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24/10/2012 | FRANCE | N°12/03159

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 24 octobre 2012, 12/03159


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 24/10/2012



***



N° de MINUTE :

N° RG : 12/03159



Jugement (N° 2012/00771)

rendu le 18 Avril 2012

par le Tribunal de Commerce de LILLE



REF : CP/CL





APPELANTE



SARL NICETOMEETYOU agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]>
[Localité 4]



Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI anciennement avoués



INTIMÉ



Monsieur [I] [H]

demeurant [Adresse 2]

[M]

[Localité 3]





Représenté par Me Guy SIX,...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 24/10/2012

***

N° de MINUTE :

N° RG : 12/03159

Jugement (N° 2012/00771)

rendu le 18 Avril 2012

par le Tribunal de Commerce de LILLE

REF : CP/CL

APPELANTE

SARL NICETOMEETYOU agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI anciennement avoués

INTIMÉ

Monsieur [I] [H]

demeurant [Adresse 2]

[M]

[Localité 3]

Représenté par Me Guy SIX, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 12 Septembre 2012 tenue par Christine PARENTY magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Françoise RIGOT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine PARENTY, Président de chambre

Philippe BRUNEL, Conseiller

Sandrine DELATTRE, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Françoise RIGOT, adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement contradictoire du 8 avril 2012 du tribunal de commerce de lille ayant mis hors de cause messieurs [O] et [K], condamné la sarl Nicetomeetyou à payer à monsieur [I] [H] la somme de 30 000€ à titre de dommages et intérêts pour révocation sans justes motifs , 10 000€ à titre de dommages et intérêts pour révocation dans des conditions abusives, désigné monsieur [N] [J] pour évaluer la valeur des parts sociales de la société Nicetomeetyou au 31 décembre 2011, débouté les parties de leurs plus amples demandes, ordonné l'exécution provisoire, condamné la société Nicetomeetyou à payer à monsieur [H] 3000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile

Vu l'appel interjeté le 31 mai 2012 par la société Nicetomeetyou;

Vu l'ordonnance de Madame le premier président près la cour d'appel de Douai du 28 juin 2012 ayant débouté monsieur [H] de sa demande tendant à voir consacrer un accord, ayant arrêté l'exécution provisoire du jugement, et fixé l'affaire à plaider devant la deuxième chambre de la cour au 12 septembre 2012;

Vu les conclusions déposées le 20 août 2012 pour monsieur [H];

Vu les conclusions déposées le 7 septembre 2012 pour la société Nicetomeetyou;

Vu les conclusions procédurales des deux parties en date du 12 septembre 2012;

Monsieur [H] précise qu'il a été enjoint de conclure pour le 20 août 2012, ce qu'il a fait mais souligne que les appelants ont signifié le 7 septembre 2012 des conclusions en réponse et 32 nouvelles pièces assorties de moyens et de demandes nouvelles, qu'il en a été rendu destinataire le 10 septembre 2012, soit 48 h avant la date de plaidoiries; il y voit de la mauvaise foi et en tous cas un non respect du contradictoire d'autant que figure une attestation parmi ces pièces de monsieur [U] [C] qui est juridiquement un faux puisque son rédacteur se prétend sans lien avec les parties alors qu'il collabore depuis avril 2012 avec la société sur des projets d'intégration de projets Web; il demande à la cour d'écarter des débats ces conclusions et nouvelles pièces 28 à 59;

L'appelante réplique qu'elle n'a connu la constitution de l'avocat de monsieur [H] que le 12 juillet 2012 auquel elle a signifié aussitôt ses conclusions du 20 juin 2012; l'intimé a répondu en formant appel incident le 30 août 2012, soit en temps utile pour le 12 et pouvait encore faire une demande de renvoi; elle estime que des conclusions du 7 septembre pour le 12 n'encourent pas le reproche de la tardiveté;

La société Nicetomeetyou, messieurs [O] et [K] ont interjeté appel , messieurs [O] et [S] afin que la cour dise qu'ils ont été attraits à tort et obtenir chacun 1000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile, la société Nicetomeetyou pour obtenir la désignation d'un expert pour estimer la participation de monsieur [H] au capital de la société pour autant qu'il s'engage irrévocablement à céder ses titres à la valeur fixée par l'expert; elle demande à la cour de prendre acte de son engagement à les acquérir au prix fixé par l'expert et ce sous la condition que les frais de l'expertise soient à charge de monsieur [H], de rejeter la demande de levée de la clause de non concurrence de monsieur [H] ainsi que ses demandes relatives aux charges sociales grevant son salaire ainsi qu' à l'avantage fiscal dont il a bénéficié, de prendre acte de ce qu'elle retire l'offre amiable présentée le 3 janvier 2012, de dire et juger que c'est pour de juste motifs et de manière non abusive qu'elle a révoqué monsieur [H] de ses fonctions de gérant, de le condamner à la dédommager à hauteur de 20 000€ outre 10 000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [H] sollicite la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a mis hors de cause messieurs [O] et [Z] [S]; il sollicite la condamnation solidaire de la société Nicetomeetyou et de ces messieurs à lui payer 80 000€ au titre du préjudice subi sans préjudice du paiement de l'ensemble des charges sociales non encore acquittées lui incombant en tant que gérant, et 20 000€ au titre de son préjudice moral; il demande à la cour d'ordonner la levée de la clause de non concurrence le liant à messieurs [O] et [S], de réformer le jugement en fixant le prix d'achat de ses parts à 80 000€, d'ordonner à la société de les racheter à ce prix, subsidiairement d'ordonner une expertise sur ce point, de condamner la société à titre prévisionnel à lui payer les sommes qu'elle s'était engagée à payer au titre de la proposition amiable du 3 janvier 2012; il réclame 20 000€ aux intimés sur la base de l'article 700 du code de procédurale.

Messieurs [H], [O] et [S] ont créé la société Nicetomeetyou en Août 2009, avec une répartition quasi égale du capital, tous trois exerçant les fonctions de gérant.

Messieurs [O] et [S] prétendent s'être aperçus que monsieur [H] n'avait pas les qualités requises pour être un mandataire social tandis que monsieur [H] prétend qu'ils ont mis en place une véritable stratégie d'éviction.

Il affirme avoir toujours fait preuve de professionnalisme, avoir appris au mois de novembre 2011, confirmé par mail de décembre que ses associés voulaient mettre fin à ses fonctions de gérant en excipant du fait qu'il aurait fait part à des tiers de ses difficultés avec ses associés et de son désir de quitter la société, ce qu'il conteste. Il était convoqué à une Assemblée Générale Extraordinaire fixée au 3 janvier 2012 par acte d'huissier signifié le 15 décembre 2011, avec comme ordre du jour la proposition de sa sortie amiable, à défaut d'accord sa révocation de la co-gérance, le pouvoir donné à l'un des co-gérants pour effectuer les formalités; une offre de sortie amiable était annexée avec selon monsieur [H] une proposition de rachat des parts dérisoire. Il refusait et ses associés décidaient de le révoquer, sans, dit il, qu'il ait pu connaître les raisons de son éviction et se faire entendre. Il conteste le contenu du procès verbal dressé à cette occasion.

Encore associé à 30% et lié par une clause de non concurrence, il s'affirme contraint à utiliser la voie judiciaire pour organiser sa sortie du capital.

Monsieur [H] plaide une révocation sans juste motifs, puisqu'il n' a commis aucune faute de gestion ni eu une attitude de nature à compromettre l'intérêt social, les reproches qui lui sont faits se rapportant à sa fonction technique. Il conteste la valeur du document qu'on lui oppose, à savoir un compte rendu de réunion d'avril 2011, établi pour les besoins de la cause. Il verse des attestations confirmant ses qualités de manager, et souligne que celles qui sont versées par ses adversaires ont peu de valeur probante, que ces derniers plaident une divergence de vues avec lui qui outre qu'elles ne sont pas prouvées doivent avoir été de nature à compromettre le fonctionnement de la société, preuve qui n'est pas rapportée.

Il fait valoir que le préjudice subi du fait de cette révocation brutale et arbitraire est important puisque lié par une clause de non concurrence , il ne peut plus travailler depuis le 3 janvier 2012.

Il ajoute que cette révocation est abusive, intervenue dans des conditions vexatoires, puisqu'il a appris, au décours d'une conversation dans un restaurant, brutalement, l'intention de ses associés qui ont utilisé un faux prétexte, qui ont prévenu tout le monde y compris les salariés de son départ en novembre 2011, ne craignant pas de le dénigrer, qui ont tenu une Assemblée Générale dans le cadre de laquelle il n'a pu faire valoir ses droits, convoqué par huissier, ce qui témoigne de la volonté contentieuse, la convocation étant assortie d'une offre de sortie du capital à un prix dérisoire et le compte rendu émaillé de mensonges.

Il invoque les motifs personnels qui ont présidé à l'attitude de messieurs [O] et [S] qui n'ont jamais désiré collaborer avec lui de manière pérenne et sollicite leur condamnation sur la base de la faute personnelle.

Quant au prix de rachat, il estime que la proposition qui lui a été faite est dérisoire, que la valeur réelle des parts au vu du bilan de mai et celui de décembre 2012 et de l'estimation faite par le comptable de la société qui les évalue entre 70 000 et

80 000€ est bien supérieure à 10 000€, que la somme de 6000€ proposée n'est pas une prime mais un remboursement prévu, que le remboursement proposé de son compte courant est de loin inférieur à son montant qui est de 15 000€( poste qui a curieusement disparu du bilan), qu'il est légitime que la société supporte les coûts liés à sa cessation de fonctions (charges sociales, impôts); il réclame 80 000€ la part ou subsidiairement une expertise.

La société Nicetomeetyou fait valoir que le 14 avril 2012 une réunion a eu lieu pour faire le point sur le rôle de chaque gérant; selon les deux autres associés, un certain nombre de reproches étaient faits à monsieur [H], consignés sur un procès verbal; il s'agit d'embauches hasardeuses, d'absence de vision stratégique, d'initiative, de sens commercial, de relationnel, une mauvaise gestion de service après vente, comme le confirment treize attestations. Ils affirment qu'en octobre , monsieur [H] n'aurait pas amélioré son comportement et qu'accord aurait été pris pour son abandon des fonctions de gérant et pour sa diffusion à l'entourage; une négociation s'en suivait sur le prix des parts et ils ajoutent que monsieur [H] a changé d'avis en refusant désormais de partir et en prévenant des entreprises concurrentes de ses difficultés relationnelles au sein de la société, ce qui amenait la rédaction du mail du 2 décembre 2011 où ils lui annonçaient sa révocation à défaut d'accord; une négociation financière s'en suivait qui n'aboutissait pas du fait de monsieur [H].

Ils estiment que le tribunal de commerce a dénaturé les faits, les reproches du 2 Décembre 2012 sur la rupture de confidentialité devant s'entendre comme s'ajoutant aux reproches antérieurs , que monsieur [H] nie l'existence de la réunion d' avril qui a bien eu lieu car elle est une preuve des dissensions déjà existantes entre les associés, accréditée par le voeu même de monsieur [H] de partir et de l'annoncer mi novembre; ses manquements et son absence de respect de sa démission et de son annonce sont fautifs et justifient la révocation.

Ils plaident que le fait de l'avoir convoqué par huissier n'est pas vexatoire, qu'il s'agissait de se ménager la preuve, dans un contexte devenu contentieux, qu'ils ne se séparaient pas de lui sans souci de sa personne.

Ils affirment que les fautes de monsieur [H], reconnues par le tribunal, sont forcément liées à sa fonction de gérant puisqu'il n'a pas de fonction technique, sa révocation pouvant même être envisagée en l'absence de faute si l'intérêt de la société le commande ou qu'il y a mésintelligence au sein des associés de nature à compromettre l'intérêt social, qu'il a été parfaitement informé de l'ordre du jour de l'Assemblée qui envisageait sa révocation.

Ils font valoir qu'ils ne sont pas concernés eux même par la révocation puisque c'est la société qui y a procédé, qu'ils ne peuvent être poursuivis sur la base de l'article 1382 du code civil qui suppose qu'ils auraient agi pour des considérations extérieures au contrat de société; ils estiment ainsi légitime leur demande sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils plaident que le tribunal n'avait pas à prendre en considération la situation sociale de monsieur [H] qui a fait le choix de la gérance avec les risques que cela implique, que ce qu'il demande met la société en péril, qu'il a publié sa disponibilité professionnelle sur internet au mépris de la clause de non concurrence.

Sur le prix des parts, s'ils ne sont pas opposés à la désignation d'un expert c'est sous l'engagement de monsieur [H] de les céder au prix fixé par ce dernier; ils contestent que la somme de 6 000€ soit un remboursement et le montant du compte courant tel que présenté par monsieur [H], que la société doive assumer ses charges sociales ou son avantage fiscal, rappelant que tout ceci est une demande nouvelle, comme celle d'être déchargé de la clause de non concurrence à laquelle il a au demeurant souscrit et qu'il doit respecter.

Sur ce

Sur le problème de procédure

Monsieur [H] sollicite que soient écartées des débats les pièces 28 à 59 qu'il estime communiquées dans le mépris du principe du contradictoire dans la mesure où elles ont été signifiées en même temps qu'un dernier jeu de conclusions le 7 septembre 2012, et reçues le 10 pour une audience du 12 ; mais la cour remarque que la procédure a été transmise via madame le premier président de cette cour qui l'a jugée urgente et fixée rapidement pour être plaidée au fond; dans ce type de dossier dit passerelle, il en va comme des assignations à jour fixe qui imposent un délai très court dans les échanges d'écritures; de même la partie adverse a dû répondre dans un délai restreint à des conclusions du 20 août 2012, signifiées en pleine période d'été. La cour remarque que les dernières significations de l'appelante, même en nombre, ne changent pas fondamentalement la physionomie du procès et ne doute pas que si monsieur [H] avait eu une opinion inverse , son avocat n'aurait pas manqué de solliciter le renvoi, ce qu'il s'est abstenu de faire. Il a considéré que ces dernières pièces ne méritaient pas sa réponse; il est toutefois normal pour la cour de tout prendre en considération; ainsi les dernières significations ne seront pas écartées des débats.

Sur le fond

Sur la révocation et ses motifs

Le code de commerce dans son article L 223-25 prévoit des dommages et intérêts en cas de révocation sans juste motif; la jurisprudence a défini ce juste motif qui peut être trouvé dans une faute du gérant ou dans son comportement lorsque ce dernier compromet l'intérêt social ou le fonctionnement de la société. Au cas d'espèce, il semble que les co-gérants aient assimilé leur divergence de vues d'avec l'intimé avec un comportement décrit comme coupable à leurs yeux. La mésintelligence au sein d'une société ne se gère pas par un ' limogeage' de celui qui 'dérange'; il faut démontrer que l'intéressé a commis une faute de gestion, dans ses attributions de dirigeant. Le tribunal a à juste titre fait remarquer qu'aucun des griefs prétendus, dont la liste figure au procès verbal de l' Assemblée Générale du 3 janvier 2012, dont la teneur est d'ailleurs en partie contestée par l'intéressé, ne correspond à une faute de gestion. Elle contient des griefs sur le comportement de monsieur [H] mais dans son rôle opérationnel que le tribunal qualifie de fonction technique. Aucun de ces reproches ne remet en question monsieur [H] dans ses fonctions de dirigeant. Le tribunal souligne aussi qu'en décembre 2011, alors que la période consensuelle a pris fin, les associés se déclarent prêts à abandonner leurs griefs débattus oralement pour se concentrer sur un nouveau grief qui est la rupture du pacte de confidentialité. Il lui reproche d'avoir pris attache avec des entreprises voisines pour raconter le contenu des débats privés entre associés, laissant entendre les difficultés, et faisant une proposition de collaboration, invoquant le fait que cela nuit à la pérennité de l'entreprise.

Ce nouvel argument ne peut prospérer puisqu'il apparaît clairement d'un courriel du 4 novembre 2011 que messieurs [O] et [S] avaient déjà annoncé le départ de monsieur [H], suivis de plusieurs annonces faites aux salariés, présentant ce départ comme accepté par la personne concernée avant la moindre officialisation ou concrétisation de cette décision, au demeurant présentée comme négociée, et que le dossier révèle comme plutôt imposée. L'accord prétendu de monsieur [H] à son départ n'est pas établi par le dossier ( voir son mail du 7 novembre 2012). Ainsi si indiscrétion il y a eu, ce dont ils n'apportent pas la preuve, ils avaient bien commencé. Ainsi , les motifs invoqués ne justifient pas la décision de révocation, la simple existence de divergence de vues n'étant pas suffisante pour la légitimer; la décision mérite confirmation sur ce premier point et il convient de confirmer le chiffre de 30 000€ considéré par le tribunal comme la juste indemnisation de monsieur [H] sur cette première question.

Sur le caractère abusif

Ce sont les circonstances qui entourent la révocation qui sont susceptibles de la qualifier d'abusive lorsqu'elles sont de nature à atteindre la probité ou l'honneur de la personne révoquée; force est ici de constater une certaine brutalité, doublée de méthodes de nature vexatoire.

Le tribunal avait d'ailleurs souligné en premier le caractère inhabituel de l'acte d'huissier pour convoquer l'intéressé à l' Assemblée Générale censée discuter de son sort. Mais surtout, la cour constate qu'il a été pris dans une sorte d'étau'; soit il acceptait une transaction qu'il avait encore le droit de ne pas considérer comme satisfactoire, soit il était révoqué. Outre cette forme de 'chantage', l'annonce préalable de son départ à l'environnement et aux interlocuteurs commerciaux était déjà vexatoire , comme cela a été consacré en jurisprudence. Il était évident que monsieur [H] ne pourrait totalement avaliser d'emblée la proposition de valorisation des parts, sans discussion sur sa justesse et sans aucune négociation . Or l'on comprend bien que faute de s'y soumettre, il était question de le révoquer. Il n'avait donc pas le temps matériel de faire un choix éclairé, ce qui rend les circonstances de sa révocation brutales et vexantes, d'autant qu'il avait de légitimes questionnements sur cette évaluation au regard de la dernière situation bilantielle.

Le tribunal a évalué à 10 000€ l'indemnisation sur ce point et la cour confirme.

Sur la mise en cause personnelle des co-gérants

La jurisprudence a consacré la possibilité de mettre en cause personnellement les auteurs de la révocation à la condition qu'ils aient commis une faute personnelle sur la base de l'article 1382 du code civil; certes, il paraît clair que les co-gérants ont eu envie de se séparer de monsieur [H] dont il ne partageaient plus les points de vue; certes , ils l'ont fait de manière vexatoire; malgré tout, la cour ne retrouve pas d'élément susceptible de démontrer qu'ils poursuivaient un but personnel , étranger à leur société. Leurs maladresses réitérées ne sont pas la démonstration qu'ils n'avaient pas envisagé auparavant une collaboration pérenne avec monsieur [H] et se seraient servis de lui à des fins de profit personnel pur. Il est clair que la société avait démarré sur des bases d'entente et que le climat s'est dégradé; dans ce contexte, ils ont désiré par des méthodes répréhensibles se débarrasser de celui qui les gênait mais dans le contexte limité de la gestion de la société; le dossier n'établit pas la seule volonté de nuire et une intention vexatoire contraire à l'intérêt social (cass com 13 mars 2001) ; la cour rejette la demande sur ce point et confirme le jugement.

Sur le rachat des parts

la cour constate qu'il est de l'intérêt de chacun de parvenir à une évaluation commune; manifestement, chacune des parties est loin l'une de l'autre en ce qui la concerne; il est donc sage, malgré le coût, de recourir à un expert, à frais communs, et le jugement mérite confirmation sur la désignation de monsieur [J]. Cette expertise est un élément de référence mais la cour ne soumettra pas cette désignation à un engagement formel de monsieur [H] tel que sollicité par les appelants ou même de la société Nicetomeetyou qui se verrait du fait de cet engagement libérée du coût.

Sur les demandes de paiement provisionnel

Comme devant le tribunal, monsieur [H] réclame le paiement provisionnel des sommes auxquelles la société Nicetomeetyou s'était engagée dans la proposition amiable du 3 janvier 2012, proposition retirée; ces point seront utilement examinés par l'expert et notamment la recherche sur le montant du compte courant, dont monsieur [H] conteste le remboursement; il convient d'attendre les conclusions de l'expert pour prendre une décision sur ce compte à faire entre les parties. Le sursis à statuer s'impose sur ces demandes accessoires.

Parallèlement , monsieur [H] demande à la Cour de l'exonérer de son obligation de non concurrence; mais outre que cette demande est nouvelle, la cour n'est pas compétente pour modifier un pacte d'associés, associé que monsieur [H] est resté; toute modification des statuts nécessite une assemblée générale: il ne peut être fait droit à la demande.

Déboutée de la partie essentielle de ses demandes, la société Nicetomeetyou ne peut aboutir dans sa demande indemnitaire ni dans sa demande sur la base de l'article 700 du code de procédure civile; par contre elle sera condamnée, seule , puisque la responsabilité personnelle de messieurs [O] et [S] a été écartée, à payer à monsieur [H] une somme de 7000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de messieurs [O] et [S] le montant de leurs frais irrépétibles: ils seront déboutés de la demande qu'ils ont formulée de ce chef.

Les parties sont déboutées de leurs demandes plus amples et contraires.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe

Déboute monsieur [H] de sa demande relative au rejet des dernières conclusions et pièces communiquées;

Confirme le jugement entrepris, sauf à préciser que l'expert missionné sur cet autre point par la cour et au visa de l'article 144 du code de procédure civile devra se pencher d'un autre côté sur les demandes accessoires formulées par monsieur [H], sur lesquelles il est sursis à statuer;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires;

Condamne la société Nicetomeetyou à payer 7000€ à monsieur [H] sur la base de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui pourront être recouvré directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

Françoise RIGOTChristine PARENTY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 12/03159
Date de la décision : 24/10/2012

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°12/03159 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-24;12.03159 ?
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