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31/01/2012 | FRANCE | N°10/05657

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 31 janvier 2012, 10/05657


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 31/01/2012



***



N° de MINUTE :

N° RG : 10/05657



Jugement (N° 08/3166)

rendu le 07 Juillet 2010

par le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES



REF : FB/AMD





APPELANT



Maître [X] [K], ès qualités de liquidateur de Monsieur [Y] [A] en liquidation judiciaire

demeurant [Adresse 10]

[Adresse 3]

[Localit

é 6]



Représenté par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour

Ayant pour conseil la SELARL ARTHUS CONSEIL, avocat au barreau de COLMAR





INTIMÉS



S.C.P. [N] [W] [G], Notaires associés,

[Adresse 8]

[...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 31/01/2012

***

N° de MINUTE :

N° RG : 10/05657

Jugement (N° 08/3166)

rendu le 07 Juillet 2010

par le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES

REF : FB/AMD

APPELANT

Maître [X] [K], ès qualités de liquidateur de Monsieur [Y] [A] en liquidation judiciaire

demeurant [Adresse 10]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour

Ayant pour conseil la SELARL ARTHUS CONSEIL, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉS

S.C.P. [N] [W] [G], Notaires associés,

[Adresse 8]

[Localité 4]

Maître [N] [W]

né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 11]

demeurant [Adresse 8]

[Localité 5]

Maître [P] [G]

demeurant [Adresse 7]

[Localité 5]

Représentés par la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, avoués à la Cour

Ayant pour conseil la SCP GODIN GRILLET HISBERGUES, avocats au barreau de VALENCIENNES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Gisèle GOSSELIN, Président de chambre

Fabienne BONNEMAISON, Conseiller

Dominique DUPERRIER, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS / Claudine POPEK

DÉBATS à l'audience publique du 07 Novembre 2011 après rapport oral de l'affaire par Fabienne BONNEMAISON

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2012 après prorogation du délibéré en date du 24 Janvier 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Gisèle GOSSELIN, Président, et Claudine POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 octobre 2011

***

Par jugement du 7 Juillet 2010, le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES , mettant hors de cause Maîtres [N] [W] et [P] [W], a débouté Maître [K] es qualité de mandataire liquidateur de Mr [Y] [A] de ses demandes, débouté la SCP [W] [G], Maître [N] [W] et Maître [P] [G] de leurs demandes accessoires et laissé à chaque partie la charge de ses dépens.

Maître [K] agissant en qualité de liquidateur de Mr [A] a relevé appel le 2 Août 2010 de ce jugement dont elle sollicite la réformation en ce qu'il la déboute de ses demandes, réclamant la condamnation solidaire de la SCP [N] [W] [G], de Maître [N] [W] et de Maître [P] [G] à lui verser les intérêts au taux légal à compter du 20 Mars 1997 de la somme de 242 619€ versée en Octobre 2008 au titre du rachat des parts de Mr [A], les sommes de 1 100 000€ en réparation du préjudice professionnel, 170 000€ représentant le montant de l'IRPP acquitté par ce dernier depuis 1997, 500 000€ au titre de son préjudice moral, 70 000€ au titre des pénalités de retard acquittées pour le prêt relatif à l'achat des parts sociales, 7021.08€ au titre de la cotisation à la Caisse de Retraite des Notaires, 150 057€ au titre de la quote part de charges personnelles des associés indûment prélevée sur les bénéfices de Mr [A] de 1997 à 2007, le tout avec intérêts au taux légal, de condamner par ailleurs sous astreinte la SCP de notaires à produire un certain nombre de documents comptables ainsi qu'au paiement d'une indemnité de procédure de 20 000€.

Au terme de conclusions déposées le 29 Juin 2011, la SCP [N] [W] [G] (ci-après désignée la SCP notariale) d'une part, Maîtres [W] et [G] d'autre part, concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il déboute Maître [K] de ses demandes et à sa réformation s'agissant des leurs demandes reconventionnelles réclamant la condamnation de Maître [K]

es qualité de liquidateur de Mr [A] à verser à titre de dommages et intérêts à la SCP notariale une somme de 50 000€, à Maître [G] une somme de 30 000€ et à Maître [W] une somme de 40 000€, outre le versement d'une indemnité de procédure de 20 000€.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 Octobre 2011.

SUR CE

Il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties au jugement entrepris duquel il résulte essentiellement que, notaire associé à compter de Septembre 1986 de la SCP notariale sus désignée, alors dénommée SCP [U] [H] [V] [E], Mr [A] s'est retiré de celle-ci en Septembre 1996, restant néanmoins porteur de 1000 parts sociales qui seront rachetées par la SCP notariale le 10 Octobre 2008 au prix de 242 619€.

Dans l'intervalle, le liquidateur judiciaire de Mr [A] devenu avocat, reprochant à la SCP notariale la violation des dispositions propres aux sociétés civiles professionnelles titulaires d'un office notarial imposant le rachat par la société des parts d'un associé retrayant dans les six mois du retrait, assignait le 8 Avril 2008 la SCP et les deux notaires associés devant le Tribunal pour entendre indemniser les préjudices induits par leur défaillance et, plus généralement, faire les comptes entre les parties.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement dont appel qui a notamment rejeté la prescription opposée en défense (moyen qui n'est plus soulevé en appel), exclu toute faute de la SCP notariale dans la tardiveté du rachat des parts de Mr [A], rejeté par suite les réclamations indemnitaires du liquidateur judiciaire ainsi que ses demandes de pièces et débouté de même la SCP notariale et ses associés de leurs demandes de dommages et intérêts faute de justification du préjudice allégué.

Sur les responsabilités:

Maître [K] fait grief au Tribunal d'avoir exclu toute faute de la SCP notariale dans la tardiveté du rachat des parts de Mr [A], tout en affirmant de manière contradictoire que ce retard n'avait pas pour unique origine l'inertie et le défaut de diligences des membres de la SCP, alors que le simple non respect des délais légaux postule la faute des intéressés, que dès 1998 Mr [A] avait entamé une procédure judiciaire que les intimés ont de façon dilatoire retardée au prétexte d'un accord amiable inexistant, que la première offre faite à Mr [A] en Avril 2000 (pour 1 500 000 Fr) était inacceptable en ce qu'elle était inférieure au prix offert dans le même temps à un autre associé Maître [V] pour le même nombre de parts (2 200 000 Fr), s'avérait nulle juridiquement pour ne pas respecter les dispositions légales et impossible à exécuter, enfin qu'en dépit de l'estimation par voie d'expertise de la valeur des parts en 2004, la SCP notariale n' a formalisé aucune offre avant 2008.

Elle ajoute que le préjudice est avéré puisque Mr [A] n'a pu se réinstaller comme notaire en vertu d'une législation le lui interdisant tant qu'il restait détenteur de parts sociales dans une autre SCP et s'est trouvé privé du capital correspondant à la valeur de ses parts qu'il aurait pu investir dans une autre étude notariale rémunératrice, ce qui l'a contraint à se tourner, sans succès, vers la profession d'avocat dans l'exercice de laquelle il fait l'objet d'une liquidation judiciaire .

Les intimés objectent que la tardiveté du rachat des parts sociales de Mr [A] est exclusivement imputable à ce dernier dès lors que l'intéressé n'a pas, à défaut d'accord amiable, provoqué la désignation d'un expert qu'imposent les prescriptions de l'article 1843-4 du code civil, a laissé périmer l'instance qu'il avait initiée en 1998; a réclamé un prix trop élevé ainsi que le confirme le rapport d'expertise admettant une valeur de 1 591 417 Fr, plus proche des 1 500 000 Fr offerts par la SCP que des réclamations de Mr [A] (2 300 000 Fr), attribuant cette passivité de Mr [A] à la volonté de continuer à percevoir sa participation aux bénéfices de la SCP notariale qui s'est élevée à quelques 453 000€ de 1996 à 2008.

Ils contestent, par ailleurs, tout lien de causalité entre ce retard qui leur est imputé et les difficultés financières de Mr [A] en lien avec un retrait suggéré par l'autorité judiciaire, une orientation infructueuse vers une autre profession et un grave endettement lorsqu'il était encore au sein de la SCP

Les parties conviennent que la SCP notariale disposait en vertu de l'article 21 de la loi du 22 Novembre 1966 d'un délai de six mois à compter de la publication au Journal Officiel, intervenue le 19 Septembre 1996, de l'arrêté du Garde des Sceaux acceptant le retrait de Mr [A] pour procéder au rachat des parts sociales de ce dernier selon leur valeur déterminée amiablement ou, en cas de désaccord, à dire d'expert désigné suivant les modalités prévues à l'article 1843-4 du code civil.

Des quelques pièces communiquées de part et d'autre, il ressort:

* qu'une offre d'achat a été adressée par la SCP par l'envoi à Mr [A] le 27 Avril 2000 d'un projet d'acte notarié envisageant le rachat des parts de ce dernier au prix de 1 500 000 francs outre celles de Maître [V], démissionnaire depuis Février 1993, et celles de Maître [R] décédé en [Date décès 9];

* que cette offre a été refusée par Mr [A] au regard notamment du prix supérieur offert à Maître [V] pour le même nombre de parts, soit 2 200 000 francs;

* que, dans l'intervalle, Mr [A] avait saisi le Tribunal le 22 Juin 1998 pour contraindre la SCP notariale à racheter ses parts au prix de 2 300 000 francs, cette procédure ayant toutefois abouti, selon le jugement dont appel, à un retrait de rôle le 25 Avril 2002 pour permettre aux parties de faire évaluer par voie d'expertise la valeur des parts sociales puis à un constat de péremption le 25 Juin 2008;

* qu'une expertise judiciaire a été ordonnée le 2 Décembre 2003 à l'initiative de la SCP notariale et le rapport d'expertise de Mr [D] (non communiqué) établi le 8 Juillet 2004;

* qu'ensuite de la liquidation judiciaire de Mr [A] prononcée le 13 Décembre 2004, des pourparlers ont repris entre la SCP notariale et le liquidateur judiciaire pour aboutir à la cession d'Octobre 2008 autorisée par le juge commissaire le 19 Août 2008.

Ces quelques éléments appellent de la Cour les observations suivantes:

* la SCP notariale n'a certes pas opéré le rachat des parts de Mr [A] dans le délai légal et a attendu 2000 pour faire une offre à ce dernier mais elle relève utilement que ce report de la vente a eu pour contrepartie une substantielle rémunération des parts sociales de Mr [A] pour un montant qu'elle évalue (chiffre non discuté) à quelques 453 000€ de 1996 à 2008.

Il ne peut, en outre, être fait abstraction du fait que la SCP notariale a rencontré en 1996 des difficultés mises en évidence par un rapport de la Caisse des Dépôts et Consignations de Juillet 1997, à raison des départs successifs de Maîtres [V] (1993), [A] (1996), à la disparition de Maître [R] (1995) de sorte que Maître [W], entré dans la société en 1995, s'est retrouvé seul fin 1996 pour gérer un Office notarial souffrant notamment, selon la Caisse des Dépôts et Consignations, d'une faible rentabilité depuis 1993-1994, d'une hypertrophie des comptes débiteurs et du grave endettement de Mr [A] envers... la SCP (de plus de 790 000 francs) comme envers la Caisse des Dépôts et Consignations (plus de 2 000 000 francs) qui, selon cette dernière, ne pourrait être apuré avant quatre années et nécessiterait un 'cordon sanitaire comptable' rigoureux autour des comptes de l'intéressé, l'Office devant dans le même temps entreprendre de racheter les parts des trois notaires [V], [A] et [R].

Il apparaît, par ailleurs, que des pourparlers sont intervenus après le dépôt en 2004 du rapport de Mr [D] entre la SCP et le liquidateur judiciaire de Mr [A] désigné en Décembre 2004 comme en atteste le compte-rendu d'une réunion de toutes les parties organisée le 4 Avril 2006 sous l'égide du Conseil Supérieur du Notariat laissant entrevoir la possibilité d'une transaction, la Cour n'ayant pas d'éléments pour apprécier l'imputabilité de l'échec de cette dernière.

* Mr [A] n'a pas fait plus de diligences que son interlocutrice:

en attestent la saisine tardive du Tribunal en Juin 1998 (le rachat devait être concrétisé fin Mars 1997 au plus tard), le retrait de rôle sur sa demande en Avril 2002 pour permettre l'évaluation de ses parts par la voie d'une expertise qui ne sera sollicitée qu'en Octobre 2003 par ...la SCP notariale et non par Mr [A] qui contestait le prix proposé, l'inaction de ce dernier à la suite du dépôt du rapport de Mr [D], pourtant antérieur à la procédure collective dont il a fait l'objet, sans que soient par ailleurs démontrées les prétendues manoeuvres dilatoires reprochées à la SCP intimée dans le cadre de ces procédures judiciaires.

Sept années se sont ainsi écoulées entre la date butoir de rachat prévue par la loi et le dépôt du rapport d'expertise sans que Mr [A] ne justifie de diligences particulières si ce n'est une instance judiciaire qu'il a laissée périmer.

Cette passivité est pour le moins contradictoire avec la volonté prétendue de l'intéressé de reprendre au plus vite l'exercice de sa profession.

* la Cour constate encore que le prix offert par la SCP notariale en 2000 (1 500 000 francs), jugé 'inacceptable' par Mr [A] qui en réclamait alors 2 300 000 francs, est sensiblement proche de celui finalement retenu par l'expert judiciaire en 2004 (1 591 476 francs) et approuvé par le juge commissaire:

la sous-évaluation reprochée à la SCP est donc loin d'être établie, étant observé que Mr [A] a décliné cette offre sans faire aucune contreproposition ni solliciter les éclaircissements ou renseignements complémentaires que requérait, selon lui, un document qu'il affirme aujourd'hui imprécis, incomplet voire 'nul' mais qui n'interdisait pas des négociations entre les parties, surtout si la cession de ses parts constituait pour lui une priorité.

La Cour estime, par ailleurs, que l'offre de rachat faite à Maître [V] n'est pas significative d'une sous-évaluation abusive de celle adressée à Mr [A] dans la mesure où ces deux offres s'inscrivaient dans le cadre de propositions transactionnelles globales de la SCP sollicitant notamment de Maître [V], bénéficiaire d'un compte-courant créditeur de plus de 200 000 francs (lorsque celui de Mr [A] était débiteur de plus de 300 000 francs), qu'il abandonne celui-ci.

* Enfin et surtout, la Cour relève à l'examen du rapport de la Caisse des Dépôts et Consignations de 1997, de sa mise en demeure du 19 Août 1996 et de son décompte de créance au 8 Novembre 1996 que, contrairement à ce que soutient Maître [K], l'endettement de Mr [A] envers la CDC est bien antérieur à son retrait de l'Office et n'est pas la conséquence du rachat tardif de ses parts:

en effet, ses premiers impayés datent de 1994-1995, la déchéance du terme de ses prêts est intervenue en Août 1996 et la saisie-conservatoire de son compte-courant a été opérée dès cette époque par l'Association Notariale de Caution (ANC) ayant indemnisé la Caisse des Dépôts et Consignations qui indiquait dans son rapport de 1997 (non contesté par l'appelant) que la saisie du prix de cession des parts de Mr [A] ne suffirait pas à solder la dette de l'intéressé .

Il en résulte que, même s'il avait été régularisé dans les délais légaux, le rachat des parts sociales de Mr [A] n'aurait pas permis à celui-ci de disposer du produit de la vente comme d'ailleurs de son compte-courant pour se réinstaller, ce qui explique peut- être, comme le soutient la SCP, le peu d'empressement de l'intéressé à forcer la vente.

Il n'existe donc pas de lien de causalité entre la violation par la SCP notariale du délai légal de rachat des parts de Mr [A] et les préjudices dont le liquidateur judiciaire demande réparation que ce soit l'impôt acquitté au titre des bénéfices perçus, les intérêts de retard sur sa dette envers l'ANC que les saisies opérées ne suffisaient pas à indemniser, les intérêts sur le prix des parts sociales, son préjudice de 'carrière' ou encore son préjudice moral.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute Maître [K] de ces chefs.

Sur les comptes entre les parties:

Maître [K] fait encore grief au Tribunal d'avoir admis la régularité de la comptabilité de l'Office et rejeté sa demande de communication de certaines pièces comptables alors qu'il est établi que la SCP notariale a indûment réglé les cotisations personnelles de Maîtres [G] et [W] (retraite, assurance-maladie et allocations familiales) diminuant ainsi de 150 057€ la part de Mr [A] dans les bénéfices, que dans le même temps celui-ci a personnellement supporté des cotisations URSSAF pour 73 120€ qui auraient dû être acquittées par la SCP, et alors que le Tribunal ne pouvait déduire la régularité des comptes sociaux de l'expertise de Mr [D] dont la seule mission était d'évaluer les parts sociales.

La SCP notariale et les notaires objectent que n'exerçant plus d'activité professionnelle au sein de l'Office, Mr [A] ne pouvait être assujetti à des cotisations URSSAF, les dividendes perçus donnant lieu uniquement à perception de la CSG et du RDS, et au versement de cotisations d'allocations familiales dont sont redevables les travailleurs non salariés.

Ils ajoutent avoir scrupuleusement appliqué les statuts pour le calcul des bénéfices de la société et la part de chaque associé, soulignent que l'expert Mr [D] a confirmé l'exactitude des comptes, par ailleurs régulièrement contrôlés par la Chambre des Notaires, et rappellent que l'associé en capital perd tous les droits attachés à sa qualité d'associé, seul subsistant le droit de percevoir des bénéfices, librement déterminés et répartis par les associés en industrie.

* S'agissant des cotisations acquittées par Mr [A] :

Maître [K] prétend que Mr [A] a acquitté, au titre de sa quote-part dans les bénéfices sociaux, des cotisations d'allocations familiales à compter de 1997 pour un total de 73 120€ que la société aurait dû supporter en vertu de la délibération de l'assemblée générale des associés du 24 Janvier 1994, conformément à ce qui était pratiqué antérieurement à son retrait, sauf à créer une rupture d'égalité entre les associés.

Les intimés objectent que ces cotisations, exigibles des travailleurs indépendants exerçant une activité non salariée, ne pouvaient plus être réclamées à Mr [A] dès l'instant qu'il n'exerçait plus son activité de notaire par suite de son retrait et correspondent vraisemblablement à son activité d'avocat sauf à admettre qu'elles lui ont été indûment réclamées, ce dont ces ex-associés ne peuvent être tenus pour responsables.

La Cour constate qu'au soutien de sa réclamation Maître [K] produit tout au plus une réponse de l'URSSAF adressée à Mr [A] le 19 Juin 2000 lui faisant savoir qu'il était redevable de cotisations d'allocations familiales pour un total de 50 124 francs pour la période de 1998 à 2000 et un jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du 8 Novembre 2008 concernant des cotisations sociales de 2005 et 2006 en lien, semble-t-il, avec son activité d'avocat (évoquée par le Tribunal).

Le liquidateur judiciaire n'établit donc pas le paiement par Mr [A] de cotisations d'allocations familiales au titre des bénéfices perçues au sein de la SCP après son retrait, au paiement desquelles les intimés prétendent qu'il n'était pas assujetti.

La Cour observe, surabondamment, qu'il est pour le moins paradoxal de venir réclamer la prise en charge par la société des cotisations sociales personnelles de Mr [A] pour solliciter dans le même temps la réintégration dans le bénéfice partageable des cotisations sociales des autres associés au motif qu'elles ont été à tort payées par la société s'agissant de charges personnelles.

Le jugement sera dès lors confirmé par substitution de motifs en ce qu'il déboute Maître [K] de ce chef.

* S'agissant des cotisations réglées par la SCP notariale pour le compte de Maîtres [W] et [G]:

Maître [K] invoque encore le paiement injustifié par la société des cotisations sociales personnelles de Maîtres [W] et [G] (retraite, assurance-maladie et allocations familiales) en présence d'une délibération de l'assemblée générale adoptée le 24 Janvier 1994 qui prévoyait le paiement de ces charges par la société sous réserve toutefois d'une régularisation entre les associés lors de la clôture de l'exercice et chiffre à 150 057€ le montant des sommes dont son bénéfice a été indûment privé de ce chef.

Les intimés objectent en substance que le retrait de Mr [A] le prive de tout droit de regard sur les comptes sociaux et la détermination des bénéfices qui relève de l'appréciation exclusive des notaires en exercice.

Ils ajoutent avoir scrupuleusement versé à Mr [A] sa part sur les bénéfices dans le respect des statuts, ce dont ont pu se convaincre tant Mr [D] dans le cadre de son expertise que la Chambre des Notaires à l'occasion de ses contrôles.

Ainsi que le rappellent justement les intimés, le retrait d'un notaire associé laisse subsister le droit pour celui-ci de se voir attribuer sa part dans les bénéfices conformément aux statuts.

La Cour estime, par suite, que le retrayant est en droit de pouvoir vérifier, par l'examen de la comptabilité de la société, que le bénéfice social a bien été calculé par les associés en exercice conformément aux dispositions des Statuts, voire des décisions modificatives décidées par les associés puisqu'il est acquis, en l'espèce, que par une délibération adoptée le 24 Janvier 1994, les deux associés composant la société avaient convenu que toutes les cotisations sociales personnelles aux associés (retraite, maladie, URSSAF...) seraient prises en charge par la SCP mais feraient l'objet d'une régularisation entre les associés en exercice lors de la clôture de l'exercice et de l'approbation des comptes suivant l'année de leur acquittement, ce que semblent effectivement conforter certains éléments comptables versés aux débats.

Dans le silence des Statuts sur ces cotisations personnelles, la SCP notariale devait donc se conformer à cette décision collective sauf à établir une éventuelle modification ultérieure dont elle ne justifie pas au terme de quatre années de procédure.

Le fait que la Chambre des Notaires procède à des contrôles réguliers de la comptabilité des notaires n'est pas de nature à faire obstacle à l'exercice de ce droit par Mr [A] pas plus que l'expertise de Mr [D] (dont le rapport n'est d'ailleurs pas versé aux débats par la SCP notariale bien qu'elle s'en prévale) dont Maître [K] rappelle, à juste titre, qu'elle avait pour objet d'évaluer les parts de Mr [A] et non de s'assurer du respect par la société des statuts et décisions collectives dans la détermination des bénéfices à partager.

La Cour estime, par suite, qu'à moins d'une justification par la SCP notariale d'une modification de la décision du 24 Janvier 1994, Maître [K] est fondée à solliciter, pour la période allant du retrait de Mr [A] jusqu'à la cession d' Octobre 2008, la réintégration dans la détermination du bénéfice comptable soumis à répartition des cotisations sociales personnelles des notaires qui auraient été acquittées par la société sans donner lieu à régularisation.

Une expertise apparaît nécessaire pour procéder à une éventuelle reconstitution des bénéfices sociaux et de la quote-part revenant à Mr [A].

Il sera sursis à statuer sur le surplus des demandes, étant observé que la mesure d'expertise permettra à Maître [K] d'accéder aux documents comptables qu'elle réclame.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il:

-rejette les réclamation indemnitaires de Maître [K] en lien avec le report du rachat des parts sociales de Mr [A], les préjudices de carrière et moral de ce dernier

-rejette la demande de prise en charge par la SCP notariale des cotisations URSSAF supportées par Mr [A] après son retrait

Avant dire droit sur le surplus des demandes des parties:

Ordonne une mesure d'expertise judiciaire et désigne à cet effet Mr [D], [Adresse 1] avec mission, les parties présentes ou appelées, et après avoir pris connaissance du dossier:

1°/ d'examiner la comptabilité de la SCP notariale pour les exercices échus entre le retrait de Mr [A] publié le 19 Septembre 1996 et le rachat de ses parts par la SCP notariale le 10 Octobre 2008;

2°/dire suivant quelles modalités les cotisations personnelles des associés ont été acquittées au titre de chacun des exercices cités et si le mécanisme institué est conforme aux Statuts et/ou décisions collectives des associés;

3°/ Dans l'hypothèse où les cotisations personnelles des associés en exercice auraient été supportées par la société en contradiction avec les Statuts et/ou décisions collectives des associés, reconstituer pour chaque exercice de la période susvisée le montant des bénéfices sociaux distribuables entre les associés, le montant éventuel de la part supplémentaire revenant à Mr [A] sur les bénéfices sociaux et les incidences éventuelles de cette reconstitution des bilans sur le compte-courant d'associé de Mr [A];

4°/ Faire les comptes entre les parties;

SUBORDONNE l'exécution de la mesure d'instruction à la consignation, avant le 28 Février 2012, au GREFFE DE LA COUR, REGIE D'AVANCES et de RECETTES, par Maître [K] d'une avance de 2000€, à valoir sur la rémunération de l'expert,

Dit, en application de l'article 271 du nouveau Code de procédure civile, sauf prorogation ou relevé de caducité, que faute par l'intéressée de consigner dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque,

DIT que l'expert devra indiquer dés que possible au juge chargé du contrôle de la mesure d'instruction et aux parties le coût prévisionnel de l'expertise et demander, en temps utile, tout supplément de consignation justifié par ce coût ou par des diligences imprévues,

DIT qu'au cas d'empêchement ou refus de l'expert commis il sera pourvu à son remplacement par le magistrat chargé du contrôle de la mesure d'instruction,

DIT que l'expert commis, saisi par LE GREFFE DE LA COUR, devra:

- accomplir les opérations d'expertise au contradictoire des parties, celles-ci et leurs conseils étant présents ou dûment appelés,

- prendre en considération leurs observations et réclamations faites dans les délais qu'il aura impartis, et, si elles sont écrites, les joindre à son avis, si cela est demandé,

- mentionner dans cet avis la suite qu'il aura donné à toutes les observations et réclamations faites dans les délais et qui n'auront pas été abandonnées, au sens de l'article 276 3° et 4° alinéa du nouveau Code de procédure civile,

- impartir un délai de rigueur pour déposer les pièces justificatives qui lui paraîtraient nécessaires,

- déposer son rapport au GREFFE DE LA COUR 1ère CHAMBRE SECTION 2, dans un délai de 6 mois à compter de l'acceptation de sa mission, sauf prorogation du délai dûment sollicitée en temps utile auprès du magistrat chargé du contrôle de la mesure d'instruction,

- procéder personnellement à ses opérations, en pouvant, toutefois, se faire assister, dans l'accomplissement de sa mission, par une personne de son choix, sous son contrôle et sa responsabilité, personne dont il mentionnera les noms et qualités,

Dit que l'expert pourra également recueillir l'avis d'un autre technicien d=une spécialité distincte de la sienne et devra, dans ce cas, joindre cet avis à son rapport,

DESIGNE Mme ZENATI, présidente de chambre, pour surveiller les opérations d'expertise,

Sursoit à statuer sur le surplus des demandes.

Réserve les dépens.

Le Greffier,Le Président,

Claudine POPEK.Gisèle GOSSELIN.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 10/05657
Date de la décision : 31/01/2012

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°10/05657 : Autre décision avant dire droit


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-31;10.05657 ?
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