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17/04/2012 | FRANCE | N°11/03691

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 17 avril 2012, 11/03691


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 17/04/2012



***



N° de MINUTE :

N° RG : 11/03691



Jugement (N° 10/00936)

rendu le 10 Mai 2011

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : FB/AMD





APPELANTS



Monsieur [X] [W]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 10]

Madame [K] [U] épouse [W]

née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 9]>
demeurant [Adresse 7]

[Localité 8]



Représentés par Maître Isabelle CARLIER de la SCP CARLIER-REGNIER, avocats au barreau de DOUAI, anciens avoués

Assistés de Maître Alain BILLEMONT, avocat au barreau de LILLE




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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 17/04/2012

***

N° de MINUTE :

N° RG : 11/03691

Jugement (N° 10/00936)

rendu le 10 Mai 2011

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : FB/AMD

APPELANTS

Monsieur [X] [W]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 10]

Madame [K] [U] épouse [W]

née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 7]

[Localité 8]

Représentés par Maître Isabelle CARLIER de la SCP CARLIER-REGNIER, avocats au barreau de DOUAI, anciens avoués

Assistés de Maître Alain BILLEMONT, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ

Monsieur [Z] [F]

né le [Date naissance 5] 1955 à [Localité 11]

demeurant [Adresse 6]

[Localité 11]

Représenté par Maître Philippe Georges QUIGNON, avocat au barreau de DOUAI,

Assisté de Maître Véronique DUCLOY, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 07 Février 2012 tenue par Fabienne BONNEMAISON magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anne-Marie DUSSART, adjoint administratif, assermenté, faisant fonction de greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Gisèle GOSSELIN, Président de chambre

Fabienne BONNEMAISON, Conseiller

Dominique DUPERRIER, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2012 après prorogation du délibéré en date du 03 Avril 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Gisèle GOSSELIN, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 janvier 2012

***

Par jugement du 10 Mai 2011, le Tribunal de Grande Instance de Lille a prononcé l'annulation de la partie du rapport d'expertise déposé le 25 Juin 2008 par Mr [B] consacrée à l'évaluation du préjudice subi par les époux [W], a débouté ceux-ci du surplus de leurs demandes et les a condamnés à verser à Mr [F] une indemnité de procédure de 2000€.

[X] [W] et son épouse, née [U] [K], ont relevé appel le 26 Mai 2011 de ce jugement dont ils sollicitent la réformation partielle suivant conclusions déposées le 10 Janvier 2012 tendant à voir consacrer à leur égard la responsabilité de Mr [F] et le condamner à leur verser une somme de 527 285.33€ en réparation de leur préjudice outre une indemnité de procédure de

10 000€ sinon ordonner une mesure d'expertise judiciaire sur la perte de la valeur vénale des lots 20, 21 et 22 du lotissement initialement conçu.

Au terme de conclusions déposées le 10 Janvier 2012, Mr [F] sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation des époux [W] à lui verser une indemnité de procédure de 2000€.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 Janvier 2012.

SUR CE

Il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties au jugement entrepris duquel il résulte essentiellement que s'étant portés acquéreurs suivant compromis signé le 11 Mars 2005 de parcelles sises à [Localité 8] sous la condition suspensive d'obtention d'un permis de lotir autorisant 4 lots, l'un destiné à leur usage personnel et les autres à la revente, les époux [W] ont chargé Mr [F], architecte, de la conception du projet de lotissement et de l'établissement du Règlement de construction, un géomètre de la réalisation d'un plan parcellaire foncier et un bureau d'études de la maîtrise d'oeuvre des travaux de voirie, puis, sur la base des documents établis, ont sollicité et obtenu le 25 Novembre 2005 le permis de lotir.

Au prétexte qu'un acquéreur potentiel d'une parcelle avait renoncé à son achat au motif que la surface hors oeuvre nette constructible ( SHON) annoncée au Règlement de Construction était inexacte, les époux [W] ont obtenu en référé une expertise judiciaire afin de déterminer la SHON constructible des 4 lots constitués puis, au vu du rapport de Mr [B], saisi le Tribunal au visa de l'article 1147 du code civil pour entendre consacrer la responsabilité de l'architecte à raison d'erreurs avérées dans la détermination de la SHON les ayant contraints à recomposer les parcelles en trois lots et à en revendre deux, outre la réparation des pertes financières en résultant.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement dont appel qui les a déboutés de leurs demandes (excepté pour l'annulation partielle du rapport de Mr [B] qui n'est pas sujette à discussion en appel) considérant que l'architecte avait correctement accompli sa mission, strictement cantonnée à l'élaboration du projet de lotissement, ainsi qu 'il résultait de l'obtention du permis de lotir souhaité par les époux [W] .

Sur la responsabilité de l'architecte:

Les époux [W] font grief au Tribunal d'avoir statué ainsi alors d'une part qu'étant chargé d'établir le Règlement de construction, l'architecte devait calculer la SHON maximale constructible du lotissement créé et a d'ailleurs fait figurer au dit Règlement des indications inexactes, d'autre part qu'informé par ses interlocuteurs des réserves émises par le géomètre sur l'opportunité de créer quatre lots compte-tenu de la configuration des lieux et des contraintes locales d'urbanisme, Mr [F] savait en l'espèce l'importance de la détermination des surfaces constructibles et aurait dû, dans le cadre de son obligation d'information et de conseil, attirer leur attention sur l'impact de ces contraintes sur la faisabilité du projet

Rappelant qu'il avait pour seule mission d'assister techniquement les époux [W] dans le 'montage' du dossier de permis de lotir ( ceci expliquant une rémunération de 2990€ TTC, bien inférieure à celle des autres intervenants) pour leur permettre de réaliser un projet immobilier conditionné par ce lotissement, et non de faire une étude de faisabilité financière du projet, Mr [F] réfute tout manquement de sa part et tout lien de causalité entre ses prétendues fautes et le préjudice financier invoqué, résultante des risques spéculatifs pris par Mr [W], 'particulièrement sachant en matière d'urbanisme', alerté par ses interlocuteurs sur la difficulté de concevoir 4 lots et seul tenu d'informer d'éventuels acquéreurs des contraintes locales de construction.

La Cour constate que deux fautes sont reprochées à l'architecte par les époux [W]:

-d 'une part, des erreurs de calcul dans la détermination de la SHON constructible mentionnée au règlement de construction pour les lots 20 et 21;

-d'autre part, un manquement à ses obligations professionnelles car il aurait dû les alerter sur le caractère inopportun d'un découpage en quatre lots et leur conseiller une recomposition en trois lots.

Sur ce second grief, la Cour fait sienne l'analyse du Tribunal qui a estimé que ce manquement devait être apprécié au regard du contenu de la mission confiée à l'architecte.

En l'absence de contrat signé par les parties, celle-ci résulte de la note d'honoraires de Mr [F] du 21 Juin 2005 qui facturait une 'assistance au montage du dossier lotissement..., des rendez-vous, la conception du projet de lotissement en 4 lots et l'établissement du règlement de construction'.

Les époux [W], qui rappellent avoir fait appel à Mr [F] après avoir signé un compromis de vente comportant une conditions suspensive d'obtention d'un permis de lotir pour 4 lots, pour qu'il 'prépare les documents nécessaires à l'obtention du permis de lotir' , ne discutent pas l'étendue de cette mission.

Il est admis, de surcroît, que le projet des époux [W] était d'affecter une partie des quelques 8200 m² acquis à la construction de leur futur immeuble d'habitation et de revendre le surplus.

Mr [F], ainsi qu'il le souligne, est donc intervenu pour aider ses clients à réaliser leur projet de division parcellaire en 4 lots, suffisamment élaboré lorsqu'il est intervenu pour avoir donné lieu à l'insertion, au profit des époux [W], d'une condition suspensive dans le compromis, et non pour faire une étude de faisabilité d'un projet d'investissement à des fins spéculatives qui aurait impliqué effectivement de prendre en compte les 'facteurs de commercialité' (pour reprendre l'expression de l'expert judiciaire) des parcelles à créer compte-tenu de l'environnement, secteur de parc hautement résidentiel de [Localité 8] propice à la construction de maisons individuelles de standing, disposant d'importants volumes.

La Cour observe, par ailleurs, que les époux [W] n'avaient pas fait de la SHON nette constructible un critère de la condition suspensive insérée au compromis et les intéressés ne prétendent ni ne justifient avoir demandé à Mr [F] de s'assurer que la division parcellaire projetée laisserait subsister une SHON minimum en deçà de laquelle ils reconsidéreraient leur projet.

La Cour considère, dès lors, qu'au regard de la mission restreinte qui lui était confiée, Mr [F] n'a pas failli à son obligation générale de conseil et d'information en ne se préoccupant pas des facteurs de commercialité cités, en n'alertant pas ses clients sur la SHON réellement constructible et sur l'opportunité de reconsidérer leur projet, le fait qu'il ait été informé des réserves émises par le géomètre sur la division souhaitée par les époux [W] compte-tenu de la forme du terrain étant inopérant dès lors que sa mission restait circonscrite à la constitution du dossier nécessaire à l'obtention d'un permis de lotir en quatre lots, qu'il a effectivement conçu et qui a été approuvé par l'autorité administrative.

Sur le premier grief:

Contrairement à ce que soutiennent les époux [W], le règlement de construction élaboré par Mr [F] n'est pas erroné lorsqu'il indique pour la parcelle n°[Cadastre 2] une SHON maximum de 468.20m² et pour la parcelle n° [Cadastre 3] de 383 m² , s'agissant de la SHON constructible maximale que l'architecte est tenu de préciser selon les dispositions de l'article R 315-4 du Code de l'Urbanisme et que l'expert judiciaire estime exacts (rapport, pages 23 et 25).

Par contre, l'expert judiciaire a constaté que pour deux des quatre lots, le règlement de construction élaboré par Mr [F], bien qu'il rappelle au titre des contraintes en matière de voirie ( sous l'article 0.1) la nécessité d'une emprise de 5 mètres de large pour les surfaces de voirie, reproduit sous l'article 8 (surfaces hors oeuvre) des surfaces totales de voirie à déduire de la SHON constructible inexactes car calculées en fonction d'une largeur de 4.50 mètres ( Mr [F] aurait transposé, sans les vérifier, les chiffres adressés par le BET chargé des travaux de voirie).

Cette erreur s'est traduite par l'indication au règlement de construction pour le lot n°20 d'une 'densité' de 468.20 m² dont 283 m² d'allée (quand celle-ci était de 314.44 m²) et pour le lot 21 d'une 'densité' de 383 m² dont 181 m² d'allée (au lieu de 201.11 m²).

Les époux [W] estiment que cette 'très importante erreur de calcul' a été déterminante dans leur appréciation de la pertinence de leur projet initial par rapport à la situation du lotissement et aux facteurs de commercialité déjà évoqués.

La Cour observe cependant que la pertinence du projet de lotissement des époux [W] n'a pu être appréciée qu'au terme de l'analyse réalisée par l'expert judiciaire en exécution de la mission qu'ils avaient sollicitée en référé qui était de déterminer au regard de l'ensemble des règles d'urbanisme applicables, la SHON effectivement constructible pour chacun des lots.

C'est ainsi qu'après avoir rappelé l'ensemble des contraintes d'urbanisme liées au PLU et au règlement du lotissement de la zone (page 22), Mr [B] a calculé la surface hors oeuvre nette constructible une fois prises en compte toutes ces contraintes, que ce soit l'emprise des voiries objet de l'erreur susvisée mais aussi le nombre de places de stationnement obligatoire, les hauteurs maximales imposées, la forme et le style des habitations, pour arriver à cette conclusion que, sur la parcelle n°[Cadastre 2],la surface hors oeuvre nette constructible ne pourrait pas excéder 187.43 m² et, sur la parcelle n° [Cadastre 3], 246.75m².

L'erreur commise par Mr [F] sur un seul de ces paramètres, mentionné à titre indicatif dans le règlement de construction, sans qu'aucune étude ne soit concomitamment réalisée pour déterminer la surface constructive nette dont disposeraient les futurs propriétaires des parcelles n'a pu être déterminante dans l'option des époux [W] .

La Cour constate que ceux-ci n'établissent pas avoir commandé ce travail à Mr [F], le courrier qu'ils lui ont adressé le 28 Février 2006 après désistement d'un acquéreur, lui demandant d'effectuer en urgence une étude de faisabilité sur la base des contraintes du PLU, du lotissement Desurmont et du règlement de construction pour vérifier si la SHON proposée était conforme à la réalité, laissant présumer le contraire.

Aussi, même si le règlement de construction de Mr [F] 'n'était pas parfaitement limpide' ainsi qu'a pu le relever l'expert judiciaire, on ne peut en déduire ni défaillance de Mr [F] dans l'accomplissement de ses obligations contractuelles ni manquement à des prescriptions légales ou réglementaires, les époux [W] convenant que la seule obligation pesant sur lui étant l'indication, selon l'article R 315-4 du Code de l'Urbanisme, de la surface hors oeuvre nette maximale que précise le règlement.

La Cour estime, dans ces conditions, que le préjudice financier subi par les époux [W] du fait de la substitution à leur projet initial d'un lotissement en trois lots, pour mieux s'adapter à la demande des acheteurs potentiels, n'est pas la conséquence des fautes reprochées à l'architecte.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires :

* La Cour estime que le droit pour les époux [W] d'exercer leur droit d'appel n'a pas dégénéré en abus.

La demande de dommages et intérêts de Mr [F] sera rejetée.

* L'équité commande, par contre, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à son profit suivant modalités prévues au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant:

Condamne les époux [W] à verser à Mr [F] une indemnité de procédure de 1500€.

Condamne les époux [W] aux dépens d'appel avec faculté de recouvrement au profit de Maître QUIGNON conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

Claudine POPEK.Gisèle GOSSELIN.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 11/03691
Date de la décision : 17/04/2012

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°11/03691 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-17;11.03691 ?
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