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13/09/2012 | FRANCE | N°11/03704

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 13 septembre 2012, 11/03704


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 13/09/2012



***



N° de MINUTE :

N° RG : 11/03704



Ordonnance de référé (N° 2010/222)

rendue le 17 Mai 2011

par le Tribunal de Commerce d'ARRAS



REF : SD/CL





APPELANTE



SARL ATS NORD

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse

2]

[Localité 3]



Représentée par Me LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI constitué aux lieu et place de la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR anciens avoués

Assistée de Me Philippe BAZIN, avocat au barreau de ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 13/09/2012

***

N° de MINUTE :

N° RG : 11/03704

Ordonnance de référé (N° 2010/222)

rendue le 17 Mai 2011

par le Tribunal de Commerce d'ARRAS

REF : SD/CL

APPELANTE

SARL ATS NORD

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI constitué aux lieu et place de la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR anciens avoués

Assistée de Me Philippe BAZIN, avocat au barreau de ROUEN,

INTIMÉE

Société TAXICOLIS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 8]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie-helene LAURENT, avocat au barreau de DOUAI constituée aux lieu et place de la SCP THERY LAURENT anciens avoués

Assistée de Me Frédéric SCHNEIDER du Barreau de PARIS

DÉBATS à l'audience publique du 13 Juin 2012 tenue par Sandrine DELATTRE magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Françoise RIGOT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine PARENTY, Président de chambre

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

Sandrine DELATTRE, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Françoise RIGOT, adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu l'ordonnance de référé contradictoire du 17 mai 2011 du président du tribunal de commerce d'Arras, rejetant la demande de rétractation présentée par la société ATS NORD, d'une précédente ordonnance de référé en date du 25 novembre 2010, autorisant la société TAXICOLIS à saisir un huissier aux fins de procéder à des constatations dans les locaux de la société ATS NORD relatives à des faits de concurrence déloyale et de parasitisme, et autorisant la communication des pièces recueillies par l'huissier, la société ATS NORD étant en outre condamnée à payer à la société TAXICOLIS la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu l'appel interjeté le 26 mai 2011 par la société ATS NORD ;

Vu l'ordonnance du 30 novembre 2011du conseiller de la mise en état, rejetant la demande incidente de la société ATS NORD visant principalement à ce que soit déclaré irrecevable l'ensemble des écritures et pièces signifiées le 16 août 2011 par la société TAXICOLIS, rejetant le demande reconventionnelle en dommages-intérêts de la société TAXICOLIS, et condamnant la société ATS NORD aux frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens;

Vu les conclusions déposées pour la société à responsabilité limitée (SARL) ATS NORD le 19 mars 2012 ;

Vu les conclusions déposées par la société par actions simplifiée (SAS)TAXICOLIS le 7 février 2012

La société ATS NORD a interjeté appel aux fins d'infirmation de l'ordonnance entreprise, et demande à la cour d'annuler la requête pour vice de forme faisant grief, en vertu des articles 114 et 494 du code de procédure civile, de dire que l'ordonnance du 25 novembre 2010 n'est pas motivée, ce qui constitue une nullité pour vice de forme, de dire que l'ordonnance du 25 novembre 2010 excède les limites posées par les articles 143 et 249 du code de procédure civile, l'huissier ayant non une mission de constat mais une mission d'inquisition dans un périmètre indéterminé, de dire que la société TAXICOLIS a dénaturé les faits en invoquant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, pour justifier son recours à l'article 875 du code de procédure civile relative aux ordonnances sur requête, de se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de communication du procès-verbal intégral de l'huissier et des pièces saisies le 9 décembre 2010, le juge saisi en référé sur le fondement de l'article 497 du code de procédure civile ayant une compétence limitée à la modification ou à la rétractation de l'ordonnance critiquée, à titre reconventionnel, de condamner la société TAXICOLIS au paiement d'une provision de dommages-intérêts de 100 000 euros pour abus d'ester en justice faisant grief outre une somme de 8000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La société TAXICOLIS sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée, et demande à la cour de débouter la société ATS NORD de sa demande de dommages-intérêts outre sa condamnation aux dépens et à lui payer une somme de 12 000 euros pour la couverture de ses frais irrépétibles.;

En 2008, la société TAXOCOLIS, ancienne filiale de la société CHRONOPOST appartenant au groupe LA POSTE, ayant pour activité le transport urgent, était rachetée par le groupe FLASH EUROPE ;

Le groupe ATS, dont la société mère est la société ATOUTS SERVICES, comprend les sociétés ATS NORD, COLIS EXPRESS, ATS DEVELOPPEMENT et PRESTATEK;

La société ATS NORD, créée en 2004, a pour activité le fret de transport routier, la messagerie express et les activités de stockage et de logistique ;

Le 27 juin 2009, monsieur [I] quittait la société TAXICOLIS, dans le cadre d'une rupture conventionnelle, pour rejoindre le groupe ATS

Entre les mois de septembre et novembre 2009, messieurs [O], [E], [W] et [K], démissionnaient de leurs fonctions salariées au sein de la société TAXICOLIS pour rejoindre le groupe ATS ;

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 1er décembre 2009 la société TAXICOLIS adressait une mise en garde à monsieur [K] ;

Par courriers recommandés du 28 octobre 2010, la société TAXICOLIS mettait les sociétés ATS et ATS NORD, ainsi que ses anciens salariés, en demeure de cesser sans délai tout agissement parasitaire et déloyal ;

La société TAXICOLIS saisissait sur requête, le président du tribunal de commerce d'Arras, qui rendait une ordonnance le 25 novembre 2010, désignant la SCP BARBRY NANIN BARBET BUE, huissiers de justice à Lens, assisté de [V] [D], expert près la cour d'appel, aux fins notamment de :

- se rendre au siège social de la société ATS NORD, ou en tout autre lieu où serait assurée la gestion administrative et/ou l'exploitation de ladite société,

- relever s'il existe dans cette société des relations contractuelles constantes et suivies avec chacun des clients suivants avant 2009, sur 3 années d'antériorité : RENAULT, SAFRAN, VALEO, MECAPLAST, CONTINENTAL, TOTAL,

- relever, dans le cas où ces relations contractuelles n'existeraient que depuis 2009, et se faire communiquer, tout document de nature à établir le cas échéant l'origine de cette relation (devis, acomptes, échanges de mails, fax, courriers, contrats, etc...), entre la société ATS et chacun des clients listés, ainsi qu'entre les sociétés ATS et ATS NORD, et relever le chiffre d'affaires réalisé par la société ATS avec chacun des clients,

- du tout dresser procès-verbal de constat qui sera remis à la requérante en dressant uniquement la liste des éléments, documents, fichiers informatiques, courriers électroniques obtenus ;

Un pré procès verbal des éléments consignés était dressé le 9 décembre 2010 ;

Par acte d'huissier de justice du 22 décembre 2010, la société TAXICOLIS assignait la société ATS NORD devant le président du tribunal de commerce d'Arras, statuant en la forme des référés, aux fins de rétractation de l'ordonnance du 25 novembre 2010, procédure qui donnait lieu à l'ordonnance déférée ;

Pour contester ladite ordonnance la société ATS NORD expose que la requête présentée par la société TAXICOLIS est nulle en ce qu'elle ne contient pas l'indication précise des pièces fondant la demande, dans le corps de la requête, et porte en cela atteinte aux droits de la défense;

Elle soutient par ailleurs que l'ordonnance du 25 novembre 2010 doit être rétractée pour défaut de motivation, en violation des articles 495 et 455 alinea 1 du code de procédure civile, sanctionné par la nullité, et du fait du caractère inquisitorial de la mission confiée à l'huissier qui n'a pas été limitée, notamment d'un point de vue territorial, ni suffisamment précisée ; elle indique qu'en vertu de l'article 495 du code de procédure civile, un constat au sein d'une autre filiale du groupe ATS, ou sur l'ordinateur d'un salarié, ne peut avoir lieu que si l'ordonnance est signifiée à cette personne morale ou à ce salarié ; en l'espèce, aucune copie n'a été remise à la société ATOUTS SERVICES (ATS), à monsieur [I] et à monsieur [K], pourtant visés dans la requête ;

La société ATS NORD affirme que les conditions de l'article 875 du code de procédure civile, relatif aux ordonnances sur requête devant le tribunal de commerce, n'étaient pas réunies, les motifs tirés d'une prétendue concurrence déloyale n'étant pas valables, à défaut d'éléments chiffrés, de lien de causalité entre la baisse du chiffre d'affaires et l'embauche d'anciens salariés par la société ATS NORD, d'actes de parasitisme de sa part, d'actes déloyaux de la part des anciens salariés de la société TAXICOLIS, et de débauchage fautif ;

Elle explique par ailleurs que le juge de la rétractation n'est pas compétent pour ordonner la communication du procès verbal intégral de l'huissier, sa mission étant limitée à la modification ou à la rétractation de son ordonnance, dans le cadre d'un débat contradictoire, en vertu de l'article 497 du code de procédure civile ; elle indique que le seul objectif de la société TAXICOLIS était d'obtenir des informations confidentielles et que l'ensemble des éléments justifie sa demande de dommages-intérêts ;

En réponse, la société TAXICOLIS, prétend que sa requête est valable, la liste des pièces invoquées ayant été incorporée à la requête tandis qu'il n'y a aucune obligation de visa des pièces dans le corps de la requête, lesdites pièces ayant été communiquées au président, et la société ATS NORD, qui a pu exercer un recours, n'établissant aucun grief ; elle ajoute que le défaut de communication de la liste des pièces est sanctionnée par l'irrecevabilité de la requête et non sa nullité ;

De même, l'ordonnance du 25 novembre 2010 est parfaitement valable , le président ayant visé la requête et les pièces, pour enfin en adopter les motifs ;

S'agissant de la mission de l'huissier, elle est précise et limitée à la seule mission confiée, l'extension géographique, demeurée inutilisée, se justifiant par le fait que la société ATS NORD est une filiale de la société ATOUTS SERVICES (ATS), holding du groupe ATS, ; l'ordonnance n'avait par ailleurs pas à être signifiée à messieurs [I], [K], les actes de concurrence déloyale étant reprochés à la société ATS NORD, tandis qu'ils sont les salariés d'ATS et vecteurs des informations détournées ;

Elle conteste le fait que le procès verbal de constat confirme que l'huissier se serait livré à une perquisition civile, les moyens autorisés étant proportionnés à l'objectif poursuivi ; l'objectif était la conservation de preuves relatives au lien existant entre l'embauche de sept anciens salariés de la société TAXICOLIS, la nouvelle stratégie du groupe ATS et la stagnation du chiffre d'affaires réalisé ;

Elle soutient que le président du tribunal de commerce devait juger des mérites de la requête sans avoir à se prononcer sur les arguments relatifs à la concurrence déloyale, réservés au juge du fond, ce qu'il a fait dans la mesure où elle a établi, par ses pièces, qu'elle avait de sérieux soupçons sur la commission d'actes de concurrence déloyale par la société ATS NORD à son égard, et que le recours à une procédure contradictoire aurait permis à cette dernière de supprimer des éléments de preuve ;

Elle prétend que le procès verbal du 9 décembre 2010 devait être communiqué pour faire respecter le contradictoire, et que cette demande de communication étant une demande reconventionnelle, elle était recevable ; elle rappelle que le juge de la mise en état a refusé la communication des pièces demandées par la société ATS NORD et que le débat est clos sur ce sujet ;

Elle insiste sur le fait que la société ATS NORD poursuit ses agissements, et qu'au vu de tout cela sa demande de dommages-intérêts n'est pas sérieuse ;

SUR CE

Sur l'exception de nullité tirée de l'absence de motivation de l'ordonnance rendue sur requête le 25 novembre 2010

La société ATS NORD soutient que l'ordonnance du 25 novembre 2010 serait nulle pour défaut de motivation ;

Néanmoins, le président du tribunal de commerce d'Arras, en rendant son ordonnance au pied de la requête, en la visant, en a manifestement adopté les motifs, satisfaisant ainsi à l'obligation de motivation prévue à l'article 495 du code de procédure civile ;

La société ATS NORD a ensuite pu disposer de l'ensemble des éléments nécessaires pour exercer son recours et faire valoir son argumentation en défense ;

Ainsi, l'exception de nullité soulevée par la société ATS NORD sera rejetée, et l'ordonnance déférée confirmée de ce chef ;

Sur le moyen tiré du défaut d'indication précise des pièces dans la requête

Contrairement à ce qu'affirme la société ATS NORD, l'indication précise des pièces invoquées, destinées à assurer le respect du contradictoire, ne compte pas parmi les causes de nullité de la requête prévues à l'article 58 du code de procédure civile, mais constitue une condition de sa recevabilité ;

L'article 494 du code de procédure civile disposant que la requête doit comporter l'indication précise des pièces invoquées, il n'en résulte aucune exigence de visa des pièces dans les motifs de la requête ;

En l'espèce, la requête déposée par la société TAXICOLIS mentionne de façon précise, en page 13, les 39 pièces qu'elle invoque à l'appui de sa demande ;

Dans ces conditions, la requête de la société TAXICOLIS est parfaitement recevable, l'ordonnance déférée devant être confirmée de ce chef ;

Sur les conditions des pouvoirs du juge des requêtes

Lorsque le président du tribunal de commerce intervient sur requête, il est tenu en vertu de l'article 875 du code de procédure civile, de constater, non seulement que les circonstances exigent que les mesures ne soient pas prises contradictoirement, mais encore que les mesures demandées soient urgentes ;

En outre, lorsqu'une mesure d'instruction est sollicitée, ce qui est le cas en l'espèce, il doit également, sans se prononcer sur le fond, vérifier s'il existe un motif légitime d'établir, avant tout procès, la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ;

Aux termes de sa requête, la société TAXICOLIS estime qu'avant tout contentieux, il est indispensable de faire constater que les sociétés ATS et ATS NORD ont développé à son encontre un arsenal d'attaques déloyales consistant en une reproduction de ses plaquettes commerciales, entraînant une confusion dans l'esprit de la clientèle, en usurpant son identité commerciale, en débauchant sept de ses principaux salariés affectés aux grands comptes 'Automotive Industrie', en tentant à plusieurs reprises de débaucher d'autres salariés et d'obtenir des informations pour adopter son modèle économique et son savoir faire, détournant ainsi plus de 1 000 000 euros de chiffre d'affaires en moins d'une année ;

Les pièces qu'elle produit aux débats, notamment les contrats de travail, établissent l'existence d'un motif légitime justifiant sa requête ; en effet, la société TAXICOLIS rapporte la preuve que six de ses anciens salariés, la plupart liés par une clause de confidentialité et occupant des postes de directeurs marketing ou de responsables des grands comptes, ont démissionné ou quitté l'entreprise à la suite d'une rupture conventionnelle en 2009, et ont été embauchés par la société ATS entre juin et décembre 2009, avec possibilité de mutation au sein de la société ATS NORD, tandis que les deux sociétés exercent des activités en concurrence ;

En outre, il résulte d'une attestation du 23 novembre 2010 du cabinet FIDUGEC, commissaire aux comptes, que le chiffre d'affaires de la société TAXICOLIS a stagné en 2009, et même baissé pour certains grands comptes ;

Pour éviter la disparition des documents recherchés en vue d'établir d'éventuels faits de concurrence déloyale, il était indispensable de ne pas appeler à la procédure la partie à laquelle ces faits pouvaient être imputés ;

Enfin, il y avait urgence à recourir à une telle procédure, un retard dans la prescription de la mesure sollicitée pouvant être préjudiciable aux intérêts économiques et financiers de la société TAXICOLIS ;

Il en résulte que, les conditions exigées par les articles 875 et 145 du code de procédure civile étant manifestement réunies, le premier juge a légitimement statué sur requête ;

Sur la mission confiée à l'huissier de justice par l'ordonnance du 25 novembre 2010

Si toute personne peut, par application de l'article 145 du code de procédure civile, solliciter des mesures d'instruction, dés lors qu'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir, avant tout procès, la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, encore faut-il qu'elles soient légalement admissibles ;

Le secret des affaires ne constitue pas en soi un obstacle à toute constatation judiciaire, mais il n'autorise d'autres mesures que celles strictement nécessaires à l'établissement de faits précis dont la preuve est recherchée;

Or, la société TAXICOLIS ne se contente pas de demander des mesures clairement identifiées et déterminées ; en effet, indépendamment de celles-ci qui visent cinq clients, elle a aussi sollicité, et obtenu que l'huissier soit habilité à se rendre 'en tout autre lieu où serait assurée la gestion administrative et/ou l'exploitation de ladite société [ATS NORD], y compris hors de sa compétence territoriale', à 'se faire communiquer, tout document de nature à établir le cas échéant l'origine de cette relation (devis, acomptes, échanges de mails, fax, courriers, contrats, etc...), entre la société ATS et chacun des clients listés', à 'avoir accès à l'ensemble des serveurs et postes informatiques se trouvant sur place', à 'avoir accès à tous supports externes et internes de données informatiques ou documents susceptibles de contenir lesdits fichiers, listings ou courriels aux fins d'y rechercher les éléments nécessaires au bon accomplissement de sa mission', à 'prendre des photographies et/ou des copies sur support papier et/ou informatique des éléments identifiés', à 'effectuer des copies complètes des disques magnétiques et autres supports de données associés aux dits moyens, après avoir restauré si possible les données qui auraient été déplacées ou effacées pour s'assurer de l'exhaustivité des éléments copiés pour les besoins de la présente mesure', et 'en cas de nécessité, à procéder ou à faire procéder, postérieurement à l'appréhension des éléments s'il s'avérait que le tri ne puisse être effectué sur place' ;

En outre, ladite ordonnance n'a été signifiée qu'à la société ATS NORD, alors que la mission conférée à l'huissier de justice concerne plus largement la société ATS, messieurs [K] et [I], salariés de cette dernière, ce qui constitue une atteinte aux droits de la défense ;

Fort de cette ordonnance, et investi de ces différentes missions, l'huissier de justice est intervenu au sein de la société ATS NORD le 9 décembre 2010, ses opérations ayant donné lieu à la saisie de documents et à l'établissement d'un pré procès verbal de constat le même jour ;

L'huissier de justice a ainsi été chargé non d'une simple mission de constat strictement déterminée, mais d'une mission générale d'investigation et d'un pouvoir d'enquête qui, non seulement excèdent manifestement les prévisions et limites de l'article 145 du code de procédure civile, mais sont constitutifs d'une immixtion au sein de la société ATS NORD susceptible de gêner son fonctionnement ;

Dans ces conditions, le non respect des droits de la défense de la société ATS, ainsi que l'autorisation donnée à l'huissier de justice d'exécuter une mission générale excédant manifestement les limites et prévisions de l'article 145 du code de procédure civile justifient d'infirmer l'ordonnance entreprise, de rétracter l'ordonnance du 25 novembre 2010 critiquée, d'annuler la procédure subséquente poursuivie en exécution de l'ordonnance rétractée et notamment le pré rapport du 9 décembre 2010, les différents éléments saisis et notamment les documents, photographies, supports, matériels informatiques, copiés, reproduits ou produits à l'occasion de l'exécution de l'ordonnance sur requête, devant être remis à la société ATS NORD;

Sur la demande de communication de l'intégralité des pièces copiées et du procès-verbal

L'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure d'instruction, comme en l'espèce, ayant pour seul objet de soumettre dans le cadre d'un débat contradictoire, les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet;

Dés lors est irrecevable la demande de la société TAXICOLIS tendant à la production de pièces et procès verbal, qui, n'ayant pas été présentée au juge des requêtes, est soumise pour la première fois au juge de la rétractation, et qui, de surcroît, porte sur des éléments saisis et établis en exécution de l'ordonnance rétractée ;

En conséquence, l'ordonnance déférée sera infirmée en ce quelle a autorisé la communication des pièces recueillies par l'huissier ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de la société ATS NORD

La société ATS NORD estime que la procédure diligentée par la société TAXICOLIS est abusive, n'ayant d'autre fin que de violer le secret des affaires et de lui nuire;

Néanmoins, ils n'établissent aucun acte de malice ou de mauvaise foi, ni dol de la part de la société TAXICOLIS, tandis que l'appréciation inexacte par cette dernière de ses droits , n'est pas en soi constitutif d'une faute ;

En outre, la procédure critiquée est mise à néant par la rétractation de l'ordonnance du 25 novembre 2010, l'annulation de la procédure subséquente et la remise de l'ensemble des éléments saisis ;

Dans ces conditions, la demande de dommages-intérêts de la société ATS NORD sera rejetée ;

La société TAXICOLIS qui succombe sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société ATS NORD les frais exposés par elle en première instance et cause d'appel et non compris dans les dépens; il lui sera alloué la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS 

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l' exception de nullité et la fin de non recevoir élevées par la société ATS NORD,

Infirme l'ordonnance entreprise en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

Rétracte l'ordonnance sur requête du 25 novembre 2010,

Prononce la nullité de la procédure subséquente poursuivie en exécution de l'ordonnance rétractée, et notamment le pré rapport du 9 décembre 2010,

Ordonne la remise à la société ATS NORD des différents documents, supports, matériels informatiques remis, copiés, reproduits ou produits à l'occasion de l'exécution de l'ordonnance sur requête rétractée,

Déclare irrecevable la demande de communication de pièces formulée par la société TAXICOLIS ,

Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formulée par la société ATS NORD,

Rejette la demande de la société TAXICOLIS, fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société TAXICOLIS à payer à la société ATS NORD la somme de 6000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne la société TAXICOLIS aux dépens de première instance et d'appel;

Le GreffierLe Président

Françoise RIGOTChristine PARENTY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 11/03704
Date de la décision : 13/09/2012

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°11/03704 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-13;11.03704 ?
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