République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 2
ARRÊT DU 29/ 09/ 2011
No MINUTE :
No RG : 10/ 04073
Jugement (No 07/ 7972)
rendu le 01 Avril 2010
par le Juge aux affaires familiales de LILLE
REF : HA/ VV
APPELANT
Monsieur Patrick X...
né le 05 Décembre 1944 à ROUBAIX (59100)
demeurant... 59170 CROIX
représenté par la SCP CARLIER REGNIER, avoués à la Cour
assisté de Me Marc MICHEL, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE
Madame Martine Y... épouse X...
née le 07 Novembre 1948 à ROUBAIX (59100)
demeurant... 59000 LILLE
représentée par la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, avoués à la Cour
assistée de Me Martine HANNEBICQUE, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Hervé ANSSENS, Conseiller
Denise GAILLARD, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maryline MERLIN
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 29 Juin 2011,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Maryline MERLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Patrick X... et Martine Y... se sont mariés le 08 janvier 1972 à Roubaix sans contrat préalable et deux enfants aujourd'hui majeurs sont issus de leur union :
- Delphine née le 06 janvier 1969,
- Ludovic né le 24 juin 1972.
Autorisé par ordonnance de non conciliation du 07 février 2008, Patrick X... fit assigner son épouse en divorce le 21 mars 2008 par devant le Juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille sur le fondement de l'article 233 du code civil et celle-ci a formé une demande reconventionnelle aux mêmes fins et sur le même fondement.
L'une et l'autre parties ont par ailleurs conclu sur les mesures accessoires, Martine Y... réclamant notamment une prestation compensatoire de 170 000 € ainsi que l'autorisation de conserver l'usage du nom patronymique de son époux, ce à quoi s'est opposé celui-ci.
C'est dans ces conditions que par jugement du 1er avril 2010, le Juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille a prononcé le divorce des époux X.../ Y... sur le fondement de l'article 233 du code civil avec toutes ses conséquences de droit quant à la publicité et la liquidation des droits patrimoniaux des parties commettant à cet effet le Président de la chambre des notaires ou son dévolu taire.
Le Juge a par ailleurs fixé les effets du divorce entre les parties quant à leurs biens au 07 juillet 2002, autorisé l'épouse à conserver l'usage du nom de son mari et condamné celui-ci à lui servir une prestation compensatoire en capital de 90 000 €.
Le Juge a enfin condamné chaque partie aux dépens par moitié.
Patrick X... a interjeté appel général de cette décision le 07 juin 2010 et aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 24 mars 2011, limitant sa contestation à l'autorisation donnée à son épouse d'user de son nom patronymique, à la désignation du notaire ainsi qu'à la prestation compensatoire, il demande à la Cour, par réformation de ces chefs :
- de débouter Martine Y... de sa demande tendant à être autorisée à continuer à faire usage du nom X...,
- de désigner Me Z... notaire aux fins de liquidation du régime matrimonial,
- de débouter Martine Y... de toute demande de prestation compensatoire et, à titre infiniment subsidiaire à cet égard, de dire que la prestation compensatoire ne pourrait excéder un montant de 45 000 €.
Par ses dernières conclusions en réponse signifiées le 13 avril 2011, Martine Y... s'oppose aux prétentions de son époux et demande la confirmation du jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire.
Formant elle-même appel incident de ce chef, elle demande à la Cour, par réformation, de condamner Patrick X... à lui payer une prestation compensatoire de 170 000 €.
SUR CE
Attendu que ne sont pas contestées les dispositions du jugement déféré autres que celles relatives à l'autorisation donnée à l'épouse de continuer à porter le nom patronymique X..., à la désignation du notaire et à la prestation compensatoire de sorte que les dites dispositions non critiquées doivent être en tant que de besoin purement et simplement confirmées ;
Attendu il est vrai qu'au terme de l'ordonnance de non conciliation du 07 février 2008, le Juge aux affaires familiales avait en accord avec les parties désigné Me Z... notaire à Lille pour élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial ;
Que Martine Y... fait valoir cependant que depuis l'ordonnance de non conciliation aucune réunion ne s'est tenue chez ce notaire et que divers événements sont survenus qui sont de nature à modifier sensiblement la situation patrimoniale des parties ;
Qu'elle s'oppose à la désignation de Me Z... aux fins de la liquidation effective du régime matrimonial des parties ;
Attendu qu'il est évidemment nécessaire que le notaire chargé d'une telle mission ait la confiance et l'agrément des deux époux ;
Qu'imposer à Martine Y... contre son gré la désignation de Me Z... serait de nature à obérer le bon déroulement des opérations de compte liquidation et partage entre les parties ;
Attendu dans ces conditions que c'est à bon droit que le premier Juge a procédé à la désignation du Président de la chambre des notaires ou de son dévolu taire et qu'il convient de confirmer de ce chef encore la décision déférée ;
Attendu qu'au terme de l'article 264 du code civil, un époux peut conserver l'usage du nom de l'autre à la suite du divorce avec l'autorisation du Juge " s'il justifie d'un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants " ;
Attendu que le premier Juge a fait droit à la demande de Martine Y... tendant à être autorisée à conserver l'usage du nom de son époux ;
Qu'à l'appui de cette autorisation il a essentiellement relevé que celle-ci faisait valoir être connue sous son nom d'épouse dans son milieu professionnel ainsi que dans sa vie associative et politique, qu'elle produisait une étude réalisée en 2007 sous son nom d'épouse ainsi qu'une attestation établie par le Directeur Territorial en charge des politiques de santé pour la mairie de Roubaix au terme de laquelle il apparaît qu'elle entretient des relations de travail avec un réseau de partenaires institutionnels et associatifs ;
Que le Juge a dès lors considéré qu'elle justifiait d'un intérêt légitime au regard de ces éléments et " compte tenu surtout de la durée importante du mariage " ;
Attendu qu'il y a lieu tout d'abord de relever que la durée du mariage sur laquelle le premier Juge a essentiellement fondé sa décision ne saurait, à défaut d'autres éléments déterminants, suffire à caractériser " l'intérêt particulier " pour l'époux requérant tel que visé à l'article 264 du code civil sus-évoqué ;
Attendu qu'à l'appui de ses conclusions Martine Y... fait essentiellement valoir qu'elle a déjà publié " des études et rapports " sous le nom de Martine X..., qu'elle est professionnellement connue sous ce nom patronymique et qu'elle s'est par ailleurs investie au plan associatif, syndical et politique ;
Que Patrick X... conteste de telles allégations ;
Attendu que Martine Y... est infirmière actuellement employée par la Mairie de Roubaix en qualité de cadre de santé " chargée de mission " ;
Qu'elle produit une attestation du Directeur Territorial en charge des politiques de santé pour la Mairie de Roubaix en date du 04 août 2009 de laquelle il ressort qu'elle entretient à titre personnel et professionnel des relations de travail avec un réseau de partenaires institutionnels et associatifs et qu'à ce titre " elle est très connue au nom de Madame X... " ;
Que le dit Directeur Territorial joint à son attestation une liste des très nombreux partenaires concernés ;
Attendu que Martine Y... produit également deux études sur les loisirs des jeunes publiées en 2007 qu'elle a établies sous le nom patronymique de son époux ;
Qu'elle produit encore un annuaire téléphonique professionnel où elle apparaît sous le nom X... Martine ainsi qu'une proposition pour la médaille du travail dans laquelle elle est également désignée sous le nom de Madame X... ;
Attendu que le fait qu'elle apparaisse sur ses bulletins de paie sous la dénomination de Y... Martine épouse X... n'est pas significatif ;
Que de même l'arrêté du Maire de Roubaix en date du 16 mars 2002 concernant " Madame Y... Martine épouse X... " et l'attestation du 24 avril 1989 du Directeur Départemental des affaires sanitaires et sociales ayant enregistré le diplôme d'Etat d'infirmière présentée par " Madame Y... épouse X... Martine " ne sont nullement de nature à contredire les pièces susvisées produites par Martine Y... ;
Attendu que Martine Y... actuellement âgée de 62 ans est en mesure de faire valoir très prochainement ses droits à retraite ;
Qu'elle justifie cependant de son implication dans le domaine associatif et qu'il n'y a aucune raison de ne point prendre en considération ses allégations selon lesquelles elle a bien l'intention de poursuivre autant qu'elle le pourra ses activités dans ce domaine en lien avec ses qualifications et compétences professionnelles ;
Attendu qu'au vu des éléments ci-dessus analysés Martine Y... justifie d'un intérêt particulier pour elle-même à conserver l'usage du nom de son époux ;
Que c'est fort justement dans ces conditions que le premier Juge a fait droit à sa réclamation à cet égard et qu'il convient de confirmer de ce chef la décision déférée ;
Attendu qu'aux termes des dispositions des articles 270, 271 et 272 du code civil, la prestation que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre est destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des parties ;
Qu'elle est fixée selon les besoins de celui à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ;
Attendu que s'agissant d'une déclaration d'appel général, la Cour se trouve amenée à statuer sur le divorce proprement dit, quand bien même aucune contestation n'ait été formulée à cet égard ;
Que c'est donc à la date la plus contemporaine possible de l'ordonnance de clôture que doit être analysée la situation matérielle des parties ;
Attendu que Patrick X... actuellement âgé de presque 67 ans a exercé dans le passé des fonctions de Directeur Technico-commercial au sein de la Société MINOT devenue LIBELTEX moyennant une rémunération très satisfaisante ayant permis, avec la participation de son épouse, la constitution d'un patrimoine nullement négligeable ;
Que le 16 février 2007 la Société LIBELTEX a notifié à Patrick X... sa mise à la retraite à l'issue d'un délai de préavis de 6 mois puis, par lettre du 14 août 2007 la dite Société LIBELTEX a notifié à Patrick X... son licenciement pour faute grave ;
Par jugement du 13 octobre 2008 le Conseil des prud'hommes de Tourcoing a dit que la faute grave n'était pas caractérisée et a déclaré le licenciement de Patrick X... sans cause réelle et sérieuse, condamnant par ailleurs la Société LIBELTEX à lui verser diverses sommes ;
Par arrêt du 26 février 2010 la chambre sociale de la Cour de ce siège a infirmé le dit jugement en ce qu'il a imputé la rupture du contrat de travail à un licenciement sans cause réelles et sérieuse prononcée après une mise à la retraite et condamné la Société LIBELTEX au versement des diverses sommes sus-évoquées ;
Attendu que Patrick X... est donc maintenant en situation de retraite depuis le mois de septembre 2007 ;
Attendu qu'au vu des pièces produites il perçoit à ce titre de la CRAM, de l'ARRCO ainsi que de l'AGIRC des pensions de retraite d'un montant mensuel global de 5 056 € ;
Attendu qu'il fait encore état dans ses conclusions susvisées signifiées le 24 mars 2011 d'un remboursement d'emprunt par échéances mensuelles de 807 € mais que ce prêt se trouve totalement remboursé depuis le mois de février 2011 ;
Attendu qu'il justifie d'un loyer mensuel (provision sur charges comprises) de 825 € ;
Qu'il doit faire face bien évidemment par ailleurs à toutes les dépenses habituelles de la vie courante en ce compris les cotisations d'assurance et impositions diverses ;
Qu'au titre de l'impôt sur le revenu il justifie pour l'année 2011 du règlement d'une somme mensuelle de 1 112 € sur 10 mois (soit de 926 € sur 12 mois) ;
Attendu que Martine Y... actuellement âgée de presque 63 ans exerce à ce jour encore son activité professionnelle de cadre de santé pour la Mairie de Roubaix ;
Que son bulletin de paie du mois de décembre 2010 fait état de salaires nets fiscaux cumulés de 32 473 € soit un salaire mensuel net fiscal moyen de 2 706 € ;
Que ses bulletins de paie du mois de janvier et février 2011 font respectivement état d'un salaire net fiscal de 2 615 € ;
Attendu qu'elle doit pouvoir faire valoir ses droits à retraite mais qu'elle ne justifie pas précisément de leurs montants actuels ;
Qu'il y a lieu cependant de relever qu'eu égard à son statut de fonctionnaire ses droits seront déterminés sur la base du revenu perçu par elle lors de sa dernière année d'exercice professionnel ;
Qu'il n'apparaît pas possible de considérer comme le prétend Patrick X..., que son salaire sera nécessairement majoré au cours des 6 mois précédant son départ en retraite ;
Attendu en tout cas qu'il peut être considéré qu'elle percevra vraisemblablement 75 à 78 % des salaires bruts perçus par elle au cours des 6 derniers mois précédant son départ ;
Attendu qu'elle justifie par ailleurs des cotisations " PREFON " et " ACTIPLUS " qui devraient lui permettre de percevoir un complément de ressources ;
Attendu que Martine Y... justifie d'un loyer (provision sur charges comprises) d'un montant mensuel de 811 € ;
Qu'elle fait état d'un prêt CREDIPAR PEUGEOT remboursable par échéances mensuelles de 94 € mais ne justifie pas qu'il soit à ce jour encore en cours de remboursement, alors que Patrick X... fait valoir que cet emprunt se trouverait aujourd'hui totalement amorti ;
Attendu qu'elle se prévaut par ailleurs d'un crédit CETELEM remboursable par échéances mensuelles de 51 € mais produit à cet égard un relevé de compte en date du mois de septembre 2010 duquel il ressort qu'elle n'était redevable à cette époque que d'une somme globale de 256 €, de sorte que ce crédit devrait être également aujourd'hui totalement apuré ;
Attendu qu'elle doit bien évidemment faire face elle aussi à toutes les dépenses habituelles de la vie courante en ce compris les cotisations d'assurance et impositions diverses ;
Attendu que Patrick X... et Martine Y... auront été mariés pendant plus de 39 ans et qu'ils ont eu deux enfants ;
Qu'ils disposent d'un patrimoine non négligeable sur lequel ils ont, semble-t'il, des droits équivalents résultant de certaines liquidités dont le montant actuel n'est pas clairement déterminé et par ailleurs de la vente relativement récente de trois immeubles, à savoir :
- un appartement au Touquet vendu 150 000 €,
- un immeuble à MARCQ EN BAROEUL vendu 430 000 €,
- un immeuble en ESPAGNE vendu 750 000 € ;
Attendu qu'au vu des éléments ci-dessus analysés, c'est à bon droit que le premier Juge a considéré que la rupture du mariage créait au détriment de la femme une disparité dans les conditions de vie respectives des parties, qu'il convenait de compenser par l'allocation d'une prestation compensatoire dont il a cependant surestimé le montant ;
Que par réformation dès lors de la décision entreprise, il convient de plus justement fixer cette prestation compensatoire à la somme indiquée au dispositif ci-après ;
Attendu que s'agissant d'un divorce prononcé en application de l'article 233 du code civil et des mesures accessoires à celui-ci, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel et de confirmer par ailleurs le jugement entrepris du chef des dépens de première instance ;
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré du 1er avril 2010 à l'exclusion de celles relatives à la prestation compensatoire ;
Par réformation de ce seul chef,
Condamne Patrick X... à payer à Martine Y... une prestation compensatoire en capital de 60 000 € ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,
M. MERLINP. BIROLLEAU