République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 04/04/2012
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N° de MINUTE :
N° RG : 11/03642
Jugement (N° 2010-00693)
rendu le 10 Mai 2011
par le Tribunal de Commerce de BOULOGNE SUR MER
REF : CP/CLInterdiction de gérer
APPELANT
Monsieur [M] [W]
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 6] ITALIE
demeurant [Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI constituée aux lieu et place de la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR avoués
Assisté de Me Jacques WALLON, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER,
INTIMÉ
Maître [L]
ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL NORPASS (NORD PAS DE CALAIS ASSURANCES)
demeurant [Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par la SELARL Eric LAFORCE, avocats au barreau de DOUAI
Assisté de Maître DUHAMEL Stanislas avocat au barreau de Douai
DÉBATS à l'audience publique du 08 Février 2012 tenue par Christine PARENTY magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Françoise RIGOT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Christine PARENTY, Président de chambre
Philippe BRUNEL, Conseiller
Sandrine DELATTRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Françoise RIGOT, adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC :
Cf réquisitions du 15 novembre 2011
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 8 février 2012
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Vu le jugement contradictoire du 10 mai 2011 du tribunal de commerce de Boulogne sur mer ayant déclaré recevable l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, ayant condamné Monsieur [M] [W] à régler à Maître [L] es qualité de liquidateur de la sarl Norpass la somme de 20 000€ à titre de contribution du dirigeant au passif social, prononcé à son encontre une interdiction de gérer pendant 10 ans, condamné Monsieur [W] à payer 3500€ à Maître [L] es qualité sur la base de l'article 700 du code de procédure civile;
Vu l'appel interjeté le 24 ami 2011 par Monsieur [W];
Vu les conclusions déposées le 24 août 2011 pour Monsieur [W];
Vu les conclusions déposées le 13 octobre 2011 pour Maître [L];
Vu l'ordonnance de clôture du 8 février 2012;
Monsieur [W] a interjeté appel aux fins d'infirmation quant à la qualification de compte courant d'associé; il demande à la Cour de constater qu'en l'absence de compte courant d'associé, il ne peut lui être imputé ce compte débiteur, de réformer le jugement qui a mis à sa charge 20 000€ d'insuffisance d'actif, de constater que l'absence de déclaration d'état de cessation des paiements dans les 45 jours n'a pas causé de préjudice, de prononcer l'annulation du jugement paragraphes 4 à 6 de la page 7 et sa conséquence d'une interdiction de gérer pour violation de l'article 5 du code civil, de réformer le jugement en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile; il réclame 2000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimé sollicite la confirmation au vu des fautes de gestion qui ont contribué
à l'insuffisance d'actif; il réclame 3500€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Norpass, dont l'objet social était le courtage d'assurance, le diagnostic d'entreprise, l'audit d'assurance, le financement mobilier et immobilier, créée en 1989, a été placée en liquidation judiciaire immédiate le 25 juin 2008, assignée par la société Experial Conseil; elle était dépourvue d'actif et le passif déclaré s'élevait à 41 134 €.
Maître [L] a engagé une action en responsabilité au visa des articles L 651-1 à L 651-4 du code de commerce à l'encontre de Monsieur [W] dirigeant de droit; il estime que ce dernier a commis des fautes de gestion, d'une part parce qu'au dernier bilan du 31 décembre 2004 est apparu un compte courant débiteur du dirigeant à hauteur de 131 273€, d'autre part parce que la comptabilité est incomplète qui n'a pas été tenue du 31 décembre 2004 au mois de septembre 2005; enfin il lui reproche une non déclaration d'état de cessation des paiements dans les délais.
Sur le compte courant débiteur, Monsieur [W] fait valoir que ce compte n'est pas un compte courant d'associé stricto sensu mais un compte client intitulé [W] qui enregistre des opérations entre deux opérateurs d'assurance que sont l'entité [W] Agent Général et l'entité Norpass;
Sur le grief lié à une comptabilité incomplète, il fait valoir que seul le bilan manque, que la balance au 31 décembre 2005 existe de sorte que l'on peut en déduire que les journaux et le CEG existent, que la preuve n'est pas rapportée du lien entre l'insuffisance d'actif et l'inexistence d'une compilation informatique, cette insuffisance d 'actif étant actuellement non pas de 41 000€ mais 30 000€, le passif étant en partie fiscal donc hors champ de la compétence du tribunal de commerce, que la réalité est qu'il a été mis fin à ses fonctions par la compagnie d'assurances de sorte que la sarl a dû arrêter son activité;
Il estime que l'interdiction de gérer n' a été prononcée que sur un motif d'ordre général, ce qui est contraire à l'article 5 du code civil et que le non respect du délai de déclaration de cessation des paiements n'est pas nécessairement sanctionnable.
Maître [L] lui objecte que de nombreux mouvements ont affecté le compte [W] par des virements en provenance de la société, qu'il parait avoir fonctionné comme un compte courant et que la preuve qu'il s'agisse d'un compte client auprès de Norpass n'est pas rapportée, que sa comptabilité n'était pas absente mais incomplète de sorte qu'il a été privé de la visibilité sur son entreprise et aurait pu éviter de poursuivre une activité déficitaire; il ajoute que si le bilan n'a pas été établi en 2005 c'est tout simplement parce que la société Experial qui n'avait pas été payée a cessé tout travail de comptabilité, que la non déclaration de l'état de cessation des paiements est patente qui justifie à elle seule l'interdiction de gérer.
Sur ce
Le jugement qui a ouvert la procédure de liquidation judiciaire simplifiée le 25 juin 2008 de la société Norpass, sur assignation de son expert comptable, a constaté qu'elle n'avait plus d'activité depuis le mois de Septembre 2005, le portefeuille ayant été vendu à cette date; le tribunal a fait remonter la date de cessation des paiements au 25 octobre 2006 , soit au maximum autorisé.
Le compte courant débiteur
Il est apparu au dernier bilan établi un compte intitulé [W] débiteur de
141 273€; pour l'appelant, il s'agit d'un compte client entre Norpass et l' Agence Générale [W]; il parle de qualification juridique erronée mais le compte est affecté de plusieurs virements au profit de monsieur [W] et fonctionne comme un compte courant. Si véritablement il s'agissait d'un compte client, il était aisé pour monsieur [W] d'en apporter la justification par le détail nominatif des opérations, par la copie des factures pour en étayer la composition. Interpellé via avocat sur cette question, il n'a jamais apporté la moindre pièce. Au contraire, le cabinet Experial fait remarquer que ce compte fonctionnait comme un compte courant et qu'aucun élément ne démontre qu'il s 'agirait d'un compte client; il n'est pas hâtif de penser que l'absence du bilan 2005 avait pour but de cacher cet élément même si le non paiement de la facture Experial était d'ores et déjà le premier handicap à son établissement. Dès lors, il y a lieu de considérer à l'instar du tribunal que Monsieur [W] a disposé des biens de la personne morale comme des siens, qu'il s'agit d'une faute de gestion pouvant donner lieu à responsabilité pour insuffisance d'actif par application de l'article L651-2 du code de commerce.
La comptabilité incomplète
Le dernier bilan établi pour la société Norpass remonte au 31 décembre 2004; l'activité a cessé en septembre 2005 et Maître [L] précise qu'aucun bilan n'a été établi pour 2005; Monsieur [W] s'en défend, non qu'il ne reconnaisse pas que le bilan n'ait pas été établi, ce qui suffit au regard de l'article L123-12 du code de commerce, mais en analysant celui-ci comme une simple compilation de la balance pour une présentation différente, balance qui existait, preuve qu'il existait aussi les journaux et le CEG. Il omet de répondre à l'argument qui n'est pas de lui reprocher une absence de comptabilité mais une comptabilité incomplète puisque tout commerçant doit établir 'les comptes annuels qui comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe qui forment un tout indissociable'.
Comme le précise l'article L 123-13 du même code, le bilan décrit séparément les éléments actifs et passifs de l'entreprise et de façon distincte les capitaux propres, ce qui permet au chef d'entreprise de cesser de piloter à vue, puisque les éléments d'actif et de passif sont clés pour savoir si l'entreprise est ou non en état de cessation des paiements au regard de l'actif disponible et du passif exigible, que cette analyse a manqué à Monsieur [W] qui a poursuivi une activité manifestement déficitaire au regard de l'importance de l'insuffisance d'actif ; c'est la raison pour laquelle le tribunal a considéré que la comptabilité incomplète avait contribué à l'insuffisance d'actif, raisonnement au quel s'oppose monsieur [W] mais qui relève de la pure logique et que la cour entérine. Il y a là aussi faute de gestion.
Sur la non déclaration de l'état de cessation des paiements dans les délais
Il est constant que si l'état de cessation des paiements n'a pas été déclaré dans le délai légal de 45 jours, il s'agit d'une faute de gestion; au cas d'espèce, le tribunal de commerce a fixé cette date au 25 décembre 2006 qui s'impose; il est constant que la sarl Norpass a été déclarée en liquidation judiciaire le 25 juin 2008 sur assignation de son expert comptable et non sur la déclaration de cessation des paiements de Monsieur [W]; il n'a donc pas respecté l'article L 631-4 du code de commerce et doit en répondre, ce comportement pouvant être sanctionné par une interdiction de gérer telle que précisée à l'article L 653-8 alinéa 3. Monsieur [W] plaide que ce non respect n'est pas nécessairement sanctionnable mais au cas d'espèce le délai de 45 jours a été plus que largement dépassé, car comme il a été dit plus haut, monsieur [W] a poursuivi une activité en aggravant le passif de la société au détriment des créanciers; le tribunal a motivé sa décision estimant qu'il était opportun de l'écarter de la vie des affaires, ce qui fait échec à toute demande d'annulation du jugement; la Cour partage ce point de vue et confirme l'interdiction de gérer, sa durée ayant été également correctement évaluée.
Le tribunal a également évalué à 20 000€ le montant à mettre à charge de Monsieur [W] en ce qui concerne le comblement du passif que la Cour estime justement évalué; c'est donc l'ensemble de la décision qui mérite confirmation de même qu'il convient de confirmer la condamnation de monsieur [W] en première instance sur la base de l'article 700 du code de procédure civile; il convient également de condamner Monsieur [W], débouté de l'ensemble de ses demandes, à payer 2500€ à Maître [L] es qualité sur la base de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Par ces motifs
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe
Confirme le jugement en toutes ses dispositions;
Déboute monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes;
Condamne Monsieur [W] à payer à Maître [L] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Norpass 2500€sur la base de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président
Françoise RIGOTChristine PARENTY