République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 03/04/2013
***
N° de MINUTE :
N° RG : 12/02512
Jugement (N° 11/02130)
rendu le 12 Avril 2012
par le Tribunal de Grande Instance de LILLE
REF : SD/CL
APPELANTE
SCI [Adresse 2]
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me François DELEFORGE (avocat au barreau de DOUAI)
Assistée de Me Bérengère LECAILLE (avocat au barreau de LILLE)
INTIMÉE
SARL BRASSERIE FLORE
prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Isabelle CARLIER (avocat au barreau de DOUAI)
Assistée de Me Philippe LEFEVRE (avocat au barreau de LILLE)
DÉBATS à l'audience publique du 06 Février 2013 tenue par Sandrine DELATTRE magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Christine PARENTY, Président de chambre
Philippe BRUNEL, Conseiller
Sandrine DELATTRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Véronique DESMET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 6 février 2013
***
Vu le jugement contradictoire du 12 avril 2012 du tribunal de grande instance de Lille qui a dit que le nouveau bail liant la SCI du [Adresse 2] à la SARL BRASSERIE FLORE s'agissant des locaux si [Adresse 1] et [Adresse 2] à Lille a pris effet le 1er octobre 2008, dit que le tribunal est compétent pour statuer accessoirement sur l'action formulée au titre de l'article L145-39 du code de commerce, débouté la SCI du [Adresse 2] de son action en révision du loyer sur le fondement de l'article L145-39 du code de commerce, introduite par la demande du 22 octobre 2008, condamné la SCI du [Adresse 2] à verser à la SARL BRASSERIE FLORE la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter la charge des dépens ;
Vu l'appel interjeté le 24 avril 2012 par la SCI du [Adresse 2] ;
Vu les conclusions déposées le 1er février 2013 pour cette dernière ;
Vu les conclusions déposées le 5 février 2013 pour la SARL BRASSERIE FLORE ;
Vu l'ordonnance de clôture du 6 février 2013 ;
La SCI du [Adresse 2] a interjeté appel aux fins d'infirmation du jugement entrepris, et demande à la cour de constater l'incompétence matérielle du tribunal de grande instance s'agissant des demandes relatives à la révision formulée par la SARL BRASSERIE FLORE, de dire que le nouveau bail a pris effet le 23 janvier 2009 en vertu des dispositions de l'article L145-12 du code de commerce dans sa rédaction antérieure au 4 août 2008, en conséquence, de renvoyer les parties devant le juge des loyers commerciaux aux fins de fixer le prix du loyer révisé, de débouter la SARL BRASSERIE FLORE de ses demandes, fins et conclusions, et de la condamner à lui payer la somme de 4000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter la charge des dépens dont recouvrement au profit de la SCP DELEFORGE FRANCHI, avocat.
La SARL BRASSERIE FLORE sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de la SCI du [Adresse 2] à lui payer 4000 euros pour la couverture de ses frais irrépétibles ; elle demande en outre le rejet des débats de la pièce numéro 8 en raison de sa production tardive et de son absence totale de référence ;
Référence étant faite au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, il suffit de rappeler que, par acte sous seing privé du 15 septembre 1998, monsieur et madame [H], aux droits desquels intervient la SCI du [Adresse 2], donnaient à bail à la SARL BRASSERIE FLORE, un immeuble à usage commercial sis à [Adresse 3] et [Adresse 2], pour une durée de neuf années entières consécutives commençant à courir le 1er août 1998, pour s'achever le 31 juillet 2007, moyennant un loyer annuel de 450 000 francs HT (68 602, 06 euros), assorti d'une clause d'indexation, bail qui était tacitement reconduit.
Le 23 juillet 2008 la SARL BRASSERIE FLORE sollicitait le renouvellement de son contrat de bail pour une durée de neuf ans à compter de cette date, ce à quoi monsieur et madame [H] acquiesçaient, par acte du 22 octobre 2008, demandant la fixation d'un nouveau loyer déplafonné à hauteur de 227 500 euros à compter de cet acte, et notifiant parallèlement une demande de révision du loyer sur le fondement de l'article L145-39 du code de commerce et fixation de la valeur locative annuelle à 227 500 euros.
A la suite de la procédure initiée par le bailleur, par jugement du 7 mars 2011, le juge des loyers commerciaux se déclarait incompétent pour trancher la question de la date de renouvellement du bail, au profit du tribunal de grande instance statuant en matière de bail commercial, qui rendait le jugement déféré.
Au soutien de son appel la SCI du [Adresse 2] expose que le premier juge était compétent uniquement sur la question de la date de renouvellement du bail, le juge des loyers commerciaux l'étant pour la date de prise d'effet du loyer ainsi que sur le prix du bail révisé, étant précisé que le problème de la recevabilité de l'action en révision est une contestation afférente à celle de la fixation du prix du bail révisé.
Elle explique que la demande de renouvellement du bail a été formulée par acte extrajudiciaire du 23 juillet 2008, soit antérieurement la loi LME du 4 août 2008 qui n'a pas d'effet rétroactif, et qu'en conséquence, elle est soumise à la loi ancienne pour toute difficulté afférente à sa forme, à sa nature et à ses effets, la demande de renouvellement produisant ses effets au jour de la demande.
Elle ajoute qu'elle n'avait pas à faire connaître la date d'effet du bail renouvelé, cela étant régi par les dispositions de l'article L145-12 du code de commerce, que les dispositions de l'article L145-11 du même code ne traitent que de la date d'effet du nouveau prix, dans l'hypothèse d'une demande en renouvellement, et qu'il n'y a rien de curieux à faire connaître le prix que l'on souhaite alors que le nouveau bail n'a pas encore pris effet.
Elle souhaite conformément aux dispositions de l'article L145-12 du code de commerce, dans sa version antérieure à la loi LME du 4 août 2008, que la date d'effet du bail renouvelé soit fixée au 23 janvier 2009, pour respecter le délai de six mois, comme le prévoient les usages locaux.
En réponse, la SARL BRASSERIE FLORE demande le rejet des débats de la pièce numéro 8 communiquée par l'appelante, en raison de la tardiveté de sa communication et de son absence de référence précise.
Elle soutient que les dispositions de l'article R145-23 alinéa 2 du code de commerce permettent au tribunal de grande instance de connaître d'une contestation relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, lorsqu'il est saisi accessoirement d'une autre demande, la cour de Cassation ayant même précisé, qu'il avait l'obligation de statuer en cas de saisine sur une telle demande.
Elle estime que l'article L145-12 du code de commerce doit s'appliquer dans sa version issue de la loi LME du 4 août 2008, dans la mesure où cette loi modifie les effets des contrats qui prennent leur origine dans la loi, et sont indépendants de la volonté des parties.
Elle ajoute que l'application immédiate d'un texte de loi ne signifie pas rétroactivité, et qu'il n'y a en l'espèce aucune violation de l'article 6 de la CEDH, dés lors que même si les effets de la situation juridique qui concerne les parties ont pris naissance avant l'entrée en vigueur de la loi LME, elle n'était pas définitivement réalisée le 5 août 2008. Elle précise que selon la cour de Cassation les effets légaux d'un contrat sont régis par la loi en vigueur au moment où ils se produisent ; or le droit au renouvellement trouve sa source dans la loi, et est affecté par la loi nouvelle.
Elle indique qu'en l'espèce, lors de l'entrée en vigueur de la loi LME, le bailleur pouvait encore refuser la demande de renouvellement qu'elle avait formulée, les effets de la demande de renouvellement n'étant pas acquis à cette date.
Dans ces conditions et conformément à la loi nouvelle, le nouveau bail a pris effet le 1er octobre 2008, soit le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande.
Elle poursuit, en expliquant que la demande de révision des loyers ayant été faite par la SCI du [Adresse 2] le 22 octobre 2008, soit après le bail renouvelé, elle n'est pas recevable, conformément aux dispositions de l'article L 145-39 du code de commerce.
Elle ajoute que la SCI du [Adresse 2] ne fait de toute façon pas la preuve de l'existence d'un usage lillois fixant à 6 mois le délai de prise d'effet du bail en cas de demande de renouvellement, et que sa demande doit en conséquence être rejetée, cette preuve lui incombant.
SUR CE
Sur la demande de rejet des débats de la pièce numéro 8 communiquée par la SCI du [Adresse 2]
La pièce numéro 8 intitulée 'ouvrage sur les locaux commerciaux' a été communiquée le 1er février 2013 par la SCI du [Adresse 2], tandis que l'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 février 2013 ;
Cette pièce a ainsi été valablement communiquée dans le cadre de l'instruction de la procédure, et la SARL BRASSERIE FLORE a pu faire valoir ses arguments en défense par le biais de nouvelles conclusions déposées le 5 février 2013 ;
Par ailleurs, si l'absence de référence de l'ouvrage peut avoir une influence sur la force probante de ladite pièce, qui sera appréciée par la cour, cette lacune ne justifie pas à elle seule de l'écarter des débats ;
En conséquence, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de rejet des débats de la pièce numéro 8 communiquée par la SCI du [Adresse 2] ;
Sur la compétence du tribunal de grande instance relative à l'action en révision du loyer introduite par la la SCI du [Adresse 2]
Si l'article R 145-23 du code de commerce dispose que les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal de grande instance ou le juge qui le remplace, il précise également dans son second alinéa, que les autres contestations sont portées devant le tribunal de grande instance qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent ;
Or, le premier juge, saisi d'une demande principale relative à la date de renouvellement du bail, a également été saisi, par la SARL BRASSERIE FLORE, de la question accessoire de la recevabilité de l'action en révision du loyer introduite par la SCI du [Adresse 2], sur le fondement de l'article L 145-39 du code de commerce ;
Ainsi, et conformément aux dispositions de l'article R145-23 du code de commerce, c'est à juste titre que le premier juge a retenu sa compétence pour statuer sur la recevabilité de l'action en révision du loyer initiée par le bailleur, le jugement déféré devant être confirmé de ce chef ;
Sur la date de renouvellement du bail
Par acte extrajudiciaire du 23 juillet 2008, la SARL BRASSERIE FLORE a formulé une demande de renouvellement de son contrat de bail pour une durée de neuf ans ;
La SCI du [Adresse 2] estime, qu'à cette demande de renouvellement, doivent s'appliquer les dispositions anciennes de l'article L 145-12 du code de commerce, aux termes desquelles, le nouveau bail prend effet à compter du terme d'usage qui suit la demande de renouvellement, terme d'usage qu'elle fixe au 23 janvier 2009 ;
La SARL BRASSERIE FLORE prétend quant à elle que l'article L 145-12 du code de commerce dans sa version issue de la loi LME du 4 août 2008 s'applique au cas de l'espèce, le nouveau bail devant de ce fait prendre effet à compter du premier jour du trimestre civil qui suit la demande de renouvellement, soit le 1er octobre 2008 ;
La demande de renouvellement, émise valablement par la SARL BRASSERIE FLORE le 23 juillet 2008, a mis fin au bail en cours, qui, en l'espèce, était un bail tacitement reconduit depuis le 31 juillet 2007 ;
La SCI du [Adresse 2] a formellement accepté la demande de renouvellement par acte du 22 octobre 2008 mais a sollicité, dans ce même acte, la fixation d'un loyer déplafonné à hauteur de 227 500 euros ;
Même si la date d'effet du bail renouvelé est légalement fixée par l'article L145-12 du code de commerce, rien n'interdisait aux parties de s'accorder sur la date d'effet du bail souhaitée, ce qui n'a pas été l'option choisie, les parties décidant ainsi de s'en remettre au dispositions du statut légal ;
Ainsi, l'acceptation de principe du bailleur n'a pas entraîné d'accord définitif des parties sur la conclusion d'un bail à des conditions déterminées, les parties n'étant pas parvenues à trouver un accord sur ces conditions, et notamment sur le loyer et la date d'effet du bail renouvelé ;
A défaut de dispositions particulières sur l'applicabilité dans le temps de l'article 45 de la loi du 4 août 2008, ayant modifié l'article L 145-12 du code de commerce, il s'est appliqué immédiatement aux situations en cours, sans pour autant avoir d'effet rétroactif , comme le prévoit l'article 2 du code civil ;
En l'espèce, le droit au renouvellement du bail n'est acquis dans son principe, entre les parties, que depuis son acceptation par le bailleur le 22 octobre 2008, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008 ;
A défaut d'accord entre elles sur la date d'effet du renouvellement du bail, et le loyer, les conditions du bail renouvelé n'étaient nullement déterminées le 22 octobre 2008 ;
Les effets légaux d'un contrat sont régis par la loi en vigueur au moment où ils se produisent ;
Les effets de la demande de renouvellement dont s'agit ont commencé à se produire au jour de son acceptation par le bailleur, soit le 22 octobre 2008 ;
Or, en vertu de l'article L145-12 du code de commerce dans sa version applicable après le 5 août 2008, la date d'effet légal du nouveau contrat de bail, lorsqu'une demande de renouvellement a été faite, est le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande;
En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a fixé la date d'effet du bail de renouvellement au 1er octobre 2008, soit le premier jour du trimestre civil qui a suivi la demande de renouvellement formulée par la SARL BRASSERIE FLORE ;
Contrairement à ce qu'affirme la SCI du [Adresse 2], il ne s'agit pas d'une application rétroactive de la loi du 4 août 2008, mais d'une application pour l'avenir, à une situation juridique en cours entre les parties, qui n'était pas définitivement réalisée à la date de son entrée en vigueur, à défaut d'accord entre elles ;
Dans ces conditions le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;
Sur la demande accessoire relative à l'action en révision de loyer introduite par la SCI du [Adresse 2]
En vertu de l'article L 145-39 du code de commerce, '(...) par dérogation à l'article L. 145-38, si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire' ;
La SCI du [Adresse 2] a formulé une demande de révision du loyer assorti d'une clause d'échelle mobile, par acte extrajudiciaire du 22 octobre 2008 ;
Comme l'a justement indiqué le premier juge, la SCI du [Adresse 2] ne démontre nullement la preuve d'une variation à la hausse du loyer de plus de 25 % par le jeu de la clause d'échelle mobile, entre le 1er octobre 2008, date d'effet du nouveau bail renouvelé, et le 22 octobre 2008, date de sa demande, ce qui justifie le rejet de sa demande en révision ;
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ;
La SCI du [Adresse 2] qui succombe sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SARL BRASSERIE FLORE les frais exposés par elle en cause d'appel et non compris dans les dépens ; il lui sera alloué la somme de 2000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'indemnité allouée en première instance étant confirmée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Dit n'y avoir lieu à rejeter des débats la pièce numéro 8 communiquée par la SCI du [Adresse 2],
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette les demandes de la SCI du [Adresse 2] fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la SCI du [Adresse 2] à payer à la SARL BRASSERIE FLORE, la somme de 2000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne la SCI du [Adresse 2] aux dépens d'appel.
Le GreffierLe Président
V.DESMETC.PARENTY