République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 2
ARRÊT DU 20/ 10/ 2011
No MINUTE :
No RG : 11/ 00466
Jugement (No 10/ 01246)
rendu le 16 Décembre 2010
par le Juge aux affaires familiales d'AVESNES SUR HELPE
REF : CG/ VV
APPELANT
Monsieur Jean-Yves Marcel X...
né le 06 Octobre 1960 à SAINT WAAST LA VALLEE
demeurant...-62300 LENS
représenté par la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, avoués à la Cour
assisté de Me Jérôme SZAFRAN, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉE
Madame Véronique Danielle Y... épouse X...
née le 27 Juillet 1963 à AVESNES SUR HELPE (59440)
demeurant...-59570 BAVAY
représentée par la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, avoués à la Cour
assistée de Me Marie-Pierre VEINAND, avocat au barreau D'AVESNES-SUR-HELPE
bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/ 002/ 11/ 02155 du 01/ 03/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 15 Septembre 2011, tenue par Chantal GAUDINO magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Christine COMMANS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Chantal GAUDINO, Président de chambre
Hervé ANSSENS, Conseiller
Yves BENHAMOU, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé, en Chambre du Conseil, par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2011, (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Chantal GAUDINO, Président et Christine COMMANS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Jean-Yves X... et Véronique Y... ont contracté mariage le 9 décembre 1989 par devant l'Officier d'Etat Civil de la commune d'Houdain les Bavay (Nord), sans contrat préalable.
Par requête en date du 24 juin 2010, Véronique Y... a saisi le juge aux affaires familiales d'Avesnes sur Helpe, d'une demande tendant à voir fixer, à compter du dépôt de la requête, à la somme de 1 000 € la contribution aux charges du mariage due par son mari.
Jean-Yves X... s'est opposé à la demande et a sollicité la condamnation de son épouse à lui payer la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par jugement en date du 16 décembre 2010, le juge aux affaires familiales d'Avesnes sur Helpe a condamné Jean-Yves X... à payer à Véronique Y... une contribution aux charges du mariage à hauteur de 850 € à compter du 24 juin 2010. Il a été laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Jean-Yves X... a formé appel de cette décision par déclaration au greffe de la Cour d'Appel de céans en date du 20 janvier 2011. Véronique Y... a constitué avoué le 21 février 2011.
Dans ses conclusions récapitulatives du 22 août 2011, Jean-Yves X... expose qu'il a été contraint de quitter le domicile conjugal en novembre 2009, en raison du comportement de son épouse lié à son addiction pour l'alcool. Il est revenu au domicile familial le 15 janvier 2010, mais a dû repartir, sous la protection de deux gendarmes. Il a trouvé à se loger, tandis que l'épouse restait au domicile conjugal. Il soutient qu'il a continué à supporter les charges de la vie courante (factures de gaz, d'électricité etc..) et à verser entre les mains de son épouse, la somme de 200 € pour lui permettre de subsister. Face à cette situation, la Cour ne pourra que débouter Véronique Y... de sa demande et la condamner à lui payer la somme de 1 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Dans ses écritures du 21 juin 2011, Véronique Y... explique que Jean-Yves X... a quitté le domicile conjugal le 5 novembre 2009 pour aller rejoindre sa maîtresse. Il a clôturé le compte joint. Elle s'est retrouvée dans une situation de détresse financière importante dans la mesure où son mari refusait de contribuer à son entretien.
Elle rappelle qu'une ordonnance de non-conciliation a été rendue, et qu'il convient donc d'examiner la situation des parties jusqu'au prononcé de cette décision. Elle expose ses ressources et charges et celles de son mari. Elle estime que la décision du premier juge devra être confirmée sur le fond, et son mari condamné à lui payer la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles, ainsi que les dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 septembre 2011.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée. Aucun élément n'est fourni à la Cour lui permettant de relever d'office la fin de non recevoir tirée de l'inobservation du délai de recours. L'appel sera déclaré recevable.
Au fond
Aux termes de l'article 214 du Code Civil, si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. Si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l'autre dans les formes prévues au Code de Procédure Civile.
La contribution aux charges du mariage est distincte par son fondement et son but de l'obligation alimentaire. Elle est due même si l'époux qui la réclame n'est pas dans le besoin.
Son assise est plus large que la pension alimentaire due au titre du devoir de secours, car elle englobe les dépenses liées aux enfants et les dépenses d'agrément.
La séparation du couple ne fait pas obstacle à l'admission d'une contribution aux charges du mariage. Le juge a toutefois la possibilité de tenir compte des circonstances de la séparation, mais c'est à l'époux auquel la contribution est réclamée, de rapporter la preuve de circonstances particulières de nature à le dispenser de l'obligation posée par l'article 214 du Code Civil.
Il sera en premier lieu relevé que dans ses écritures, Jean-Yves X... indique avoir été contraint de quitter le domicile conjugal à cause des problèmes d'alcoolisme de son épouse, sans qu'il soit très clairement indiqué s'il entend invoquer par là une cause spécifique d'exonération.
Deux témoins (Monsieur Salvatore Z... et Mademoiselle Amélie A...) attestent des conduites addictives de l'épouse et de son comportement agressif voire violent. Toutefois, l'intempérance de Véronique Y... ne saurait décharger Jean-Yves X... de son obligation de contribuer, car c'est lui qui a quitté le domicile conjugal, et pour s'installer avec une autre personne, comme l'indique un ami de son épouse.
Il sera constaté en second lieu que les époux ont comparu devant le magistrat conciliateur le 16 novembre 2010 et qu'une ordonnance de non-conciliation a été prononcée le 7 décembre 2010, qui a organisé la séparation des époux et édicté les mesures provisoires utiles. Dés lors, l'obligation alimentaire régie par l'article 255 du Code Civil prenant le relai de la contribution aux charges du mariage, il convient d'examiner la situation des parties entre le dépôt de la requête présentée par l'épouse et la date de l'ordonnance de non-conciliation.
A l'époque, Jean-Yves X... occupait un emploi de moniteur métiers pour les supermarchés Match, pour un salaire mensuel de 2 150. 23 €.
A l'audience du 25 novembre 2010, son domicile déclaré était ... à Cambrai. A cette adresse, il réglait un loyer de 490 €. En fait, il apparaît qu'il ne vivait plus là, puisqu'il verse une quittance de loyer portant le numéro 4, délivrée pour la période du mois de novembre 2010 pour la location d'un appartement... à Lens. A cette seconde adresse, il assumait un loyer de 620 €.
Pendant cette période, il réglait les mensualités d'un crédit renouvelable Etoile (Crédit du Nord) : 95 € et d'un crédit Facet : 129 €, puis 144. 98 € à partir d'octobre 2010. Il continuait de régler les impôts : 130 € par mois. Ses relevés bancaires font apparaître des échéances EDF, Société Eau et Force et Bouygues, dont il est impossible de savoir si elles se rapportent à son nouveau logement ou à celui qu'il partageait auparavant avec Véronique Y.... Il ne produit d'ailleurs aucune facture se rapportant à la vie courante.
Il n'apparaît pas pour cette époque de virements réguliers en faveur de son épouse, laquelle ne percevait que les prestations sociales (soit la somme de 649. 16 €), et assumait un loyer de 472. 57 €. Un de ses amis, Christophe B... affirme que la séparation l'avait plongée dans une très grande détresse financière (et psychologique) et qu'après avoir payé toutes ses charges, il ne lui restait plus que 40 € pour vivre.
Au vu de ces éléments, c'est à juste titre que le premier juge a fixé la contribution aux charges du mariage à la somme de 850 €.
Les dépens
Ils seront mis à la charge de Jean-Yves X..., débiteur de la contribution aux charges du mariage.
Tenu aux dépens, Jean-Yves X... n'est pas recevable en sa demande de frais irrépétibles.
Aucune considération d'équité ne commande en l'espèce l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de Véronique Y....
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en chambre du conseil, contradictoirement, après débats hors la présence du public,
En la forme
Reçoit l'appel ;
Au fond
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Déclare Jean-Yves X... irrecevable en sa demande de frais irrépétibles ;
Déboute Véronique Y... de sa demande d'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Dit que Jean-Yves X... sera tenu aux entiers dépens, ceux de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle.
Le Greffier, Le Président,
C. COMMANSC. GAUDINO