COUR D'APPEL DE DOUAI Chambre de la Protection Juridique des Majeurs et Mineurs
N° RG : 12/ 05499
NOTIFICATION de l'arrêt aux parties par lettre recommandée avec avis de réception adressée le :
République Française Au nom du Peuple Français
ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2012 MINUTE N° 257/ 12
APPELANT :
Monsieur Henri X...né le 09 Août 1922 à DUNKERQUE (59140) ...59700 MARCQ EN BAROEUL Comparant en personne assisté de Me Nadia BONY-DEMESMAEKER, avocat au barreau de DOUAI
AUTRES PARTIES INTERVENANTES :
Madame Chantal X...... 59162 OSTRICOURT Non comparante
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉE
Thierry VERHEYDE, Conseiller délégué à la protection des majeurs, faisant fonction de Président, désigné suivant ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de DOUAI en date du 17 janvier 2012
Marie-Charlotte DALLE, Mathilde VALIN, Conseillers,
Philippe LEMOINE, Greffier présent aux débats et au prononcé de l'arrêt,
Les débats ont eu lieu en Chambre du Conseil à l'audience du 11 Octobre 2012, au cours de laquelle Marie-Charlotte DALLE a été entendue en son rapport.
Le dossier a été communiqué avant l'audience des débats au Ministère Public près la Cour d'appel de DOUAI, qui a également été avisé de la date de cette audience, à laquelle il n'a pas comparu.
A l'issue des débats, le président a avisé les parties présentes que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel de Douai à la date du 09 NOVEMBRE 2012.
ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé hors la présence du public par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement du 24 février 2012, le juge des tutelles du tribunal d'instance de TOURCOING a placé sous curatelle renforcée Monsieur Henri X..., né en 1922, pour une durée de 5 ans et a désigné sa fille, Chantal X..., en qualité de curatrice.
Ce jugement a été notifié à la personne de Henri X...le 2 mars 2012 ; aucun appel n'a été diligenté à son encontre.
Cette décision fait suite à la requête de son épouse, Marguerite Marie X..., et est fondée sur un certificat médical circonstancié du docteur A...du 22 juillet 2011 constatant des troubles mnésiques et fonctions cognitives émoussées.
Par requêtes des 29 mars et 19 avril 2012, Chantal X...sollicite l'autorisation d'ouvrir un compte bancaire à la Caisse d'épargne afin d'assurer seule la gestion de ce compte, l'opposition de son père à la mesure rendant la cogestion du compte impossible.
Par ordonnance du 9 mai 2012, le juge des tutelles a autorisé Henri X..., avec l'assistance de sa curatrice Chantal X..., à ouvrir un compte courant auprès de la Caisse d'Epargne d'Ostricourt, afin que sa curatrice puisse percevoir les revenus de la personne protégée.
Par courrier du 15 mai 2012, Henri X...a relevé appel de l'ordonnance du 9 mai 2012, refusant l'ouverture d'un compte spécial destiné à percevoir sa retraite et autres versements. Il estime ceci “ décadent et humiliant ”, précise qu'aucun dialogue constructif n'a été établi avec sa fille, ni aucun respect ; il ne refuse pas d'assumer la prise en charge des dépenses alimentaires du couple, et rappelle qu'il s'est “ donné pour tâches, la discipline et l'amour du travail ”.
Toutes les parties ont signé l'accusé de réception de leur convocation devant la Cour.
Le dossier a été communiqué au ministère public.
Lors de l'audience d'appel, Henri X..., assisté de son conseil Maître BONY, soutient son recours. Il estime qu'il n'a pas besoin d'une mesure de protection, en conteste le principe et, en tout état de cause, refuse que sa fille soit désignée curatrice. Il déplore ne pas avoir été associé à la mesure par celle-ci, reprochant à Chantal X...d'avoir ouvert un compte dans une autre banque que celle qui lui est proche, et de ne pas lui avoir transmis les relevés de comptes à ce jour. Il précise que si elle pu percevoir ses revenus et régler ses dépenses, elle ne lui a reversé aucun excédent à ce jour.
Maître Bony sollicite le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire pour son client.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article 427 du code civil dispose en ses deux premiers alinéas :
La personne chargée de la mesure de protection ne peut procéder ni à la modification des comptes ou livrets ouverts au nom de la personne protégée, ni à l'ouverture d'un autre compte ou livret auprès d'un établissement habilité à recevoir des fonds du public. Le juge des tutelles ou le conseil de famille s'il a été constitué peut toutefois l'y autoriser si l'intérêt de la personne protégée le commande.
L'article 472 du même code dispose :
Le juge peut également, à tout moment, ordonner une curatelle renforcée. Dans ce cas, le curateur perçoit seul les revenus de la personne en curatelle sur un compte ouvert au nom de cette dernière. Il assure lui-même le règlement des dépenses auprès des tiers et dépose l'excédent sur un compte laissé à la disposition de l'intéressé ou le verse entre ses mains.
Il convient de rappeler que la saisine de la Cour est limitée à la critique de l'ordonnance du 9 mai 2012 autorisant l'ouverture d'un compte courant auprès de la Caisse d'épargne.
Il résulte des textes sus-visés que toute mesure de curatelle renforcée implique nécessairement l'ouverture d'un compte ouvert au nom de la personne protégée et exclusivement géré par le curateur qui, sur ce seul compte, perçoit les revenus de la personne protégée et règle les dépenses de celle-ci ; le curateur dépose ensuite l'excédent sur un compte laissé à la disposition de la personne protégée ou le verse directement entre ses mains, à charge pour cette dernière de faire librement usage de cet excédent.
Dès lors, constatant que le jugement d'ouverture et de placement sous curatelle renforcée du 24 février 2012 omettait de prévoir l'ouverture d'un compte au nom de la personne protégée exclusivement géré par la curatrice, rappelant que dans ces conditions, la mesure de curatelle renforcée ne pouvait fonctionner, il convient de prévoir l'ouverture de ce compte et en conséquence de réformer l'ordonnance entreprise qui a, certes, corrigé cette omission mais qui a autorisé, par erreur, Henri X...à ouvrir le compte alors qu'il s'agit d'autoriser seulement la curatrice.
Il convient en outre de rappeler que la curatrice doit gérer ce compte sans l'accord de son père mais doit lui transmettre régulièrement l'état de ce compte et du reste de son patrimoine financier.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire :
• Réforme l'ordonnance entreprise rendue par le juge des tutelles de Tourcoing le 9 mai 2012 et, statuant à nouveau :
- autorise Chantal X..., curatrice de son père Henri X..., à ouvrir un compte courant auprès de la Caisse d'Epargne d'Ostricourt afin d'y percevoir les revenus de la personne protégée, d'assurer elle-même le règlement des dépenses auprès des tiers, à charge ensuite pour elle de déposer l'excédent sur un compte laissé à la disposition de Henri X...ou de le verser entre les mains de celui-ci,
- rappelle que la curatrice doit informer régulièrement la personne sous curatelle de l'état de ses comptes courants et de gestion de son patrimoine, au besoin par la transmission des relevés de comptes,
• Accorde l'aide juridictionnelle provisoire à Henri X...,
• Laisse les dépens à la charge du Trésor public.
Le greffier, Le président,
Philippe LEMOINE Thierry VERHEYDE