République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 24/05/2012
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N° de MINUTE :
N° RG : 12/00545
Jugement (N° 201102750)
rendu le 12 Janvier 2012
par le Tribunal de Commerce de Roubaix-Tourcoing
REF : CP/CL
APPELANT
Monsieur [K] [B]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI anciennement avoué
INTIMÉS
Monsieur [D] [Z] [V] [H]
né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 10]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI anciennement avoué
LOGISTICS ORGANISATION [H] LOG
Ayant son siège social [Adresse 8]
[Localité 7]
défaillante - n'ayant pas constitué
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Christine PARENTY, Président de chambre
Philippe BRUNEL, Conseiller
Hervé BALLEREAU, Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Françoise RIGOT
DÉBATS à l'audience publique du 04 Avril 2012 après rapport oral de l'affaire par Christine PARENTY
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président, et Françoise RIGOT, adjoint administratif assermenté faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement contradictoire du 12 janvier 2012 du tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing ayant débouté Monsieur [B] de ses demandes, dit que l'arrêt de cette cour du 15 septembre 2011 n' a aucune autorité de la chose jugée sur la présente action, dit et jugé que la clause de l'article 14 des statuts de la société Logistics Organisation [H] LOG est contraire aux dispositions d'ordre public de l'article 1844 alinéa 1du code civil et réputée non écrite, dit et jugé que c'est à juste titre qu'elle a été supprimée des statuts par décision d' Assemblée Générale Extraordinaire statuant à la majorité conformément aux statuts, ayant condamné Monsieur [B] à payer 3000€ à la société Logistics Organisation [H] LOG et 1196€ à Monsieur [D] [H] sur la base de l'article 700 du code de procédure civile, débouté Monsieur [H] et la société Logistics Organisation [H] LOG du surplus;
Vu l'appel interjeté le 27 janvier 2012 par Monsieur [K] [B];
Vu la requête déposée le 3 février 2012 par Monsieur [B] faite à madame le Premier Président aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe;
Vu l'ordonnance du 6 février 2012;
Vu les assignations du 15 février 2012;
Vu les conclusions déposées le 7 mars 202 pour la société Logistics Organisation [H] LOG et Monsieur [H];
Vu les conclusions déposées le 13 mars 2012 pour Monsieur [B];
Monsieur [B] a interjeté appel aux fins de réformation du jugement; il demande à la cour de constater que toute modification de l'article 14 des statuts doit être adoptée à l'unanimité, de constater que la première résolution présentée à l' Assemblée Générale Extraordinaire du 20 octobre 2011 qui modifiait les conditions de cession forcée des actions d'un associé devait être adoptée à l'unanimité, de constater que la modification n'a pas fait l'objet d'un vote unanime, donc de constater que la première résolution de l' Assemblée Générale Extraordinaire a été rejetée; il réclame la publication de la décision au greffe du tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing; subsidiairement , il demande de dire l' Assemblée Générale du 20 octobre 2011 nulle, en toute hypothèse de débouter Monsieur [D] [H], de le condamner à lui payer 20 000€ de dommages et intérêts en raison de son comportement déloyal et 10 000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.
Les intimés sollicitent la confirmation du jugement et le débouté de monsieur [B]; subsidiairement, ils demandent à la Cour de dire que la clause de l'article 14 des statuts est réputée non écrite et d' ordonner sa suppression des statuts; ils réclament la condamnation de Monsieur [B] à payer 5000€ à la SAS Logistics Organisation [H] Log et 2000€ à Monsieur [H] sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.
Depuis 2005, un conflit important oppose au sein de la société Logistics Organisation [H] Log Messieurs [H] et [B]; lors d'une Assemblée Générale de juin 2010, a été votée l'exclusion de Monsieur [B] qui a engagé une procédure pour voir annuler l' Assemblée Générale ayant voté son exclusion et voir désigner un expert; sur appel d'un jugement l'ayant débouté de sa demande en annulation, la cour lui a donné raison en le réintégrant.
Par la suite, Monsieur [B] a été convoqué à une Assemblée Générale ayant comme ordre du jour la modification de l'article 14 des statuts qui est celui qui prévoit que l'associé dont l'exclusion est susceptible d'être prononcée ne participe pas au vote. Malgré son opposition, le vote a eu lieu à la majorité.
Il fait valoir qu'en vertu des textes applicables aux SAS, les dispositions statutaires, relatives à la cession forcée, et corrélativement à l'exclusion, obéissent au régime de l'unanimité, que c'est ce que la cour a rappelé dans son arrêt précédent, Monsieur [H] croyant pouvoir faire référence à l'article 1844-10 du code civil qui répute non écrite toute clause statutaire contraire à une disposition impérative dont la violation n'est pas sanctionnée par la nullité de la société, que le président a cependant lors de l' Assemblée Générale déclaré adoptée la première résolution sans le vote unanime des associés, que la Cour peut juger qu'il devait respecter la règle de l'unanimité de sorte que la résolution n'a pas été adoptée, à défaut de dire que l' assemblée est nulle.
Il ajoute que le tribunal s'est trompé sur la portée de l'arrêt du 15 septembre 2011 qui a clairement dit que la modification des statuts devait répondre à la règle de l'unanimité, que son adversaire confond la nullité avec l'inopposabilité, les dispositions statutaires contestées par lui n'étant pas nulles mais inopposables, et l'associé majoritaire ne pouvant s'affranchir des règles de l'unanimité pour faire disparaître seul les dispositions qu'il estime nulles.
Les intimés répliquent que la Cour de Cassation a jugé cette clause comme contraire aux dispositions d'ordre public de l'article 1844 alinéa 1 du code civil, que lorsqu'il s'est avéré nécessaire de mener une procédure d'exclusion de Monsieur [B], l'idée était qu'il prenne part au vote, ce qu'il a refusé de faire à l' Assemblée Générale sur conseil de son avocat, que c'est la raison pour laquelle le tribunal en 2010 a considéré qu'il y avait renoncé et qu'il était irrecevable à solliciter l'annulation de l' Assemblée Générale ayant prononcé son exclusion, que la Cour derrière lui a considéré que la preuve n'en était pas rapportée puis par un second motif surabondant que ne pouvait être modifiée la disposition statutaire querellée sans accord unanime des associés , de sorte qu'avant de recommencer une procédure d'exclusion, il s'avérait nécessaire de supprimer la disposition réputée non écrite de l'article 14, ce qui pouvait être fait aux conditions de majorité prévues pour la modification des statuts.
Ils plaident que la question de l'application de l'article 1844-10 du code civil ne faisait pas partie des conclusions des parties, que le motif n'était pas décisoire et surtout qu'il était surabondant de sorte qu'il n'y a pas autorité de la chose jugée dans cette affirmation, que la clause statutaire est réputée non écrite, donc juridiquement censée ne plus figurer dans les statuts, qu'il est absurde de l'y laisser et d'exiger que cette mise à jour ne puisse être possible que par une décision unanime qui permettrait à un associé malveillant de la bloquer. Si la Cour ne devait pas rejoindre l'analyse du tribunal sur ce point, il lui appartiendrait de juger et d'ordonner que les statuts doivent être modifiés en conséquence du fait que cet article 14 est réputé non écrit.
Ils qualifient la demande de dommages et intérêts d'injustifiée.
Monsieur [B] répond que la Cour n' a pas la faculté de prononcer l'annulation d'une disposition statutaire, que sa demande en dommages et intérêts est justifiée par le fait que l' Assemblée Générale contestée n'avait pour but que de l'exclure, que Monsieur [H] a utilisé des moyens déloyaux en violant les dispositions impératives de la loi, ainsi qu'n arrêt qui tranchait clairement la difficulté. Il sollicite l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Sur ce
Le tribunal a validé la suppression de la clause figurant à l'article 14 sous le prétexte qu'elle était réputée non écrite. Il s'est en cela écarté de ce que la cour avait affirmé dans un précédent arrêt à savoir qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs de Monsieur [H] de modifier à sa guise la disposition statutaire querellée, une telle modification nécessitant l'accord unanime des associés, conformément à l'article L 227-19 du code de commerce .
Or autorité de chose jugée ou pas, motif décisoire ou pas, la Cour n'a fait que rappeler un principe qui garde tout sa valeur.
En effet, l'article L 227-16 relatif au fonctionnement des SAS dispose que 'dans les conditions qu'ils déterminent, les statuts peuvent prévoir qu'un associé peut être tenu de céder ses actions' mais l'article L 229-19 ajoute que 'les clause statutaires visées aux articles L 227-16...ne peuvent être adoptées ou modifiées qu'à l'unanimité des associés'; c'est donc de la loi que naît cette impossibilité de recourir pour la cession forcée et corrélativement pour l'exclusion à un vote à majorité.
Monsieur [H] a cru pouvoir faire référence au deuxième alinéa de l'article 1844-10 du code civil qui fait de cette clause une clause réputée non écrite, soit non opposable, pour passer outre les dispositions d'ordre public du code de commerce selon lesquelles lorsqu'on modifie les statuts sur ces points, il est impératif de recourir à la règle de l'unanimité. Il est impossible de dire, comme il le dit ou comme le tribunal l'affirme, que le caractère réputé non écrit de la clause permettrait de la considérer comme ne devant pas figurer dans les statuts alors que sa suppression entraîne d'emblée leur modification. Il s'en suit qu'à l' Assemblée Générale du 20 octobre 2011 le président ayant déclaré adoptée la première résolution alors qu'il n'avait pas recueilli le vote unanime des associés n'était pas en droit de le faire, que la Cour peut et doit constater que la résolution n'a pas été adoptée.
Le juge ne peut pas se substituer aux organes de la société et valider comme l'a fait le tribunal un vote qui a été fait au mépris des textes. Il ne peut ordonner la suppression d'une clause de ce type sous prétexte qu'elle serait réputée non écrite des statuts de la société, puisqu'encore une fois c'est aux associés d'en décider, et ce à l'unanimité; en conséquence , la demande subsidiaire formulée par l'intimé ne peut qu'être rejetée.
La mauvaise interprétation de ses droits et de la précédente décision rendue par la Cour par Monsieur [H] n'entraîne pas d'emblée la démonstration d'un processus déloyal, même s'il est évident que le but recherché est l'exclusion de celui avec lequel il est en conflit. La Cour, saisie pour trancher la question de droit, ne se considère pas comme l'étant pour trancher le différend qui les oppose en adoptant sur lui la vision d'une des deux parties. La demande de dommages et intérêts sera rejetée.
Par contre , il est légitime de faire droit à la demande de publication du présent arrêt au greffe du tribunal aux frais de monsieur [H], débouté et condamné à payer 6000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile à monsieur [B].
Par ces motifs
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe
Infirme le jugement en toutes ses dispositions;
Vu les articles L 227-16 et L 227-19 du code de commerce,
Fait droit à la demande de Monsieur [B] et constate que la première résolution de l' Assemblée Générale du 20 octobre 2011 qui modifiait les statuts en ce qui concerne les conditions de cession forcée des actions d'un associé et qui n'a pas été adoptée à l'unanimité doit être considérée comme non adoptée;
Ordonne la publication de la présente décision au greffe du tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing aux frais de Monsieur [D] [H];
Déboute Monsieur [H] de l'ensemble de ses demandes et Monsieur [B] de sa demande en dommages et intérêts;
Condamne Monsieur [H] à payer 6000€ à Monsieur [B] sur la base de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président
Françoise RIGOTChristine PARENTY