République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 22/09/2011
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N° de MINUTE :
N° RG : 10/00585
Jugement rendu le 13 mars 2007 par le tribunal de commerce de VALENCIENNES
Arrêt (N° 07/02134) rendu le 18 novembre 2008 par la Cour d'Appel de DOUAI
Arrêt de la Cour de cassation du 17 décembre 2009
REF : JMD/CP
APPELANTE
S.A. VAFC [Localité 3] SPORT DEVELOPPEMENT prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour
Assisté de Me Nicolas BONE, avocat au Barreau de PARIS
INTIMÉE
EURL IPPM (INTERNATIONAL PROFESSIONNAL PLAYERS MANAGEMENT) prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 2]
Représentée par la SCP CARLIER REGNIER, avoués à la Cour
Assistée de Me Jean-Jacques BERTRAND, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Christine PARENTY, Président de chambre
Jean Michel DELENEUVILLE, Conseiller
Philippe BRUNEL, Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET
DÉBATS à l'audience publique du 23 juin 2011 après rapport oral de l'affaire par Jean Michel DELENEUVILLE
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président, et Sophie BEN MOUSSA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 mars 2011
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Vu le jugement contradictoire du 13 mars 2007 du tribunal de commerce de Valenciennes qui, après d'être reconnu compétent ratione loci, a condamné, la SASP VAFC à payer à l'EURL IPPM la somme en principal de 278 657,67 € avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2006, date de l'ordonnance d'injonction de payer frappée d'opposition, ainsi que 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté le 5 avril 2007 par la SA VAFC [Localité 3] SPORT DÉVELOPPEMENT ;
Vu l'arrêt de cette cour, 2ème chambre, 2ème section, du 18 novembre 2008 qui, après avoir déclaré l'appelante irrecevable en son exception de nullité des contrats et sa demande en restitution des sommes versées comme constituant une demande nouvelle, a confirmé le jugement déféré sauf à faire courir les intérêts moratoires du 26 mai 2006 au 7 février 2007, débouté l'EURL IPPM de sa demande en dommages et intérêts et condamné la SA VAFC [Localité 3] SPORT DÉVELOPPEMENT à lui payer 3 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 17 décembre 2009 qui a cassé l'arrêt du 18 novembre 2008 au motif que la demande de nullité des conventions formée par la SA VAFC [Localité 3] SPORT DÉVELOPPEMENT ne constituait pas une demande nouvelle en cause d'appel dès lors qu'elle tendait à faire écarter les prétentions adverses en paiement de sommes réclamées au titre de ces conventions ;
Vu la déclaration de saisine de cette cour, 2ème chambre, 1ère section, du 27 janvier 2010 par la SASP VAFC [Localité 3] SPORT DÉVELOPPEMENT (ci-après la société la société VAFC) ;
Vu les conclusions déposées le 11 octobre 2010 pour cette dernière ;
Vu les conclusions déposées le 15 septembre 2010 pour l'EURL IPPM (INTERNATIONAL PROFESSIONNAL PLAYERS MANAGEMENT) ;
Vu l'ordonnance de clôture du 17 mars 2011 ;
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Attendu que la société VAFC a interjeté appel aux fins d'infirmation, outre la condamnation de l'EURL IPPM à lui payer 20 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, aux motifs que le contrat de mandat de recherche d'un entraîneur qu'elle a conclu le 15 novembre 2004 avec l'EURL IPPM est nul et de nul effet pour violation des dispositions d'ordre public sur les bureaux de placement et que cette dernière a exercé l'activité d'agent sportif sans détenir la licence d'agent sportif, en conséquence condamnation de l'EURL IPPM à lui rembourser les sommes qu'elle lui a payées, subsidiairement, réduction des honoraires à la somme de 152 006,22 € TTC, le surplus des demandes de l'EURL IPPM étant excessif, à tout le moins condamnation de l'intéressée à lui rembourser les sommes facturées à raison de la saison 2009/2010 que l'entraîneur n'a pas accomplie ;
Attendu que l'EURL IPPM sollicite la confirmation, sauf à fixer le point de départ des intérêts au taux légal au 26 mai 2006 (mise en demeure), et la condamnation de la société VAFC à lui payer 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que 15 000 € pour la couverture de ses frais irrépétibles ;
SUR CE :
Attendu que la société VAFC, club de football professionnel évoluant en Ligue 1, a confié à l'EURL IPPM trois missions, la première selon contrat du 15 novembre 2004, portant sur la recherche d'un entraîneur général, la seconde selon contrat du 1er juin 2005 pour le recrutement d'un joueur, la dernière selon contrat du 1er juin 2005 également pour la prolongation du contrat du joueur [Y] [D] ; que l'EURL IPPM ayant proposé avec succès M. [T] [P] en qualité d'entraîneur, puis M. [J] [U] en qualité de joueur professionnel et ayant obtenu la prolongation du contrat de M. [Y] [D] a émis quatre factures entre le 18 avril 2005 et le 22 juin 2006 pour un total de 343 086,15 € TTC puis deux factures les 11 juillet 2005 (11 960 € TTC) et 8 août 2005 (39 611,52 € TTC) ; que la société VAFC n'ayant payé que 152 006,22 €, l'EURL IPPM, après l'avoir vainement mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 26 mai 2006, a, le 21 juillet 2006, obtenu du président du tribunal de commerce de Valenciennes une injonction de lui payer la somme en principal de 278 657,67 €, ordonnance à laquelle la société VAFC a fait opposition le 10 août 2006 ; que le tribunal de commerce de Valenciennes a rendu le jugement entrepris ;
Sur la nullité du contrat du 15 novembre 2004 pour exercice illégal d'une activité de bureau de placement
Attendu que la société VAFC soutient que le contrat du 15 novembre 2004 relatif au recrutement de M. [T] [P], est nul en ce qu'il a eu pour objectif le recrutement d'un entraîneur bénéficiant d'un contrat de travail, activité réglementée par le Code du travail conférant à l'ANPE, jusqu'à la réforme introduite par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005, un monopole pour l'activité de placement de main d''uvre ; que si une dérogation a été instituée par l'article 15-2 loi du 16 juillet 1984 au bénéfice des agents sportifs, c'est uniquement pour la conclusion d'un contrat relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ; que l'entraîneur, qui ne participe pas personnellement à la compétition et au dépassement physique qu'elle implique dans la mesure où il ne fait qu'y préparer les sportifs, n'exerce pas une activité sportive ; qu'elle en déduit que l'EURL IPPM ayant attenté au monopole d'ordre public de l'ANPE ne peut s'appuyer sur un contrat nul pour obtenir paiement de ses prestations ;
Attendu qu'elle voit dans la réforme de l'article L. 222-7 du code du sport par la loi n° 2010-626 du 9 juin 2010 la confirmation de son point de vue en ce sens qu'ont été ajoutés les mots ' ou d'entraînement ' au texte préexistant désormais ainsi rédigé : ' L'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d'une licence d'agent sportif ', cet ajout légalisant à ses yeux, mais uniquement à partir de 2010, le recrutement d'un entraîneur salarié ;
Attendu que la circonstance que le législateur de 2010 a estimé utile d'ajouter à la loi existante une référence à l'activité d'entraînement n'induit pas que le texte antérieur ne couvrait pas cette dernière implicitement ; que le juge ayant le devoir d'interpréter la loi obscure ou imparfaite, il incombe à la Cour de vérifier le contenu de l'expression ' activité sportive ' ;
Attendu que l'argumentation de la société VAFC repose entièrement sur une interprétation de l'activité physique type d'un entraîneur de football ; que contrairement à ce qu'elle affirme, ce dernier encadre les joueurs lors de leurs séances d'entraînement quotidiennes, leur impose des exercices physiques voire des gestes précis en rapport avec le poste qu'il va leur attribuer sur le terrain lors des compétitions qui suivront ; qu'au cours des matches, il est physiquement présent à leurs côtés, donnant à chacun d'eux des conseils personnalisés, y compris dans leur manière de conduire le ballon et de se positionner face aux adversaires ; que cette activité requiert des qualités physiques (mais aussi intellectuelles) validées par une série de diplômes (diplôme d'État spécifique, ou réussite au concours de professeur de sport, option conseiller sportif, ou autres diplômes équivalents) qui font tous une large place à l'activité physique et sportive de l'impétrant ;
Attendu de surcroît qu'il est constant que l'ANPE ne s'est jamais dotée des structures lui permettant de satisfaire un club de football professionnel à la recherche d'un entraîneur de haut niveau, s'agissant d'une activité pointue qui aurait exigé du personnel, susceptible d'être affecté à cette fonction, une qualification particulière le rendant apte à nouer des contacts tant avec le cercle restreint, pour ne pas dire fermé, des entraîneurs et des dirigeants des clubs de football professionnels ; qu'il s'ensuit que l'agent sportif bénéficie de la dérogation née de la jurisprudence de la CJCE (arrêts ' Höfner ' du 23 avril 1991 et ' Carra c/autres ' du 8 juin 2000) au terme de laquelle une activité très spécifique peut ne pas être remplie par l'organisme de placement de main d''uvre officiel, permettant dès lors à des tiers, les agents sportifs au cas d'espèce, l'exercice d'une activité de recrutement pour la satisfaction d'un besoin particulier ;
Attendu que la société VAFC invoque enfin, à tort, le Règlement FIFA, qui exclut de l'activité des agents de joueurs les services qu'ils peuvent fournir à d'autres parties telles que les manager et les entraîneurs, dans la mesure où, depuis 2001, les agents de joueurs ne sont plus licenciés par la FIFA mais directement par chaque association, de sorte que le statut d'Agent de joueurs de la FIFA n'existe plus ;
Sur la nullité des contrats du 15 novembre 2004 et 1er juin 2005 pour défaut de licence d'agent sportif
Attendu que la société VAFC expose encore que les trois contrats litigieux sont nuls pour avoir été conclus par l'EURL IPPM, personne morale, qui n'est pas titulaire de la licence d'agent sportif exigée ;
Attendu cependant que les articles A. 222-1 et A. 222-3 du Code du sport qu'elle cite à l'appui de sa thèse, ont été créés par un arrêté du 28 février 2008 et ne sont donc pas applicables aux faits de la cause ;
Attendu que le Règlement des Agents Sportifs, ' adopté par le Conseil Fédéral de la Fédération française de football le 6 décembre 2002, rédigé conformément aux articles L.222-6 à L.222-11 et R.222-1 à R.222-22 du Code du Sport ', prévoit, en son article 10 intitulé ' Activité sous le couvert d'une personne morale ' : ' En vertu de l'article 3 du Règlement des Agents de Joueurs de la F.I.F.A., les personnes morales ne peuvent exercer l'activité d'agent sportif que par l'intermédiaire d'une personne physique titulaire de la licence d'agent sportif délivrée par la F.F.F. ' ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que M. [W] [M], seul associé de l'EURL IPPM, a été titulaire de la licence d'agent sportif sans discontinuer depuis au moins 1994, et qu'il disposait de cette licence lors de la conclusion du contrat en litige ; qu'il est enregistré auprès de la Fédération Française de Football en qualité de licencié exerçant sous couvert de l'EURL IPPM ; que l'argument ne peut prospérer ;
Attendu en conséquence que l'EURL IPPM est habilitée à réclamer à la société VAFC l'exécution des trois contrats ;
Sur le caractère disproportionné des commissions contractuellement dues
Attendu que la société VAFC soutient que la juridiction a le pouvoir de réduire les prétentions de l'EURL IPPM en ce qu'elles sont excessives eu égard au service rendu, l'adversaire lui facturant 525 746,16 € à raison du contrat du 15 novembre 2004, outre les commissions de 51 571,52 € qu'elle a versées dans le cadre des deux autres contrats du 1er juin 2005 ; qu'elle ajoute que M. [P] ayant mis fin à son contrat avant son terme pour rejoindre le PSG au terme de la saison 2008/2009, l'EURL IPPM n'est pas fondée à lui facturer la moindre somme à raison des salaires qui n'ont pas été versés à M. [P] au titre de la saison 2009/2010 ;
Attendu cependant que les commissions facturées par l'EURL IPPM sont conformes aux prévisions du contrat ; qu'elles n'excèdent pas le plafond de 10 % énoncé à l'article L. 222-10 du Code du sport, dans sa version applicable à la cause ; que la circonstance que M. [P] a mis fin au contrat de travail le liant à la société VAFC un an avant son terme est sans conséquence sur le droit de l'EURL IPPM à percevoir la commission qui lui était acquise, étant souligné au surplus que, conformément à la pratique en la matière, le PSG, nouvel employeur de l'intéressé, a indemnisé la société VAFC pour le préjudice subi du fait de la rupture anticipée des relations entre les parties ;
Attendu que la société VAFC, ne démontrant pas que les demandes de l'EURL IPPM seraient excessives, sera déboutée ;
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Attendu que le jugement entrepris sera confirmé ; que la demande de l'EURL IPPM tendant à fixer le point de départ des intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2006, date de la mise en demeure infructueuse décernée à la société VAFC, sera rejetée faute de justification de la réception de cette lettre par son destinataire ;
Attendu qu'il est équitable de condamner la société VAFC à payer à l'EURL IPPM la somme de 10 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que l'EURL IPPM ne démontrant pas que la résistance de la société VAFC serait abusive et lui aurait occasionné un préjudice, sa demande de dommages et intérêts sera rejetée ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris, y compris concernant le point de départ des intérêts de retard,
Y ajoutant,
Condamne la SASP VAFC [Localité 3] SPORT DÉVELOPPEMENT à payer à l'EURL IPPM la somme de 10 000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Déboute l'EURL IPPM de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Condamne la SASP VAFC [Localité 3] SPORT DÉVELOPPEMENT aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
Sophie BEN MOUSSAChristine PARENTY