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15/09/2011 | FRANCE | N°10/09138

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 15 septembre 2011, 10/09138


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 15/09/2011



***



N° de MINUTE :

N° RG : 10/09138



Jugement (N° 10/02009)

rendu le 25 novembre 2010

par le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING



REF : NO/CPJour fixe





APPELANT



Monsieur [W] [Y]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 3]



Représenté par la SCP DELEFORG

E ET FRANCHI, avoués à la Cour

Assisté de Me Eric DELFLY, avocat au barreau de LILLE



INTIMÉS



Société LOGISTICS ORGANISATION [O] LOG agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 15/09/2011

***

N° de MINUTE :

N° RG : 10/09138

Jugement (N° 10/02009)

rendu le 25 novembre 2010

par le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING

REF : NO/CPJour fixe

APPELANT

Monsieur [W] [Y]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 3]

Représenté par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour

Assisté de Me Eric DELFLY, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS

Société LOGISTICS ORGANISATION [O] LOG agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 5]

Monsieur [F] [G] [M] [O]

né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 8]

demeurant [Adresse 4]

Représentés par la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assistés de Maître LEMISTRE (SELARL LEMISTRE-AVOCATS ASSOCIES), avocats au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Nicole OLIVIER, Président de chambre

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

Philippe BRUNEL, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

DÉBATS à l'audience publique du 16 Juin 2011 après rapport oral de l'affaire par Nicole OLIVIER

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Nicole OLIVIER, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

En 2002, le groupe [Y] DEROO a été placé en redressement judiciaire, incluant sa filiale de logistique SIMASTOCK, dont le directeur général salarié était Monsieur [F] [O], beau-fils de Monsieur [E] [Y].

La SAS LOGISTICS ORGANISATION [O], ci-après dénommée LOG, est constituée en 2002 entre la SAS SERVICES IMMOBILIERS LOGISTIQUES - SIL- qui détient 73% du capital social et est contrôlée par Monsieur [F] [O], Monsieur [P] [U] (0,8%) et Monsieur [W] [Y] (25,98%). Son président est Monsieur [F] [O], lequel s'est engagé à rétrocéder 26% du capital au profit de la famille [Y], ce qui sera fait en juin 2005 au profit de Monsieur [W] [Y].

LOG a été créée pour exploiter une plate-forme multimodale située à [Localité 6], Parc Europescaut, sous forme de joint-venture entre Monsieur [F] [O] qui était à l'époque directeur général de la société SIMASTOCK, filiale de [Y] DEROO HOLDING, dédiée à la logistique et le groupe [Y] (spécialisé dans la logistique et le transport).

Le groupe [Y] va apporter à la société LOG deux clients importants, la société SOGEP (la REDOUTE) et MGF (MAGASINS GENERAUX de FRANCE) ainsi que le crédit-bail de la plate-forme multimodale signé en 1999 ; le fonds de commerce sera cédé pour 50 000 € suivant acte du 12 août 2002 et le crédit-bail immobilier pour 1 €.

Monsieur [F] [O] va demeurer directeur de la société SIMASTOCK et une convention de non concurrence de 3 ans est signée entre les sociétés SIMASTOCK et LOG le 20 décembre 2002. Il va se séparer de la société SIMASTOCK le 31 mai 2005, en désaccord avec Monsieur [E] [Y] et à l'issue de la convention de non concurrence, Monsieur [W] [Y] en devenant le directeur général.

La clientèle de la société LOG et, en particulier LA REDOUTE, va se retrouver sous pavillon SIL, entraînant cette dernière à louer les locaux de la société LOG puis à acquérir le contrat de crédit-bail du site d'[Localité 6] début 2008.

Ces opérations, décidées par le comité de direction de la société LOG où ne siégeaient que Monsieur [F] [O], actionnaire majoritaire, et son beau-père, Monsieur [U], ne seront portées à la connaissance de Monsieur [W] [Y], actionnaire minoritaire, qu'à l'occasion de l'assemblée générale statuant sur les comptes de 2008 et vont provoquer de sa part une protestation par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juillet 2009.

Les relations ne vont pas s'améliorer car la société [Y] DEROO développe son activité de logistique en concurrence avec les sociétés LOG et SIL. Un contentieux devant le Tribunal de Commerce de Douai qui opposera les sociétés [Y] et LOG va donner lieu à de violentes diatribes.

Dans ces conditions, Monsieur [F] [O] décide de faire usage de l'article 14 des statuts de la société LOG qui permet l'exclusion d'un associé en cas d'exercice d'une activité concurrente. L'exclusion est prononcée lors de l'assemblée générale du 24 juin 2010, Monsieur [W] [Y] ne prenant pas part au vote.

Convoqué initialement à l'assemblée générale du 30 juin 2010, Monsieur [W] [Y], devant l'opposition de Monsieur [F] [O] de lui y donner accès en raison de son exclusion, va obtenir du président du Tribunal de Commerce de Roubaix Tourcoing l'autorisation d'y assister. Il y sollicite des réponses aux questions posées par une lettre du 23 juin 2010 sans les obtenir.

Sur assignation délivrée le 20 juillet 2010 à la requête de Monsieur [W] [Y], le Tribunal de Commerce de Roubaix Tourcoing, par jugement en date du 25 novembre 2010,a :

- déclaré irrecevable la demande d'annulation de l'assemblée générale de la société LOG ayant prononcé l'exclusion de Monsieur [W] [Y],

- avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur [X],

- réservé les indemnités, frais et dépens.

Vu l'appel interjeté le 23 décembre 2010 par Monsieur [W] [Y] ;

Dans ses dernières conclusions en date du 14 juin 2011, Monsieur [W] [Y] demande à la Cour de réformer la décision en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande d'annulation de l'assemblée générale de la société LOG ayant prononcé son exclusion, de dire que l'article 14 des statuts relatif à l'exclusion des associés est nul, de constater en conséquence la nullité de l'assemblée générale ordinaire du 24 juin 2010, subsidiairement, de dire que les motifs qui ont conduit au vote de l'exclusion sont dépourvus de légitimité, de dire nulle et de nul effet l'assemblée générale du 24 juin 2010, de confirmer pour le surplus le jugement, en toute hypothèse, de condamner Monsieur [F] [O] à lui payer la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Il fait valoir en substance que l'article 14 des statuts qui prive l'associé menacé d'exclusion de son droit de vote est contraire à l'article 1844 alinéa 1er du code civil, qu'il est nul, que par voie de conséquence, la décision d'exclusion prononcée par l'assemblée générale du 24 juin 2010 est nulle, que s'il est vrai que Monsieur [F] [O] a émis l'idée qu'il pourrait participer au vote et ce, contrairement aux statuts, il s'est immédiatement ravisé lorsque son conseil lui a rappelé les dispositions statutaires, qu'en tout état de cause, il n'était pas en son pouvoir d'y déroger de sa seule initiative, que se pose en toile de fond la légalité des procédures d'expropriation pour cause d'intérêt privé, subsidiairement, que son exclusion présente un caractère abusif. Il expose que la mesure d'expertise qu'il a sollicitée est destinée à alimenter une action en responsabilité contre le dirigeant et par ailleurs principal actionnaire de la société LOG, Monsieur [F] [O] à qui il reproche de l'avoir vidée de toute sa substance pour pouvoir, dans le cadre de la procédure d'exclusion dont la légitimité est discutée, racheter ses actions à vil prix.

Dans ses conclusions en date du 4 mai 2011, la SAS LOGISTICS ORGANISATION [O] et Monsieur [F] [O] demandent à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la validité de l'assemblée générale du 24 juin 2010 de la société et la régularité de la décision d'exclusion de Monsieur [W] [Y] et les recevant en leur appel incident, de le réformer sur la décision d'expertise, de débouter Monsieur [W] [Y] sur ce point, de le condamner à payer à la société LOG la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile enfin de le condamner aux dépens.

Ils font valoir en substance que la procédure d'exclusion est régulière, que nonobstant les dispositions de l'article 14 des statuts, il a invité Monsieur [W] [Y] à prendre part au vote mais que ce dernier, par la voix de son conseil, a refusé, qu'il ne peut se prévaloir de ce fait d'une annulation de la décision de l'assemblée générale du 24 juin 2010, que le motif d'annulation est en pratique d'autant moins fondé que la SIL disposait à elle seule de la majorité par rapport à l'ensemble des droits de vote suffisante pour que l'exclusion soit adoptée, que l'exclusion de Monsieur [W] [Y] n'a aucun caractère abusif . Ils font valoir que la mesure d'expertise ne repose sur aucun fondement sérieux et constitue un détournement de la procédure d'expertise de gestion.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, selon ce qu'autorise l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION :

- sur l'exclusion :

Aux termes de l'article 1844 alinéa 1er, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter, les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi. Si aux termes de l'article L 227-16 du code de commerce, les statuts d'une société par actions simplifiée peuvent, dans les conditions qu'ils déterminent, prévoir qu'un associé peut être tenu de céder ses actions, ce texte n'autorise pas les statuts, lorsqu'ils subordonnent cette mesure à une décision collective des associés, à priver l'associé dont l'exclusion est proposée de son droit de participer à cette décision et de voter sur la proposition.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'article 14 des statuts qui énonce que 'l'exclusion est prononcée par une décision collective des associés statuant à la majorité des voix des associés disposant du droit de vote ; l'associé dont l'exclusion est susceptible d'être prononcée ne participe pas au vote et ses actions ne sont pas prises en considération pour le calcul de la majorité' contrevient aux dispositions précitées.

La SAS LOGISTICS ORGANISATION [O] et Monsieur [F] [O] font valoir qu'il a été offert à Monsieur [W] [Y] de prendre part au vote et que celui-ci a refusé. Monsieur [W] [Y] réplique pour sa part que suite à la remarque faite par son conseil de ce que cette proposition était faite en violation des statuts, Monsieur [F] [O] s'était alors ravisé et avait retiré son offre.

L'attestation établie par le commissaire aux comptes, à la demande de Monsieur [F] [O], rédigée ainsi qu'il suit : 'lors de l'assemblée générale du 24 juin 2010 Monsieur [F] [O], président de séance a invité Monsieur [W] [Y] à prendre part au vote, Maître [K] avocat de Monsieur [W] [Y] est intervenu et a affirmé que celui-ci ne pouvait pas prendre au vote relatif à son exclusion' est insuffisante à combattre cette version des faits et en tout état de cause, ne permet pas d'établir le maintien effectif de l'offre et un refus subséquent de Monsieur [W] [Y] de prendre part au vote.

Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient Monsieur [F] [O], il n'entrait certainement pas dans ses pouvoirs de modifier à sa guise la disposition statutaire querellée, une telle modification nécessitant l'accord unanime des associés, conformément à l'article L 227-19 du code de commerce.

Il sera enfin relevé que le procès verbal de l'assemblée générale du 24 juin 2010 ne contient aucune mention de la proposition faite ni a fortiori ne porte mention d'un refus de prendre part au vote émanant de Monsieur [W] [Y]. Aucune atteinte au principe de cohérence n'est ainsi démontrée.

Il s'ensuit que la délibération doit être déclarée nulle et le jugement infirmé sur ce point, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les reproches formulés à l'encontre de Monsieur [W] [Y].

- sur l'expertise :

Monsieur [W] [Y] fonde sa demande d'expertise sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, ce qui rend sans objet les développements de la SAS LOGISTICS ORGANISATION [O] et de Monsieur [F] [O] sur l'expertise de gestion.

A l'appui de sa demande, Monsieur [W] [Y] fait valoir qu'il entend se ménager des éléments de preuve susceptibles de lui être utiles dans l'optique d'une action en responsabilité contre le dirigeant de la société et par ailleurs principal actionnaire, à qui il reproche d'avoir vidé de toue sa substance la société LOG pour pouvoir, après l'avoir exclu de la société, racheter ses actions à vil prix.

Il s'agit bien là d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige. Le jugement sera confirmé sur ce point.

- sur les demandes accessoires :

Monsieur [F] [O] et la SAS LOGISTICS ORGANISATION [O] qui succombent seront condamnés aux dépens.

Monsieur [F] [O] sera condamné au paiement de la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par Monsieur [W] [Y] pour l'entière procédure.

Les parties intimées seront déboutées de leur propre demande sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Annule la délibération de l'assemblée générale des associés du 24 juin 2010 qui a voté l'exclusion de Monsieur [W] [Y] ;

Ordonne en conséquence la réintégration de ce dernier dans la plénitude de ses droits d'associé de la SAS LOGISTICS ORGANISATION [O] à compter de cette date ;

Confirme le jugement en ses dispositions relatives à la mesure d'expertise confiée à Monsieur [B] [X] ;

Condamne Monsieur [F] [O] à payer à Monsieur [W] [Y] la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS LOGISTICS ORGANISATION [O] et Monsieur [F] [O] de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS LOGISTICS ORGANISATION [O] et Monsieur [F] [O] aux dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Marguerite Marie HAINAUTNicole OLIVIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 10/09138
Date de la décision : 15/09/2011

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°10/09138 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-15;10.09138 ?
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