République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 06/06/2013
***
N° de MINUTE : 13/
N° RG : 12/05215
Jugement (N° 11/000671)
rendu le 18 Juin 2012
par le Tribunal de Commerce de DUNKERQUE
REF : PB/KH
APPELANTE
EURL OPEN 35 Prise en la personne de son représentant légal , domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT (avocat au barreau de DOUAI)
Assistée de Me DUPONT Francis de la SCP MEYER-VERVA-DUPONT (avocats au barreau de LILLE)
INTIMÉES
SOCIETE NOUVELLE POINT CADRES
ayant son siège social [Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par la SCP CARLIER BERTRAND KHAYAT (avocats au barreau de DUNKERQUE), substitué par Me Florence LELEU, collaboratrice
SA CMA-CGM agissant poursuites et diligences de ses representatns légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par la SCP CONGOS ET VANDENDAELE (avocats au barreau de DOUAI), constitué aux lieu et place de Me Aliette CASTILLE (avocat au barreau de DOUAI)
Assistée de Me Marie BUZULIER collaboratrice de Me Gilles ROSTAIN (avocat au barreau de PARIS)
Société CNA INSURANCE COMPANY LIMITED agissant poursuites et diligences de ses representatns légaux domiciliés ès qualités audit siège
ayant son siège social [Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par la SCP CONGOS ET VANDENDAELE (avocats au barreau de DOUAI), constitué aux lieu et place de Me Aliette CASTILLE (avocat au barreau de DOUAI)
Assistée de Me Marie BUZULIER collaboratrice de Me Gilles ROSTAIN (avocat au barreau de PARIS)
SAS AMLIN FRANCE agissant poursuites et diligences de ses representatns légaux domiciliés ès qualités audit siège
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 3]
Représentée par la SCP CONGOS ET VANDENDAELE (avocats au barreau de DOUAI), constitué aux lieu et place de Me Aliette CASTILLE (avocat au barreau de DOUAI)
Assistée de Me Marie BUZULIER collaboratrice de Me Gilles ROSTAIN (avocat au barreau de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller
Stéphanie BARBOT, Conseiller
---------------------
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT
DÉBATS à l'audience publique du 11 Avril 2013 après rapport oral de l'affaire par Patrick BIROLLEAU
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 mars 2013
***
Par jugement rendu le 18 juin 2012, le tribunal de commerce de Dunkerque a mis hors de cause la société CMA CGM et ses assureurs les sociétés CNA INSURANCE COMPANY LIMITED et AMLIN FRANCE, condamné OPEN 35 à rembourser à POINT CADRES la contre partie en euros à la date du paiement effectif de 9.904,06 US dollars et à lui payer les sommes de 3.157,00 euros de dommages et intérêts et de 1.250,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société OPEN 35 a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions déposées le 8 octobre 2012, elle demande d'infirmer le jugement entrepris, de la mettre hors de cause, de débouter POINT CADRES de ses demandes dirigées à son encontre, subsidiairement de dire que le préjudice de POINT CADRES ne peut excéder la somme de 9.904,06 US dollars, outre le coût du transport à hauteur de 1.838,00 euros et de débouter POINT CADRES, CMA CGM, CNA INSURANCE COMPANY LIMITED, AMLIN FRANCE de leurs demandes, de condamner POINT CADRES, ou à défaut in solidum CMA CGM, CNA INSURANCE COMPANY LIMITED, AMLIN FRANCE, au paiement de la somme de 4.000,00euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que, si l'huissier a constaté des traces d'humidité dans les paquets de plaques de verre, cet élément ne permet pas pour autant d'en déterminer l'origine, que les constatations de l'expert [L], missionné par l'assureur du transporteur maritime, qui conclut à la présence d'eau salée, ne sont pas contradictoires et, en tout état de cause, ne précisent pas la cause de la condensation à l'origine de l'humidité, que la faute du chargeur n'est dès lors pas prouvée, OPEN 35 bénéficiant à cet égard d'une présomption d'embarquement en bon état au vu du connaissement établi sans réserve. Elle ajoute que, si le transporteur maritime était déchargé de toute responsabilité en application de la présomption de livraison conforme faute de réserve dans le délai prescrit, cela n'entraînerait pas pour autant la responsabilité du chargeur, la présomption de livraison conforme n'ayant d'effet que dans les rapports entre le transporteur et le destinataire. Sur le montant des demandes de POINT CADRES, OPEN 35 estime que les demandes relatives aux frais de recyclage et à un prétendu préjudice commercial sont insuffisamment justifiées.
La Société Nouvelle POINT CADRES, par conclusions déposées le 30 octobre 2012, demande :
- de confirmer le jugement en date du 18 juin 2012 en ce qu'il a condamné la société OPEN 35 à payer à POINT CADRES la contre partie en euros à la date du paiement effectif de 9.904,06 US dollars et la somme de 3.157,00 euros au titre des frais de transports et des frais de recyclage ;
- de condamner la société OPEN 35 à payer la somme de 10.214,00 euros en réparation des pertes d'exploitation subi par POINT CADRES, celle de 1 145,00 euros de frais d'analyse et de constat d'huissiers et celle de 2.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamner la société OPEN 35 aux entiers dépens ;
- de réformer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la compagnie CMA CGM et son assureur la société AMLIN et l'assureur ad valorem la compagnie CNA INSURANCE COMPANY, les condamner in solidum, ou l'un à défaut de l'autre les trois autres intimées, à la contre partie en euros à la date du paiement effectif de 9.904,06 US dollars et la somme de 3.157,00 euros au titre des frais de transports et des frais de recyclage, la somme de 10.214,00 euros en réparation des pertes d'exploitation subi par POINT CADRES, celle de 1.145,00 euros de frais d'analyse et de constat d'huissiers et celle de 2.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamner in solidum ou l'un à défaut de l'autre les trois autres intimées aux entiers dépens.
Elle invoque :
- la responsabilité du vendeur OPEN 35 pour vice de l'emballage ;
- dans l'hypothèse où l'emballage serait jugé conforme, la responsabilité du transporteur maritime pour défaut de livraison conforme ;
- la garantie des compagnies d'assurance, la clause d'exclusion pour défaut de conditionnement de la marchandise par l'assuré, dont se prévalent CNA INSURANCE COMPANY LIMITED et AMLIN FRANCE, n'ayant pas vocation à s'appliquer en l'espèce.
Les sociétés CMA CGM, CNA INSURANCE COMPANY LIMITED, AMLIN FRANCE, par conclusions déposées le 14 février 2013, concluent à la confirmation de la décision entreprise, subsidiairement à la limitation de toute condamnation qui serait mise à leur charge à la somme de 9.904,06 US dollars, et à la condamnation de POINT CADRES, ou à défaut d'OPEN 35, au paiement de la somme de 3.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elles soutiennent :
- que l'origine des dommages réside dans un emballage non conforme, ainsi que la présence d'eau sur les verres le confirme, élément imputable au vendeur-chargeur ;
- que la responsabilité du transporteur maritime n'est pas démontrée - ce qui justifie la mise hors de cause de CMA CGM et de ses assureurs - la preuve n'étant pas rapportée d'une humidification des marchandises par eau de mer compte tenu des conclusions divergentes, sur ce point, de l'expertise du laboratoire FLANDRES-ANALYSES et de celle du cabinet [L].
Elles ajoutent qu'en tout état de cause, le sinistre ne peut donner lieu à garantie des compagnies d'assurance en raison de la clause d'exclusion de garantie aux termes de laquelle les assureurs ad valorem ne garantissent pas les sinistres résultant de l'insuffisance d'emballage.
DISCUSSION
Attendu que la société OPEN 35 a vendu à la société POINT CADRES 28 caisses de verres, pour un prix de 9.904,06 U.S. $, la marchandise étant fabriquée et expédiée de Chine, à partir du port de [1], à destination du port de [Localité 4] ; que la vente était convenue FOB Tianjin ; que le transport maritime a été confié à la société CMA CGM ; que, par l'intermédiaire de CMA CGM, a été souscrite une assurance marchandise transportée tous risques, auprès de la société d'assurance CNA; que le connaissement signé à Tianjin le 11 décembre 2009 présente comme destinataire, la société OPEN 35, POINT CADRES étant désigné à la rubrique NOTIFY ; que POINT CADRES était le destinataire réel de cette cargaison, d'un poids de 24 tonnes, logée dans un container plombé ; que le container a été pris en charge au terminal NFTI au Port Ouest de [Localité 4] le 21 janvier 2010, par la société COTRANS, a été remis à POINT CADRES dans ses établissements à [Localité 4] le 22 janvier 2010 ; que le transport routier entre le port ouest et les établissements POINT CADRES a été réalisé par COTRANS pour le compte de CMA CGM ; que le container a été dépoté le mardi 26 janvier 2010 ; que des réserves ont été adressées par POINT CADRES à CMA CGM agence de Dunkerque le 26 janvier 2010 ; qu'une déclaration de sinistre a été adressée à CNA le 27 janvier 2010 ; que la demande d'indemnisation présentée par POINT CADRES a été rejetée par le transporteur maritime et son assureur, ainsi que par OPEN 35 ; que, par acte en date du 21 janvier 2011, POINT CADRES a assigné les sociétés OPEN 35, CMA-CGM et CNA INSURANCE COMPANY devant le tribunal de commerce de Dunkerque ;
Attendu que les réserves adressées par POINT CADRES à CMA CGM font état de ce que 'les verres sont détrempés et donc inutilisables et les palettes vert moisi' ; que le constat d'huissier dressé le 28 janvier 2010 à la demande de POINT CADRES retient qu'en ce qui concerne les caisses, 'certaines pièces de bois de l'encadrement sont déclouées, d'autres pièces de bois sont éclatées, l'ensemble de ces pièces portent des traces de moisissure, en outre, les cerclages métalliques qui entourent ces caisses sont fortement corrodées', que 'sous les pièces constitutives du cadre en bois des caisses apparaissent des feuilles de polystyrène dont la plupart des feuilles supérieures sont dégradées et déchirées', que 'les verres sont emballés par séries de 20 dans un papier très fin', que 'les verres contenus dans le paquet sont tous mouillés, ils ne comportent aucun séparateur, ils portent tous des traces de gouttelettes sèches en plus des traces d'humidité' ; que le cabinet [L], expert de l'assureur CNA, a, par compte-rendu du 20 février 2010, confirmé les désordres constatés : bois de caisse présentant des traces de moisissure, cerclage métallique oxydé, à l'intérieur des caisses, feuilles de papier humides ; que la réalité du dommage n'est donc pas contestable ;
Attendu qu'aux termes de la convention de Bruxelles du 25 août 1924, dont l'applicabilité n'est pas discutée, et de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966, le transporteur maritime est présumé responsable de tous dommages ou pertes constatés à la livraison, sauf à démontrer un des cas exceptés prévus limitativement par la convention de Bruxelles ; qu'aux termes de l'article 27 g de la loi du 18 juin 1966, le transporteur est exonéré de sa responsabilité lorsqu'il prouve une faute du chargeur, notamment dans l'emballage ou le conditionnement des marchandises, et un lien de causalité entre ladite faute et le dommage ;
Attendu que la convention de Bruxelles dispose, en son article 3-4, que le connaissement vaut présomption de la réception par le transporteur des marchandises telles qu'elles y sont décrites ; que toutefois la preuve contraire peut être établie pour toute cause ne provenant pas du fait du transporteur, telle que le vice propre de la marchandise, ou l'insuffisance d'emballage ; que, si en l'espèce le connaissement a été établi sans réserve, cet élément ne prive pas le transporteur CMA CGM de la possibilité de démontrer que le dommage est dû à la faute du chargeur ;
Attendu que, sur l'origine de l'avarie, l'expert [L] indique qu' 'il est constant qu'une très forte condensation est apparue dans le conteneur dont l'intégrité n'est pas mise en cause' ; que, dès lors qu'OPEN 35 ne met pas en cause l'intégrité du conteneur - qui n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune réserve lors de sa prise en charge par le transporteur routier en post-acheminement - l'origine de cette condensation (eau de mer ou eau de pluie) est sans incidence sur le litige ; que la cour observe au surplus que cette origine, au vu des avis contradictoires des experts, ne peut être déterminée, l'expert [L] ayant indiqué que 'les échantillons ne font pas apparaître la présence de sel', alors que le laboratoire FLANDRES-ANALYSES a conclu à la présence, entre les plaques de verre, d'eau salée 'pouvant être de l'eau de mer' ; que les constatations effectuées par l'huissier de justice Maître [R], corroborées par celles de l'expert [L], soumises à la contradiction des parties, et auxquelles OPEN 35 n'oppose aucun élément sérieux, soulignent l'emballage défectueux des plaques de verre tenant à une isolation insuffisante de la marchandise, emballage qui n'a été en mesure ni d'empêcher la pénétration de l'eau à l'intérieur des caisses, ni de garantir un empaquetage adapté des plaques de verre ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'avarie provient du conditionnement inadapté de la marchandise ; que la faute du chargeur OPEN 35, propre à exonérer le transporteur de sa responsabilité, est, dans ces conditions, établie ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré hors de cause CMA CGM et ses assureurs CNA INSURANCE COMPANY LIMITED et AMLIN FRANCE et a condamné OPEN 35 à indemniser POINT CADRES de son préjudice ;
Attendu, sur les sommes réclamées par POINT CADRES, que ne sont contestées ni la contrevaleur en euros à la date du paiement effectif de 9.904,06 US dollars, ni les frais de transport de la marchandise (1.838,00 euros) ; que, sur les frais de recyclage des produits, POINT CADRES, qui se borne à produire un devis de la société SUEZ CITA NORD, ne justifie pas de la réalité de la dépense et sera déboutée de sa demande de ce chef ; que, sur le préjudice économique, POINT CADRES ne justifie :
- ni du lien entre la commande à la société CONCORDE GLASS LTD pour le réapprovisionnement en plaques de verre et le sinistre survenu, ni de la livraison de la marchandise commandée, la seule mention manuscrite 'Rentré en stock' portée sur la facture étant insuffisante à rapporter cette preuve ;
- ni de la perte de marge, le lien entre la perte alléguée et le sinistre n'étant en tout état de cause pas établi ;
- ni de frais de stockage ;
- ni de la production d'un rapport émanant de la société EXMATRANS dont la note de frais s'élève à 789,36 euros ;
Qu'il sera fait droit au surplus de la demande présentée au titre des frais d'analyse et constats d'huissiers pour la somme totale de 355,64 euros ; que le jugement entrepris sera réformé en ce sens ;
Attendu que l'équité commande de condamner OPEN 35 à payer à POINT CADRES la somme de 1.000,00 euros au titre des frais hors dépens exposés en cause d'appel et à CMA CGM, CNA INSURANCE COMPANY LIMITED, AMLIN FRANCE celle de 1.000,00 euros ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris, sauf sur les frais de recyclage et les frais d'analyse et constats d'huissiers,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne l'EURL OPEN 35 à payer à la SAS Société Nouvelle POINT CADRES la somme de 355,64 euros au titre des frais d'analyse et constats d'huissiers,
Déboute la SAS Société Nouvelle POINT CADRES du surplus de ses demandes,
Condamne l'EURL OPEN 35 à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, à la SAS Société Nouvelle POINT CADRES la somme de 1.000,00 euros et aux sociétés CMA CGM, CNA INSURANCE COMPANY LIMITED, AMLIN FRANCE, celle de 1.000,00 euros,
Condamne l'EURL OPEN 35 aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
M.M. HAINAUTP. BIROLLEAU