République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 2
ARRÊT DU 20/09/2012
No MINUTE : 12/755
No RG : 11/07034
Jugement (No 05/00410)
rendu le 29 Septembre 2011
par le Juge aux affaires familiales de LILLE
REF : HA/VV
APPELANT
Monsieur Richard X...
né le 12 Avril 1952 à ROUBAIX
demeurant ...
représenté par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI
assisté de Me William WATEL, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE
Madame Viviane Fernande A... épouse X...
née le 11 Décembre 1948 à ROUBAIX
demeurant ...
représentée par Me Bernard FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI
assistée de Me Thérèse WILS-DOBBELS, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Chantal GAUDINO, Président de chambre
Hervé ANSSENS, Conseiller
Yves BENHAMOU, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maryline MERLIN
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 20 Juin 2012,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Chantal GAUDINO, président et Danielle PRZYBYLSKI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Richard X... et Viviane A... se sont mariés le 11 décembre 1974 à Roubaix, après avoir passé contrat par devant Me D..., notaire à Roubaix, le 29 novembre 1974 instituant un régime de communauté de biens réduite aux acquêts. Aucun enfant n'est issu de leur union.
Sur requête en divorce présentée par l'épouse, le Juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille a rendu une ordonnance de non conciliation le 24 février 2005 au terme de laquelle il a notamment constaté que chacune des parties acceptait le principe de la rupture du mariage sans considération de faits à l'origine de celle-ci et ordonné diverses mesures provisoires.
Le Juge a par ailleurs ordonné également une expertise comptable ainsi qu'une expertise immobilière dont il y a lieu d'ores et déjà de relever qu'elles se sont avérées fort peu significatives, eu égard aux carences des parties à répondre aux questions posées par les experts et au fait que les diverses sociétés du couple n'ont pu être précisément estimées.
Le 03 janvier 2006, Richard X... fit assigner son épouse en divorce sur le fondement de l'article 233 du code civil et Viviane A... a alors soulevé l'irrecevabilité de cette assignation "faute de propositions loyales de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux".
A titre subsidiaire, elle a par ailleurs également demandé le prononcé du divorce sur le fondement de l'article 233 du code civil, une prestation compensatoire de 250 000 € ainsi qu'une avance sur communauté de 500 000 €.
Richard X... s'est opposé à de telles prétentions et l'une et l'autre parties ont par ailleurs réclamé une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans le cours de la procédure, Viviane A... avait saisi le conseiller de la mise en état d'une demande tendant à ce que soit d'ores et déjà constatée l'irrecevabilité de l'assignation en divorce signifiée par son époux.
Ce dernier s'était opposé à ses prétentions et par ordonnance du 25 février 2010, le Juge de la mise en état s'est déclaré incompétent.
C'est dans ces conditions que par jugement du 29 septembre 2011, le Juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille a déclaré irrecevable l'assignation en divorce délivrée par Richard X... les 03 et 06 janvier 2006 et condamné celui-ci aux dépens ainsi qu'au paiement à Viviane A... d'une indemnité de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Richard X... a interjeté appel de cette décision le 14 octobre 2011.
Cet appel ayant fait l'objet d'un double enrôlement, les deux procédures qui en ont résulté ont dès lors fait l'objet d'une jonction le 19 avril 2012.
Par ses dernières conclusions signifiées le 05 juin 2012, Richard X... demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter Viviane A... de ses prétentions, de prononcer leur divorce sur le fondement des articles 233 et 234 du code civil avec toutes ses conséquences de droit quant à la publicité et la liquidation de leurs droits patrimoniaux en commettant à cet effet le Président de la chambre des notaires du Nord avec faculté de délégation et de condamner enfin Viviane A... aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
S'agissant de la demande d'avance sur communauté formulée par son épouse, il demande qu'elle soit déclarée irrecevable au double motif que le patrimoine commun certes conséquent est constitué de parts de sociétés et de SCI et ne dispose pas de liquidités suffisantes et que par ailleurs il s'agit de la part de Viviane A... d'une demande nouvellement formulée en cause d'appel.
A l'appui de sa demande tendant à ce que son assignation en divorce soit déclarée recevable, Richard X... fait essentiellement valoir qu'eu égard à la complexité du patrimoine commun dont la valeur est sujette à discussion, il n'était pas en mesure de formuler dans son exploit introductif d'instance une proposition de règlement des intérêts pécuniaires plus détaillée que celle qu'il avait alors formulée.
Il fait valoir par ailleurs qu'en application de l'article 126 du code de procédure civile, une irrecevabilité d'assignation en divorce pour défaut de proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des parties doit être écartée si la cause a disparu au moment où le Juge statue.
Il fait valoir qu'aux termes de conclusions signifiées le 05 janvier 2011, il avait avancé une proposition chiffrée.
Le premier Juge ayant considéré son offre comme insuffisante, il formule en cause d'appel aux termes de ses dernières écritures une proposition qui devrait être selon lui considérée cette fois comme suffisante et qui devrait permettre d'écarter l'irrecevabilité de son exploit introductif d'instance.
Par ses dernière conclusions signifiées le 13 juin 2012, Viviane A... s'oppose aux prétentions de son époux et demande la confirmation pure et simple du jugement déféré ayant déclaré irrecevable l'exploit introductif d'instance délivrée par celui-ci.
A titre subsidiaire, elle demande à la Cour de prononcer le divorce sur le fondement des articles 233 et 234 du code civil et de condamner Richard X... à lui payer une prestation compensatoire provisionnelle de 250 000 € et de lui octroyer une avance sur ses parts et droits dans le cadre des opérations de compte liquidation et partage de 500 000 € en ordonnant par ailleurs l'ouverture des dites opérations devant notaire.
Elle réclame enfin une indemnité de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, Viviane A... se prévaut essentiellement du non respect des dispositions de l'article 257-2 du code civil entraînant la nullité de l'assignation en divorce.
Elle souligne qu'une assignation régulière devait intervenir dans les 30 mois de l'ordonnance de non conciliation sous peine de caducité de celle-ci y compris de ses dispositions relatives à l'autorisation d'assigner.
Elle considère qu'à défaut d'avoir formulé une proposition loyale de règlement dans son assignation, son mari doit se voir opposer l'irrecevabilité de celle-ci dès lors qu'il n'a en aucune manière régularisé une telle proposition avant le 24 août 2007, soit au terme du délai de 30 mois sus-évoqué.
Viviane A... prétend par ailleurs qu'en tout état de cause, son mari a négligé de procéder à une proposition loyale et effective même postérieurement au dit délai de 30 mois.
A titre subsidiaire enfin, Viviane A... fait valoir que si elle-même et son mari dispose en effet d'un patrimoine particulièrement conséquent, elle a été évincé des sociétés et ne bénéficiera que d'une retraite "ridicule".
Que s'agissant de sa demande d'avance sur communauté, elle souligne qu'elle avait déjà formulé une telle demande en première instance.
SUR CE
Attendu qu'au terme de l'article 257-2 du code civil, l'assignation en divorce doit comporter, à peine d'irrecevabilité, une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux ;
Qu'au terme de l'article 1115 alinéa 1 du code de procédure civile, cette proposition contient un descriptif sommaire du patrimoine des époux et précise les intentions du demandeur quant à la liquidation de la communauté ou de l'indivision et quant à la répartition des biens ;
Attendu qu'il est constant que Viviane A... a invoqué l'irrecevabilité de l'exploit introductif d'instance prévue à l'article 257-2 du code civil avant toute défense au fond conformément aux dispositions de l'article 1115 alinéa 3 du code de procédure civile ;
Attendu que l'exigence ainsi posée par l'article 257-2 du code civil issue de la loi du 24 mai 2004 a manifestement pour objectif de favoriser le règlement de toutes les conséquences du divorce concomitamment à son prononcé et particulièrement les éventuels accords quant au partage des biens en intégrant en tant que possible la liquidation du régime matrimonial dans le processus même du divorce ;
Attendu que l'esprit de ce texte et l'intérêt de proposition de règlement qui doit assortir l'assignation en divorce sont bien définis par une circulaire du 23 novembre 2004 qui stipule que "l'objet recherché est, sans retarder à l'excès l'engagement de la procédure, de permettre au Juge d'appréhender, dès ce stade, la réalité de la situation patrimoniale des époux ... la description du patrimoine doit comporter les éléments aussi bien actifs et passifs qui la compose. Elle doit viser les biens communs et indivis des époux mais également les biens propres du demandeur ... le caractère sommaire du descriptif ne doit pas dispenser le demandeur d'une obligation de sincérité, en particulier pour les biens dont il a la connaissance particulière à raison de l'usage qu'il en fait. Cette obligation de sincérité résulte directement du principe de loyauté procédurale ..." ;
Attendu qu'il appartient dès lors au Juge de vérifier si le demandeur a fait loyalement un descriptif même sommaire du patrimoine des époux et s'il a bien précisé ses intentions quant à la liquidation de la communauté ou de l'indivision ;
Attendu que l'assignation en divorce signifiée par Richard X... les 03 et 06 janvier 2006 ne comportent au titre de la proposition de règlement de l'article 257-2 du code civil que l'énumération de 4 sociétés commerciales et de 4 sociétés civiles immobilières ainsi que la simple évocation de comptes courants et d'épargne ;
Que Richard X... indiquait simplement par ailleurs que le patrimoine sera partagé "conformément aux règles de liquidation des régimes matrimoniaux" au vu des rapports d'expertise et de l'état liquidatif qui sera établi par le notaire ;
Attendu que les dites expertises ne dispensaient cependant nullement Richard X... qui avait choisi de délivrer assignation bien avant le terme du délai légal de 30 mois à compter de l'ordonnance de non conciliation, de répondre aux exigences de l'article 257 - 2 du code civil d'autant que sa maîtrise du patrimoine commun fort conséquent devait lui permettre de préciser ses intentions quant à la liquidation et la répartition des biens communs autrement qu'en faisant simplement référence "aux règles de la liquidation des régimes matrimoniaux" ;
Attendu il est vrai qu'au terme de l'article 126 du code de procédure civile, "dans le cas où la situation donnant lieu afin de non recevoir est susceptible d'être régularisé, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le Juge statue ..." ;
Qu'une telle régularisation peut intervenir en cause d'appel ;
Mais attendu que cette règle de portée générale ne peut avoir pour effet de faire obstacle aux dispositions d'ordre public spécifique à la procédure de divorce ;
Qu'au terme de l'article 1113 du code de procédure civile, si l'instance en divorce n'a pas été introduite dans les 30 mois du prononcé de l'ordonnance de non conciliation, toutes ses dispositions sont caduques "y compris l'autorisation d'introduire l'instance" ;
Qu'il y a lieu dès lors de considérer que la régularisation d'une assignation en divorce ne répondant pas comme en l'espèce aux exigences de l'article 257-2 du code civil ne peut être effective que si elle intervient dans le dit délai de 30 mois qui fixe la limite de l'autorisation d'introduire l'instance ;
Que ce délai de 30 mois est arrivé à terme le 24 août 2007, date à laquelle Richard X... n'avait encore formulé aucune proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux au sens des articles 257-2 du code civile et 1115 alinéa 1 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il y a lieu à toute fin de relever que par conclusions du 05 juillet 2010 (soit près de 3 ans après le terme du délai susvisé de 30 mois), Richard X... indique simplement que "pour couper court à toutes contestations il propose que lui soit attribuée l'intégralité des biens communs à charge pour lui de régler à Viviane A... une soulte de 1 € à titre provisionnel outre une somme complémentaire qui sera déterminée par application des règles communes du partage en considération des valeurs déterminées par expertises sous réserve que les parties en aient accepté les conclusions ... " ;
Que ce n'est qu'aux termes de ses ultimes conclusions d'appel sus-évoquées du 05 juin 2012 que Richard X... formule enfin et beaucoup trop tardivement une proposition sensiblement plus sérieuse ;
Attendu dans ces conditions que c'est à bon droit que le premier Juge a déclaré irrecevable l'assignation en date des 03 et 06 janvier 2006 délivrée par Richard X... et a condamné celui-ci aux dépens ;
Que c'est à bon droit également que le premier Juge a condamné Richard X... à payer à son épouse une indemnité de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en déboutant par ailleurs celui-ci de sa propre réclamation de ce chef ;
Qu'il convient donc de confirmer purement et simplement le jugement entrepris ;
Attendu qu'échouant en son recours, Richard X... doit être condamné aux dépens d'appel ;
Qu'il serait inéquitable par ailleurs de laisser à la charge de Viviane A... la totalité des frais irrépétibles exposés par elle en cause d'appel et qu'il convient de condamner Richard X... à lui payer de ce chef une indemnité de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré du 29 septembre 2011 ;
Condamne Richard X... à payer à Viviane A... une indemnité de 1 500 € au titre des frais irrépétibles exposés par elle en cause d'appel ;
Condamne encore Richard X... aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Bernard FRANCHI avocat aux offres de droit.
Le Greffier, Le Président,
D. PRZYBYLSKI C. GAUDINO