COUR D'APPEL DE DOUAI Chambre de la Protection Juridique des Majeurs et Mineurs
N° RG : 12/ 07222
NOTIFICATION de l'arrêt aux parties par lettre recommandée avec avis de réception adressée le :
République Française Au nom du Peuple Français
ARRÊT DU 15 FEVRIER 2013 MINUTE N° 22/ 13
APPELANTE :
Mademoiselle Safia X... née le 01 Septembre 1992 à CONDE SUR L'ESCAUT (59163) RESIDANT LADAPT 121 ROUTE DE SOLESMES 59407 SOLESMES Comparante en personne assistée de Me Guy FOUTRY, avocat au barreau de DOUAI (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/ 12/ 11953 du 08/ 01/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
AUTRES PARTIES INTERVENANTES :
Association AGSS DE L UDAF 3 rue gustave delory BP 2017 59012 LILLE Comparante, représenté par M. D...Christian, chef de service
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE
Thierry VERHEYDE, Conseiller délégué à la protection des majeurs, faisant fonction de Président, désigné suivant ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de DOUAI en date du 19 décembre 2012
Marie-Charlotte DALLE, Mathilde VALIN, Conseillers,
Philippe LEMOINE, Greffier présent aux débats et au prononcé de l'arrêt,
Les débats ont eu lieu en Chambre du Conseil à l'audience du 31 Janvier 2013, au cours de laquelle Mathilde VALIN a été entendue en son rapport.
Le dossier a été communiqué avant l'audience des débats au Ministère Public près la Cour d'appel de DOUAI, qui a également été avisé de la date de cette audience, à laquelle il n'a pas comparu.
A l'issue des débats, le président a avisé les parties présentes que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel de Douai à la date du 15 FEVRIER 2013.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé hors la présence du public par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par requête datée du 26 juin 2012, le procureur de la République de Valenciennes a saisi le juge des tutelles du tribunal d'instance de Valenciennes d'une demande d'ouverture d'une mesure de protection pour Madame Safia X..., née le 1er septembre 1992.
Cette requête fait suite à un signalement de l'assistante sociale de l'association d'insertion des personnes handicapées, l'ADAPT, qui accueille, depuis l'âge de 12 ans, Madame Safia X..., dans le cadre d'un internat. Elle précise que cette dernière a été accueillie dans leur centre suite à un grave accident de la voie publique pour lequel elle a fait l'objet d'une importante indemnisation, soit 100000 euros. L'assistante sociale fait état d'inquiétudes à la fois quant à la gestion de ces sommes par la mère, qui aurait dépensé 90 % de cette somme, mais aussi eu égard aux capacités de la jeune fille de gérer cet argent comme de percevoir l'importance des dépenses engagées.
A cette requête est jointe un certificat médical daté du 27 juin 2012, établi par le Docteur Gilles A..., médecin inscrit sur la liste du procureur de la République, certificat dans lequel ce médecin indique avoir constaté une altération de ses facultés mentales qui empêche l'expression de la volonté de Madame Safia X... justifiant, selon ce médecin, l'instauration d'une mesure de curatelle simple.
Entendu le 28 août 2012, Monsieur Nacer X..., le père de Safia X..., a sollicité l'instauration d'une mesure de protection et la désignation d'un tiers compte tenu des tensions existant au sein de la famille.
Entendue le 2 octobre 2012, Madame Jamila Z...-C...a indiqué qu'elle avait dépensé une partie de la somme pour l'habitation commune et des dépenses courantes, précisant n'avoir jamais volé sa fille qui était au courant de tout.
Entendue le 2 octobre 2012, Madame Safia X... a indiqué ne pas rencontrer de difficultés particulières et avoir confiance en sa mère.
Par jugement du 9 novembre 2012, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Valenciennes a placé Safia X... sous mesure de curatelle, fixé la durée de la mesure à 60 mois, et désigné l'AGSS de l'UDAF en qualité de curateur pour l'assister et la contrôler dans la gestion de ses biens et pour protéger sa personne, avec exécution provisoire.
Ce jugement a été notifiée par lettre avec accusé de réception signée par Madame Safia X... le 12 novembre 2012.
Maître Foutry, représentant Madame Safia X..., a relevé appel de cette décision le 23 novembre 2012.
Toutes les parties ont signé l'accusé de réception de leur convocation devant le cour.
Le dossier a été communiqué au ministère public.
A l'audience des débats devant la Cour Madame Safia X..., assistée de son conseil, a indiqué qu'elle considérait qu'elle n'avait pas besoin d'une telle mesure et précisé que si cette mesure devait être maintenue, elle souhaitait que sa mère, en qui elle a indiqué avoir toute confiance, puisse exercer la mesure.
Monsieur Farid C..., son beau-père, a souligné que sa belle-fille pourrait être utilement aidée dans la gestion de ses ressources et que la désignation d'un tiers extérieur à la famille était une bonne chose.
Le représentant de l'AGSS de l'UDAF a sollicité la confirmation de la mesure, précisant que la jeune fille devait percevoir prochainement des sommes très importantes. Le service a souligné que les difficultés de gestion de Madame Safia X... étaient tout à fait réelles.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la mesure de protection
L'article 425 du code civil dispose : Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre. S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions.
L'article 428 du code civil dispose :
La mesure de protection ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l'application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217, 219, 1426 et 1429, par une autre mesure de protection judiciaire moins contraignante ou par le mandat de protection future conclu par l'intéressé. La mesure est proportionnée et individualisée en fonction du degré d'altération des facultés personnelles de l'intéressé.
Compte tenu des constatations claires, complètes et circonstanciées du Docteur Gilles A...inscrit sur la liste du procureur de la République, il y a lieu de considérer que Madame Safia X... présente une altération médicalement constatée de ses facultés mentales
L'article 440 du code civil dispose :
La personne qui, sans être hors d'état d'agir elle-même, a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425, d'être assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle. La curatelle n'est prononcée que s'il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante. La personne qui, pour l'une des causes prévues à l'article 425, doit être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle. La tutelle n'est prononcée que s'il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante.
La nécessité d'une mesure de protection, sous forme de curatelle simple, préconisée par le Docteur A..., est confirmé par le curateur, compte tenu des capacités de Safia X..., qui reste en mesure d'exprimer une volonté propre et doit pouvoir conserver une certaine autonomie. Dans ces conditions, Madame Safia X... relève d'une mesure de curatelle simple, ainsi que l'a justement estimé le juge des tutelles.
Sur le choix du curateur
Les articles du code civil régissant ce choix sont les suivants :
Art. 449 : “ A défaut de désignation faite en application de l'article 448, le juge nomme, comme curateur ou tuteur, le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu'une autre cause empêche de lui confier la mesure. A défaut de nomination faite en application de l'alinéa précédent et sous la dernière réserve qui y est mentionnée, le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé et entretenant avec lui des liens étroits et stables. Le juge prend en considération les sentiments exprimés par celui-ci, ses relations habituelles, l'intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage. ”
Art. 450 : “ Lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la curatelle ou la tutelle, le juge désigne un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l'article L. 471-2 du code de l'action sociale et des familles... ”
Si Madame Safia X... exprime le souhait de voir sa mère désignée comme curatrice compte tenu de son attachement à cette dernière, il n'est cependant pas conforme à l'intérêt de Madame Safia X... de donner suite à son souhait, compte tenu des choix précédemment opérés par Madame Jamila Z...-C...concernant la gestion de sommes d'argent importantes revenant à sa fille qu'elle a dépensées sans pouvoir justifier que ces dépenses étaient dans l'intérêt de sa fille, ce qui rend dès lors nécessaire, en l'absence de tout autre proche susceptible d'exercer la mesure de protection, de désigner un curateur extérieur à la famille.
La désignation de l'AGSS de l'Udaf sera donc également confirmée.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire :
- confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
- laisse les dépens à la charge du Trésor public.
Le greffier, Le président,
Philippe LEMOINE Thierry VERHEYDE