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11/01/2013 | FRANCE | N°12/05940

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre de la protection juridique, 11 janvier 2013, 12/05940


COUR D'APPEL DE DOUAI Chambre de la Protection Juridique des Majeurs et Mineurs

N° RG : 12/ 05940
NOTIFICATION de l'arrêt aux parties par lettre recommandée avec avis de réception adressée le :

République Française Au nom du Peuple Français

ARRÊT DU 11 JANVIER 2013 MINUTE N° 310/ 12

APPELANT :

Monsieur Patrick X...né le 06 Septembre 1949 à CAMBRAI (59400) ...75014 PARIS Non comparant représenté de Me Antoine CHATAIN et Me Claire JOLIBOIS, avocat au barreau de Paris

AUTRES PARTIES INTERVENANTES :
Madame Marie Thérèse B...é

pouse X...née le 20 Février 1921 à CAMBRAI (59400) ......59400 CAMBRAI Non comparante représentée de Me RO...

COUR D'APPEL DE DOUAI Chambre de la Protection Juridique des Majeurs et Mineurs

N° RG : 12/ 05940
NOTIFICATION de l'arrêt aux parties par lettre recommandée avec avis de réception adressée le :

République Française Au nom du Peuple Français

ARRÊT DU 11 JANVIER 2013 MINUTE N° 310/ 12

APPELANT :

Monsieur Patrick X...né le 06 Septembre 1949 à CAMBRAI (59400) ...75014 PARIS Non comparant représenté de Me Antoine CHATAIN et Me Claire JOLIBOIS, avocat au barreau de Paris

AUTRES PARTIES INTERVENANTES :
Madame Marie Thérèse B...épouse X...née le 20 Février 1921 à CAMBRAI (59400) ......59400 CAMBRAI Non comparante représentée de Me ROBBE, avocate au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Thierry VERHEYDE, Conseiller délégué à la protection des majeurs, faisant fonction de Président, désigné suivant ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de DOUAI en date du 19 décembre 2012
Marie-Charlotte DALLE, Mathilde VALIN, Conseillers,
Philippe LEMOINE, Greffier présent aux débats et au prononcé de l'arrêt,
Les débats ont eu lieu en Chambre du Conseil à l'audience du 06 Décembre 2012, au cours de laquelle, Monsieur VERHEYDE a été entendu en son rapport.
Le dossier a été communiqué avant l'audience des débats au Ministère Public près la Cour d'appel de DOUAI, qui a également été avisé de la date de cette audience, à laquelle il n'a pas comparu.
A l'issue des débats, le président a avisé les parties présentes que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel de Douai à la date du 11 JANVIER 2013.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé hors la présence du public par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par requête datée du 27 juillet 2012, M. Patrick X...avait entendu saisir le juge des tutelles du tribunal d'instance de Cambrai d'une demande d'ouverture d'une mesure de protection pour sa mère, Mme Marie-Thérèse B...ép. X..., née le 20 février 1921.
La requête précisait que :- Mme Marie-Thérèse B...ép. X...est mariée avec M. Robert X..., qui fait également l'objet d'une demande de mesure de protection et qui ne peut donc pas être désigné tuteur ;- M. et Mme X...ont un autre enfant, Mme Marie-Dominique X...ép. E...;- l'altération des facultés mentales de Mme Marie-Thérèse B...ép. X...est médicalement établie, même si ce n'est pas par un certificat médical émanant d'un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République, Mme Marie-Thérèse B...ép. X...refusant d'être examinée par un tel médecin du fait de la démence sénile dont elle est atteinte et “ parce que certaines personnes de son entourage ont intérêt à ce que cette situation, qui leur est extrêmement profitable, se poursuive ” ;- Mme Marie-Thérèse B...ép. X...dispose de revenus très importants, a un patrimoine “ non négligeable ” et est administratrice ou associée de plusieurs sociétés ;

Par cette requête, M. Patrick X...demandait au juge des tutelles de placer Mme Marie-Thérèse B...ép. X...sous tutelle et de désigner comme tutrice Mme Elodie X..., sa petite fille, notaire à Quesnoy sur Deûle.
Par ordonnance en date du 7 août 2012, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Cambrai a déclaré la requête irrecevable au motif qu'elle n'est accompagnée d'aucun certificat médical émanant d'un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République.
Par déclaration du 17 août 2012, M. Patrick X...a fait appel de cette ordonnance.
Le ministère public a eu communication du dossier de l'affaire.
A l'audience des débats devant la Cour du 6 décembre 2012, M. Patrick X...a repris oralement le contenu de ses conclusions, visées par le greffe le jour de l'audience, par lesquelles il demande à la cour d'infirmer l'ordonnance frappée d'appel et, statuant à nouveau, de placer Mme Marie-Thérèse B...ép. X...sous tutelle, de désigner comme tutrice Mme Elodie X..., sa petite fille, et de placer Mme Marie-Thérèse B...ép. X...sous sauvegarde de justice pendant la durée de l'instance.
Pour l'exposé des moyens de M. Patrick X..., il y a lieu de se reporter à ses conclusions.
Mme Marie-Thérèse B...ép. X...a repris oralement le contenu de ses conclusions devant la cour d'appel, visées par le greffe le jour de l'audience, par lesquelles il demande, à titre principal, de confirmer l'ordonnance frappée d'appel ayant déclaré irrecevable la requête de M. Patrick X...et, subsidiairement, au cas où la cour estimerait cette requête recevable, de renvoyer les parties devant le juge des tutelles de Cambrai afin qu'il soit procédé à l'instruction de l'affaire.
Pour l'exposé des moyens de Mme Marie-Thérèse B...ép. X..., il y a lieu de se reporter à ses conclusions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article 431 du Code civil dispose qu'en matière de protection juridique des personnes : “ La demande est accompagnée, à peine d'irrecevabilité, d'un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République ”.
En l'espèce, par courrier recommandé daté du 5 septembre 2012, M. Patrick X...a écrit au Docteur Alain F..., médecin inscrit sur la liste du procureur de la République de Cambrai, dans les termes suivants :
“ Le 2 septembre 2011, vous avez procédé à des examens neurologiques sur ma mère, Marie-Thérèse X..., lesquels ont révélé une désorientation et un syndrome extra pyramidal de type maladie de Parkinson.
Ma mère a été hospitalisée à la Clinique SAINT-ROCH du 31 août 2011 au 10 septembre 2011, puis du 19 septembre 2011 au 2 décembre 2011.
Les examens médicaux réalisés sur ma mère par le Docteur Bertrand G..., gériatre, lors de son entrée à l'hôpital 19 septembre 2011, ont confirmé l'existence d'une démence mixte qui est à la fois Parkinsonienne et apparentée à la maladie d'Alzheimer.
Le 29 novembre 2011, vous avez également procédé à des examens neurologiques sur mon père, Monsieur Robert X..., et avez diagnostiqué l'existence d'une atteinte neuro dégénérative à stade sévère.
Compte tenu de l'état de santé de mon père, vous avez indiqué que la mise en place d'une mesure de protection juridique est nécessaire.
Les examens neuropsychologiques pratiqués par le Docteur Joël I... sur mon père à la clinique SAINT-ROCH, après que celui-ci ait été hospitalisé du 21 novembre 2011 au 1er décembre 2012, sur demande de ma s œ ur, Madame Marie-Dominique X...épouse E..., ont confirmé l'existence d'une détérioration cognitive importante entrant dans le cadre de la maladie d'Alzheimer.
En votre qualité de médecin neurologue, inscrit sur la liste établie par le parquet près le Tribunal de grande instance de Cambrai, et compte tenu de votre diagnostic suite aux examens que vous avez réalisés sur mon père, je vous prie de bien vouloir établir sur la base du dossier médical de mes parents un certificat médical conforme aux dispositions des articles 431 du Code civil et 1219 du Code de procédure civile, lequel :
« 1° Décrit avec précision l'altération des facultés du majeur à protéger ou protégé ; 2° Donne au juge tout, élément d'information sur l'évolution prévisible de cette altération ; 3° Précise les conséquences de cette altération sur la nécessité d'une assistance ou d'une représentation du majeur dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux qu'à caractère personnel, ainsi que sur/'exercice de son droit de vote.

Le certificat indique si l'audition du majeur est de nature à porter atteinte à sa santé ou si celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté, Le certificat est remis par le médecin au requérant sous pli cacheté, à l'attention exclusive du procureur de la République ou du juge des tutelles. » (Article 1219 du Code de procédure civile)... ”

Le Docteur F...répondait à ce courrier par courrier daté du 13 septembre 2012, ainsi rédigé :
“ J'ai effectivement bien reçu votre lettre, datée du 05/ 09/ 2012, envoyée avec AR.
Nous sommes tout à fait d'accord sur les dates auxquelles j'ai rencontré vos parents, il y a maintenant plusieurs mois, (septembre 2011 pour Madame, novembre 2011 pour Monsieur) comme me l'avait demandé mon confrère le Docteur I..., lors du séjour de vos parents à la Clinique Saint Roch, J'ai confirmé le diagnostic d'atteinte neuro-dégénérative.
A l'époque, la procédure n'avait pu être poursuivie normalement.
Il ne m'est plus possible de rencontrer à nouveau ces derniers, (immeuble protégé et sécurisé) et de procéder à leur expertise médicale, et les informations recueillies, au cours de leur hospitalisation, ne peuvent pas être utilisées, aujourd'hui, pour la rédaction d'un compte-rendu d'expertise.
Je vous informe donc, que je ne peux donner suite à vos demandes réitérées, et en informe par le même courrier Monsieur le Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de Cambrai. ” L'appelant fait valoir que ce courrier s'analyse en un certificat de “ carence ”, et que cette carence ne fait pas obstacle à la recevabilité de sa requête dès lors qu'il produit des pièces médicales qui, selon lui, établissent l'altération des facultés mentales de son père et de sa mère.

Ces derniers contestent cette analyse, notamment au motif que le courrier du Docteur F...ne constitue pas un tel certificat de carence.
Aucune disposition légale ne prévoit expressément un tel “ certificat de carence ”.
Il résulte seulement de l'article R. 217-1 du code de procédure pénale que :
“ Le médecin auteur du certificat circonstancié prévu à l'article 431 du code civil reçoit, à titre d'honoraires, la somme de 160 €.
Lorsque le médecin, requis par le procureur de la République ou commis par le juge des tutelles, justifie n'avoir pu établir ce certificat du fait de la carence de la personne à protéger ou protégée, il lui est alloué une indemnité forfaitaire de 30 €. ”
En toute hypothèse, la cour ne peut cependant que constater que :
- ce courrier a été rédigé, au mieux, une semaine après avoir été reçu, ce qui ne peut que poser question sur les démarches concrètes accomplies par ce médecin pour tenter de rencontrer les intéressés et de les examiner ;- dans son courrier, le Docteur F...se contente d'indiquer ne plus pouvoir rencontrer les parents de l'appelant, en faisant seulement référence, de manière laconique, et entre parenthèses, au fait que l'immeuble, sans préciser lequel, serait “ protégé et sécurisé ”, sans même préciser à quelle date précise il s'y serait rendu ni s'il avait prévenu à l'avance, et par quel moyen, de sa visite ;

- ce courrier ne donne pas davantage de précision sur le point de savoir si, et comment, à quelle (s) date (s) et par quel (s) moyen (s), le médecin aurait d'abord tenté de convoquer les intéressés à son cabinet ;- à supposer même qu'il puisse être considéré comme établi que le Docteur F...n'a pas pu examiner les intéressés du fait du refus de ces derniers et/ ou d'un empêchement matériel faisant obstacle à un examen sur leur lieu de résidence, il n'en demeure pas moins que ce médecin n'a rédigé aucun “ certificat circonstancié ” au sens de l'article 431 du code civil ci-dessus rappelé, un “ certificat ” supposant nécessairement que le médecin se prononce, au besoin uniquement au vu des documents médicaux produits par le requérant, ainsi d'ailleurs que ce dernier le lui demandait expressément, et/ ou après avoir au moins tenté de recueillir l'avis de leur médecin traitant, ainsi que le lui permettait l'article 431-1 du même code.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la requête n'était pas recevable et, par suite, de confirmer l'ordonnance frappée d'appel.
La cour estime cependant nécessaire d'ajouter que si le législateur a subordonné la recevabilité de la requête saisissant le juge des tutelles à la production d'un certificat médical émanant d'un médecin inscrit sur une liste établie par le parquet, c'est uniquement pour éviter des demandes de mesure de protection abusives, et non pas pour réserver les mesures de protection aux seules personnes qui acceptent d'être examinées par un tel médecin.
En effet, certaines personnes peuvent avoir un besoin impérieux de protection, tout en refusant de le reconnaître et d'accepter leur mise sous protection juridique, et en refusant de se rendre chez le médecin et/ ou de rencontrer le juge. Il serait fondamentalement contraire à l'esprit de la loi, qui est d'assurer une protection juridique à toute personne en ayant besoin, d'exclure ces personnes de toute possibilité de protection du seul fait de leur refus, qui peut d'ailleurs résulter justement de l'altération de leurs facultés mentales rendant nécessaire leur protection.
L'article 415 du code civil dispose en effet que :
“ Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre.
Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne.
Elle a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci... ”
En droit, le seul refus par le majeur à protéger d'être examiné par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République et/ ou l'empêchement mis à tel examen ne sauraient donc faire obstacle à l'éventuelle ouverture d'une mesure de protection, dès lors qu'il serait suffisamment établi que le majeur est dans l'impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts en raison d'une altération de ses facultés médicalement constatée, en application de l'article 425 du code civil, et qu'il ne peut pas être suffisamment pourvu à ses intérêts par application de l'une ou l'autre des règles mentionnées à l'article 428 du même code.
DÉCISION DE LA COUR,
statuant en chambre du conseil, par arrêt contradictoire :
• confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance frappée d'appel ;
• laisse les dépens à la charge du Trésor public.
Le greffier, Le président,
Philippe LEMOINE Thierry VERHEYDE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre de la protection juridique
Numéro d'arrêt : 12/05940
Date de la décision : 11/01/2013
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2013-01-11;12.05940 ?
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