production d'un échange de courriers, de ce qu'elle a proposé aux époux [N] de procéder à la réception de l'immeuble le 5 novembre 2010 et de ce que celle-ci a été reportée à la demande de ces derniers, de sorte que les indemnités ne doivent courir que jusqu'à cette date.

En outre, et en l'absence de contestation expresse sur ce point, il convient d'accorder crédit aux courriers par lesquels l'entreprise a informé Monsieur et Madame [N] de la suspension des travaux le 15 décembre 2009 en raison d'intempéries et de leur reprise le 18 janvier 2010, en période hivernale.

Les indemnités demandées sont donc dues du 19 décembre 2006 au 5 novembre 2010 (980 jours ouvrés) avec une suspension du 15 décembre 2009 au 18 janvier 2010 (23 jours ouvrés), soit pour 957 jours.

Le marché a été conclu pour le prix de 126 541 euros TTC, de sorte que le montant de l'indemnité journalière de retard est de 42,18 euros.

Le montant des indemnités exigibles est donc de 40 366,26 euros.

Il n'est démontré aucune circonstance particulière justifiant la réduction de ce montant par application de l'article 1152 alinéa 2 du code civil.

Cette indemnité contractuelle doit être assortie des intérêts au taux légal depuis le 7 juin 2011, date de signification des conclusions, valant mise en demeure, par lesquelles il en a été demandé le paiement, conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil, mais il y a lieu d'en déduire la provision de 5000 euros qui a été versée.

* Les frais de relogement et le préjudice de jouissance

Il est constant que les pénalités de retard, qui revêtent le caractère d'une clause pénale, ont pour objet de dédommager forfaitairement le maître de l'ouvrage du préjudice résultant pour lui du retard de livraison et que ce dernier ne peut prétendre à une indemnisation complémentaire que s'il démontre un préjudice distinct de celui qui est réparé par la clause pénale.

Les frais de relogement et le préjudice de jouissance font partie des chefs de préjudice réparés par la clause pénale.

Monsieur et Madame [N] ne démontrent pas que les frais indispensables à leur relogement (à l'exclusion des frais résultant spécifiquement de leur choix d'acheter un logement transitoire et de la perte, non prouvée, qu'ils prétendent avoir subie à la revente) et l'évaluation de leur préjudice de jouissance soient manifestement supérieurs au montant des indemnités de retard auxquelles ils peuvent prétendre.

Ils doivent donc être déboutés de leurs demandes à ces titres.

Sur l'appel en garantie dirigé par la société HABITAT CONCEPT contre la MAAF

L'assureur qui a eu la possibilité de discuter les conclusions d'une expertise destinée à établir la réalité et l'étendue de la responsabilité de son assuré et contradictoire à l'égard de ce dernier, ne peut valablement soutenir qu'elle lui est inopposable faute pour lui d'y avoir participé.

En l'espèce, la première expertise a été ordonnée au contradictoire de la société MURS DU MONDE qui, ainsi que cela ressort du rapport de Monsieur [O], a participé à la première réunion et a été convoquée à la seconde réunion par un courrier du 11 novembre 2006, revenu à l'expert avec la mention 'n'habite pas à l'adresse indiquée' mais antérieur à l'ouverture de la procédure collective dont a fait l'objet ladite société.

Le rapport en question, versé aux débats, a pu être discuté par la MAAF auquel il est donc opposable.

L'expert affirme très clairement (page 22) que tous les désordres, manquements et malfaçons analysés sont la conséquence de travaux très imparfaitement réalisés par la SARL MURS DU MONDE qui était chargée du gros-oeuvre de la construction.

Ces désordres cependant, constatés avant la réception de l'ouvrage, ne peuvent donner lieu à la garantie décennale.

La MAAF soutient que le contrat d'assurance multirisque professionnelle de la société MURS DU MONDE n'a pas pour objet de prendre en charge, avant réception, le coût des travaux de réfection des ouvrages mal réalisés mais seulement les conséquences d'autres désordres pouvant résulter, pour les tiers, de l'activité professionnelle de l'assuré.

L'attestation d'assurance correspondant à ce contrat et dont se prévaut la société HABITAT CONCEPT mentionne, de manière générale, que le contrat 'garantit, entre autres, les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir en raison des dommages corporels, matériels ou immatériels causés aux tiers'.

Or, la société HABITAT CONCEPT, entrepreneur principal, n'est pas un tiers par rapport à la société MURS DU MONDE à laquelle elle est liée par un contrat de sous-traitance.

C'est dès lors à tort que les premiers juges ont considéré que la MAAF

devait sa garantie à son assurée, la société MURS DU MONDE, et l'ont condamnée, après avoir retenu la responsabilité de ladite société à l'égard de la société HABITAT CONCEPT, à garantir cette dernière de sa condamnation à indemniser les maîtres de l'ouvrage.

Le jugement doit être infirmé sur ce point.

Sur l'appel en garantie dirigé par la société HABITAT CONCEPT contre la société [Y]

Il ressort de la chronologie des faits rappelée ci-dessus et des rapports d'expertise que le retard incriminé résulte des désordres affectant le gros-oeuvre, ayant justifié les expertises et nécessité la démolition de l'immeuble inachevé et sa reconstruction.

La société HABITAT CONCEPT ne démontre par aucune pièce l'imputabilité, fût-elle partielle, de ce retard à une faute de la société [Y], chargée du lot 'couverture'.

C'est à bon droit que le tribunal l'a déboutée de sa demande de garantie dirigée contre cette dernière.

Sur la demande de la société HABITAT CONCEPT en paiement du solde du marché

Cette demande est bien fondée dès lors que l'immeuble a été achevé et a fait l'objet d'une réception et que les époux [N] obtiennent parallèlement réparation du préjudice résultant des fautes du constructeur.

Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Le manquement de la société HABITAT CONCEPT à son obligation de résultat étant à l'origine du litige et de la nécessité, pour les époux [N], de recourir à justice et à des experts, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné ladite société aux dépens comprenant les frais d'expertise et à verser une indemnité aux demandeurs pour les frais non compris dans les dépens qu'ils ont été contraints d'exposer.

En ce qui concerne la procédure d'appel, vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, il est équitable que la société HABITAT CONCEPT indemnise la MAAF de ses frais irrépétibles, il y a lieu de rejeter les demandes dirigées à ce titre par les époux [N] et par la société [Y] contre la MAAF qui n'a formulé aucune prétention à leur encontre et il convient de partager entre la société HABITAT CONCEPT et les époux [N], dont les prétentions sur appel incident sont rejetées, la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- rejeté la demande de la société HABITAT CONCEPT visant à ce que soient écartées des débats les pièces n° 65 et 67 produites par Monsieur et Madame [N] et déclaré recevables lesdites pièces,

- rejeté la demande de garantie formée par la société HABITAT CONCEPT à l'encontre de la SARL [Y],

- condamné solidairement Monsieur et Madame [N] à payer à la société HABITAT CONCEPT la somme de 100 733,95 euros TTC au titre du solde du marché,

- condamné la société HABITAT CONCEPT à régler à Monsieur et Madame [N] la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société HABITAT CONCEPT à payer à la SARL [Y] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société HABITAT CONCEPT en tous les frais et dépens;

L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau,

Condamne la société HABITAT CONCEPT à payer à Monsieur et Madame [N] la somme de quarante mille trois cent soixante-six euros et vingt-six centimes (40 366,26 €) avec intérêts au taux légal depuis le 7 juin 2011, dont il y aura lieu de déduire la provision de 5000 euros versée;

Déboute Monsieur et Madame [N] du surplus de leurs demandes;

Déboute la société HABITAT CONCEPT de ses demandes dirigées contre la société MAAF ASSURANCES;

La condamne à payer à cette dernière une indemnité de mille deux cents euros (1200) par application de l'article 700 du code de procédure civile;

Rejette les demandes présentées par la société HABITAT CONCEPT, Monsieur et Madame [N] et la société [Y] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Fait masse des dépens d'appel qui seront supportés à concurrence de la moitié par la société HABITAT CONCEPT et à concurrence de l'autre moitié par Monsieur et Madame [N] et pourront être recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

Claudine POPEK.Gisèle GOSSELIN.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 12/00323
Date de la décision : 18/06/2013

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°12/00323 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-18;12.00323 ?
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