République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 04/04/2013
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N° MINUTE :
N° RG : 12/00911
Jugement (N° 11/35)
rendu le 27 Juillet 2011
par le Juge de l'exécution de DOUAI
REF : PC/VC
APPELANTS
Monsieur [A] [F] [M] [B] [V]
né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 1] - de nationalité Française
demeurant : [Adresse 1]
Représenté par Me Henry-Pierre RULENCE (avocat au barreau de DOUAI)
Madame [W] [Q] [E] épouse [V]
née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 2] - de nationalité Française
demeurant : [Adresse 3]
Représentée par Me Henry-Pierre RULENCE (avocat au barreau de DOUAI)
INTIMÉES
SA BATI LEASE
ayant son siège social : [Adresse 6]
Représentée par Me Christine SEGHERS (avocat au barreau de DOUAI)
SA BANQUE NATIONALE DE PARIS
Chez Maître [N] [T], Notaire
ayant son siège : [Adresse 2]
N'a pas constitué avocat
SA BNP
ayant son siège : chez Maître [Adresse 4]
N'a pas constitué avocat
DÉBATS à l'audience publique du 07 Mars 2013 tenue par Pierre CHARBONNIER magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Patricia PAUCHET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre CHARBONNIER, Président de chambre
Catherine CONVAIN, Conseiller
Benoît PETY, Conseiller
ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Patricia PAUCHET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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LA COUR ;
Attendu que les époux [A] [V] et [W] [E] ont interjeté appel d'un jugement rendu le 27 juillet 2011 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de DOUAI qui, avant dire droit sur les modalités de poursuite de la procédure de saisie immobilière que la Société BATI LEASE a engagées contre eux suivant un commandement des 4 et 11 août 2009 pour avoir paiement des causes en principal, intérêts et accessoires d'un jugement du même siège du 30 décembre 1997, chiffrées à 1.052.973,84 €, a ordonné la réouverture des débats à l'audience d'orientation et invité la Société BATI LEASE à produire « un documents récapitulatif et actualisé des sommes dues » ainsi que tous documents de nature à justifier le décompte de la
créance ; et qui a ordonné la prorogation des effets du commandement de payer valant saisie pour une durée de deux ans ;
Attendu qu'aux termes d'un précédent arrêt du 20 décembre 2012, la Cour de céans a rouvert les débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur la recevabilité du moyen tiré par les époux [V]/[E] de la prescription de l'action exercée par la Société BATI LEASE qui tend au paiement des intérêts de sa créance échus depuis plus de cinq ans, alors que ce point, évoqué devant le premier juge, n'apparaissait pas avoir été tranché dans le jugement dont appel ;
Attendu que la Société BATI LEASE conclut à l'irrecevabilité en cause d'appel du moyen relatif à la prescription soulevé par les époux [V]/[E] et, pour le reste, à la confirmation du jugement déféré ; qu'elle réclame l'allocation, à la charge des époux [V]/[E], d'une somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que les époux [V]/[E] qui s'opposent à la totalité des prétentions de la Société BATI LEASE, demandent la condamnation de celle-ci à leur verser une indemnité de 10.000 € pour procédure d'exécution abusive ainsi qu'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il ressort des éléments du dossier que suivant acte sous seing privé du 19 septembre 1989 la SOCIETE DE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL (S.D.R.) DU NORD ET DU PAS DE CALAIS a consenti un prêt de 2.800.000 F [426.857,25 €] à la Société Civile Immobilière (S.C.I.) JMEC dont les époux [V]/[E] et les époux [U] [R] et [X] [K] se sont rendus cautions solidaires par acte du 19 janvier
1990 ; qu'aux termes de son jugement du 30 décembre 1997 qui sert de titre à la saisie immobilière, le tribunal de grande instance de DOUAI a condamné les époux [V]/[E] solidairement avec la S.C.I. JMEC à payer à la Société S.D.R. la somme de 3.375.446,78 € [514.583,53 €] avec intérêts au taux contractuel sur un principal de 3.321.374,24 F [506.340,23 €] et intérêts au taux légal à compter du jour du jugement sur le surplus ; qu'il était spécifié dans cette décision que « les intérêts dus pour au moins une année se capitaliseront pour porter eux-mêmes intérêts » ; que sur ces entrefaites, [U] [R] a été mise en règlement judiciaire par un jugement du tribunal de grande instance de BÉTHUNE du 20 février 1991 ; que ce même tribunal, par un jugement subséquent du 2 juillet 1999, a homologué un concordat conclu le 27 mai 1998 entre [U] [R] et ses créanciers, dans lequel la Société S.D.R. consentait au débiteur la possibilité de s'acquitter de ses obligations de caution par des versements mensuels échelonnés sur treize ans, les trente-six premiers de 26.000 F [3.963,67 €] chacun et, les cent-vingt suivants de 32.000 F [4.878,37 €], le tout représentant, dans la mesure où l'échéancier serait respecté, une somme en principal et intérêts de 4.776.000 F [728.096,51 €] ;
Attendu que les époux [V]/[E], réitérant en appel les prétentions qu'ils avaient initialement soumises au premier juge, font valoir que si les époux [R]/[K] ont passé avec la Société S.D.R. l'accord homologué le 1er juillet 1999, c'était à la condition qu'eux, époux [V]/[E], leurs cofidéjusseurs, ne soient plus inquiétés par la société créancière ; que telle est la raison pour laquelle la Société S.D.R. devenue aujourd'hui BATI LEASE, n'a intenté aucune poursuite contre eux pendant dix années ; que cette société qui ne pouvait se méprendre sur les véritables intentions des époux [R]/[K] est, comme tout cocontractant, tenue d'exécuter leurs conventions de bonne foi, ce qu'elle s'abstient de faire en l'espèce ; que subsidiairement, ils observent que les intérêts de la créance adverse, antérieurs de plus de cinq ans au commandement du 4 août 2009, sont atteints par la prescription extinctive édictée par l'article 2277 du code civil dans sa rédaction alors en vigueur ;
Attendu qu'à bon droit le premier juge a relevé que la créance de la société poursuivante était liquide dès lors que le titre sur lequel repose la saisie critiquée contient tous les éléments qui permettent son évaluation ; qu'il en va ainsi quand bien même le compte proposé par la Société BATI LEASE présenterait des erreurs de calcul et devrait être rectifié ;
Attendu que dans son dispositif, le jugement du tribunal de grande instance de BÉTHUNE du 2 juillet 1999 « homologue le concordat conclu le 27 mai 1998 entre Monsieur [U] [R] et ses créanciers » ; qu'avec raison le premier juge a retenu que l'accord passé entre [U] [R] et la Société S.D.R., auquel les époux [V]/[E] n'étaient pas parties, n'avait pas d'incidence sur le principe du cautionnement souscrit par ces derniers au profit de la société créancière ; qu'il a de même justement considéré que les versements effectués par les époux [R]/
[K] en exécution de leur convention devaient néanmoins être déduits de la somme réclamée à leurs cofidéjusseurs, et les intérêts calculés en tenant compte de l'imputation de ces paiements périodiques ;
Attendu que la Société BATI LEASE dispose donc bien d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible au sens de l'article L.111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
Attendu que dans le jugement dont appel le premier juge écarte, comme sans application en l'espèce, la prescription quinquennale de l'article 2277 du code civil ; que si le rejet de la demande des époux [V]/[E] afin de voir restreindre à cinq années la période d'échéance des intérêts portés par la créance de la Société BATI LEASE, ne fait pas l'objet d'une mention spécifique insérée au dispositif du jugement, le premier juge n'en a pas moins tranché la contestation relative à la prescription en ce que, dans le dispositif de la décision, il enjoint à la Société BATI LEASE de produire un compte « qui distinguera le capital des intérêts et reprendra les versements effectués par les époux [R] depuis l'origine, versements qui devront être imputés sur les sommes dues au fur et à mesure », sans limitation de la durée du cours des intérêts antérieurs au commandement ;
Attendu que la question de la prescription ayant donc été jugée en première instance, l'appel est recevable sur ce point ;
Attendu que, comme l'énonce le jugement entrepris, la prescription de l'article 2277 du code civil n'est pas applicable aux intérêts dus sur une somme objet d'une condamnation dès lors que le créancier qui agit en recouvrement de cette somme ne met pas en oeuvre une action en paiement des intérêts mais agit en vertu d'un titre exécutoire en usant d'une mesure d'exécution ; que les intérêts qui assortissent le principal de la créance de la Société BATI LEASE fondée sur le jugement du tribunal de grande instance de DOUAI du 30 décembre 1997, relèvent, partant, de la prescription de droit commun de trente ans instituée par l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 ; que si à l'entrée en vigueur de ce dernier texte, le 19 juin 2008, le délai de dix ans édicté par l'article L.111-4 du code des procédures civiles d'exécution est venu se substituer au délai trentenaire de l'article 2262, ramenant ainsi l'échéance de la prescription de la date du 30 décembre 2027 à celle du 19 juin 2018, la Société BATI LEASE, par son commandement des 4 et 11 août 2009, n'en a pas moins engagé ses poursuites avant que son action en recouvrement soit prescrite ;
Attendu que pour le surplus, il n'y a pas lieu d'invoquer les points non jugés par le jugement déféré, qui recouvrent non seulement la fixation de la créance de la Société BATI LEASE évaluée au vu d'un décompte établi sur les bases définies par le premier juge, mais encore la détermination des modalités de poursuite de la procédure de saisie et l'appréciation de la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formée en première instance par les époux [V]/[E] contre la société saisissante ;
Attendu qu'il n'apparaît pas équitable de mettre à la charge des époux [V]/[E] les frais exposés en appel par la Société BATI LEASE et non compris dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré fondée sur un titre exécutoire la créance liquide et exigible dont la Société BATI LEASE est titulaire contre les époux [V]/[E], et constaté que les intérêts produits par les sommes dues ne relevaient pas de la prescription quinquennale de l'ancien article 2277 du code civil ;
Renvoie la Société BATI LEASE à poursuivre devant le juge de première instance sa procédure de saisie des biens et droits immobiliers des époux [V]/[E], dépendant d'un ensemble immobilier sis à [Adresse 5] ;
Déboute la Société BATI LEASE, comme non fondée, de sa demande formée contre les époux [V]/[E] par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les époux [V]/[E] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
P. PAUCHETP. CHARBONNIER