République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 14/05/2013
***
N° de MINUTE :13/
N° RG : 11/05261
Jugement (N° 09/135)
rendu le 13 Mai 2011
par le Tribunal de Commerce d'ARRAS
REF : PB/KH
APPELANTE
Madame [Z] [K]
née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 5]
de nationalité Française
demeurant Chez Madame [H]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par la SELARL Eric LAFORCE (avocats au barreau de DOUAI)
Assistée de Me Loïc BUSSY (avocat au barreau de DOUAI)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 59178002/11/07697 du 06/09/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉS
Madame [M] [Q], décédée
née le [Date naissance 3] 1932 à [Localité 6]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par la SCP FRANCOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI (avocats au barreau de DOUAI)
Assisté de Me Patrick RIVERON (avocat au barreau de LILLE)
SARL M.R.C prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 4]
Assignation art. 902 du 13/01/12 à l'étude de l'huissier
N'ayant pas constitué d'avocat
SELARL [O] [W] [U] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège - ès qualités de liquidateur de la société MRC
ayant son siège social [Adresse 4]
[Localité 1]
Assignation art. 902 du Code de Procédure Civile du 13 janvier 2012 à personne habilitée
N'ayant pas constitué d'avocat
Monsieur [J] [Q] agissant ès-qualités d'ayant cause universel de feu Mme [M] [Q]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 6]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par la SCP FRANCOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI (avocats au barreau de DOUAI)
Assisté de Me Patrick RIVERON (avocat au barreau de LILLE)
DÉBATS à l'audience publique du 19 Mars 2013 tenue par Patrick BIROLLEAU magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller
Stéphanie BARBOT, Conseiller
ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 Mai 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 mars 2013
***
Sollicitant le paiement du montant de son compte courant d'associée de la SARL MRC, ayant pour gérante Madame [Z] [K], ainsi que des dividendes de l'année 2008, Madame [M] [Q] a assigné MRC et Madame [K] devant le tribunal de commerce d'Arras qui, par jugement rendu le 13 mai 2011, a condamné la société MRC à payer à Madame [Q] la somme de 5.487,84 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2009, dit Madame [K] solidairement responsable du paiement par la société MRC de cette somme, débouté Madame [M] [Q] de sa demande au titre de l'action sociale exercée pour le compte de MRC et condamné Madame [K] à payer la somme de 1.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Madame [Z] [K] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions déposées le 18 mars 2013, elle demande d'infirmer le jugement entrepris, de débouter Monsieur [J] [Q] agissant ès qualité d'ayant cause universel de Madame [M] [Q] et Maître [O] ès qualités de leurs demandes et de les condamner au paiement de la somme de 4.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que les loyers dus par Madame [Q] au titre de la location à MRC d'un immeuble ont été affectés au débit de son compte courant, de sorte que c'est le solde de 5.487,84 euros qui a été versé à Madame [Q] et qu'aucune autre somme ne lui est due. Sur l'action sociale exercée par Madame [Q], elle indique :
- qu'une quelconque responsabilité personnelle de Madame [K] dans la baisse du chiffre d'affaires de MRC n'est pas démontrée, cette baisse trouvant en réalité son origine dans l'activité de la société CARON MONTAGE INDUSTRIEL, concurrente de MRC et créée par Madame [Q] au mépris de l'affectio societatis ;
- qu'est établie la faute de Madame [Q] qui s'est abstenue de solliciter la dissolution anticipée de MRC ;
- que les conditions de mise en oeuvre de l'article L 223-22 alinéa 3 du code de commerce ne sont pas réunies ;
- qu'il n'est pas justifié du montant du préjudice allégué de MRC, fixé à la somme de 100.000,00 euros.
Monsieur [J] [Q], agissant ès qualité d'ayant cause universel de Madame [M] [Q], décédée, appelant incident, par écritures déposées le 5 février 2013, conclut à la confirmation de la décision entreprise, à l'exception de la disposition relative à l'action sociale, et à la condamnation de Madame [Z] [K] à payer à la société MRC la somme de 100.000,00 euros au titre de l'action sociale, et à la succession celle de 2.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il indique que Madame [K] s'est employée à ruiner MRC en poursuivant délibérément l'activité déficitaire de cette dernière et en favorisant la création d'une société concurrente, la société NORD RAYONNAGE, créé, par l'intermédiaire de sa mère, alors que Madame [K] était tenue d'une obligation de non concurrence, et que cet élément justifie qu'il soit fait droit à l'action sociale, le tribunal ayant admis, sans en tirer les conséquences, que les conditions d'application de l'article L 223-22 du code de commerce étaient réunies. Il ajoute que les dommages et intérêts de 100.000,00 euros réclamés correspondent aux capitaux propres de MRC au 31 décembre 2008 dont la société a perdu le bénéfice par la faute de la gérante.
La SELARL [O] [W] [U] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MRC, assignée par acte en date du 13 janvier 2012, n'a pas constitué avoué.
La SARL MRC, assignée par acte en date du 13 janvier 2012, n'a pas constitué avoué.
DISCUSSION
Attendu que, le 23 juin 2000, Madame [M] [Q] et Madame [Z] [K] ont formé la SARL MRC, dont l'objet était l'achat et la vente de rayonnages industriels et dont le capital a été réparti par moitié entre les deux associées, Madame [K] étant nommée gérante de cette société ; que, par jugement en date du 19 mars 2010 du tribunal de commerce d'Amiens, la société MRC a été placée en liquidation judiciaire, la SELARL [O] [W] [U] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire ;
Sur la demande de paiement des dividendes de Madame [M] [Q]
Attendu que Madame [K] ne discute pas le principe du paiement des dividendes de Madame [Q] ; que, dès lors qu'elle a été admise au passif de la société MRC pour la somme de 5.487,84 euros, la créance ne peut plus être contestée quant à son existence, à sa nature ou à son montant en raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la décision du juge-commissaire arrêtant définitivement l'état des créances ; que la cour infirmera sur ce point le jugement déféré et fixera la créance de la succession [Q] au passif de MRC pour la somme de 5.487,84 euros à titre chirographaire ;
Sur la responsabilité personnelle du gérant
Attendu que l'article L 223-22 alinéa 1er du code de commerce dispose que 'les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion' ; que l'alinéa 3 de l'article prévoit qu' 'outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués' ;
Attendu que la succession [Q] prétend que la gérante a commis une faute en poursuivant l'activité déficitaire de MRC et que, par suite, cette société a perdu la valeur de son fonds de commerce ainsi que ses capacités à distribuer ses dividendes et à rembourser ses dettes ;
Attendu que le chiffre d'affaires net de MRC, de 510.580,25 euros au 31 décembre 2007 et de 615.516,90 euros au 31 décembre 2008 - soit une moyenne mensuelle de euros en 2008 - le chiffre d'affaires réalisé s'est élevé à 5.192,00 euros entre les 1er janvier et le 29 juin 2009 ; que, dans le rapport de gestion de la gérance à l'assemblée générale ordinaire annuelle de MRC du 29 juin 2009, Madame [K] a indiqué être 'pessimiste sur l'avenir de notre société' ; que les résultats qu'elle a communiqués lors de cette assemblée générale, concernant en particulier un chiffre d'affaires nul en avril et mai 2009, ont confirmé la dégradation de la situation de MRC, dégradation que Madame [K] ne conteste d'ailleurs pas ; que, pour autant, si la gérante a indiqué, lors de l'assemblée générale du 29 juin 2009, sur la demande de Madame [Q], qu'elle n'était pas opposée au principe d'une dissolution de la société, elle n'a pris aucune initiative en ce sens ; que le seul fait pour Madame [Q] de s'abstenir de saisir le tribunal de commerce ne saurait exonérer le gérant statutaire de sa défaillance dans la gestion de la société ; que, comme l'a déduit le tribunal de commerce, l'inaction de la gérante caractérise la légèreté fautive dont elle a fait preuve dans la direction de MRC ;
Attendu que c'est en conséquence à raison que les premiers juges ont dit que Madame [K] sera solidairement tenue du paiement de la somme de 5.487,84 euros au titre du remboursement du compte courant d'associée ;
Attendu, sur l'action sociale, que les agissements de la gérante ont eu pour effet de poursuivre une activité déficitaire, de différer la liquidation de MRC et de créer un passif ; qu'ils ont en cela causé un préjudice à la société ; que la valeur de fonds de commerce perdu ne saurait, compte tenu des pertes intervenues en 2009, être évaluée à 100.000,00 euros, comme l'estime la succession [Q], mais à un montant n'excédant pas la valeur de l'actif immobilisé, évalué à 48.398,08 euros au 31 décembre 2008 ; qu'en conséquence, la cour condamnera Madame [K] à payer à MRC la somme de 50.000,00 euros à titre de dommages et intérêts et infirmera en ce sens la décision entreprise ;
Attendu que le jugement sera confirmé sur la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens ; que l'équité commande de condamner Madame [K] à payer à Monsieur [J] [Q] ès qualités la somme de 1.000,00 euros au titre des frais hors dépens exposés en cause d'appel ; que Madame [K], qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris, sauf sur la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens,
Statuant à nouveau,
Fixe la créance de la succession [Q] au passif de la société MRC à la somme de 5.487,84 euros à titre chirographaire,
Condamne Madame [Z] [K] à payer à la société MRC la somme de 50.000,00 euros à titre de dommages et intérêts,
Condamne Madame [Z] [K] à payer à Monsieur [J] [Q] ès qualités la somme de 1.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne Madame [Z] [K] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
M.M. HAINAUTP. BIROLLEAU