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31/05/2012 | FRANCE | N°11/05993

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 7 section 2, 31 mai 2012, 11/05993


République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 2
ARRÊT DU 31/ 05/ 2012

***
No MINUTE : 12/ 465
No RG : 11/ 05993
Ordonnance (No 09/ 02428)
rendue le 02 Août 2011
par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER

REF : CG/ LL

APPELANTE
Madame Solveig X...
née le 12 Juin 1975 à BOULOGNE SUR MER (62)
demeurant ...

assistée de la SCP CARLIER-REGNIER, avocats postulants au barreau de DOUAI et de Me Catherine BOURGAIN PRADES, avocat plaidant au barreau de BOULOGNE-SU

R-MER

INTIMÉ
Monsieur Bertrand A...
né le 30 Août 1969 à BOULOGNE SUR MER (62)
demeurant ...

assisté de la SELAR...

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 2
ARRÊT DU 31/ 05/ 2012

***
No MINUTE : 12/ 465
No RG : 11/ 05993
Ordonnance (No 09/ 02428)
rendue le 02 Août 2011
par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER

REF : CG/ LL

APPELANTE
Madame Solveig X...
née le 12 Juin 1975 à BOULOGNE SUR MER (62)
demeurant ...

assistée de la SCP CARLIER-REGNIER, avocats postulants au barreau de DOUAI et de Me Catherine BOURGAIN PRADES, avocat plaidant au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

INTIMÉ
Monsieur Bertrand A...
né le 30 Août 1969 à BOULOGNE SUR MER (62)
demeurant ...

assisté de la SELARL Eric LAFORCE, avocats postulants au barreau de DOUAI et de Me Pauline PERDIEU, avocat plaidant au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 29 Mars 2012, tenue par Chantal GAUDINO magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Danielle PRZYBYLSKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Chantal GAUDINO, Président de chambre
Hervé ANSSENS, Conseiller
Yves BENHAMOU, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé, en Chambre du Conseil, par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2012 après prorogation du délibéré en date du 10 mai 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Chantal GAUDINO, Président et Danielle PRZYBYLSKI, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Bertrand A...et Solveig X...ont contracté mariage le 30 août 2003 par devant l'Officier d'Etat Civil de la commune de Bellebrune (Pas de Calais), après contrat passé par devant Maître Bruno E..., notaire à Desvres.

De cette union sont issus quatre enfants mineurs.

Dans l'instance en divorce introduite par Solveig X..., le juge aux affaires familiales de Boulogne sur Mer a, par ordonnance de non conciliation en date du 2 novembre 2009, constaté que les époux, chacun assisté de son conseil, avaient accepté le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci, suivant procès-verbal annexé à ladite ordonnance, et statué sur les mesures provisoires utiles, à savoir :
- attribué à l'épouse la jouissance du domicile conjugal à titre gratuit
-attribué à chacun des époux la jouissance d'un véhicule automobile
-dit que le mari assumerait provisoirement le règlement des crédits immobiliers et automobile
-fixé à la somme de 800 € la pension alimentaire due par le mari à l'épouse au titre du devoir de secours
-désigné Maître Bruno E..., notaire, en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial
-rappelé que les parents exerçaient en commun l'autorité parentale à l'égard de leurs enfants
-fixé la résidence des enfants au domicile maternel
-accordé au père un droit de visite et d'hébergement classique
-fixé à la somme de 400 €, la part contributive du père à l'entretien et l'éducation de chacun de ses enfants, soit 1600 €.

Par acte d'huissier du 5 mai 2010, Bertrand A...a assigné son épouse en divorce sur le fondement des articles 233 et 234 du Code Civil.

Sur avenir d'audience, Bertrand A...a sollicité du juge de la mise en état la suppression de la pension alimentaire due à l'épouse au titre du devoir de secours, au motif que Solveig X...partagerait ses charges avec une personne qui a des revenus très confortables.

Solveig X...s'est opposée à la demande, et reconventionnellement a sollicité l'augmentation de la pension alimentaire à la somme de 1800 €, et de la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants à celle de 650 € par enfant.

Par ordonnance du 2 août 2011, le juge de la mise en état a supprimé la pension alimentaire servie jusque là à l'épouse, et débouté cette dernière de ses demandes reconventionnelles.

Solveig X...a formé appel de cette décision par déclaration au greffe de la Cour d'Appel de céans en date du 22 août 2011. Bertrand A...a constitué avoué le 14 septembre 2011.

Dans ses conclusions du 29 mars 2012, Solveig X...procède à une comparaison de la situation financière des parties. Elle s'étonne de la concommitance de la diminution des revenus professionnels de son mari avec la procédure de divorce. C'est de façon volontaire que ce dernier a réduit son activité en septembre 2011, en s'associant ce qui lui permet de dégager du temps libre pour chasser en France et au Sénégal.

Elle rappelle que son mari bénéficie de revenus fonciers et de plus, il est payé régulièrement en espèce par certains locataires.

Elle même réfute le fait qu'elle travaillerait dans l'entreprise Aminci-Energie. Elle est porteuse de parts dans cette société dont son frère est le gérant. En 2010, cette société lui a distribué 8170 € de dividendes, et en 2011, 28 506 €, mais elle n'en recevra pas en 2012.

Elle reconnaît qu'elle a entretenu une relation avec un certain Monsieur F..., qui pendant la durée de leur liaison, a mis à sa disposition et celle de ses quatre enfants la maison sise à Neufchâtel ainsi que l'un de ses véhicules. Cependant, depuis le mois de février 2012, cette liaison a pris fin. Elle s'est organisée pour s'installer à Wimereux, dans une maison appartenant à ses propres parents. Son mari quant à lui vit avec une personne qui travaille.

Le couple avait envisagé de vendre le domicile conjugal, mais Bertrand A...ne s'est pas présenté lors de la signature du compromis. Dans l'attente de la signature des documents par le mari, elle a loué ce bien aux futurs acquéreurs, moyennant un loyer de 600 €.

Elle souligne le fait que les quatre enfants ont toujours été habitués à un niveau de vie plus que confortable, induisant des activités extra-scolaires coûteuses (équitation, piano), des cours de soutien, et frais de scooter.

En conséquence, elle réitère ses demandes initiales, à savoir porter la pension alimentaire à la somme de 1800 €, et fixer la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants à la somme de 650 €/ enfant. Bertrand A...sera condamné à lui payer la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles, et sera tenu aux dépens de première instance et d'appel.

Par écritures du 23 janvier 2012, Bertrand A...fait valoir qu'il a déclaré en 2009, un revenu annuel de 84 109 € soit un revenu mensuel moyen de 7009. 08 €, au titre de son activité de kinésithérapeute.

Il assume depuis l'ordonnance de non conciliation l'ensemble des prêts immobiliers grevant les immeubles indivis (au nombre de trois) acquis sous le régime de la loi DE ROBIEN. Le montant des loyers ne couvre pas les prêts immobiliers contractés. Il assume également le règlement d'un crédit immobilier relatif à un immeuble commun sis à Boulogne sur Mer et là encore le montant du crédit est supérieur aux loyers perçus. Enfin, il prend en charge les frais liés au domicile conjugal.

En 2010, son revenu professionnel a chuté à la somme de 58 344 €, et ses revenus fonciers se sont établis à celle de 6300 € de sorte que son revenu mensuel se montait à 5388. 67 €. Il soutient déclarer la totalité des loyers perçus.

Il évalue ses charges à 8881 €/ mois, soit donc une somme supérieure à ses revenus.
Il impute à l'épouse le refus de signer le mandat de vente de l'immeuble indivis de Boulogne sur Mer.

Il soutient que son épouse travaille dans une entreprise familiale qu'elle a contribué à créer, et qui a ouvert à ce jour quatorze centres de kinésiominceur. Elle ne partage pas ses charges avec Christophe F..., dont l'entreprise a dégagé en 2009, un résultat de 1 008 000 €. Le couple mène un train de vie plus que confortable.

Il demande à la Cour de confirmer la décision entreprise dans l'ensemble de ses dispositions et Solveig X...sera condamnée à lui payer la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le jour de l'audience.

La Cour a demandé à l'audience à l'intimé de produire en cours de délibéré sa déclaration spéciale des revenus fonciers de l'année 2010. Bertrand A...a déféré à l'invite le 3 avril 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée. Aucun élément n'est fourni à la Cour lui permettant de relever d'office la fin de non recevoir tirée de l'inobservation du délai de recours. L'appel sera déclaré recevable.

Au fond

Il résulte de la combinaison des articles 771, 1073 et 1118 du Code de Procédure Civile, qu'en cas de survenance d'un fait nouveau, le Juge aux affaires familiales peut modifier les mesures provisoires qu'il avait prescrites.

Il convient donc de procéder à la comparaison de la situation financière des parties entre le moment de leur comparution devant le magistrat conciliateur et la demande de suppression de la pension alimentaire introduite devant le juge de la mise en état par le mari. Par ailleurs, de par l'effet dévolutif de l'appel, la Cour doit prendre en compte les modifications survenues jusqu'au prononcé de l'ordonnance de clôture.

Il sera en préliminaire relevé qu'aucune des parties n'ayant jugé utile de produire aux débats l'ordonnance de non conciliation, les seules indications sur la situation financière des parties contemporaine de la comparution des époux devant le magistrat conciliateur sont connues de la Cour par l'ordonnance du juge de la mise en état qui note " l'époux percevait en moyenne 6700 €/ mois et l'épouse 1000 €/ mois, outre les prestations de la Caisse d'allocations familiales ".

La situation se présente désormais comme suit.

Solveig X...est porteuse de 75 parts de la société Aminci Energie dont l'objet est l'amincissement, le bien être, le conseil alimentaire et la vente de produits dérivés en rapport avec la licence. Son frère est le gérant de cette société. L'expert comptable de cette société atteste qu'elle ne perçoit aucun revenu ni en tant que salariée, ni en tant que gérante ou prestataire de service. En revanche, elle s'est vue servir par la société des dividendes qui se sont élevés en 2010 à la somme de 8178 €, puis en 2011, à celle de 28 506 €. Il sera remarqué la forte progression des résultats de la société entre 2009 et 2010, le résultat d'exploitation passant de 24 085 € à 86 430 €, et le bénéfice de 16 639 €, à 64 608 € (une coupure de l'Indépendant du 19 février 2010 fait état de l'ouverture de 6 nouveaux centres)
Le cabinet Fabritius atteste que le gérant de la société n'envisage aucune distribution de dividendes en 2012, sans qu'aucune explication ne soit donnée à cette éventuelle décision et qu'aucun bilan ne soit produit qui permettrait d'apprécier le bien fondé de cette assertion.

Quoi qu'elle n'en dise rien, Solveig X...perçoit nécessairement des prestations familiales, vu qu'aucun enfant n'a atteint encore l'âge de 20 ans.

Elle s'était vue attribuer la jouissance à titre gratuit du domicile conjugal. Elle n'occupe pas ce bien et le loue depuis le mois de février 2011, pour la somme de 600 € à une personne qui souhaitait l'acquérir. Mais la vente n'a pas abouti du fait d'une volte-face du mari. Pour titrer le futur acquéreur, un bail de location a été consenti à un prix inférieur à celui qui pourrait être exigé (attestation de Maître E...qui certifie en décembre 2011, que l'immeuble d'une surface de 11 975m2 pourrait être loué entre 800 et 900 €).

Elle vit en concubinage avec une personne qui l'héberge dans une maison de grand standing, d'après les photographies versées aux débats par Bertrand A.... Cette liaison aurait pris fin en février 2012, sans que cela change le quotidien de Solveig X...qui s'est vue laisser la libre disposition de ce logement jusqu'à la fin de l'année scolaire (attestation de Christophe F...du 28 février 2012), et qui sera par la suite hébergée dans un logement appartenant à sa famille.

Bertrand A...exerce la profession de kinésithérapeute. Pour 2009, il a déclaré au titre des bénéfices non commerciaux 84 106 € soit 7008 €/ mois, pour 2010, 58 344 €, soit 4862 €. Il ne donne aucune explication sur cette baisse importante des revenus cette année là, alors même qu'il est de notoriété publique que la profession de kinésithérapeutes est en pleine expansion. Solveig X...avance le fait qu'il se serait associé avec une autre praticienne, mais ce fait n'est intervenu qu'en septembre 2011. Les revenus de 2011 ne sont pas communiqués.

Outre les revenus professionnels, il perçoit les revenus fonciers des immeubles que possède le couple. Ces immeubles sont au nombre de cinq.

Trois d'entre eux (à Laon, Amiens et Denain) ayant été acquis dans un but de défiscalisation (selon le dispositif De Robien), ils produisent un déficit foncier et lui procurent donc un avantage fiscal qu'il ne chiffre pas.

Les autres immeubles dégagent des bénéfices fonciers (en 2010, la déclaration 2044 spéciale fait ressortir la somme de 6320 €), peut être d'ailleurs plus qu'ils ne sont déclarés au fisc, dans la mesure où certains locataires ont, sur interpellation d'un huissier de justice, affirmé régler le loyer en espèces directement entre les mains du propriétaire. Bertrand A...règle les mensualités des crédits qui grèvent les immeubles, et ne fait part d'aucune difficulté pour les assumer.

Bertrand A...vit avec une autre personne sur la fortune de laquelle n'est fournie aucune indication.

Chacune des parties fait valoir à l'encontre de l'autre un train de vie sans commune mesure avec les revenus déclarés, mais les assertions relèvent de pures allégations.

Les enfants du couple sont désormais âgés de 15, 13, 7 et 6 ans. La mère avance à leur sujet des frais coûteux, liés au train de vie du couple avant la séparation, mais qui ne sont pas de première nécessité.

Les éléments ci-dessus démontrent que les parties ne sont guère transparentes sur leurs véritables conditions de vie. La chute des revenus de Bertrand A...apparaît suspecte, en tout cas inexpliquée. Il est indéniable cependant que la situation de Solveig X...s'est améliorée du fait de la location du bien commun.

En conséquence, il convient, non de supprimer la pension alimentaire due à l'épouse mais de la réduire à la somme de 500 €, et de confirmer la décision du premier juge qui a débouté Solveig X...de ses demandes d'augmentation de la pension alimentaire et de la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants.

Les dépens

Chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, les dépens seront partagés par moitié.

Aucune considération d'équité ne commande en l'espèce l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en chambre du conseil, contradictoirement, après débats hors la présence du public

En la forme

Reçoit l'appel

Au fond

Infirme la décision du juge de la mise en état sur la pension alimentaire,

Et statuant à nouveau,

Dit qu'à compter de la date de dépôt des conclusions d'incident, la pension alimentaire due par le mari à l'épouse au titre du devoir de secours est diminuée à la somme de 500 €, avec indexation selon les modalités prévues par l'ordonnance de non conciliation,

Confirme pour le surplus,

Déboute chacune des parties de sa demande d'application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Fait masse des dépens qui seront partagés par moitié et distraits au profit des avocats constitués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

D. PRZYSBYLSKIC. GAUDINO


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 7 section 2
Numéro d'arrêt : 11/05993
Date de la décision : 31/05/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2012-05-31;11.05993 ?
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